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Le Lorraine est un ordinateur prototype créé par la société californienne Amiga Inc. Ce fut le prototype de l'Amiga 1000. ![]() Le Lorraine En 1980, Jay Miner, qui travaillait alors chez Atari, voulu créer une machine de nouvelle génération basée sur le processeur Motorola 68000. Le but était de concevoir la plus puissante des consoles de jeux, une évolution des précédentes machines de Jay Miner : les Atari VCS et 400/800. Mais quand Jay Miner proposa l'idée à Atari, la société répondit qu'après avoir dépensé beaucoup d'argent pour sortir l'Atari 800, elle ne voulait pas investir une fortune dans le développement d'un système 16 bits. Jay quitta alors Atari. En septembre 1982, Jay Miner fonda, avec Larry Kaplan et David Morse, la société Hi-Toro (qui sera rébaptisée "Amiga Incorporated" peu après). Bien que l'activité commerciale d'Amiga Inc. fut surtout concentrée sur la production de manettes pour consoles (dont la plus connue est le Joyboard), la société continua de développer parallèlement son projet : le Lorraine. Ce nom de code provenait du prénom de l'épouse de David Morse. Mais quand le marché des consoles de jeux s'effondra en 1983, la stratégie d'Amiga Inc. se focalisa sur le développement du Lorraine pour en faire un projet d'ordinateur complet. C'est à ce moment-là qu'Amiga Inc. recruta du personnel supplémentaire pour travailler à sa conception. L'équipe comprenait alors Joe Decuir, Bob Burns, Gleen Keller, Dale Luck, RJ Mical, Dave Needle, Ronald Nicholson, Bob Pariseau et Carl Sassenrath. Le Lorraine désigne le nom de la machine au début de son développement. Elle sera ensuite connue sous le nom de "Zorro", de "Amiga Development System" ou encore de "Amiga PC" qui aurait dû être le nom du produit final. Mais quand Commodore racheta Amiga Inc. en août 1984, la machine se renomma en "Amiga" et fut présentée ainsi officiellement le 23 juillet 1985. Les caractéristiques Voici les caractéristiques techniques du Lorraine/Amiga PC. Une brochure, datant sans doute de 1984, mentionne les caractéristiques de l'Amiga Personal Computer :
![]() Un croquis concept du Lorraine ![]() Schéma de l'Amiga Personal Computer (Lorraine) ![]() Amiga Hardware Manual de 1984 Les toutes premières cartes du Lorraine ont été réalisées en platine Labdec ("breadboard" en anglais). C'est un dispositif qui permet de réaliser le prototype d'un circuit électronique et de le tester. L'avantage de ce système est d'être totalement réutilisable, car il ne nécessite pas de soudure. Au moins deux platines Labdec du prototype Lorraine ont été créées : Peace et War. Ces platines Labdec ont été fabriquées par la firme Twin Industries, voisine d'Amiga Inc. à Los Gatos. La carte War semble avoir été conçue après Peace, vers décembre 1983, et sur laquelle on trouve le processeur 68000. Les cartes sont interconnectées avec les coprocesseurs Agnus, Daphne et Portia qui sont, eux-mêmes, de volumineuses cartes séparées. Agnus, parfois nommé Agnes, est le générateur d'adresses, Daphne (qui fut rebaptisée plus tard en "Denise") gère l'affichage, alors que Portia (plus tard appelée "Paula") gère les ports et l'audio. Dans l'image d'introduction de cet article, on voit qu'Agnus prend la place de huit platines Labtec alors que Daphne en prend six et Portia cinq, chacune composée de 180 puces au maximum. Selon Jay Miner, le premier Agnus prenait la place de trois lots de huit platines Labdec, chacune avec 250 puces. Ces trois coprocesseurs seront par la suite reconçus en tant que circuits intégrés sur la carte mère. ![]() Les platines reliées entre elles La première présentation "publique" du Lorraine se fit le 4 janvier 1984 lors du CES de Las Vegas, l'un des plus grands salons informatiques au monde. Beaucoup de compagnies s'y rendaient pour faire la démonstration des performances de leurs machines, le CES était une vitrine afin de trouver d'éventuels investisseurs. Le Lorraine ainsi exposé ne fut alors qu'un amas de cartes (platines Labdec) reliées par de nombreux câbles. Cet amoncellement électronique nécessita même, pour son transport, son propre siège dans l'avion (place réservée sous le nom de "Joe Pillow"). Le pire faillit arriver puisque quelques heures avant l'ouverture du salon, le Lorraine ne fonctionnait pas ! La partie logicielle avait été créée sur des simulateurs et terminée dix jours avant ce salon. Mais quand il a fallu inclure le système dans le Lorraine, les résultats n'étaient pas ceux prévus. Il a fallu un travail acharné de l'équipe Amiga pour que le prototype puisse enfin marcher correctement. ![]() Daphne (en haut) et Agnus (en bas) ![]() ![]() La pièce dans laquelle le Lorraine était présenté à des personnes triées sur le volet Durant le salon, RJ Mical et Dale Luck améliorèrent une démo de Sam Dicker, The Spinning Ball, afin d'en faire une animation représentant une balle rebondissante. Ce fut une démonstration qui affichait une sphère quadrillée en rouge et blanc, ombrée, qui rebondissait verticalement tout en tournant sur elle-même. C'est un fait qui marqua les esprits et qui fut repris comme symbole des futurs Amiga. Une autre présentation fut faite au CES de Chicago en juin 1984, mais cette fois-ci avec les puces sur des circuits