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1993 : les problèmes arrivent Durant ces dernières années, la situation économique de Commodore connut des hauts et des bas. Mais l'année 1993 fit entrer l'entreprise dans une crise profonde. Plusieurs choses furent tentées pour redresser la barre, notamment le lancement sur le marché juteux des consoles de jeux. Poursuivre la diversification de la gamme Commodore débuta l'année en essayant de rectifier les quelques erreurs qu'avait suscitées l'Amiga 4000. La première faute à moitié réparée fut le prix. Commodore sortit en mars une variante économique, nommée A4000/030, qui était en fait un Amiga 4000 avec carte processeur A3630 (68EC030/25 MHz sans coprocesseur arithmétique, ni MMU) et généralement vendu avec moins de mémoire Fast et un disque dur plus petit. De ce fait, son prix de 12 600 FF (2399 $) devenait plus abordable. Dans la gamme Amiga, il remplaça l'A3000 qui fut arrêté en février. L'Amiga 3000 avait cumulé depuis trois ans des ventes modestes et sa suppression sonna également le glas de sa variante A3000UX et des tentations Unix de Commodore. L'autre erreur rectifiée concerna le SCSI-2. Commodore ne produisit cependant pas de nouvelle machine avec un contrôleur SCSI-2 en standard mais proposa une carte (l'A4091) pour pallier ce manque sur l'A4000. L'A4091 fonctionnait malheureusement très mal à cause de bogues dans la puce Buster 9 des Amiga 4000. La commercialisation de cette carte fut retardée de plusieurs mois et un Super Buster 11 fut mis au point afin de régler les problèmes de DMA des ports Zorro III. La vague de baisses de prix continua au second trimestre avec une annonce de Commodore concernant quasiment tous ses produits Amiga (machines, écrans, cartes d'extension...). Ainsi les Amiga 600, lancés douze mois auparavant, ne valaient plus que 1490 FF. Le prix des A1200 passa à 2990 FF et le récent A4000/030 se monnayait à 9990 FF. Tout cela afin de maintenir un certain niveau de vente. Le 16 juillet au Science Museum de Londres, Commodore présenta l'Amiga CD32, qui était, selon ses dires, la première console 32 bits équipée d'un lecteur de CD. La console était basée sur un processeur 68EC020 à 14 MHz, avec 2 Mo de mémoire Chip, le jeu de composants AGA et une nouvelle puce (Akiko) destinée à la conversion graphique chunky/plan de bits utile pour les jeu 3D. C'était en quelque sorte un Amiga 1200 sans clavier, qui devait être vendu aux réfractaires de l'informatique. L'Amiga, surtout pour ses modèles d'entrée de gamme, avait une image de "machine de jeu" : avec la CD32, Commodore entra donc de plain pied dans un secteur ludique qui lui avait valu des millions de ventes par le passé. Anecdotiquement, l'Amiga avait enfin une console de jeu, comme le souhaitait l'équipe Amiga d'origine de 1982/1983. La situation financière de Commodore avait fortement décliné depuis le début de l'année (177 millions de dollars de perte au premier trimestre) et la CD32 était le secret espoir de la firme pour renouer avec les bénéfices. La console fut lancée en septembre en Europe et au Canada pour un prix de 2490 FF. Il s'agissait bien de la première console 32 bits avec lecteur de CD pour ces régions du monde, mais pas au niveau mondial car Fujitsu avait déjà construit une console aux spécifications semblables (la FM Towns Marty) depuis 1991 au Japon. Le marché des consoles était alors dominé par Nintendo et Sega, mais ces géants japonais n'offraient que des machines 16 bits. Commodore UK se permit ainsi, lors de la campagne publicitaire de la CD32, d'afficher un énorme panneau "To be this good will take Sega ages" (pour être aussi bon, cela va prendre du temps à Sega) situé juste à côté du quartier général de Sega UK ! ![]() Publicité de la CD32 près des locaux de Sega Royaume-Uni Le CDTV, la précédente machine CD de Commodore fut officiellement retirée des chaînes de production après avoir