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1985 : en avance sur son temps Après trois ans de développement dont un sous l'égide de Commodore, l'Amiga pouvait enfin être lancé commercialement. L'année 1985 vit ainsi l'arrivée du premier Amiga de l'histoire dans un marché informatique bien moins avancé technologiquement que lui. La guerre Atari ST/Amiga commence vraiment Alors que Commodore concentrait ses efforts sur l'Amiga, Atari, contrôlé par Jack Tramiel depuis juillet 1984, n'avait pas abandonné son objectif de dominer le marché des micro-ordinateurs 16 bits. À l'aide de matériels et de logiciels prêts à l'emploi, la société construisit alors sa propre plate-forme 16/32 bits, l'Atari ST, en un temps record. L'accord pour s'octroyer les puces spécifiques Amiga avait capoté l'année précédente et les premiers modèles d'Atari ST (260ST et 520ST) apparurent plusieurs semaines avant l'Amiga. Techniquement, l'Atari ST était équipé de composants de qualité plus faible par rapport à l'Amiga (moins de couleurs, moins de fonctions). Mais son niveau technique (68000 à 8 MHz, écran 320x240 en 16 couleurs, 512 ko de mémoire...) était supérieur aux autres ordinateurs de cette période et il connut un vif succès. De plus, sa conception simple le rendit bien meilleur marché et plus facile à fabriquer. Les nouvelles machines de Jack Tramiel utilisaient un portage 68k du système d'exploitation CP/M, sur lequel fut intégré l'interface utilisateur GEM. Le résultat donna un système d'exploitation relativement intuitif mais monotâche et à l'aspect verdâtre peu attrayant. Ce choix fut motivé par le fait qu'Atari voulait à l'origine utiliser Windows de Microsoft mais ce dernier ne put finaliser son système d'exploitation à temps pour le lancement de l'Atari 520ST. ![]() Le GEM Dans une entrevue pour Retrogamer en 2014, RJ Mical parla ainsi de l'arrivée de l'Atari ST : "La rivalité entre l'Atari ST et l'Amiga était quelque chose qui existait dans la presse et qui apparaît souvent dans les livres d'histoire, mais de notre point de vue, nous n'avions pas l'impression de leur faire concurrence. Nous connaissions les ingénieurs de l'Atari ST et certains d'entre eux étaient vraiment de bons amis. Ils ont eu un départ tardif comparé à nous et ils travaillaient contre la montre. Ils ont travaillé incroyablement fort, en étant actifs 24 heures sur 24, et ils ont fait un travail spectaculaire. Ils ont sorti un ordinateur presque compétitif. C'était un effort formidable, mais je ne l'ai jamais considéré comme une menace."Quand Jack Tramiel fut évincé de la direction de Commodore au début de 1984, Marshall Smith le remplaça à son poste. Il réunit une jeune équipe autour de lui, composée notamment de personnes ayant été choisie dans des entreprises comme Coca Cola et Apple (Richard Geiger, voire plus loin, Frank Leonardi pour les ventes). Marshall Smith choisit aussi deux directeurs qui occupaient des postes moins importants sous l'ère Jack Tramiel - John Kelly et Adam Chwaniec - pour superviser les finances et la technologie. Marshall Smith était un spécialiste de la fabrication et de la finance, âgé de 54 ans et doté d'une vaste expérience dans la rude et difficile industrie sidérurgique (ancien président et directeur général de Thyssen-Bornemisza). Il n'était pas affolé plus que cela par la concurrence de l'Atari ST. Il déclara dans un entretien pour Commodore User : "il n'y a tout simplement aucune comparaison [entre l'Amiga et] l'Atari ST. N'importe qui peut prendre un processeur Motorola à 8 dollars et construire une machine autour, mais elle ne peut pas faire la moitié des choses que l'Amiga peut faire... elle ne peut pas faire de multitâche. Le son, la couleur et les graphismes de l'Amiga sont meilleurs à tous les égards" ![]() Marshall Smith En ce début d'année 1985, de nombreux éléments du système d'exploitation restaient à faire ou à être peaufinés. Par exemple, Intuition (l'interface utilisateur et le système de fenêtres/menus), qui était prévu à l'origine pour être entièrement piloté à la souris, prit du temps pour être intégré à un système d'exploitation complet. Le noyau, Exec, était lui presque terminé. Le plus gros du travail fut celui porté sur CAOS (Commodore-Amiga Operating System), qui s'occupait notamment de gérer les disquettes, et qui fonctionnait par-dessus le noyau Exec. Les bases de la conception