Obligement - L'Amiga au maximum

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Dossier : Histoire de l'Amiga - année 1987
(Article écrit par David Brunet - avril 2008, mis à jour en août 2021)


1987 : toucher le grand public

Cette année vit arriver la première mise à niveau majeure de la plate-forme avec la sortie de la machine haut de gamme (l'Amiga 2000) et de l'entrée de gamme (l'Amiga 500). Ces deux ordinateurs furent annoncés lors du CES de janvier 1987 et commercialisés quelques mois après. Ils étaient alors livrés avec une version 1.2 légèrement mise à jour du système (Workbench 1.2 v33.56).

La gamme s'étoffe

Le développement de l'A2000 avait connu quelques remous mais il fut fin prêt en mars 1987, après des délais plus importants que prévu. A la fin du mois de février, le magazine américain Compute! avait d'ailleurs publié les premières nouvelles de l'Amiga 2000, mais malheureusement trop tôt, au mépris des accords de non-divulgation. Cela provoqua des menaces de procès, plus tard réglés à l'amiable avec Commodore, mais cela garda beaucoup d'avocats occupés.

Pour l'Amiga 2000, les capacités d'extension furent vraiment travaillées avec notamment cinq ports Zorro II et quatre ports ISA. Cela permettait d'imaginer toutes sortes de cartes filles et garantissait un ordinateur moderne sur le long terme. L'Amiga 2000 disposait de 1 Mo de mémoire en standard (512 ko sur la carte mère et 512 ko sur la carte processeur) ce qui rendait l'utilisation de la machine plus confortable qu'avec les 256/512 ko de l'Amiga 1000. Le processeur était toujours un 68000 à 7,09/7,16 MHz mais, là encore, les possibilités d'extension étaient préservées car le processeur était placé sur une carte fille interchangeable. L'Amiga 2000 était aussi le premier modèle à disposer d'un Kickstart (le 1.2) en ROM et non sur disquette comme sur l'Amiga 1000. A l'instar d'Amstrad et d'Atari qui lancèrent leur propre PC en 1986 et 1987, Commodore présentait l'Amiga 2000 en tant que compatible PC grâce à une carte d'extension qui fut commercialisée quelques mois après la machine. L'Amiga 2000 fut lancé en tant qu'ordinateur professionnel et multimédia pour un prix de 2395 $ (18 000 FF), avec écran, et c'est en Europe que ce premier modèle fut le plus vendu.

Amiga 2000A
L'Amiga 2000A

L'Amiga 500 arriva sur le marché quelques semaines plus tard. Il était clairement établi en tant que concurrent grand public de l'Atari ST : les deux machines se ressemblaient fortement, que ce soit par leurs caractéristiques techniques (processeur 68000, 512 ko de mémoire, lecteur de disquette 3,5"...) ou leur aspect "ordinateur dans un clavier". L'Amiga 500 disposait cependant des forces des autres modèles d'Amiga comme les puces spécialisées (Fat Agnus, Denise, Paula) qui permettaient d'afficher une palette de 4096 couleurs et d'avoir un système audio 4 voix 8 bits sur 9 octaves. En outre, deux ports d'extension étaient disponibles dans la machine : un latéral de 86 broches et un autre sous la machine de 56 broches.

Amiga 500
L'Amiga 500 (photo de Bill Bertram)

Malgré son coût plus élevé qu'un Atari ST (595 $, 5000 FF, sans écran), l'Amiga 500 devint l'objet de désir de beaucoup de personnes. Un marché noir se mit même en place au Royaume-Uni où des Amiga 500 à prix réduit, venus d'Europe continentale, se vendaient "à l'insu de Commodore". Il y eut également de sérieuses promotions, par exemple 100 £ de réduction sur un Amiga 500 ou 200 £ sur un lot incluant un moniteur 1081, ce qui eut pour effet de ramener le prix de l'Amiga 500 à 399 £ au Royaume-Uni, l'un des marchés potentiels les plus importants. Les ventes des Amiga connurent, enfin, leur premier souffle. Don Carter, le président de la société de distribution Zappo Computers, fut stupéfait par l'effet de ces promotions et déclara : "les ventes de l'A500 sont actuellement phénoménales. L'Amiga est passé d'un produit qui était important pour nous, mais qui ne se vendait pas très vite, à un produit qui est actuellement notre ordinateur le plus vendu".

