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1988 : maximiser la croissance L'année 1988 confirma les orientations prises l'année précédente et les amplifia. Il y eut ainsi plus de sorties de jeux et de logiciels, plus de magazines spécialisés, plus de sociétés prêtes à s'invertir et surtout un nombre d'utilisateurs en hausse : Commodore annonça à l'Amiga Developers Conference de mai 1988 que la barre des 600 000 machines commercialisées venait d'être franchie. Workbench/Kickstart 1.3 Depuis la version 1.0 de 1985, de nombreux ajustements du système d'exploitation furent opérés. La version 1.3 ne dérogea pas à la règle et fut même une mise à jour importante. Elle fut disponible sur deux disquettes (Workbench et Extras) pour Amiga 500 et Amiga 2000. Une version pour Amiga 1000 fut également commercialisée, elle contenait le Kickstart 1.3 sur une disquette supplémentaire. On pouvait à présent démarrer sur des périphériques autres que le lecteur de disquette (par exemple les disques durs). Cette fonctionnalité était présente dans le Kickstart 1.2 mais n'était pas opérationnelle à cause d'un bogue que Commodore mit presque deux ans à corriger. Par ailleurs, deux éléments cruciaux du système furent nettement améliorés : le système de fichiers (avec la venue de FFS, Fast File System) et le CLI (qui devint alors un "Shell" avec plus de fonctionnalités). Des notions comme le presse-papiers (clipboards), le tiroir Env:, le périphérique virtuel (RAD:) et les listes de montage (mountlists) apparurent aussi. Davantage de pilotes, de commandes AmigaDOS et d'outils étaient présents dans cette version 1.3, ce qui en faisait un système d'exploitation plus complet. Enfin, la seule modification notable pour l'environnement visuel vint des icônes qui furent redessinées avec un aspect de profondeur. ![]() Le Workbench 1.3 ![]() Le moniteur A2024 Après une année 1987 faste pour les machines Amiga, 1988 ne vit pas de grands bouleversements. Commodore ne créa pas de nouveaux Amiga durant cette période mais, profitant des capacités d'extension de l'Amiga 2000, il lança sur le marché, fin 1988/début 1989, une variante basée sur ce modèle : l'A2000HD. L'A2000HD était strictement identique à l'A2000. Il était fourni avec la carte SCSI A2090 et un disque dur SCSI. On ne sut pas trop pourquoi certains A2000 furent marqués avec le logo "A2000HD" alors que certains autres, sans ce logo, avaient également une carte et un disque dur SCSI. Peut-être que ces périphériques étaient montés par Commodore lui-même dans les A2000HD alors que les autres A2000 étaient équipés par les revendeurs. Dans tous les cas, l'ajout d'un disque dur en standard renforça le côté "haut de gamme" de l'Amiga 2000. Jay Miner était toutefois pessimiste sur l'avenir de l'Amiga. Le créateur de l'Amiga, qui avait quitté Commodore en 1986, jugea, dans une entrevue pour le magazine Info Magazine, que les Amiga actuels étaient dépassés par les Mac et les PC, et qu'il fallait à Commodore créer une nouvelle machine pour rester concurrentiel. Cette analyse était partagée par de nombreux amigaïstes et beaucoup rêvait d'un hypothétique A3000. Dave Haynie, qui avait terminé le projet A2000-CR (ou Amiga 2000B), fut assigné à travailler sur la prochaine itération de la ligne haut de gamme d'Amiga de Commodore. Baptisé A3000, cet ordinateur devait également être installé dans le nouveau boîtier A2001 de l'Amiga 2000B et devait utiliser le jeu de puces Amiga haute résolution, un processeur 68020 cadencé à 14,2 MHz, 2 Mo de mémoire VRAM, un lecteur de disquette haute densité (1760 ko) et une interface SCSI. Mais cet A3000 dépendait largement de la création du nouveau jeu de puces haute résolution. Malheureusement, les disputes entre ingénieurs concernés se sont poursuivirent depuis septembre 1987 et personne n'étant parvenu à se mettre d'accord ses spécifications. Il existait au moins trois propositions différentes, formulées par trois ingénieurs différents : Bob Welland (repartir à zéro avec une nouvelle architecture), Hedley Davis (révision de l'architecture Agnus/Denise existante) et George Robbins (révision 32 bits de l'architecture Agnus/Denise). Personne ne parvenait à se mettre d'accord et Jeff Porter, directeur du développement des nouveaux produits, qui souhaitait montrer un prototype d'Amiga 3000 au salon de Hanovre en mars 1988, ne put réaliser son souhait optimiste. Dans le même temps, Commodore, qui