été vendue à quelques dizaines de milliers d'exemplaires seulement (29 000 au Royaume-Uni, 25 800 en Allemagne...). Nolan Bushnell, le chef de projet du CDTV, déclara ceci dans une entrevue pour le magazine anglais New Generation en 1995 : "il est très difficile de vendre des quantités significatives de quelque chose à plus de 500 $. J'ai pensé que je pourrais vendre 100 000 exemplaires d'un produit qui coûte 800 dollars, sans difficulté. Je pensais que ce serait une évidence. Et je peux vous dire que le nombre d'unités que nous avons vendues aux États-Unis à 800 $, vous pourriez vous les mettre dans l'oeil sans tirer de larmes..."Pour éviter de reproduire les erreurs du CDTV avec la CD32 (notamment le peu de titres disponibles), Commodore encouragea les développeurs à sortir leurs produits sur cette console. Le développement de la CD32 fut même réalisé en collaboration avec les principaux éditeurs de jeux sur Amiga, avec une cinquantaine de machines de préproduction distribuées pour évaluation. Ce stratagème semblait avoir fonctionné : entre le lancement en septembre 1993 et le début de l'année suivante, les titres CD32 dépassèrent les sorties des autres plates-formes CD (Mega/Sega CD ou le naissant PC CD-ROM) pour le marché numéro un, celui du Royaume-Uni. De plus, sa compatibilité avec la norme CDDA en faisait un lecteur de CD efficace, potentiellement intéressant pour accroître les ventes. Plusieurs rumeurs circulaient concernant un Amiga 1400 et une version tour de l'Amiga 4000. L'Amiga 1400 aurait été une machine entre un Amiga 1200 et un Amiga 4000 (processeur 68EC020 à 28 MHz, disque dur et mémoire Fast en standard, etc.). Mais Commodore démentit l'existence d'un tel Amiga. Par contre, l'Amiga 4000 Tower (renommé ensuite A4000T pour des raisons de droit) était bel et bien prévu. Il devait incorporer un DSP et un 68040 à 33 MHz. Et toujours d'après une rumeur, qui se révéla finalement fausse, il devait être suivi, en 1994, d'un Amiga 5000 à base d'AAA, le nouveau jeu de composants en développement et révélé il y a un an. David Pleasance, le chef de Commodore UK, indiqua dans une entrevue à Amiga Shopper, que le nouvel Amiga serait basé sur une technologie RISC et pourrait lancer Windows NT, le nouveau système d'exploitation de Microsoft. ![]() Schéma du système Amiga 5000 par Dave Haynie (remontant à 1991) Matériel : périphériques pour A1200 à l'honneur Les nombreuses possibilités d'extension de l'A1200 ne tardèrent pas à être mises à profit par des constructeurs tiers. Tout au long de l'année, des périphériques divers arrivèrent pour améliorer cet ordinateur bon marché. On eut droit à la première carte mémoire Flash PCMCIA, la Chipak 602 SF de New Media Corporation. Elle pouvait servir de périphérique de stockage mais aussi de mémoire Fast. Malheureusement, son prix de 2990 FF (deux fois plus qu'une carte PCMCIA standard) limita son succès. Le port PCMCIA donna aussi des idées à Archos qui en fit sa spécialité. Son produit, l'AmiQuest, était le premier disque dur amovible pour Amiga (avec gestion du débranchement à chaud). Il fut suivi par l'Overdrive, un autre disque dur sur PCMCIA et plus performant d'Archos. GVP, de son côté, sortit rapidement la carte multifonction A1208, proposant de combler les faiblesses de l'A1200 : plus de mémoire, un FPU et un contrôleur SCSI-2, le tout réuni dans une seule carte. Cela fut suivi par beaucoup d'autres cartes mémoire : l'AMEM32 d'Archos, la MBX 1200z de chez Microbotics, la Blizzard 1200 de Phase 5, la DKB 1202 de DKB, la PC 1204 de Power Computing, etc. Le marché des extensions pour l'A1200 était en effervescence. ![]() L'Overdrive qui se branche harmonieusement à l'A1200 Deux autres matériels, considérés comme les meilleurs dans leur catégorie, arrivèrent au cours de l'année. Le premier de ces produits fut Emplant, une carte d'émulation Macintosh conçue par Utilities Unlimited. Ce matériel