Les ventes de l'Amiga 500 permirent d'accélérer quelque peu le passage d'une informatique familiale, basées sur des machines 8 bits (comme le C64, le Spectrum et les machines Amstrad) vers la technologie 16/32 bits. Commodore lui-même n'hésita pas à proposer des offres de mise à niveau vers l'Amiga pour ses clients C64 et C128.

Limogeage de Thomas Rattigan

Le 22 avril, Irving Gould, le président et principal actionnaire de Commodore limogea Thomas Rattigan qui était alors PDG de la société, et le remplaça personnellement à ce poste. La raison pour laquelle il fut remplacé reste floue. Sous la direction de Thomas Rattigan, Commodore avait non seulement lancé deux nouveaux modèles avec brio, mais avait aussi renoué avec les bénéfices. Thomas Rattigan prétendit que le président Irving Gould l'avait limogé en raison de conflits de personnalités et qu'Irving Gould n'admettait pas qu'il porte à lui seul la faveur du redressement de la firme. Il poursuivit en justice Irving Gould et Commodore pour rupture de contrat abusive et non-paiement de neuf millions de dollars de salaire. L'affaire traîna jusqu'en 1991, date qui fut, ironiquement, celle de la fin du contrat de Thomas Rattigan. Mais Thomas Rattigan gagna et Irving Gould avait fait l'une de ses premières grosses erreurs en mettant à la porte l'un des meilleurs dirigeants que l'Amiga ait eu.

Selon Irving Gould, le limogeage de Thomas Rattigan était la conséquence de l'effondrement des revenus de la branche de Commodore en Amérique du Nord. Cette branche fut longtemps le pilier du groupe, une société quasiment indépendante de Commodore International. Mais en 1987, elle ne fournissait plus que 30% des ventes mondiales. L'Amiga eut plus de mal à s'y vendre qu'en Europe par exemple. Ainsi, Irving Gould, nouveau PDG par intérim, initia un nouveau plan de restructuration (le troisième depuis 1985). Par exemple, la gestion de Commodore Amérique du Nord passa d'un fonctionnement quasi indépendant à une simple division chargée de la vente et de la promotion. Il y eut également des coupes dans les effectifs de l'entreprise, le nombre de salariés passa de 4700 à 3100, la moitié du personnel du siège social nord-américain fut limogée et cinq usines furent fermées. Irving Gould déclara à propos de ces licenciements : "Je suis convaincu que ces mesures amélioreront l'efficacité de l'exploitation et donneront un élan important à nos activités aux États-Unis pour compléter les bons résultats de nos activités en Europe",

Le 6 octobre 1987, le conseil d'administration nomma Max Toy au poste de directeur général (COO, chief operating officer), aux côtés d'Irving Gould qui garda le siège de PDG. Max Toy venait du conglomérat américain ITT où il y avait développé avec succès sa filiale informatique Xtra Business Systems. Il déclara vouloir créer de nouvelles alliances stratégiques entre Commodore et d'autres acteurs. Il avait la particularité de répondre et aider personnellement les utilisateurs, via sa ligne de téléphone, un "travail" que d'autres présidents de société n'aurait certainement pas fait.

Max Toy
Max Toy

Nouveau modèle d'Amiga 2000

Le premier modèle d'Amiga 2000 (créé par Commodore Allemagne) reprenait une technologie vieille d'un an et n'était pas assez innovante. Elle déplut à la direction de Commodore qui ordonna le développement d'une nouvelle variante. Et c'est Terry Fisher ainsi que Dave Haynie, l'ingénieur qui aida à la conception du Plus/4 et C16, qui prirent en main le travail sur ce nouvel Amiga 2000 (appelé "B2000", "B2000-CR, ou "Amiga 2000B") dès la fin de l'année 1986.