de CAOS furent définies par Carl Sassenrath en 1983 mais une grande partie de son développement fut sous-traitée à une société tierce. Et lorsque cette dernière apprit que la société Amiga fut rachetée par Commodore, elle voulut revoir à la hausse sa contribution financière. Commodore tenta de négocier mais cela échoua. En février 1985, afin de trouver une alternative et de tenir les délais, Commodore-Amiga rappela la société britannique MetaComCo qui lui avait rendu visite en novembre 1984 pour présenter son système d'exploitation Tripos (TRIvial Portable Operating System). MetaComco reçu le feu vert et Tripos fut ainsi porté sur Amiga en trois semaines seulement, grâce à sa portabilité BCPL (bien que le noyau était écrit en code 68000 pour des raisons d'efficacité). Tim King de MetaComco fit la démonstration de Tripos, à la fin du mois de février 1985, sur la troisième révision de l'Amiga. Il se souvint que lors de cette présentation, il se détourna de l'écran pour constater que toute l'équipe Amiga était réunie pour applaudir ; le matériel était soudainement devenu un véritable ordinateur et le système d'exploitation existant (CAOS) fut abandonné. Le travail de transformation de Tripos en AmigaDOS commença. Commodore paya 35 000 dollars pour ce travail, qui, dans un premier temps, ne devait être qu'une preuve de faisabilité. Tripos, conçu par le Dr Martin Richards au milieu des années 1970, avait beaucoup des caractéristiques de CAOS mais fut un remplaçant de qualité inférieure, notamment au niveau de l'optimisation du code source (développé en BCPL, l'ancêtre du C), de ses possibilités (pistage des ressources, gestion mémoire...) ou de la gestion du lecteur de disquette (CAOS devait tirer parti de la disposition des pistes). MetaComCo insista pour qu'une interface de ligne de commande sous-jacente soit toujours disponible en tant qu'interface pour les programmeurs et pour les utilisateurs plus expérimentés. Ainsi, même si les résultats étaient assez loin des espérances de Jay Miner et de son équipe, le retard du système d'exploitation fut limité. ![]() Tim King ![]() Gail Wellington En ce qui concerne le logo de l'Amiga, on aurait pu croire qu'il était tout trouver avec la Boing Ball. Mais Commodore décida de l'ignorer et d'utiliser une encoche arc-en-ciel, afin de représenter le nombre de couleurs que l'Amiga pouvait afficher, par opposition au logo multicolore d'Apple de l'époque. Entre juin et août 1985, des versions de test de la ROM Kickstart apparurent comme la version 0.6, puis la 0.7 (avec divers périphériques logiques ou bibliothèques en révision 27 comme exec, timer, trackdisk, gameport, graphics, dos, etc.) et la 0.9. ![]() AmigaDOS version 29.2 issu du Kickstart/Workbench 0.9 ![]() Howard Stolz, le concepteur du boîtier ![]() Rick Geiger ![]() L'équipe Amiga en 1985 Rebelotte au salon CES de juin 1985 à Chicago : alors qu'Atari annonça fièrement la livraison officielle de son Atari 520ST aux États-Unis à partir du 8 juillet 1985, l'Amiga était une fois de plus absent du salon, au grand étonnement de la presse spécialisée et surtout de la concurrence. Commodore mit plutôt l'accent sur le lancement commercial du C128 et renvoya toutes les demandes concernant l'Amiga à un événement de presse à New York le mois suivant. Les développeurs de Los Gatos travaillèrent 24 heures sur 24 comme des fous sur Intuition (l'interface utilisateur graphique) et AmigaDOS tout au long du mois de juin 1985. Commodore ordonna à certains de ses meilleurs ingénieurs logiciels de se rendre en Californie, à la demande de l'équipe Amiga, afin de stabilisé le système d'exploitation. Et le 15 juillet, l'équipe de développement décida que le code était dans un état présentable, ouf... Pour produire en masse son nouvel ordinateur, Commodore s'était payé les services de Sanyo Electric Co., une entreprise japonaise d'électronique. Dave Needle, qui travailla sur plusieurs des révisions de la carte mère, du prototype à la production, était présent lorsque le numéro de série 1 de la machine sortit de la chaîne de montage de l'usine Sanyo au Japon. Lancement du Commodore Amiga Tout comme les ingénieurs Amiga, Gail Wellington travaillait aussi à un rythme effréné, sept jours par semaine, multipliant les voyages et les rencontres. Pendant les cinq dernières semaines précédant le lancement de l'Amiga, elle prenait un