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1987 : toucher le grand public Cette année vit arriver la première mise à niveau majeure de la plate-forme avec la sortie de la machine haut de gamme (l'Amiga 2000) et de l'entrée de gamme (l'Amiga 500). Ces deux ordinateurs furent annoncés lors du CES de janvier 1987 et commercialisés quelques mois après. Ils étaient alors livrés avec une version 1.2 légèrement mise à jour du système (Workbench 1.2 v33.56). La gamme s'étoffe Le développement de l'A2000 avait connu quelques remous mais il fut fin prêt en mars 1987, après des délais plus importants que prévu. A la fin du mois de février, le magazine américain Compute! avait d'ailleurs publié les premières nouvelles de l'Amiga 2000, mais malheureusement trop tôt, au mépris des accords de non-divulgation. Cela provoqua des menaces de procès, plus tard réglés à l'amiable avec Commodore, mais cela garda beaucoup d'avocats occupés. Pour l'Amiga 2000, les capacités d'extension furent vraiment travaillées avec notamment cinq ports Zorro II et quatre ports ISA. Cela permettait d'imaginer toutes sortes de cartes filles et garantissait un ordinateur moderne sur le long terme. L'Amiga 2000 disposait de 1 Mo de mémoire en standard (512 ko sur la carte mère et 512 ko sur la carte processeur) ce qui rendait l'utilisation de la machine plus confortable qu'avec les 256/512 ko de l'Amiga 1000. Le processeur était toujours un 68000 à 7,09/7,16 MHz mais, là encore, les possibilités d'extension étaient préservées car le processeur était placé sur une carte fille interchangeable. L'Amiga 2000 était aussi le premier modèle à disposer d'un Kickstart (le 1.2) en ROM et non sur disquette comme sur l'Amiga 1000. A l'instar d'Amstrad et d'Atari qui lancèrent leur propre PC en 1986 et 1987, Commodore présentait l'Amiga 2000 en tant que compatible PC grâce à une carte d'extension qui fut commercialisée quelques mois après la machine. L'Amiga 2000 fut lancé en tant qu'ordinateur professionnel et multimédia pour un prix de 2395 $ (18 000 FF), avec écran, et c'est en Europe que ce premier modèle fut le plus vendu. ![]() L'Amiga 2000A ![]() L'Amiga 500 (photo de Bill Bertram) Les ventes de l'Amiga 500 permirent d'accélérer quelque peu le passage d'une informatique familiale, basées sur des machines 8 bits (comme le C64, le Spectrum et les machines Amstrad) vers la technologie 16/32 bits. Commodore lui-même n'hésita pas à proposer des offres de mise à niveau vers l'Amiga pour ses clients C64 et C128. Limogeage de Thomas Rattigan Le 22 avril, Irving Gould, le président et principal actionnaire de Commodore limogea Thomas Rattigan qui était alors PDG de la société, et le remplaça personnellement à ce poste. La raison pour laquelle il fut remplacé reste floue. Sous la direction de Thomas Rattigan, Commodore avait non seulement lancé deux nouveaux modèles avec brio, mais avait aussi renoué avec les bénéfices. Thomas Rattigan prétendit que le président Irving Gould l'avait limogé en raison de conflits de personnalités et qu'Irving Gould n'admettait pas qu'il porte à lui seul la faveur du redressement de la firme. Il poursuivit en justice Irving Gould et Commodore pour rupture de contrat abusive et non-paiement de neuf millions de dollars de salaire. L'affaire traîna jusqu'en 1991, date qui fut, ironiquement, celle de la fin du contrat de Thomas Rattigan. Mais Thomas Rattigan gagna et Irving Gould avait fait l'une de ses premières grosses erreurs en mettant à la porte l'un des meilleurs dirigeants que l'Amiga ait eu. Selon Irving Gould, le limogeage de Thomas Rattigan était la conséquence de l'effondrement des revenus de la branche de Commodore en Amérique du Nord. Cette branche fut longtemps le pilier du groupe, une société quasiment indépendante de Commodore International. Mais en 1987, elle ne fournissait plus que 30% des ventes mondiales. L'Amiga eut plus de mal à s'y vendre qu'en Europe par exemple. Ainsi, Irving Gould, nouveau PDG par intérim, initia un nouveau plan de restructuration (le troisième depuis 1985). Par exemple, la gestion de Commodore Amérique du Nord passa d'un fonctionnement quasi indépendant à une simple division chargée de la vente et de la promotion. Il y eut également des coupes dans les effectifs de l'entreprise, le nombre de salariés passa