Dave Haynie
Dave Haynie

Ils abandonnèrent la conception de l'A2000A et se basèrent sur la carte de l'Amiga 500. Ils améliorèrent le port vidéo et créèrent deux nouveaux circuits propriétaires : le Buster (pour gérer le bus d'extension) et Gary (pour contrôler les signaux des autres circuits de l'Amiga). Cette nouvelle version avait 1 Mo de mémoire sur la carte mère (dont 512 ko en Chip) et était moins chère que la précédente. Enfin, bien que les ingénieurs suggéraient d'inclure un processeur plus puissant, le budget ne le permit pas et l'Amiga 2000B fut produit avec un 68000.

Amiga 2000B
L'Amiga 2000B

L'Amiga 2000A fut produit à 60 000 exemplaires et fut remplacé progressivement, à partir de la fin de l'été 1987, par le modèle "B" des laboratoires de West Chester. L'Amiga 1000, lui, fut progressivement retiré des chaînes de production après plus de 200 000 exemplaires écoulés. Cet ordinateur eut une fin de carrière peu glorieuse et souffrit en permanence d'un positionnement peu clair : trop cher pour le marché familial et pas assez pour le marché professionnel.

Des puces haute résolution en perspective ?

Denise, l'une des trois puces spécialisées de l'Amiga, était celle responsable de la plupart des tâches liées au graphisme comme la génération des couleurs (32 couleurs par écran sur une palette de 4096) et l'affichage des différentes résolutions. De plus, Denise possèdait huit contrôleurs de sprites matériels (dont le pointeur de la souris). Alors que le travail sur les puces fut jusque là entreprit par l'équipe Amiga, cette tâche passa entre les mains de Commodore. Le 4 février 1987, Ted Lenthe, le directeur des circuits intégrés LSI chez Commodore, établit un calendrier de développement d'une nouvelle révision de Denise ("Hi-Res Denise", numéro 8369), prévoyant des prototypes pour mai 1987 et les 1000 premières unités de production pour juillet 1987. Trois ingénieurs (Bob Raible, Glenn Keller et Mark Shieu) étaient chargés du dessin de Hi-Res Denise. Le même programme fut entrepris pour la puce Agnus (pour sa version "Hi-Res Fat Agnus", numéro 8372) avec comme ingénieur principal Victor Andrade.

Ce groupe LSI de Commodore travailla tout au long de l'année 1987 pour terminer ce jeu de composants Hi-Res, Denise et Agnus. Mais l'équipe finit par dépasser le calendrier initial et les premiers échantillons n'arrivèrent qu'en août 1987 et, en septembre, l'équipe était encore en train de corriger les bogues. George Robbins avait été chargé de superviser ce nouveau jeu de puces, avec les ingénieurs de LSI. Il estima qu'ils avaient fait du bon travail en prenant le relais des concepteurs de l'Amiga, en particulier en intégrant de nouvelles fonctions, comme la "logique de décalage à grande vitesse". Les ingénieurs commençèrent à se rendre compte que la puce Denise monochrome haute résolution développée par les ingénieurs Amiga de Los Gatos ne valait plus la peine d'être développée. La conception de cette puce haute résolution avait commencé à l'époque où les stations de travail Unix, Mac et IBM n'avaient que peu ou pas de couleurs, ce qui signifiait que le système était une machine professionnelle. En 1987, même le monde des affaires ne voulait plus de monochrome, le monde avait changé.

Bob Welland et George Robbins examinèrent la situaltion et envisagèrent deux nouveaux objectifs pour le jeu de composants Amiga : d'abord un affichage en 640x480 non entrelacés et en couleur, puis une sortie du signal vidéo vers des moniteurs VGA multisynchrones, plus courants. Ils voulaient que les concepteurs ajoutent quatre registres de couleur à la puce 8369 Denise monochrome existante afin de produire une Denise couleur (plus quatre registres de couleur supplémentaires pour gérer la couleur dans les sprites). La nouvelle puce, provisoirement appelée "Color Hi-Res Denise 8373", commença à prendre forme. L'équipe s'attendait à ce que l'étape finale du processus de conception soit atteinte en deux mois, ce qui signifiait que des échantillons pourraient arriver dès le mois de décembre 1987.