vol de nuit le mardi de Los Gatos à New York pour rencontrer des représentants de Caribiner International dans la journée du mercredi. Caribiner était la société engagée par Commodore pour produire l'événement de lancement de l'Amiga au Lincoln Center et Gail Wellington était activement impliquée dans la coordination et la planification de l'événement. Pour le lancement de l'Amiga, Commodore avait prévu de réaliser une cérémonie spéciale. Stephen Greenberg, le chef des relations publiques de Commodore souhaitait inviter un artiste pop pour cette cérémonie de lancement. Il connaissait personnellement Andy Warhol, un artiste et écrivain d'avant-garde, et ce dernier fut intéressé par cette idée. Le 14 juin 1985, Andy Warhol arriva au siège de Commodore (au Seagram Building) et Donald Greenbaum, le directeur financier de l'entreprise, lui donna un prototype de la machine et un logiciel de dessin. Selon Donald Greenbaum, "Andy Warhol fut captivé par ce nouveau média et il passa beaucoup plus de temps avec nous que prévu". La machine n'était pas encore commercialisée, il s'agissait d'un prototype et du logiciel Graphicraft en version bêta. C'est Jeff Bruette, programmeur chez Commodore, qui fut chargé d'apprendre à l'artiste comment utiliser le programme et de le "familiariser" avec l'Amiga. Cette tâche s'avéra très difficile - "Andy était très réticent. Nous avons passé la matinée à travailler avec les outils de base de Graphicraft et à lui expliquer la différence entre le bouton droit et le bouton gauche. Puis nous avons fait une pause pour déjeuner et lorsque nous sommes revenus à l'Amiga, il s'est avéré qu'Andy Warhol avait oublié tout ce qu'il avait appris depuis le début de la matinée." Ceci dit, Andy Warhol fut emballé par la machine et appris à maîtriser le logiciel et aussi la souris, un périphérique peu utilisé à l'époque. ![]() Donald Greenbaum Onze mois après le rachat de la société Amiga, Commodore dévoila alors le produit de cette union. L'Amiga 1000 (qui était également nommé "Amiga A-1000", "Commodore Amiga" ou bien simplement "Amiga") fut présenté au Lincoln Center à New York le 23 juillet 1985 lors d'une cérémonie grandiose et très bien préparée. ![]() L'Amiga 1000 ![]() ![]() ![]() ![]() Andy Warhol travaillant sur un graphisme Robert Trukenbrod fut recruté par Commodore en tant que vice-président du secteur commercial. Le premier grand projet de Robert Trukenbrod chez Commodore fut la campagne publicitaire pour le lancement de l'Amiga. Pour ce faire, il engagea l'agence de publicité Ted Bates Advertising de New York, qui travailla sur un spot télévisé d'une minute, qui devait être diffusé pour la première fois le soir du 23 septembre 1985. Ted Bates Advertising réserva plusieurs créneaux pour le meilleur temps d'antenne, entre autres pendant Deux Flics à Miami et The Tonight Show avec Johnny Carson. A l'autre bout des États-Unis, à Los Gatos, toute l'équipe Amiga attendait avec impatience la première du spot, après deux voire trois années de travail harassant : ![]() Publicité TV pour l'Amiga 1000 en 1985 (vidéo) prônant des valeurs d'antan pour promouvoir une "super-machine futuriste avec 4096 couleurs" Une autre campagne publicitaire était prévue en parallèle, mais cette fois dans les magazines papiers. On pouvait lire&bsp;: Cette publicité se concentrait sur l'utilisation de motifs nostalgiques et des tons sépia, avec des mentions comme un "avantage injuste", autrement dit pas extraordinaire pour un ordinateur extraordinaire. Jay Miner exprima sa colère à propos de cette campagne publicitaire complètement ratée dans une entrevue pour Amiga User International : "Je ne peux pas vous dire à quel point je suis en colère de voir comment l'Amiga a été traité. Les publicités qu'ils avaient étaient absolument horribles. Des vieux hommes se transformant en bébés et des enfants concourant dans des voitures de course. C'était épouvantable." En coulisse, l'attente fut longue pour la sortie de l'Amiga. La raison en était toujours la même : finir le système d'exploitation. Celui-ci fut d'ailleurs encore retravaillé les semaines après la présentation du Lincoln Center, ce qui poussa la date de commercialisation de l'Amiga à septembre 1985. Une technologie avant-gardiste Il était difficile de décrire l'avance prise par l'Amiga comparé aux autres systèmes. Ils étaient tous monotâches. Apple avait