de 4700 à 3100, la moitié du personnel du siège social nord-américain fut limogée et cinq usines furent fermées. Irving Gould déclara à propos de ces licenciements : "Je suis convaincu que ces mesures amélioreront l'efficacité de l'exploitation et donneront un élan important à nos activités aux États-Unis pour compléter les bons résultats de nos activités en Europe", Le 6 octobre 1987, le conseil d'administration nomma Max Toy au poste de directeur général (COO, chief operating officer), aux côtés d'Irving Gould qui garda le siège de PDG. Max Toy venait du conglomérat américain ITT où il y avait développé avec succès sa filiale informatique Xtra Business Systems. Il déclara vouloir créer de nouvelles alliances stratégiques entre Commodore et d'autres acteurs. Il avait la particularité de répondre et aider personnellement les utilisateurs, via sa ligne de téléphone, un "travail" que d'autres présidents de société n'aurait certainement pas fait. ![]() Max Toy Le premier modèle d'Amiga 2000 (créé par Commodore Allemagne) reprenait une technologie vieille d'un an et n'était pas assez innovante. Elle déplut à la direction de Commodore qui ordonna le développement d'une nouvelle variante. Et c'est Terry Fisher ainsi que Dave Haynie, l'ingénieur qui aida à la conception du Plus/4 et C16, qui prirent en main le travail sur ce nouvel Amiga 2000 (appelé "B2000", "B2000-CR, ou "Amiga 2000B") dès la fin de l'année 1986. ![]() Dave Haynie ![]() L'Amiga 2000B Des puces haute résolution en perspective ? Denise, l'une des trois puces spécialisées de l'Amiga, était celle responsable de la plupart des tâches liées au graphisme comme la génération des couleurs (32 couleurs par écran sur une palette de 4096) et l'affichage des différentes résolutions. De plus, Denise possèdait huit contrôleurs de sprites matériels (dont le pointeur de la souris). Alors que le travail sur les puces fut jusque là entreprit par l'équipe Amiga, cette tâche passa entre les mains de Commodore. Le 4 février 1987, Ted Lenthe, le directeur des circuits intégrés LSI chez Commodore, établit un calendrier de développement d'une nouvelle révision de Denise ("Hi-Res Denise", numéro 8369), prévoyant des prototypes pour mai 1987 et les 1000 premières unités de production pour juillet 1987. Trois ingénieurs (Bob Raible, Glenn Keller et Mark Shieu) étaient chargés du dessin de Hi-Res Denise. Le même programme fut entrepris pour la puce Agnus (pour sa version "Hi-Res Fat Agnus", numéro 8372) avec comme ingénieur principal Victor Andrade. Ce groupe LSI de Commodore travailla tout au long de l'année 1987 pour terminer ce jeu de composants Hi-Res, Denise et Agnus. Mais l'équipe finit par dépasser le calendrier initial et les premiers échantillons n'arrivèrent qu'en août 1987 et, en septembre, l'équipe était encore en train de corriger les bogues. George Robbins avait été chargé de superviser ce nouveau jeu de puces, avec les ingénieurs de LSI. Il estima qu'ils avaient fait du bon travail en prenant le relais des concepteurs de l'Amiga, en particulier en intégrant de nouvelles fonctions, comme la "logique de décalage à grande vitesse". Les ingénieurs commençèrent à se rendre compte que la puce Denise monochrome haute résolution développée par les ingénieurs Amiga de Los Gatos ne valait plus la peine d'être développée. La conception de cette puce haute résolution avait commencé à l'époque où les stations de travail Unix, Mac et IBM n'avaient que peu ou pas de couleurs, ce qui signifiait que le système était une machine professionnelle. En 1987, même le monde des affaires ne voulait plus de monochrome, le monde avait changé. Bob Welland et George Robbins examinèrent la situaltion et envisagèrent deux nouveaux objectifs pour le jeu de composants Amiga : d'abord un affichage en 640x480 non entrelacés et en couleur, puis une sortie du signal vidéo vers des moniteurs VGA multisynchrones, plus courants. Ils voulaient que les concepteurs ajoutent quatre registres de couleur à la puce 8369 Denise monochrome existante afin de produire une Denise couleur (plus quatre registres de couleur supplémentaires pour gérer la couleur dans les sprites). La nouvelle puce, provisoirement appelée "Color Hi-Res Denise 8373", commença à prendre forme. L'équipe s'attendait à ce que l'étape finale du processus de