Le 23 novembre 1987, la conception logique de la nouvelle puce Color Hi-Res Denise était terminée et le travail de la configuration commençait. Il semblait que les ingénieurs pourraient avoir des échantillons avant la fermeture de CSG pour Noël 1987. Ted Lenthe prévoyait d'éliminer les bogues de couleur dans la première version de la 8373, puis de procéder à une autre révision pour perfectionner la sortie couleur. Il voulait que cette version soit prête pour l'exposition du 1er mars 1988 à Hanovre. La seconde phase de développement devait ensuite intégrer les modifications nécessaires pour gérer le genlock. Ces caractéristiques étaient d'autant plus importantes que le genlock était la seule caractéristique majeure qui n'était pas disponible dans les autres jeux de puces concurrents sur le marché.

De nouveaux périphériques matériels

L'Amiga avait une longueur d'avance en matière de graphisme et de vidéo dès son lancement. Des accessoires qui permirent de compléter la machine dans ce domaine sortirent cette année. Le Canadien Anakin Research fabriqua l'Easyl, une interface pour tablette graphique pour A1000, A2000 et A500. Commodore lui-même lança l'un des premiers genlocks, l'A1300, qui faisait également office de mélangeur audio. Le Live!, un appareil pour capturer des images (framegrabber), fut également commercialisé en 1987, par A-Squared Development. Ce matériel pouvait capturer des images 32 couleurs à 12 images/seconde et aussi des images HAM 4096 couleurs à 4 images/seconde, soit plus rapidement que n'importe quel autre matériel sur Amiga.

Easyl
Easyl

La limite d'extension mémoire fut atteinte pour l'Amiga 1000 avec la carte 8M qui pouvait ainsi doter le doyen des Amiga de 8 Mo de mémoire vive. Cette carte était également compatible avec l'A2000 (avec sa variante 8MI pour Zorro II). Comspec Communications commercialisa ses AX1000/AX2000, des cartes mémoire pour Amiga 1000 qui lui ajoutait respectivement 1 et 2 Mo. L'Amiga 500 n'était pas oublié par ces avancées puisque Commodore créa l'A501, sa première extension mémoire (512 ko). D'autres constructeurs suivirent cette voie, par exemple Spirit Technology avec l'Inboard 500, peuplée jusqu'à hauteur de 1,5 Mo. Le prix correct de l'A500 couplé avec ses possibilités d'extension mémoire en faisait une machine semi-professionnelle de premier choix.

A501
A501 (photo de Michael Rubisch)

L'A2000, conçu pour être le haut de la gamme Amiga, ne disposait cependant pas de contrôleur SCSI, un bus fiable et relativement rapide. Commodore profita donc de l'extensibilité de l'A2000, via ses ports Zorro II, pour proposer un contrôleur SCSI, l'A2090, qui pouvait, en plus, gérer deux périphériques ST-506. Le SCSI avait vraiment le vent en poupe du côté des constructeurs. L'utilisation première de ce bus sur Amiga était destinée aux disques durs, surtout pour les A1000. On trouvait notamment le SA-1000 des Canadiens de Comspec Communications, ou bien le MAS-Drive de Microbotics, qui était malheureusement très lent. La société Supra commercialisa, elle, des contrôleurs SCSI pour tous les Amiga grâce à ses cartes SupraDrive 4x4, SupraDrive 500 et SupraDrive 2000.

Lancée l'année précédente pour l'A1000, la carte accélératrice Turbo Amiga CPU se vit dotée d'une version pour A2000. Elle disposait toujours d'un 68020 à 14,3 MHz et d'un coprocesseur arithmétique 68881. L'entreprise Ronin Research copia ce principe et sortit la carte Hurricane, dotée d'un processeur 68020/14 MHz avec FPU 68881 et de mémoire supplémentaire. Enfin, un étonnant projet en matière de carte accélératrice apparu en 1987 : les éditeurs du magazine allemand C't fabriquèrent un accélérateur pour A500 du nom de PAK-68 (68020 à 12 ou 16 MHz). Ces éditeurs n'hésitèrent pas à publier les schémas de la carte dans leur magazine et ainsi fournir un tutoriel plutôt insolite. A noter que la PAK-68, qui émulait très bien l'interface du bus du 68000 pouvait être utilisée dans un Atari ou un Macintosh sans modification.