permettait de lancer le système 7.1 du Macintosh de façon plus rapide que les anciennes solutions (A-Max) et il gérait plus de choses côté Mac comme le protocole AppleTalk. Le second produit fut la Picasso II, une carte graphique RTG et modulaire créée par le constructeur allemand Village Tronic. Le très productif Great Valley Products mit sur le marché l'EGS 110/24 (pouvant accueillir 4 à 8 Mo de mémoire vidéo) pour les Amiga 2000. Cette carte graphique performante devait néanmoins se brancher sur la carte processeur G-Force, ce qui était apparemment un frein pour les utilisateurs : peu d'EGS 110/24 furent vendues. Cette erreur fut rectifiée par le constructeur qui proposa peu après l'EGS 28/24 Spectrum, une carte graphique 24 bits pour port Zorro II qui fut la première à pouvoir détecter automatiquement la présence d'un port Zorro III et en exploiter les transferts 32 bits. Les capacités sonores de l'Amiga étaient animées par une puce, Paula, dont les caractéristiques n'avaient pas bougé depuis 1985. Après la venue l'année précédente de multiples cartes de bonne qualité (l'AD516 de SunRize Industries, la Clarity 16 de Microdeal...) MacroSystem proposa une version améliorée de sa carte Maestro Professional qui travaillait elle aussi en 48 kHz. Les petits échantillonneurs, comme le Megalosound de Microdeal, continuèrent également à entrer sur le marché. Les produits pour la vidéo furent également d'excellente facture cette année. Le Video Toaster, appareil de montage vidéo linéaire, était surtout présent aux États-Unis et il fut utilisé pour concevoir les effets spéciaux dans certains films hollywoodiens comme Terminator II. NewTek modifia ce qui était alors son produit phare pour l'adapter à l'Amiga 4000. Ce Video Toaster 4000 était livré avec le logiciel Video Toaster 3.0 (45 disquettes !) et pouvait également se brancher sur un Amiga 2000 ou 3000 mais se révélait alors plus lent que le Video Toaster original. NewTek lança aussi le Toaster Link, un contrôleur SCSI permettant d'utiliser le Video Toaster sur Macintosh. L'équipe de développement du Video Toaster, qui comprenait Brad Carvey, reçut cette année un Emmy Award pour la technique lors d'une émission télévisée aux États-Unis. A ce moment, on estima que NewTek avait vendu 60 000 Video Toaster et disposait d'un chiffre d'affaires de 25 millions de dollars. De son côté, MacroSystem fabriqua le VLab Y/C, un numériseur vidéo 24 bits temps réel, alors que la firme canadienne Digital Processing Systems proposa le PAR (Personal Animation Recorder), une carte de compression/décompression vidéo. Ce superbe matériel était, à l'instar du Video Toaster, plutôt réservé aux professionnels vu son prix de plus 30 000 FF avec disque dur. Si Commodore avait eu quelques déboires pour concevoir une carte SCSI-2 fonctionnelle sur Zorro III, ce ne fut pas le cas de Phase 5 qui construisit la première carte de ce genre, la Fastlane Z3, qui fonctionnait réellement sur A4000, même avec le Buster 9. De son côté, l'américain ICD confectionna la Trifecta, une carte SCSI-2/IDE pour A2000 mais aussi A500, ce fut ainsi le premier contrôleur de ce genre sur Amiga 500. Malheureusement, 1993 fut l'année de la banqueroute pour ICD : ils furent pris au dépourvu par la fin de l'Amiga 500 et l'arrivée de l'A600. Ils n'avaient rien à vendre pour les A600 ou A1200 à leur arrivée. Rien de ce qu'ils avaient réalisés, sauf un commutateur de ROM, n'était utile dans l'A600 et à l'époque fabriquer des cartes accélératrices qui se connectaient sur le processeur existant n'était pas une solution (trop risqué et trop cher). Enfin, dans un autre domaine, la société Vortex mit à jour sa carte d'émulation PC Golden Gate afin qu'elle puisse utiliser un processeur 486SLC à 25 MHz. Les heureux possesseurs de cette carte sur Amiga 68040 pouvaient ainsi avoir deux machines puissantes en une ! Logithèque : une gestion AGA mitigée Le parc de machines