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Dossier : L'histoire de Novagen
(Article écrit par David Brunet - avril 2022)


Novagen fut une société anglaise de jeux vidéo fondée en 1984 par Paul Woakes et Bruce Jordan. Elle se fit remarquer par la série de jeux d'aventure/action Mercenary sur les machines Atari et Amiga, grâce à un univers virtuel absolument gigantesque.

Avant Novagen

Paul Woakes, un jeune anglais originaire de la région de Birmingham, en Angleterre, rêvait d'un ordinateur personnel avant que ceux-ci n'existent. Il en construisit donc un en 1975. Il écrivit même sa propre version de BASIC, ainsi qu'un assembleur, pour le programmer. Paul Woakes était introverti, il n'aimait pas sortir et, d'après une personne qui le connaissait bien, était un croisement entre un Marlon Brando de mauvaise humeur et un Patrick Moore mal luné. Il n'aimait pas non plus être pris en photo, c'est pourquoi, même aujourd'hui, Internet ne propose quasiment rien sur lui.

Paul Woakes
L'une des rares photos de Paul Woakes (vers 2002)

Les origines du premier jeu de Paul Woakes, Encounter!, précédèrent Novagen de quelques années. Il fut sans doute inspiré par Battlezone, une borne d'arcade d'Atari sortie en 1980. Il s'agissait d'une simulation de char d'assaut en 3D fil de fer et en vue à la première personne, dans un monde ouvert et particulièrement immersif.

Battlezone
Battlezone

L'intérêt de Paul Woakes pour le développement de jeux s'intensifia après l'achat d'un Atari 800 en 1980. Il s'inscrivit à un club informatique nommé BUG (Birmingham User Group), qui regroupait les enthousiastes de l'Atari de sa région. Après avoir vu un exercice de programmation graphique sur lequel Paul Woakes avait travaillé, son ami Martin Stallard, passionné d'arcade et également membre de BUG, le persuada de l'adapter pour l'utiliser dans un jeu.

BUG
Une affiche pour le BUG

Bruce Jordan, également originaire de Birmingham, était à l'époque copropriétaire d'une entreprise de double vitrage très prospère, mais il avait identifié le prochain grand marché de la vente à domicile comme étant celui du matériel de divertissement, sur lequel les marges étaient assez faibles, mais qui pouvait être suivi par la vente/location de logiciels sur lesquels les marges étaient importantes. Il acheta alors des ordinateurs personnels Atari. Nous étions en 1981.

Bruce Jordan
Bruce Jordan

Il ouvrit un magasin de revente nommé "The Atari Center" à Birmingham dans le cadre de l'activité de sa société nouvellement créée Home Entertainments Ltd., qui disposait de bureaux spacieux et coûteux au-dessus. Bien qu'il s'agissa alors pour Bruce Jordan d'un "projet de développement futur" à temps partiel, l'activité de son magasin explosa. A ce moment-là, Bruce Jordan ne savait pas que tout son personnel était membre du... BUG.

Atari Center
Magasin Atari Center à Birmingham

Un jour de 1983, Bruce Jordan fut appelé au magasin pour rencontrer deux personnes, Paul Woakes et Martin Stallard, qui voulaient lui montrer leur jeu. Le personnel lui dit qu'il allait être impressionné par ce programme en 3D rapide, doté d'une technique 3D qui fut plus tard connue sous le nom "d'environnement réel". Ce jeu, nommé Encounter!, se déroulait dans un univers de science-fiction dans lequel le joueur faisait partie d'une équipe chargée d'explorer une mystérieuse planète. Le joueur devait ainsi piloter le véhicule antigravité de l'expédition et protéger les autres explorateurs. Bruce Jordan fut effectivement impressionné et les auteurs du jeu, alors à la recherche d'un éditeur, lui demandèrent s'il avait envie de le publier. En toute honnêteté, Bruce Jordan répondit qu'il ne connaissait rien à l'édition de logiciels, il déclina l'offre et leur souhaita bonne chance.

Paul Woakes et Martin Stallard retournèrent au BUG. La plupart des membres suivaient les progrès du développement d'Encounter! avec assiduité. Geoff Brown, un des membres de BUG, était un distributeur émergent, vendant des logiciels Atari publiés aux États-Unis qu'il avait ramenés dans sa valise au fil de ses visites outre-Atlantique. Geoff Brown, qui devint plus tard célèbre (et riche !) avec la création de la société d'édition US Gold, à Birmingham en 1984, proposa de présenter le jeu de Paul Woakes aux éditeurs américains. L'industrie informatique britannique n'était alors qu'à ses balbutiements, le grand marché d'Atari se trouvait aux États-Unis. Paul Woakes accepta, nous étions à la fin de l'année 1983.