Turbo Amiga CPU
Turbo Amiga CPU pour Amiga 2000A (photo de Jurgen Herrmann)

La compatibilité IBM PC pour l'Amiga avait été mise au premier plan dès son lancement en 1985 avec l'émulateur PC Transformer. Mais les performances très faibles n'encouragèrent pas son utilisation. Avec la carte processeur SideCar A1060, les choses s'améliorèrent, mais il fallut l'arrivée de l'A2000 pour voir apparaître sur le marché une véritable solution de compatibilité IBM PC : l'A2088XT. Cette carte, conçue par Commodore, s'enfichait sur un port Zorro II des A2000 et proposait un processeur 8088 à 4,77 MHz et 512 ko de mémoire, le tout pour un prix raisonnable de 699 $. Les programmes IBM PC étaient affichés directement sous le Workbench et on avait alors une symbiose quasi parfaite des deux mondes (malgré un rafraîchissement lent du graphisme).

A2088XT
A2088XT

Si l'A2000 (tout comme l'A500) pouvait démarrer sur un Kickstart en ROM, ce n'était pas le cas de l'Amiga 1000. Cette faiblesse put être contrecarrée par le Kickstart Eliminator, un petit périphérique de Creative Microsystems, qui permit de supprimer la nécessité d'un Kickstart sur disquette.

La ludothèque Amiga se cherche

En Europe, l'A500 commença à grappiller le marché de l'Atari ST en fin d'année. L'argument des détracteurs de l'Amiga ("il n'y a pas de programmes pour Amiga") s'effrita grâce à une ludothèque en hausse qui enregistra plus de deux cents nouveaux titres. Mais l'année 1987 ne fut pas à la hauteur des espérances en matière qualitative. La plupart des jeux sous-exploitaient les capacités de la machine et étaient souvent de simples portages en provenance de l'Atari ST ou du PC. Ce fut le cas de la série de jeux d'aventure de Sierra (King's Quest, Space Quest, Police Quest) qui était techniquement très pauvre bien qu'elle amena un concept de jeu assez intéressant. On pouvait aussi noter l'apparition du populaire jeu de réflexion Tetris, conçu par Alexey Pajitnov et dont la société Mirrorsoft acheta les droits pour Amiga notamment. Le concept n'avait pas changé mais la réalisation de ce jeu vendu à des millions d'exemplaires était bien moyenne.

Tetris
Tetris, super concept mais techniquement bien moyen

Peu de titres tiraient enfin parti des avantages de l'Amiga, comme put le faire Defender Of The Crown l'année précédente. L'éditeur Cinemaware était quasiment le seul à proposer des jeux bien fignolés avec King Of Chicago et The Three Stooges, deux jeux d'aventure/action aux inspirations cinématiques. Même chose pour Strategic Simulations, Inc. qui édita Phantasie 3, le dernier volet de cette série d'aventures, qui offrait enfin un scénario original avec une réalisation correcte. On eut aussi quelques bons jeux de rôle (Bard's Tale), de course (Test Drive, Crazy Cars) et d'excellents casse-briques comme Impact! d'Audiogenic et Arkanoid, une conversion du jeu d'arcade de Taito.

The Three Stooges
The Three Stooges

En parlant d'arcade, la société mère Commodore International Limited avait également annoncé, en mars, la signature d'un accord avec le constructeur de machines d'arcade Bally, qui permettrait à ce dernier de développer une toute nouvelle génération de bornes d'arcade à base d'Amiga. Dans le cadre de cet accord, Commodore reçut les droits logiciels de tout ce qui fut développé, en échange des capacités graphiques de l'Amiga et du savoir-faire technique de Commodore. Nigel Shepherd, le directeur général de Commodore aux États-Unis, suggéra que "cette association renforcera particulièrement la valeur de l'A500, qui sera bientôt commercialisé", alors que Roger Keesee, de Bally, déclara que "la capacité de l'Amiga à générer plus de 4000 couleurs, ainsi que ses capacités en matière d'effets spéciaux, peuvent permettre d'améliorer considérablement les graphismes haute résolution, non seulement dans nos systèmes de jeux, mais aussi dans nos autres produits vidéo".

