|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
1983 : du concept à la maquette Après trois mois de recherche de la part de David Morse et Jay Miner, Amiga Corporation pouvait enfin se lancer dans le développement. David Morse avait focalisé ses recherches sur ce que les gens attendaient d'un ordinateur, alors que Jay Miner avait basé son étude sur les limites des technologies disponibles. Ils constatèrent que les consommateurs voulaient une machine qui soit facile à utiliser et ait un large éventail d'applications. Et ils décidèrent qu'une bonne qualité graphique satisferait ces deux points. Une société, deux équipes Le développement de l'entreprise passait par le recrutement de personnel supplémentaire. Cela commença en janvier 1983. David Morse et Jay Miner recrutèrent des personnes passionnées, et non juste des gens qui cherchaient un travail. La société Amiga Corporation était divisée en deux groupes : une première équipe nommée "Atari Peripheral" (dirigée par Donald Reisinger) qui développait des manettes de jeu et des jeux pour l'Atari 2600 ; et une seconde qui travaillait secrètement (vis-à-vis des actionnaires mais aussi des fameux espions de la Silicon Valley) sur un projet de console de jeu au nom de code de "Lorraine", baptisé d'après le prénom de l'épouse de David Morse. Cette dénomination remontait en fait de l'époque Atari : il était de tradition de nommer les prototypes de systèmes en fonction des épouses et des petites amies, à l'instar de "Darlene" pour Pong, "Stella" pour l'Atari 2600, "Candy" pour l'Atari 400 ou encore "Colleen" pour l'Atari 800. Ainsi, les bureaux du rez-de-chaussée de la société étaient décorés d'affiches et de produits complémentaires grand public à bas prix, tandis que le sous-sol fut transformé en un ensemble secret d'ateliers souterrains. En tant que jeune entreprise, l'argent devait être géré au plus juste. Amiga Corporation multiplia les mesures de réduction des coûts : louer plutôt qu'acheter certains équipements, embaucher du personnel à la journée plutôt que de manière permanente, etc. Les produits de l'équipe d'Atari Peripheral incluaient le Power-Stick (initialement nommé "Pro-Stick") et le Joyboard, deux contrôleurs de jeu qui caractérisaient bien l'esprit pionnier du développement du jeu durant les années 1980. Le Power-Stick était une minuscule manette qui se logait dans la paume de votre main et possèdait un manche que vous pouvez manipuler facilement avec deux doigts. Elle fut présentée pour la première fois au salon du jouet d'Atlanta en 1983 et comportait une poignée de 1,5 pouce et deux boutons de tir, et offrait une véritable réponse sur huit directions, contrairement aux manettes typiques qui n'utilisent que quatre interrupteurs. Au moins sept types différents de manettes Power-Stick furent commercialisés, dans des couleurs variées, pour l'Atari, Tandy, VIC-20, C64, Intellivision et Colecovision. De son côté, le Joyboard était encore plus novateur. Il s'utilisait avec les pieds, le joueur montant dessus et bougeant dans différentes directions pour diriger son action à l'écran. Les produits Amiga de 1983, regroupés sous la dénominsation "Power System" Le Joyboard Le but des développements d'Atari Peripheral était de faire connaître la société afin d'avoir une présence sur le marché et préparer les circuits de distribution. Amiga Corporation participa ainsi à plusieurs salons et fit de la publicité dans la presse spécialisée. Bien entendu, tout cela devait préparer le terrain à la nouvelle console. Les jeux Mogul Maniac et Surf's Up Tout en travaillant sur le Lorraine, Amiga Corporation débuta également la conception du Power Module (également nommé "The Power"), une interface mémoire qui permettait aux utilisateurs d'Atari 2600 de charger des jeux via un lecteur de cassette