conception soit atteinte en deux mois, ce qui signifiait que des échantillons pourraient arriver dès le mois de décembre 1987. Le 23 novembre 1987, la conception logique de la nouvelle puce Color Hi-Res Denise était terminée et le travail de la configuration commençait. Il semblait que les ingénieurs pourraient avoir des échantillons avant la fermeture de CSG pour Noël 1987. Ted Lenthe prévoyait d'éliminer les bogues de couleur dans la première version de la 8373, puis de procéder à une autre révision pour perfectionner la sortie couleur. Il voulait que cette version soit prête pour l'exposition du 1er mars 1988 à Hanovre. La seconde phase de développement devait ensuite intégrer les modifications nécessaires pour gérer le genlock. Ces caractéristiques étaient d'autant plus importantes que le genlock était la seule caractéristique majeure qui n'était pas disponible dans les autres jeux de puces concurrents sur le marché. De nouveaux périphériques matériels L'Amiga avait une longueur d'avance en matière de graphisme et de vidéo dès son lancement. Des accessoires qui permirent de compléter la machine dans ce domaine sortirent cette année. Le Canadien Anakin Research fabriqua l'Easyl, une interface pour tablette graphique pour A1000, A2000 et A500. Commodore lui-même lança l'un des premiers genlocks, l'A1300, qui faisait également office de mélangeur audio. Le Live!, un appareil pour capturer des images (framegrabber), fut également commercialisé en 1987, par A-Squared Development. Ce matériel pouvait capturer des images 32 couleurs à 12 images/seconde et aussi des images HAM 4096 couleurs à 4 images/seconde, soit plus rapidement que n'importe quel autre matériel sur Amiga. ![]() Easyl L'A2000, conçu pour être le haut de la gamme Amiga, ne disposait cependant pas de contrôleur SCSI, un bus fiable et relativement rapide. Commodore profita donc de l'extensibilité de l'A2000, via ses ports Zorro II, pour proposer un contrôleur SCSI, l'A2090, qui pouvait, en plus, gérer deux périphériques ST-506. Le SCSI avait vraiment le vent en poupe du côté des constructeurs. L'utilisation première de ce bus sur Amiga était destinée aux disques durs, surtout pour les A1000. On trouvait notamment le SA-1000 des Canadiens de Comspec Communications, ou bien le MAS-Drive de Microbotics, qui était malheureusement très lent. La société Supra commercialisa, elle, des contrôleurs SCSI pour tous les Amiga grâce à ses cartes SupraDrive 4x4, SupraDrive 500 et SupraDrive 2000. Lancée l'année précédente pour l'A1000, la carte accélératrice Turbo Amiga CPU se vit dotée d'une version pour A2000. Elle disposait toujours d'un 68020 à 14,3 MHz et d'un coprocesseur arithmétique 68881. L'entreprise Ronin Research copia ce principe et sortit la carte Hurricane, dotée d'un processeur 68020/14 MHz avec FPU 68881 et de mémoire supplémentaire. Enfin, un étonnant projet en matière de carte accélératrice apparu en 1987 : les éditeurs du magazine allemand C't fabriquèrent un accélérateur pour A500 du nom de PAK-68 (68020 à 12 ou 16 MHz). Ces éditeurs n'hésitèrent pas à publier les schémas de la carte dans leur magazine et ainsi fournir un tutoriel plutôt insolite. A noter que la PAK-68, qui émulait très bien l'interface du bus du 68000 pouvait être utilisée dans un Atari ou un Macintosh sans modification. La compatibilité IBM PC pour l'Amiga avait été mise au premier plan dès son lancement en 1985 avec l'émulateur PC Transformer. Mais les performances très faibles n'encouragèrent pas son utilisation. Avec la carte processeur SideCar A1060, les choses s'améliorèrent, mais il fallut l'arrivée de l'A2000 pour voir apparaître sur le marché une véritable solution de compatibilité IBM PC : l'A2088XT. Cette carte, conçue par Commodore, s'enfichait sur un port Zorro II des A2000 et proposait un processeur 8088 à 4,77 MHz et 512 ko de mémoire, le tout pour un prix raisonnable de 699 $. Les programmes IBM PC étaient affichés directement sous le Workbench et on avait alors une symbiose quasi parfaite des deux mondes (malgré un rafraîchissement lent du graphisme). Si l'A2000 (tout comme l'A500) pouvait démarrer sur un Kickstart en ROM, ce n'était pas le cas de l'Amiga 1000. Cette faiblesse put être contrecarrée par le Kickstart Eliminator, un petit périphérique de Creative Microsystems, qui