Geoff Brown
Geoff Brown

Geoff Brown réussit à faire cette introduction et Encounter! pour les machines Atari 8 bits fut ainsi le premier jeu d'origine britannique à être publié aux États-Unis. En outre, une partie de l'accord avec Paul Woakes (sur lequel Geoff Brown n'eut aucune implication directe) prévoyait que l'auteur d'Encounter! devait développer une version Commodore 64, ce qu'il fit. Salué pour la rapidité de son animation et la montée d'adrénaline de son action, ce premier jeu se hissa en tête des classements. Paul Woakes reçut une modeste avance et, malgré le succès d'Encounter!, il se fit avoir sur toutes les redevances ultérieures. Ce fut une sacrée désillusion pour lui et il décida de récupérer les droits de son programme.

Encounter!
Encounter! sur Atari 8 bits

Paul Woakes avait été impressionné par l'honnêteté de Bruce Jordan lors de sa première rencontre. Il appela donc une seconde fois le copropriétaire d'Atari Center et lui demanda s'il était intéressé pour l'aider à publier Encounter! pour les marchés autres que celui des États-Unis. Cette fois, Bruce Jordan accepta.

Pour ne pas rééditer "l'erreur de jeunesse" des redevances et pour assurer le lancement d'Encounter! en Europe, Paul Woakes créa la société Novagen Software ("nova" pour "nouvelle" et "gen" pour "génération"). Nous étions au début de 1984. Novagen était ainsi, à l'origine, la propre société de Paul Woakes, alors que la société de Bruce Jordan devait percevoir un pourcentage pour la publication, les ventes et la distribution des jeux au nom de Novagen.

Novagen

Bruce Jordan révéla que "toutes les idées farfelues furent celles de Paul Woakes. Il a un drôle de sens de l'humour qui transparaît dans le jeu. C'est à ce moment-là que la jouabilité prend le dessus. Nous nous disions "ne serait-ce pas génial si cela pouvait arriver ?". Je rentrais chez moi, je voyais Paul Woakes le lendemain et cette idée était intégrée." De son côté, Bruce Jordan était un véritable bourreau de travail et l'homme parfait pour mener un projet à terme et gérer une entreprise.

Encounter! pour C64 sortit vers le début de 1984 et se vendit relativement bien, même si les produits Atari étaient mieux reçus et duraient plus longtemps que ceux sur C64 au Royaume-Uni.

Encounter!
La boîte d'Encounter! sur Commodore 64

Novaload, la naissance d'un standard

Une chose qui épata les utilisateurs d'Encounter! fut la vitesse de chargement du jeu, qui était alors sur cassette. Paul Woakes avait en effet ajouté une routine qui accélérait le chargement de la cassette Commodore, passant le temps de chargement de vingt minutes à seulement quatre minutes !

Quelques semaines après la sortie d'Encounter! sur Commodore 64, Bruce Jordan reçut un appel d'un magazine qui lui demanda "comment le jeu peut faire cela ?". Il s'interrogea "faire quoi ?" car Bruce Jordan ne savait pas de quoi il s'agissait. La personne à l'autre bout du fil indiqua avec étonnement que la cassette du C64 se chargeait jusqu'à dix fois plus vite que ce qui était apparemment prévu. En fait, Paul Woakes avait entendu quelque part que cette prouesse pouvait être faite, alors il s'était mis en tête de la réaliser. Cela lui prit quelques heures, et Novaload était né.

Novaload

Bruce Jordan comprit rapidement que ce produit pouvait être vendu, sous licence et moyennant une redevance (on parla d'une redevance correspondant à environ 90% du prix d'une cassette : quelle affaire !). Alors que Bruce Jordan alla faire breveter Novaload, il fallut une semaine à Paul Woakes pour embellir le produit avec un écran d'affichage, quelques musiques et inclure un utilitaire sur disquette avec une protection contre le piratage afin de permettre aux éditeurs d'utiliser Novaload. La filiale Novaload Ltd. fut créée, Bruce Jordan administra la société et il réalisa les premières ventes.

Novaload Novaload
Exemples d'écran Novaload

Novaload devint rapidement le standard de l'industrie. On le retrouva dans de nombreux jeux comme Summer Games d'US Gold (1984), Bombjack et Thundercats d'Elite et même Boulder Dash 4 de Hi-Tec Software Ltd publié en 1990, soit six ans après la création de l'utilitaire. Novaload rapporta une somme respectable à Novagen durant ses trois premières années de commercialisation, avec comme point culminant sa vente à Commodore, le constructeur du C64, qui ne put jamais faire mieux pour le chargement des cassettes dans ses propres machines.

L'idée de cet utilitaire fut néanmoins rapidement copiée par d'autres développeurs. Il fut piraté et utilisé de manière flagrante (avant même sa deuxième année) par l'éditeur Ocean qui fut, en fait, son premier client. Avant la publication du jeu Hyper Sports, Ocean utilisait Novaload pour tous ses titres, puis cessa soudainement de l'utiliser, se servant à la place de son "Ocean Loader". Cela coupa une source de revenus lucrative pour Novagen. Paul Woakes fut alors absolument convaincu que quelqu'un chez Ocean avait volé ses routines de chargement/sauvegarde de Novaload. Le "pirate" d'Ocean s'appelait Bill Barna, qui, en raccourci, acquit une notoriété anonyme sous le pseudonyme de Novabill. En coulisses, Paul Woakes commença à réfléchir sur comment se venger de ce pirate...