standard. Le Power Module être vendu avec trois jeux 3D, qui utilisaient les lunettes 3D fournies avec l'unité. L'équipe Amiga espèrait que cette nouvelle innovation puisse permettre de poursuivre le développement des périphériques Amiga, afin de soutenir le développement du Lorraine. Confiante, Amiga Corporation annonça le Power Module en février 1983 avec comme objectif de le commercialiser durant l'été. Mais il ne fut malheureusement jamais terminé. L'abandon du Power Module vint peu avant le salon CES de Chicago en juin 1983. A la place, Amiga Corporation annonça lors de ce salon une nouvelle gamme de cartouches pour l'Atari 2600 qui constitua la série des Power Play Arcade avec trois jeux chacun. Ces jeux utilisaient les lourdes lunettes 3D initialement prévues pour le lot Power Module. La cartouche 2 devait contenir cinq jeux familiaux, dont Scavenger Hunt et Word Zapper, et la cartouche 3 devait contenir un certain nombre de titres plus anciens d'Imagic, bien que cet accord ait été abandonné par la suite. Le Power Module avec cassettes et lunettes Au fil de l'année, le marché des jeux vidéo s'enfonçait de plus en plus dans le marasme. Pour beaucoup d'entreprises de cette industrie naissante du jeu vidéo, 1983 fut une année noire. On pensait que ce marché était sur le point de s'effondrer. Les médias commençaient à se demander si l'industrie de l'informatique de loisirs elle-même n'était pas juste un phénomène éphémère. Trop de jeux de mauvaise qualité étaient sortis et les limites techniques de l'Atari 2600 avaient fini par être atteintes. Les constructeurs Mattel et Coleco quittèrent le monde du jeu vidéo. Par contre, le marché des ordinateurs continuait à progresser, à l'image du succès du Commodore 64. Amiga Corporation avait généré quelques revenus avec ses jeux et périphériques pour Atari 2600, mais cette situation ne dura pas. La société laissa donc tomber, peu à peu, ses développements pour Atari 2600. Son dernier espoir était le Lorraine qui se métamorphosa alors en un véritable projet d'ordinateur, la société misa tout dessus. Vers avril/mai 1983, la conception matérielle du Lorraine était exposée sur un immense tableau blanc dans le bureau de Jay Miner. Les employés pouvaient poser des questions et apporter leur contribution. Le plan était de créer un super ordinateur à une fraction du coût d'un vrai super ordinateur. Les principales inspirations pour la machine furent les gros ordinateurs centraux de Sun Microsystems et Unix, avec la portabilité et l'interface graphique du Xerox Alto. Jay Miner commença aussi à dessiner des croquis de ce à quoi ressemblerait l'extérieur de la machine, montrant le style IBM habituel qui permettait d'insérer de nombreuses cartes dans la carte mère, ainsi qu'un clavier et un écran IBM volumineux. Un croquis concept du Lorraine. L'équipe en dessina pas moins de sept pour trouver la "bonne idée" Schéma de l'Amiga Personal Computer (Lorraine) Jay Miner menait l'équipe de développement matériel, tandis que Robert Pariseau et son groupe focalisaient leurs efforts sur un système d'exploitation fonctionnant à travers un simulateur logiciel. Il y avait un conflit sur la philosophie fondamentale du produit, avec notamment RJ Mical, qui voulait créer une machine de jeux vidéo bon marché (comme les investisseurs). D'autres, comme Dale Luck et Carl Sassenrath, voulaient créer une machine disposant de la meilleure capacité d'extension. Enfin, David Morse, le patron, voulait une machine capable de jouer des dessins animés en temps réel (le reste de l'équipe plaisanta en proposant de refaire Les Schtroumpfs) au moins dix fois plus vite qu'un autre ordinateur, avec des sprites matériels. Dave Morse voulait en quelque sorte essayer de porter les histoires que l'on voyait dans les films et la télévision dans le salon des