une interface graphique, mais elle était limitée par un affichage sur moniteur noir et blanc. De leur côté, les PC étaient toujours basés sur DOS, un horrible système en mode texte, avec une palette de 16 couleurs maximum et un système sonore préhistorique (avec de simples "bip"). La société Microsoft avait tout juste annoncé et fait des démonstrations de Windows 1.0, un système d'exploitation avec une interface utilisateur graphique, mais toujours monotâche. ![]() System 2.1 d'Apple (MacOS 2.1) ![]() Les puces spécialisées Denise, Agnus et Paula sur la carte mère de l'Amiga 1000 ![]() Trip Hawkins de chez Electronic Arts ![]() Les développeurs d'Electronic Arts. A l'arrière : Mike Wallace, Dan Silva, Eddie Dombrowser, John MacMillan, Steve Hayes, Jerry Morrison, David Maynard. Devant : Dave Boulton, Glenn Tenney, Jeff Johannigman, Anne Westfall, Jon Freeman, Steve Shaw. Assis sur la table : Bob Campbell, Greg Riker. Pour le Kickstart, l'idée de base était de l'inclure dans une ROM sur la machine. Mais cette version en ROM n'était pas suffisamment stable pour être exploitable (la machine fut terminée avant le système) : de nombreux développeurs de logiciels, dont Bill Gates, président de Microsoft, firent remarquer que le système d'exploitation de l'Amiga contenait encore trop de bogues pour être convertis en ROM. Un développeur de logiciels Amiga affirma que son prototype d'ordinateur tombait en panne toutes les 15 minutes. L'Amiga fut donc commercialisé avec son Kickstart sur disquette. Une fois le Kickstart chargé, l'utilisateur pouvait lancer un programme. L'image de l'écran Kickstart fut réalisée par Sheryl Knowles, l'une des premières artistes (la première ?) sur Amiga. Le système avait lui aussi des caractéristiques uniques. Par exemple le fait d'être en multitâche préemptif (il pouvait lancer plusieurs programmes simultanément, et gérer les priorités affectées aux tâches) ou bien la gestion des écrans multiples. Chaque écran pouvait avoir une résolution et une profondeur de couleurs différentes des autres, et être malgré tout affichés simultanément. Le Workbench disposait de couleurs bleu/orange/blanc/noir un peu criardes. Ceci était voulu car Commodore voulait obtenir le meilleur contraste possible, même sur les moniteurs de piètre qualité. Cependant, la version 1.0 du système d'exploitation distribuée avec l'Amiga présentait pas mal de bogues. Le simple fait de bouger trop vite une fenêtre pouvait planter la machine. ![]() Amiga Workbench 1.0 ![]() Amiga Workbench 1.1 ![]() Andy Warhol en couverture sur le troisième numéro d'Amiga World "Nous avons été impressionnés par le détail et la vitesse des graphismes en couleur de l'Amiga et par la qualité de son système sonore. Les caractéristiques de l'Amiga - ses puces spécialisées, sa gestion du multitâche, ses multiples canaux DMA, son bus système partagé, son coprocesseur pour l'affichage, ses routines système en ROM, etc. - indiquent une complexité de conception matérielle que nous n'avons jamais vue auparavant dans les ordinateurs personnels. L'effet synergique de ces caractéristiques explique la vitesse, la qualité et le faible coût de l'Amiga.Une logithèque à créer L'Amiga était compatible avec rien, il fallait donc créer toute sa logithèque de zéro. Des Amiga de présérie avaient été envoyés à quelques développeurs, les mois avant son lancement, pour créer ses premières applications commerciales. Il ne fut donc pas surprenant de voir apparaître, en premier, des compilateurs ou outils de développement de tout poil, comme l'ABasiC (écrit par MetaComCo et inclut avec les Amiga 1000), l'Amiga Macro Assembler (de MetaComCo/Commodore), les outils de Lattice (C, compilateur croisé MS-DOS, LMK Make, MacLibrary, Screen Editor) ou encore la première implémentation du langage Pascal. ![]() ABasiC 1.00 sur Amiga "Electronic Arts a un intérêt général pour la promotion des normes, alors nous avons discuté avec certaines personnes de Commodore-Amiga et nous avons créé IFF. L'IFF est destiné à être utilisé par tous les développeurs intéressés. Il offre un moyen pratique de permettre aux programmes d'échanger des données entre eux. Par exemple, Graphicraft pourra échanger des fichiers avec Deluxe Paint et d'autres produits d'Electronic Arts. La conception est extensible, en ce sens que vous pouvez ajouter vos propres types à la norme."Dan Silva, pour