installées était encore largement dominé par les Amiga non AGA et certains éditeurs ne se pressèrent pas pour passer leurs logiciels à ce nouveau standard graphique. En toute logique, ce fut surtout les éditeurs d'applications graphiques qui adaptèrent leurs produits à l'AGA : INOVAtronics avec CanDo 2.5, Visual Media System avec Vista Pro 3, Digita International avec le traitement de texte Wordworth 2 AGA ou encore Electronic Arts avec son logiciel de dessin Deluxe Paint 4.5 AGA. Ce dernier fut d'ailleurs vendu groupé avec certains A1200 (dans le paquetage "Desktop Dynamic", comme pour Wordworth 2 AGA) à la demande de Commodore en tant qu'application graphique pouvant mettre en avant les spécificités de l'AGA. ![]() Deluxe Paint 4.5 AGA ![]() Brilliance ![]() Vista Pro 3 ![]() Scala MM300 ![]() Bars&Pipes Professional 2.0 ![]() AMosaic 1.0 Les 256 couleurs de l'AGA permirent à certains jeux de se refaire une beauté, comme pour Alien Breed 2 et Pinball Fantasies. Mais il fallait reconnaître que les capacités de l'AGA ne furent pas mises en valeur par une majorité des éditeurs au cours de l'année (ils préféraient miser sur le plus large marché des Amiga 500/600). Des jeux comme Zool, Soccer Kid et surtout Seek And Destroy avaient des versions OCS et AGA très, voire trop proches. A l'inverse, l'équipe allemande de Thalion sortit Lionheart, un jeu compatible OCS mais qui faisait plus penser à de l'AGA tellement ses graphismes étaient grandioses. ![]() Alien Breed 2 AGA ![]() Dune 2 ![]() Chaos Engine Les bons résultats financiers des années passées et le rebond technologique engendré par les machines AGA ne suffirent pas pour maintenir Commodore à flot. En 1993, l'entreprise perdit quelque 357 millions de dollars. De nombreuses causes à cette débâcle furent avancées : le secteur publicitaire fut peut-être mal ciblé (avec des dépenses exorbitantes dans le football, la voile et l'équitation), la baisse nette des prix sur toute la gamme (qui diminua les marges), la mauvaise gestion de la part de ses dirigeants qui restaient, en dépit des pertes, parmi les mieux payés du secteur informatique (2 millions de dollars pour Mehdi Ali, 1,75 million pour Irving Gould, sans compter les stocks options et les bonus, alors que le président d'IBM, John Akers, ne recevait que 713 000 $), etc. Commodore commença à se restructurer en vendant sa branche PC au taïwanais Acer, en liquidant les stocks (notamment des A600, qui n'étaient plus produits), en se désengageant du marché des accessoires (par exemple avec la vente de la carte SCSI A4091 à DKB), en licenciant du personnel, et en fermant des usines et certaines divisions Commodore (au Benelux, en Suède, en Norvège, en Espagne, au Portugal...). L'arrêt du PC fut décidé pour entrer dans une stratégie 100% Amiga. Mais cela ne fut pas une bonne nouvelle pour certaines branches comme Commodore France dont 60% de son résultat net en découlait. Certains marchés comme l'Amérique du Nord semblaient définitivement perdus, seuls persistaient des spécialistes de la vidéo et du graphisme. En juillet, la faillite fut évitée grâce à un rééchelonnement d'un prêt en décembre. En fin d'année, la CD32 représentait l'unique chance de survie. Les ventes de Noël furent de 100 000 unités, malheureusement insuffisantes pour redresser l'entreprise. Ce chiffre aurait sans doute été plus important si Commodore n'avait pas été en manque de composants (selon Dave Haynie, il en aurait fallu 400 000 pour maintenir à flot Commodore). De son côté, l'Amiga 1200 demeura une machine très désirée. Ses ventes décolèrent peu à peu (100 000 au premier semestre, un peu plus au second) mais il ne sut pas recréer le succès de l'Amiga 500 qui aurait permis de concurrencer les PC d'entrée de gamme et les consoles de jeux. Au total quelque 800 000 Amiga furent écoulés au cours de l'année fiscale 1993.
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