clients. Il y eut ainsi un débat sur les modes graphiques que la nouvelle machine devrait utiliser. Le mode "chunky pixel" serait plus adapté aux jeux 3D que Jay Miner et RJ Mical avaient en tête, tandis que le mode planaire serait plus adapté à la production d'écrans 2D et à l'interface graphique. En définitive, le mode planaire fut choisi pour rendre la conception d'un système d'exploitation multi-fenêtres et de fonctionnalités 2D beaucoup plus rapide et facile, et car les plans de bits planaires ne nécessitaient qu'une petite quantité de mémoire, alors qu'à l'époque, la mémoire était encore très chère. Développement via un simulateur logiciel "J'ai accepté la place chez Amiga pour deux raisons : 1) Il était évident pour moi que les concepts matériels étaient très avancés, et 2) Ils m'ont offert la chance de développer n'importe quel genre de système d'exploitation que je voulais. J'avais déjà travaillé pendant plusieurs années sur mes propres concepts de traitements multitâches, ainsi Amiga était une chance de les réaliser."Ce que Carl Sassenrath voulait faire, c'était mettre en place un système d'exploitation aussi efficace, tout en permettant le multitâche, par exemple. L'exercice d'équilibriste consistait à essayer de créer un système d'exploitation qui serait utile aux programmeurs de jeux, mais qui serait également multitâche et disposerait de bibliothèques et de périphériques partagés dynamiquement, c'est-à-dire d'une architecture de système d'exploitation. Il serait suffisamment efficace pour que la plupart des jeux l'utilisent. La création de cette équipe ne fut pas si évidente. Amiga Corporation était une jeune société, et sa réussite n'était pas assurée. RJ Mical, par exemple, renonça deux fois à l'offre d'Amiga Corporation. Il était jeune et avait un peu peur de devoir quitter Chicago et sa famille. De plus, le projet Amiga était éloigné des choses qu'il avait faites jusque-là. RJ Mical raconta qu'il s'était blessé au genoux et ne pouvait pas partir en voyage avec ses amis. A la place, il accepta l'invation d'Amiga Corporation, visita leurs bureaux en béquilles et eut un coup de foudre pour le projet et entra ainsi dans l'équipe. RJ Mical remit en question la logique d'avoir des ports d'extension dans la conception d'une machine de jeux à bas prix, et la réponse de Jay Miner fut que la machine serait vendue sous deux formes, le modèle très basique comme l'Atari 400, et le modèle étendu avec clavier complet comme l'Atari 800. Les gens de cette équipe étaient à la fois fort décontractés (certains venaient avec des chaussons en forme de lapin, Jay Miner travaillait toujours avec sa chienne Mitchie, des bagarres à coup de battes de baseball en mousse éclataient, etc.) mais aussi extrêmement efficaces. Personne ne comptait ses heures, bien que les horaires de travail étaient flexibles. Dans un entretien, RJ Mical décrivit ainsi son rôle et l'ambiance chez Amiga Corporation. : "J'ai commencé en tant qu'ingénieur logiciel chez Amiga où j'ai contribué au développement de la bibliothèque graphique (graphics.library). J'ai créé Intuition, l'interface utilisateur de l'Amiga et le système de fenêtres/menus. Cela a représenté une charge de travail de cent heures par semaine durant sept mois afin de pouvoir terminer le tout à temps pour le lancement de l'Amiga ! Je fut également le directeur de la partie logicielle pendant un temps. Je n'ai pas aidé à développer le Joyboard (un contrôleur/manette en forme de planche à roulette), mais j'étais un de ses utilisateurs. Nous avons créé un jeu pour lui qui s'appelait "Zen Meditation". Le but était d'être assis dans la position du lotus sur le Joyboard et de bouger le moins possible pendant un maximum de temps. L'objectif était d'atteindre le Nirvana en accumulant des points karma. C'est une longue