Electronic Arts, réécrivit Prism, son logiciel de création graphique pour PC (qui était un portage amélioré de Doodle pour les machines Xerox) et le sortit sur Amiga courant novembre 1985 sous le nom de Deluxe Paint. Ce logiciel, qui rentra dans l'histoire, offrait des capacités inédites pour un ordinateur personnel. Son succès fut immédiat et plus de la moitié des utilisateurs Amiga achetèrent ce produit. Avec Graphicraft (variante familiale de ProPaint, qui ne fut finalement pas commercialisé), il y avait donc deux logiciels graphiques pour les débuts de l'Amiga : il s'agissait de son domaine de prédilection. ![]() ![]() Dan Silva et Deluxe Paint ![]() Textcraft ![]() Monkey Business ![]() ![]() Archon et Hacker ![]() ![]() ![]() Paul Montgommery, Perry Kivolowitz et Eric Lavitsky Malgré de formidables capacités, l'Amiga 1000 eut un démarrage commercial plus que difficile durant l'année 1985. Cela était dû à plusieurs raisons : son prix, la stratégie commerciale de Commodore, un marché limité à l'Amérique du Nord et sa logithèque naissante. Son prix de lancement de 1295 $ (1750 $ avec moniteur couleur) pour la version avec 256 ko de mémoire était jugé trop élevé (l'Atari 520ST était vendu moitié moins, 700 $). De par ses possibilités, l'Amiga pouvait être vendu en tant que machine pour les professionnels mais Commodore préféra imiter la stratégie d'Atari en ciblant le marché du grand public. Mais cela était bien difficile avec un tel prix. L'Amiga était peut-être mal placé dans la gamme Commodore : l'entreprise était connue pour ses ordinateurs bon marché (VIC-20, C64...) et s'était immiscée dans la gamme, porteuse, des compatibles PC pour le monde des affaires (les PC-10 et PC-20). Le vrai marché de l'Amiga restait encore à trouver, c'était une question de positionnement. Le patron de Commodore lui-même, Marshal Smith, indiqua que "Ce n'est pas une machine pour débutants". Et d'un point de vue géographique, ce marché était limité aux États-Unis et au Canada. L'Amiga était au standard NTSC et rares furent les non Américains à acheter la machine. A la fin du mois de septembre 1985, seuls 12% de tous les commerçants avaient accepté de référencer l'Amiga dans leur gamme. Les chaînes spécialisées telles que ComputerLand, qui comptaient des centaines de points de vente, s'étaient de plus en plus engagées en faveur de l'IBM PC au cours de l'année 1985 et ne voyaient pas comment l'Amiga pourrait s'intégrer dans leur gamme de produits. Ainsi, Commodore dut livrer l'Amiga à un grand nombre de magasins individuels avec différents propriétaires, ce qui signifiait davantage d'efforts pour de plus petites quantités. Clive Smith (vice-président commercial chez Commodore) indiqua que "Commodore ne voulait pas attirer davantage de revendeurs (ou d'utilisateurs finaux) car la demande dépassait déjà la production". Un autre argument qui freina la progression de l'Amiga fut sa logithèque. Elle était encore naissante et ne rivalisait pas avec celle du Macintosh ou du PC. L'Amiga jouait aussi les seconds rôles sur le plan des sorties de jeux, largement devancé par l'Atari ou le Commodore 64, mieux soutenus par les éditeurs. Du côté des finances de Commodore, ce n'était pas au beau fixe. La guerre des prix pour le C64 réduisait fortement ses bénéfices et Commodore connut une année de déficites à hauteur de 113 millions de dollars. La société avait investi 24 millions de dollars dans l'Amiga et, en fin d'année, les ventes n'avaient pas grimpé aussi vite qu'elle l'aurait voulu. Les campagnes publicitaires peu efficaces et les problèmes de production résultèrent en des ventes de seulement 35 000 machines durant l'année 1985 (bien que vendu en quelques jours à partir de la mi-octobre). C'était loin derrière l'Atari ST qui, lui, était disponible, par exemple, dans le réseau de distribution Sears. Ainsi, fin 1985, Commodore passa près de la banqueroute avec une dette de 237 millions de dollars. Son conseil d'administration arriva néanmoins à convaincre les créanciers d'un délai supplémentaire afin de passer Noël. L'année 1985 vit donc l'arrivée des premières machines 16/32 bits de Commodore et Atari. Mais chose anecdotique, l'Amiga fut construit par des anciens de chez Atari (Jay Miner) alors que l'Atari ST fut fabriqué par des anciens de chez Commodore (Jack Tramiel).
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