était entré sur le marché des compatibles PC en 1985, persévéra dans ce marché fleurissant (mais hélas très concurrentiel) afin d'essayer de tirer d'autres revenus. Deux nouveaux modèles d'entrée de gamme furent lancés, le PC10-III et PC20-III, tous deux équipés d'un processeur 8088 à 4,77/9,54 MHz et possédant quelques améliorations par rapport à leurs aînés (quatre ports parallèle, deux ports IDE...). Le modèle haut de gamme était représenté par le PC 60 qui disposait, notamment, d'un 80386 à 8/16 MHz et de 2,5 Mo de mémoire, le tout pour un prix de 40 000 FF. ![]() Le PC 20-III de Commodore Motorola sortit cette année le 68030 et deux constructeurs en profitèrent pour commercialiser des cartes avec ce processeur. Le premier fut CSA avec son Over 030 (16 MHz), une carte genre "Piggyback" qui venait s'enficher sur quasiment n'importe quel système à base de 68020 (y compris des machines non-Amiga). La carte fut vendue sans processeur, ce qui permettait à CSA de vendre son produit très tôt, dès que Motorola lançait la production. L'autre constructeur qui proposa un 68030 à l'Amiga fut Ronin : ils mirent au point une extension 68030 à 14,3 MHz pour leur carte Hurricane pour A1000. ![]() Over 030 Pour ceux qui n'avaient pas les moyens de changer de processeurs, le marché offrit des tonnes de cartes mémoire, malgré l'envolée des prix de puces DRAM. Cela allait de l'A512 (512 ko) de la société allemande Roßmöller à l'EXP-8000+ (jusqu'à 8 Mo, avec option pour un 68010) de chez Progressive Peripherals & Software, en passant par la Byte Box de Byte by Byte et les cartes de chez Alphatron : la 68881 Expansion Board (mémoire + coprocesseur) et la DRAM-EX 4M pour Amiga 1000. C'était aussi le cas de genlocks et des cartes SCSI : un nombre important de constructeurs se mit à en fabriquer. Pour les genlocks, dispositifs électroniques permettant d'intégrer des données dans des images analogiques, la palme revint à Magni Systems qui conçut le Magni 4004, un périphérique à la fois encodeur et genlock de très grande qualité. D'autres genlocks plus modestes, comme l'AmiGen de Mimetics, le Gen/One de Communications Specialties ou le ProGEN de Progressive Peripherals & Software arrivèrent aussi sur le marché. Du côté des cartes SCSI, les trois modèles d'Amiga furent visés tant ce bus trouvait des adeptes. On avait donc, par exemple, l'A1000 SCSI de C-Ltd (pour A1000), le Filecard 2000 de Otronic (pour A2000) ou encore les très bons Impact A2000 et Impact A500 de Great Valley Products, une société créée en 1987 notamment par Gerard Bucas, ancien directeur de la recherche chez Commodore. Le domaine des réseaux sur Amiga se développa également. La firme Ameristar Technologies proposa deux produits, l'Ethernet Controller et l'Arcnet Controller. Il s'agissait d'interfaces réseau pour les deux principaux protocoles : le moderne Ethernet et l'ancien Arcnet. Enfin, deux périphériques permettant de combler certaines lacunes des Amiga débarquèrent en 1988. Le premier était le désentrelaceur AGA-2000, de chez Microway, qui autorisait l'Amiga à afficher des résolutions entrelacées (jusqu'à 704x510) sans entrelacement. Le second périphérique fut le Kickstart Modul, des Allemands de chez Kupke. Celui-ci permettait de changer de Kickstart (1.2 ou 1.3) et ainsi de limiter les incompatibilités du récent Kickstart 1.3 avec certains programmes. La bataille ludique en passe d'être gagnée L'Amiga commença à rattraper sérieusement l'Atari ST sur le marché ludique avec la commercialisation de jeux qui ne pouvaient pas, techniquement, être réalisés sur Atari ST. L'exemple le plus flagrant fut la venue de Hybris, un jeu de tir publié par Discovery Software. La qualité de ses graphismes et de son animation faisait plus penser à un jeu pour borne d'arcade que pour micro-ordinateur. L'éditeur américain Electronic Arts publiait de plus en plus de programmes intéressants et connaissait un succès mondial, que ce soit sur Amiga ou sur d'autres plates-formes. Il distribua plusieurs gros titres cette année comme l'ont prouvé Battle Chess, un jeu d'échec totalement graphique et animé, le très réaliste simulateur de vol F/A-18 Interceptor (développé par Intellisoft), le jeu d'aventure Bard's Tale 2 (créé par Interplay) ou encore le jeu de tir Katatis (de chez par Factor 5). ![]() Hybris ![]() Battle Chess ![]() ![]() Katakis et The Great Giana Sisters, les plagieurs ![]() Dungeon Master ![]() L'équipe