histoire, vous auriez dû voir ça..."Les outils de développement, Agony à la rescousse En août 1983, l'équipe Amiga pu mettre la main sur une station Sage modèle IV doté d'un processeur 68000 à 8 MHz, 512 ko de mémoire et d'un lecteur de disquette 800 ko. L'ordinateur Sage II fit ses débuts à la West Cost Computer Fair en mars 1982, avec une carte fille Sage IV ajoutant 512 ko de mémoire et quatre ports série supplémentaires. Un contrôleur de disque dur Winchester apparu à la mi-1983. Alors que de nombreux plans prennent forme au stade de la conception (sur tableau blanc du bureau principal), rien n'était réalisé sous forme de matériel réel. Pour surmonter cela, un émulateur logiciel, appelé Agony, fut créé pour émuler certaines des fonctions de l'Amiga sur leur machine Sage. Jusqu'à quatre personnes se pressaient autour d'elle pour essayer de la programmer et de l'utiliser. Station de travail Sage IV Dans l'entretien avec AUI, Jay Miner décrivit la manière dont il avait découvert, grâce à son ami Al Pound, un simulateur de vol militaire développé par Singer-Link. Jay Miner pouvait utiliser les commandes et vécut la meilleure expérience de vol que l'on puisse acheter. Impressionné par ce qu'il avait vu, Jay Miner commença à considérer certaines fonctions pour améliorer les capacités graphiques. Il voulut que sa machine puisse faire tourner un simulateur de vol mais ailleurs que sur les gros simulateurs à un million de dollars pièce. Le mode "Hold And Modify" (HAM), qui pouvait augmenter le nombre de couleurs grâce à la luminance, fut ainsi créé. Ce mode faillit être supprimé durant cette période : quand la conception passa au RVB, Jay Miner pensa que ce mode n'était plus nécessaire. Il demanda au responsable du circuit intégré de l'enlever mais ce dernier revint en disant que soit cela créerait un grand trou au milieu de la puce soit cela prendrait trois mois pour redessiner le circuit. Comme l'équipe n'avait pas de temps à perdre, le HAM fut maintenu. Jay Miner pensait que personne ne l'utiliserait, mais le HAM donna plus tard à l'Amiga son avance en termes de palette de couleurs. Exemples de diagrammes réalisés par Jay Miner : le système Amiga et la puce Agnus L'équipe travaillait aussi sur un "Blitter", une puce aux fonctions principalement destinées à l'affichage. Bien que sa conception avait déjà été validée par l'équipe matérielle, Dale Luck, ingénieur logiciel, proposa d'ajouter un mode "un point" (one-dot mode) afin d'aider à réaliser des zones de remplissages plus rapidement. Jay Miner aimait l'appeler "Bimmer", pour "bit-mapped image manipulator", en raison de ses capacités étendues, mais "Blitter" fut utilisé exclusivement dans la documentation de la machine. Là encore, ce Blitter performant fut plus tard considéré comme l'un des éléments de la supériorité matérielle de l'Amiga. Le prototype de l'équipe Amiga disposait à présent de quatre canaux de Blitter, huit sprites matériels de 16 pixels de large mais illimités en hauteur et de quatre canaux audio. L'équipe travaillait également sur des idées permettant de synchroniser les horloges du jeu de composants avec le signal vidéo NTSC afin que les images puissent être enregistrées sur une bande vidéo. C'était la première fois qu'un ordinateur était capable de faire cela, et cela rendit possible la diffusion du signal et l'utilisation d'un genlock. L'équipe Amiga travaille sur le matériel En septembre 1983, les prototypes des circuits intégrés étaient presque tous terminés. Le nom de "Jane" ne fut finalement pas retenu. Il en avait trois circuits au total : "Agnus", parfois nommé "Agnes" (le générateur d'adresses, qui contenait aussi le Copper et le Blitter), "Daphne", qui fut rebaptisée plus tard en "Denise" (gestion de l'affichage) et "Portia", plus tard appelée "Paula" (gestion des ports