Quelques semaines plus tard, en avril 1987, on apprit le lancement d'Arcadia Systems, une division de l'éditeur anglais Mastertronic. Cette société produisit ainsi des jeux d'arcade, pour le marché américain, qui avaient la particularité de tourner sur un Amiga 500 maquillé en borne d'arcade. Mastertronic était un nouvel entrant sur le marché concurrentiel des bornes d'arcade et était désormais un concurrent direct de Bally. Frank Herman, le président de Mastertronic déclara : "Je pense que l'A500 est une initiative très judicieuse - il rend l'Amiga plus abordable. Nous développons des produits Amiga, en fait nous sommes déjà pleinement engagés dans cette voie". Le succès de Mastertronic et de Bally fut malgré tout mitigé.

Arkanoid Aaargh
Arkanoid et Aaargh!, l'un des jeux d'Arcadia Systems

Multi Select System
Publicité du Multi Select System d'Arcadia Systems

Outre les sorties de plus en plus nombreuses de jeux, le marché Amiga ne ralentissait pas au niveau des logiciels de création graphique. Le premier "raytracer" pour Amiga, programme de conception et rendu 3D, arriva avec Sculpt 3D de Eric Graham, et publié par Byte by Byte. C'était également le premier logiciel du genre pour un micro-ordinateur, de plus, avec une qualité certaine, grâce à l'utilisation du mode HAM 4096 couleurs de l'Amiga. Animate 3-D, version améliorée de Sculpt 3D, ainsi que VideoScape 3D d'Allen Hastings (publié par Aegis) suivirent durant l'année 1987. La société Impulse, de Mineapolis, se lança aussi dans le marché Amiga avec son logiciel de 3D Silver, gérant lui aussi le mode HAM 4096, très utile dans ce genre de programme.

VideoScape 3D
VideoScape 3D

Dans le secteur des logiciels de dessin, on vit arriver Digi-Paint de NewTek et Photon Paint de Micro Illusions, deux programmes compatibles HAM 4096 couleurs essayant de bousculer l'hégémonie de Deluxe Paint en matière de dessin 2D. Digi-Paint proposait notamment la gestion des tablettes graphiques et de la transparence, choses assez rares chez ses concurrents. Deux ans après l'introduction de l'Amiga, on pouvait enfin dessiner dans son incroyable mode 4096 couleurs !

Digi-Paint
Digi-Paint en mode HAM

Après le graphisme, c'est le son qui fut à l'honneur sur Amiga avec Sonix de Aegis, un éditeur musical et séquenceur MIDI assez complet, issu du logiciel Musicraft développé à l'origine par Commodore. Musicraft ne fut jamais officiellement publié par Commodore, bien que des copies boguées circulèrent chez certains possesseurs d'Amiga. Aegis racheta les droits mondiaux de ce logiciel à Commodore et chargea les développeurs Mark Riley et Gary Koffler de produire une mise à niveau revue et exempte de bogues. Toujours au niveau musical, l'arrivée de The Ultimate SoundTracker, développé par l'allemand Karsten Obarski, fut un choc. Ce logiciel de la classe des "trackers" amena une nouvelle manière de créer de la musique grâce à ses pistes, et non via des portées traditionnelles comme dans Sonix.

Sonix
Sonix

Par ailleurs, l'éditeur WordPerfect créa une division Amiga au sein de sa société et lança en juillet son logiciel de traitement de texte éponyme. WordPerfect 4.1 pour Amiga, malgré une faible convivialité (programme orienté texte, structure de commande DOS), fut le premier traitement de texte au monde capable d'ouvrir un nombre illimité de documents (limité par la mémoire), chacun dans une fenêtre distincte. Mais les efforts de la société ne furent pas réellement soutenus par les utilisateurs Amiga et le logiciel ne se vendit pas bien. De son côté, SoftWood publia SoftWood File IIsg, une nouvelle version de son gestionnaire de bases de données. Le "sg" dans le nom fut déposé pour mentionner l'ajout du son et des graphismes, cette version pouvait ainsi combiner des sons et graphismes IFF et disposait d'une fonction unique de diaporamas sonores ainsi qu'une option "film" pour jouer les sons et les graphismes.