des Bitmap Brothers (Steve Kelly, Mike Montgomery et Eric Matthews) De son côté, Cinemaware poursuivit ses titres de qualité avec la sortie de Rocket Ranger, un jeu d'aventure avec un soin graphique et sonore remarquable. Les bons jeux n'étaient pas seulement marqués par leur qualité technique, comme le montra The President Is Missing, une simulation d'enquête politique. Créé par Paul Norman et l'équipe américaine de Cosmi, il gagna le prix du logiciel le plus innovant de 1988 lors du salon CES. The Sentinel, créé par Geoff Crammond en 1986 et porté sur Amiga cette année, était également un étonnant jeu d'action stratégique grâce à son concept original. ![]() Rocket Ranger Avec plus de quatre cent cinquante jeux commercialisés cette année-là, l'Amiga devint la plate-forme ludique par excellence. Environ soixante-dix titres furent lancés ou annoncés en un seul jour lors du salon CES de juin. Un autre domaine s'était nettement développé et s'ancrait maintenant dans le cercle de compétence de l'Amiga : la scène démo. Ce phénomène créatif popularisé par le C64 et initié sur Amiga par la démo Tech Tech de Sodan et Magician 42 (Søren Grønbech et Julian Lefay) en 1987, trouva en l'Amiga une plate-forme idéale. Les groupes de pirates étaient de plus en plus nombreux et créaient des introductions de déplombage ("cracktros") pour les jeux qu'ils avaient réussi à déplomber. Ces séquences s'étoffèrent progressivement pour devenir de véritables démonstrations audiovisuelles montrant les capacités de l'Amiga. Le groupe Unit A fut l'un des premiers avec son introduction de déplombage pour le jeu F/A-18 Interceptor. En outre, le nombre de rassemblements démo et de productions commença à se multiplier à partir de 1988. ![]() Introduction de déplombage de Unit A pour F/A-18 Interceptor Le secteur de la bureautique s'activa aussi. Quarterback/Gold Disk publièrent Professional Page, un programme de PAO pour les utilisateurs avancés qui disposait de fonctionnalités presque illimitées. Il était par exemple le seul logiciel sur micro capable de faire de la mise en page couleur. Northeast Software tenta de l'imiter en peaufinant Publisher Plus avec sa version 2.0, tout comme SoftLogik avec Publishing Partner Professional, un logiciel de PAO avec du potentiel mais malheureusement gâché par des bogues le rendant peu utilisable. ProWrite 2.0 de New Horizons, avec son pilote d'imprimante, améliora nettement la qualité d'impression sur Amiga, la plaçant largement à la hauteur face aux logiciels concurrents sur PC. ![]() ProWrite 2 ![]() Write & File ![]() ComicSetter ![]() Fantavision Le marché de l'Amiga devint plus éclectique. Le nombre de logiciels, jeux et matériels étaient en hausse, et c'était aussi le cas de la presse : la quantité de magazines continua de progresser. Chaque grand pays avait maintenant un, voire deux, magazine(s) dédié(s) à la machine. La presse Amiga fourmillait en Grande-Bretagne et aux États-Unis avec l'arrivée cette année de The One et d'Amiga Computing. En France, A-News fut le premier magazine uniquement Amiga, lancé sous l'impulsion de Bruce Lepper, malgré l'opposition de Commodore France qui préféra soutenir Commodore Revue, un magazine sorti à peu près au même moment et couvrant les différentes machines du constructeur. ![]() ![]() Des magazines Amiga : The One, Amiga Computing Avec des extensions pour A2000 et une première baisse de prix de l'Amiga 500, Commodore continua l'expansion de l'Amiga. 800 000 à 900 000 Amiga étaient en circulation. Le constructeur fabriquait toujours des C128 et C64 (qui se vendaient bien mais avec une très faible marge) et des PC. Avec l'Amiga, cela représentait trois marchés différents : cela multipliait les sources de revenus possibles mais coûtait cher en gestion et en promotion. L'idéal aurait été de tout miser sur l'Amiga mais Irving Gould refusa de laisser tomber le vieillissant marché des micros 8 bits. L'année fiscale 1988 (arrêtée le 30 juin), montra une hausse des profits (48,2 millions de dollars au lieu de 22,6 millions un an plus tôt) et du chiffre d'affaires (871,1 millions contre 806,7 millions). Le surplus de trésorerie fut utilisé pour payer une dette de 36 millions de dollars et pour réaliser des investissements à hauteur de 30 millions de dollars. Commodore devint une entreprise très rentable. Irving Gould s'accapara 500 000 dollars.
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