et de l'audio). Ces circuits étaient encore sur des grandes cartes séparées (des platines Labdec, alias "breadboards" en anglais), ils ressemblaient plus à des pièces d'un gros ordinateur central qu'à la prochaine génération de micro-ordinateurs. Le premier Agnus prenait la place de trois des huit platines Labdec, chacune avec 250 puces (même nombre pour Daphne et Portia). Ces trois circuits formèrent le coeur de ce que l'on appela les "circuits spécialisés" Amiga. Pourquoi des platines Labtec ? Car une fois que les ingénieurs terminaient leurs schémas, ils n'avaient aucun moyen de fabriquer les puces. Contrairement aux grosses sociétés du secteur (Commodore, Atari...), Amiga Corporation n'avait pas accès à la fabrication de puces. C'est pour cela qu'ils les construisirent en taille réelle en utilisant composants ordinaires sur ces platines Labtec, et cela prenait beaucoup de place. Par exemple, pour construire Agnus, Glenn Keller inséra des puces électroniques sur une platine Labtec et les relia entre elles en suivant le schéma. Lorsque la platine Labtec n'avait plus de place, Glenn Keller la reliait à une autre platine Labtec autour d'un noyau central, comme le dos d'un livre. Chaque platine Labtec contenait jusqu'à 250 puces, soit huit platine Labtec au total, toutes reliées par du fil spaghetti multicolore. Et cela, juste pour Agnus. Mais en raison de ces nombreuses connexions et fils enchevêtrés, ces montages électroiques étaient très sujets aux erreurs, forçant les ingénieurs à rechercher des connexions lâches ou des courts-circuits. Jay Miner commenta à ce sujet : "C'était un cauchemar à faire fonctionner avec toutes les connexions qui tombaient en panne". RJ Mical précisa qu'ils avaient construits une zone spéciale pour ces énormes puces en utilisant un sol et des murs antistatiques. La pièce était juste assez large pour qu'une personne puisse la traverser, un peu comme un confessionnal. Un changement tardif au niveau de l'audio fut l'utilisation de quatre convertisseurs DAC analogiques de 8 bits, chacun couplé avec une MLI (modulation de largeur d'impulsions) de 6 bits, donnant une gamme dynamique de 14 bits. L'audio était DMA. Une toute nouvelle platine Labtec fut construite pour vérifier cela. Au début du mois de décembre, une autre platine Labdec (une carte mère), dotée d'un processeur 68000, fut également conçue afin de brancher toutes ces cartes ensemble, pour la première fois, et cela en vue de présenter le prototype au salon CES du 4 janvier 1984. Malgré de nombreux problèmes techniques à résoudre, le matériel du Lorraine finit par fonctionner. À ce stade, le Lorraine n'avait pas de clavier, il n'y a donc aucun moyen de communiquer directement avec la technologie, à l'exception d'une interface série, par laquelle du code était injecté à l'aide d'une connexion de terminal à distance depuis la station Sage IV. Les premiers résultats en matière logicielle arrivèrent aussi. De nombreuses bibliothèques et outils avaient été écrits sur la station Sage IV, qui utilisait le système d'exploitation Idris (un Unix dépouillé) qui était suffisamment proche de la manière dont ils écrivaient le système d'exploitation du Lorraine pour que le code compilé en C puisse être testé sur la station Sage IV dans Agony, puis transféré sur le vrai matériel. Une semaine plus tard (le 12 décembre 1983 ?), l'équipe Amiga retira l'émulateur matériel Agony de la station Sage et essaya de programmer des registres sur du vrai matériel pour la première fois : cela fonctionna. Au cours des trois semaines suivantes, ils vécurent littéralement 24 hueres sur 24 dans les bureaux d'Amiga Corporation, mangeant et dormant dans l'unique salle de développement et programmant leur ordinateur. Les épouses et les petites amies arrivaient avec de la nourriture et donnaient un