intégrés à la carte mère. Il y eut notamment la démonstration d'un programme de synthèse vocale qui permettait aux quelques privilégiés d'entendre la machine parler, avec au choix, une voix masculine ou féminine. Une deuxième version de la démo "Boing" fut également montrée : maintenant, la sphère rouge et blanche pouvait rebondir dans toutes les directions et émettait un son (un "boom") lorsqu'elle touchait un bord de l'écran. Sans oublier la démo de l'arc-en-ciel qui pouvait afficher simultanément les 4096 couleurs de la palette. Certaines personnes regardèrent sous la table pour chercher si un autre ordinateur plus volumineux y était connecté. Du côté du système d'exploitation, beaucoup de travail restait à faire. Cependant, il y avait déjà une version avancée d'Exec, le noyau multitâche préemptif, et d'Intuition, l'interface utilisateur pour gérer les écrans et les fenêtres et qui permettait de superposer simultanément des modes d'écran aux caractéristiques différentes. Difficultés financières Le développement du projet Lorraine coûta de plus en plus cher. Après avoir trouvé plusieurs moyens de se financer (dont la mise en hypothèque de leurs biens), les membres de l'équipe Amiga Inc., au bord du gouffre financier, cherchèrent à se faire racheter. Ils contactèrent dans un premier temps Apple, Sony, Philips, Hewlett-Packard, Silicon Graphics et aussi Atari. Ce dernier accorda même un prêt de 500 000 $ à Amiga Inc. pensant pouvoir récupérer la machine un peu plus tard. Mais ce fut Commodore, au final, qui racheta Amiga Inc. en août 1984. L'objectif de Commodore fut de remplacer son modèle d'ordinateur, le Commodore 64, et poussa financièrement et techniquement le développement du Lorraine qui fut alors renommé en "Amiga". Estimation du prix et de la disponibilité En juillet 1983, l'équipe d'Amiga Inc. prévoyait de vendre la machine pour un prix de 400 $. Il augmenta ensuite à 600 $, puis à 1500 $ en juin 1984. Commodore raconta même, en août 1984, qu'il pouvait vendre la machine pour moins de 1000 $. Le prix définitif, lors de sa disponibilité publique en septembre 1985, fut de 1295 $. Vers le début de l'été 1984, un communiqué de presse annonça la réalisation d'une machine pour développeur : le fameux Amiga PC Developer (ou Amiga Development System). La sortie commerciale était alors prévue pour Noël 1984. Amiga Inc. voulait aussi coupler l'Amiga PC avec un lot de logiciels comprenant un système d'exploitation sur disquette, un traitement de texte, un tableur et une suite pour le BASIC. Différences par rapport à l'Amiga 1000 Le Lorraine dispose de plusieurs différences notables par rapport à l'Amiga 1000. Plusieurs de ces modifications émanent directement de Commodore afin d'accélérer le développement ou de mettre à niveau la machine :
En tant que machine en développement permanent, la forme du Lorraine changea beaucoup en cours de sa carrière. Les premières étaient donc des platines Labdec, mais celles-ci ont ensuite laissé la place à un véritable circuit imprimé. Le développement logiciel pour ces prototypes se faisait sur des serveurs Sage IV (68000/8 MHz, 1 Mo de mémoire) et sur l'Amiga Development System. Ce dernier disposait donc des puces Agnus, Daphne et Portia sur circuits imprimés, le tout dans un boîtier gris clair (puis noir) en acier et avec un clavier qui avait la particularité d'être fabriqué en bois. Les modèles les moins anciens d'Amiga Development System étaient dans un boîtier plastique couleur crème, comme les Amiga 1000. La conception des cartes mères et les tests d'homologation FCC pour les premiers systèmes de développement furent effectués par Dave Needle. Lui, Stan Shepard et Robert Ewell travaillaient à l'époque comme sous-traitants chez Amiga. Leur société s'appelait Software & Hardware Innovative Technologies et avait un logo en forme de rouleau de papier toilette, logo visible dans les Amiga Development System, au dessus de l'empreinte de Mitchie, la chienne de Jay Miner. Voici quelques cartes mères de l'Amiga Development System :
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Sa traduction en français :
Quelques-uns de ces Amiga Development System furent envoyés à des développeurs tiers. Le but était naturellement de créer des programmes en attendant la disponibilité publique de la machine. Electronic Arts, par exemple, fut l'une des sociétés à développer dessus. Elle conçut notamment le logiciel de dessin Deluxe Paint et certains de ces jeux comme Arcticfox, en collaboration avec Dynamix. L'Amiga Development System D-638 fut envoyé par Commodore à Hewlett-Packard, mais ce dernier décida de ne pas s'engager dans l'Amiga et revendit peu de temps après (courant 1985) son prototype à Larry Blakesley, un ingénieur du Colorado. Conclusion C'est en juillet 1985, soit une année entière après le rachat d'Amiga Inc. par Commodore, que le premier Amiga fut exhibé au public. Sa commercialisation commença en septembre 1985. Il représenta ainsi le premier ordinateur personnel multimédia et multitâche de l'histoire. Mais l'histoire de l'Amiga aurait pu être totalement différente si l'équipe d'Amiga Inc. n'avait pas trouvé de financement ou si une autre société l'avait rachetée. Autres photos Lorraine
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