WordPerfect

WordPerfect
WordPerfect 4.1 et sa boîte, pour Amiga

La taille du marché Amiga grossissant, une nouvelle forme de programme apparue : les virus. Le premier de ces micro-programmes nuisibles fut SCA (Swiss Cracking Association) qui commença à infecter les Amiga à partir de novembre 1987. Certaines versions de Deluxe Paint furent contaminées. Commodore se retrouva dans la position embarrassante de devoir admettre publiquement qu'il souffrait d'un virus informatique après avoir rejeté les rumeurs du virus SCA comme un canular. Un porte-parole de Commodore suggera que "ce n'est pas grave pour le moment. Dès que quelqu'un pensera que la situation est devenue incontrôlable, nous prendrons des mesures. Commodore fera tout ce qui est en son pouvoir pour s'en débarrasser - il suffira d'obtenir la disquette anti-virus". Heureusement, ce virus n'endommageait pas les disquettes mais seulement le bloc d'amorce. D'autres, plus méchants, allaient déferler les années suivantes.

SCA
Une partie du texte défilant du virus SCA

Jusque-là, les capacités de l'Amiga furent démontrées par des applications, des jeux ainsi que des images et des animations (comme le Juggler en 1986). Mais le 17 novembre 1987, lors du rassemblement Venlo Meeting aux Pays-Bas, une réunion entre utilisateurs informatiques, deux Danois (Søren Grønbech et Julian Lefay) créèrent une démonstration audiovisuelle pour l'Amiga, nommée Tech Tech. Il s'agissait alors de l'une des premières démos, sinon la toute première. Elle incluait notamment des des images provenant du jeu Defender Of The Crown, des lignes défilantes, des graphismes vectoriels, le tout en musique avec des échantillons joués en boucle. Cette démo fit date et lança véritablement sur Amiga ce qu'on appela la scène démo. Søren Grønbech et Julian Lefay utilisèrent par la suite leur talent de programmeur/musicien pour quelques jeux Amiga.

Tech Tech
Tech Tech

Le cercle vertueux est créé

L'Amiga représenta un changement d'orientation pour Commodore, il devint sa priorité. L'entreprise avait découvert la machine tout à fait par accident en 1984 car elle cherchait avant tout à contrer Atari, son pire adversaire. Mais la stratégie de couper la gamme en deux modèles (professionnel/grand public), couplée avec les qualités intrinsèques de la machine, faisait de l'Amiga un succès garanti. Cela redéfinissait ainsi le marché de l'ordinateur familial : des fonctionnalités comme le multitâche et la couleur (qui étaient prétendues de luxe) étaient devenues des standards.

Commodore étendit son programme de parrainage, avec les clubs de football de Chelsea FC (1,25 million de livres sterling), du Bayern de Munich, ainsi qu'un accord similaire avec le Dynamo de Kiev et même la médaillée d'or olympique 1984 Tessa Sanderson. Le chiffre d'affaires global de 1987 atteignit 806 miilions de dollars, soit un peu moins que douze mois auparavant, les profits de l'exercice fiscal de 1987 étaient cette fois positifs, culminant à 28,6 millions de dollars. 80% de ce revenu furent tirés de produits qui n'étaient pas présents chez Commodore il y a deux ans.

A présent, plus personne ne se demandait quand est-ce que Commodore et/ou l'Amiga allait disparaître. Les ventes d'Amiga décollaient, que ce soit chez les professionnels ou chez les particuliers. De plus en plus de personnes rejoignirent ce qui était maintenant devenu une communauté : la communauté Amiga. Le succès en devenir du modèle Amiga 500, surtout en matière de jeux, aiguisa l'appétit de l'homme d'affaires américain Robert Kotick. En fin d'année, il essaya de racheter Commodore en association avec un partenaire de fonds spéculatif. Il pensait qu'en prenant l'Amiga 500 et en supprimant le clavier et la souris, il créerait une console de jeux vidéo dédiée qui aurait éclipsé tout ce qui se vendait, même la NES de Nintendo. Mais cette transaction ne se concrétisa jamais, les plans de Robert Kotick ont été contrecarrés par le patron de Commodore, Irving Gould. Commodore souhaitant rester un fabricant d'ordinateurs.


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