permit de supprimer la nécessité d'un Kickstart sur disquette. La ludothèque Amiga se cherche En Europe, l'A500 commença à grappiller le marché de l'Atari ST en fin d'année. L'argument des détracteurs de l'Amiga ("il n'y a pas de programmes pour Amiga") s'effrita grâce à une ludothèque en hausse qui enregistra plus de deux cents nouveaux titres. Mais l'année 1987 ne fut pas à la hauteur des espérances en matière qualitative. La plupart des jeux sous-exploitaient les capacités de la machine et étaient souvent de simples portages en provenance de l'Atari ST ou du PC. Ce fut le cas de la série de jeux d'aventure de Sierra (King's Quest, Space Quest, Police Quest) qui était techniquement très pauvre bien qu'elle amena un concept de jeu assez intéressant. On pouvait aussi noter l'apparition du populaire jeu de réflexion Tetris, conçu par Alexey Pajitnov et dont la société Mirrorsoft acheta les droits pour Amiga notamment. Le concept n'avait pas changé mais la réalisation de ce jeu vendu à des millions d'exemplaires était bien moyenne. ![]() Tetris, super concept mais techniquement bien moyen ![]() The Three Stooges Quelques semaines plus tard, en avril 1987, on apprit le lancement d'Arcadia Systems, une division de l'éditeur anglais Mastertronic. Cette société produisit ainsi des jeux d'arcade, pour le marché américain, qui avaient la particularité de tourner sur un Amiga 500 maquillé en borne d'arcade. Mastertronic était un nouvel entrant sur le marché concurrentiel des bornes d'arcade et était désormais un concurrent direct de Bally. Frank Herman, le président de Mastertronic déclara : "Je pense que l'A500 est une initiative très judicieuse - il rend l'Amiga plus abordable. Nous développons des produits Amiga, en fait nous sommes déjà pleinement engagés dans cette voie". Le succès de Mastertronic et de Bally fut malgré tout mitigé. ![]() ![]() Arkanoid et Aaargh!, l'un des jeux d'Arcadia Systems ![]() Publicité du Multi Select System d'Arcadia Systems ![]() VideoScape 3D ![]() Digi-Paint en mode HAM ![]() Sonix ![]() ![]() WordPerfect 4.1 et sa boîte, pour Amiga ![]() Une partie du texte défilant du virus SCA ![]() Tech Tech L'Amiga représenta un changement d'orientation pour Commodore, il devint sa priorité. L'entreprise avait découvert la machine tout à fait par accident en 1984 car elle cherchait avant tout à contrer Atari, son pire adversaire. Mais la stratégie de couper la gamme en deux modèles (professionnel/grand public), couplée avec les qualités intrinsèques de la machine, faisait de l'Amiga un succès garanti. Cela redéfinissait ainsi le marché de l'ordinateur familial : des fonctionnalités comme le multitâche et la couleur (qui étaient prétendues de luxe) étaient devenues des standards. Commodore étendit son programme de parrainage, avec les clubs de football de Chelsea FC (1,25 million de livres sterling), du Bayern de Munich, ainsi qu'un accord similaire avec le Dynamo de Kiev et même la médaillée d'or olympique 1984 Tessa Sanderson. Le chiffre d'affaires global de 1987 atteignit 806 miilions de dollars, soit un peu moins que douze mois auparavant, les profits de l'exercice fiscal de 1987 étaient cette fois positifs, culminant à 28,6 millions de dollars. 80% de ce revenu furent tirés de produits qui n'étaient pas présents chez Commodore il y a deux ans. A présent, plus personne ne se demandait quand est-ce que Commodore et/ou l'Amiga allait disparaître. Les ventes d'Amiga décollaient, que ce soit chez les professionnels ou chez les particuliers. De plus en plus de personnes rejoignirent ce qui était maintenant devenu une communauté : la communauté Amiga. Le succès en devenir du modèle Amiga 500, surtout en matière de jeux, aiguisa l'appétit de l'homme d'affaires américain Robert Kotick. En fin d'année, il essaya de racheter Commodore en association avec un partenaire de fonds spéculatif. Il pensait qu'en prenant l'Amiga 500 et en supprimant le clavier et la souris, il créerait une console de jeux vidéo dédiée qui aurait éclipsé tout ce qui se vendait, même la NES de Nintendo. Mais cette transaction ne se concrétisa jamais, les plans de Robert Kotick ont été contrecarrés par le patron de Commodore, Irving Gould. Commodore souhaitant rester un fabricant d'ordinateurs.
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