coup de main, tandis que les ingénieurs Amiga mangaient et dormaient dans leur bureau. Le compilateur du logiciel mettait ensuite des heures à compiler les modifications, si bien qu'ils avaient recours à la danse pendant les passages nocturnes du compilateur pour éviter de s'endormir. Dale Luck dormant pendant la compilation L'équipe Amiga, et plus particulièrement David Morse, avait commencé à inviter des journalistes, notamment John Anderson, pour montrer le prototype. Les journalistes pouvaient ainsi voir la machine, faire des propositions d'améliorations, et l'équipe Amiga pouvait espérer en retour une bonne couverture médiatique le moment venu. De son côté, après avoit terminé son travail sur la puce Agnus, Joe Decuir quitta Amiga Corporation et retourna chez Standard Technologies où il continua à concevoir des périphériques pour le futur ordinateur. C'est Dave Needle qui prit la relève et qui réalisa les finitions de la puce Agnus, fin 1983. Bien que Dave Needle était novice dans la conception de puces, Jay Miner le forma sur place. La création de filiales A noter que des filiales d'Amiga Corporation furent créées, toujours localisée au 3350 Scott Boulevard à Santa Clara. La première, constituée le 8 juillet 1983, fut nommée "Amiga International". Le pourquoi de l'existence de cette nouvelle entreprise n'est pas encore définie. Peut-être que l'équipe Amiga avait-elle anticipée sa croissance à l'international ? En octobre 1983, l'équipe Amiga comptait désormais plus de 30 employés, et il ne faut pas longtemps pour que leur petite résidence du Scott Boulevard devienne surpeuplée, avec tout empilé les uns sur les autres. Mais tout le monde arrivait à s'entendre, et cela forgea la grande atmosphère qui créa l'Amiga. Les laboratoires du sous-sol se transformèrent en deux zones distinctes, l'une contenant l'unité centrale et les composants série, l'autre salle contenant les puces Agnus, Paula et Denise. Une énorme canalisation de fils et de câbles reliait les deux pièces, via un couloir. Ces fils étaient suspendus au plafond et obligeaient tous les ingénieurs à s'incliner en entrant. En outre, les platines Labtec produisaient beaucoup de chaleur, obligeant les ventilateurs à souffler 24 heures sur 24 pour que tout reste frais : les locaux étaient ainsi bruyant, sombre et chaud la plupart du temps. La seconde filiale se nomma "Amiga Computer Development, Inc." et fut constituée le 23 décembre 1983. Elle fut alors la principale société opérationnelle. L'accord secret Amiga/Atari Le 21 novembre 1983, Amiga et Atari signèrent un accord (une lettre l'intention - LOI) qui fut longtemps tenu secret. Comme Amiga Corporation avait besoin d'argent, Jay Miner pensa que son ancien employeur, Atari, pouvait peut-être aidé. Cela était le début de négociations pour un accord permettant à Atari d'avoir accès au matériel Amiga en échange d'une somme d'argent (500 000 dollars), qui garantissait la poursuite du développement du prototype. Atari pouvait ainsi avoir accès aux puces spécifiques du Lorraine pour construire sa propre version de l'Amiga, dont le nom de code fut "Mickey" (également connu sous le nom "Atari 1850XLD"). Selon l'accord, Atari pouvait vendre Mickey en tant qu'ordinateur de jeux, sans clavier, pour une période d'un an. Après ça, Atari avait le droit de vendre un clavier en tant qu'extension et de proposer une version complète du Mickey au public. Signature de l'accord entre Atari et Amiga Corporation Un rêve fragile En fin d'année, Amiga Corporation souffrait d'une crise de trésorerie. Plusieurs employés furent forcés de lever une hypothèque ou de trouver des financements annexes pour soutenir la société (Dave Morse vendit même une des ses Porsche). Le rêve était sur le point de se réaliser, mais il aurait très bien pu s'arrêter à tout moment.
|