Hyper Sports Ocean Loader
Ocean Loader pour Hyper Sports

Mercenary : aller plus loin qu'Encouter!

Paul Woakes était toujours en train de programmer et d'expérimenter toutes sortes de choses, et il en faisant souvent part aux membres du club BUG. Au cours du second trimestre 1984, Bruce Jordan vit un nouveau programme de Paul Woakes, une sorte de simulateur de vol basique avec un horizon vert sur un ciel bleu, doté d'un réseau routier et d'un cube graphique vectoriel rotatif. Bruce Jordan n'était alors pas trop préoccupé par ce que Paul Woakes avait fait, il s'agissait d'un autre exercice de programmation "académique", qui allait devenir Mercenary, et qui surpassait son premier jeu, Encouter!

La partie de la simulation de vol de cette démo était entièrement fonctionnelle, mais c'était tout, il n'y avait pas de "jeu" proprement dit. Paul Woakes indiqua qu'il prévoyait de générer un paysage urbain comme toile de fond de l'expérience de vol. Il était séduit par l'idée de simuler un environnement réel dans lequel le joueur pouvait aller où il le voulait et choisir de faire n'importe quoi. Et à cette fin, il développa une routine où le joueur pouvait atterrir, sortir et marcher.

Bruce Jordan avait d'autres activités mais il se retrouva impliqué dans la conception de Mercenary. En effet, son concept de divertissement à domicile (via Home Entertainments Ltd) ne progressait pas et l'activité de Novagen/Novaload occupait de plus en plus de son temps. Il revendit alors son magasin Atari Center et quitta les coûteux bureaux du dessus pour des locaux plus modestes à Mosley, à Birmingham, près de son domicile. Bruce Jordan commença à s'intéresser au travail continu de Paul Woakes, qu'il exécutait depuis son domicile. A partir de ce moment, l'ancien gérant d'Atari Center réalisa littéralement des centaines de visites chez le programmeur pour examiner ses travaux en cours qui, peu de temps après, devinrent des réunions de consolidation de leurs travaux communs en cours.

Afin de faire avancer le produit, Bruce Jordan participa à la conception et à la création des données du jeu. Paul Woakes lui expliqua le principe des jeux d'aventure et lui donna une version "utilitaire" du programme dans laquelle il put intégrer les données des objets : réseaux routiers, transports, bâtiments, pièces, objets décoratifs et fonctionnels, vaisseaux spatiaux et personnages. En dehors de Paul Woakes et de Bruce Jordan, deux autres personnes furent mentionnées dans la création. Il y avait d'abord Gary Walton, un connaisseur des mathématiques que Paul Woakes avait rencontré au club BUG et qui conçut toutes les structures de la ville en surface. Il y avait aussi Peter Pachla, qui lui fut présenté par Martin Stallard, et qui s'occupa du chargeur du jeu et de l'écran de chargement pour la version Atari.

Les premiers aperçus de la presse décrivaient un jeu où le joueur devait quitter son vaisseau-colonie pour aller chercher des provisions sur la planète. Il semble donc que l'histoire du jeu en version finale (s'évader de la planète) ait été ajoutée plus tard. Pour piloter le vaisseau, il fallait du carburant, les objets étaient censés être distribués de manière aléatoire à chaque nouvelle partie, et les tirs au sol étaient envisagés. Mais toutes ces idées furent abandonnées quand Bruce Jordan convainquit Paul Woakes qu'il était plus que temps de commercialiser le jeu. En fait, Paul Woakes était du genre à ajouter toujours plus d'idées et d'éléments dans ses programmes, chose qui n'était pas vraiment compatible avec le respect des délais des publications commerciales.

Mercenary sur orbite

Après 18 mois de développement, le jeu alors nommé "Mercenary: Escape From Targ" sortit sur Atari 8 bits en novembre 1985, puis sur Commodore 64 en mars 1986 et Commodore Plus 4 en juillet de la même année. Des versions pour ZX Spectrum et Amstrad CPC furent également disponibles. Les versions 16 bits arrivèrent plus tard, en décembre 1986 sur Atari ST et au printemps 1988 sur Amiga. Novagen conclut également un accord avec Datasoft et IntelliCreations pour la distribution du programme en Amérique du Nord.

Mercenary
La boîte de Mercenary: Escape From Targ sur Atari 8 bits

À la demande de Paul Woakes, Mercenary fut livré avec un manuel minimaliste de six pages, qui n'expliquait en gros que quelques commandes. Mais après moults réclamations de la part du public et des revendeurs, Novagen fut forcé d'inclure une "feuille de conseils" détaillée, écrite en caractères d'imprimerie, pour aider les joueurs à démarrer. Au début du jeu, le joueur atterrissait en catastrophe sur la planète Targ (il était en route vers le système Gamma de Damoclès), l'objectif principal était de trouver un moyen de s'échapper. Sur cette planète, il y avait une guerre civile entre deux factions, les Palyars (les "bons" indigènes) et les Mechanoids (les "méchants" envahisseurs), qui donnait au joueur l'occasion de gagner de l'argent pour acheter sa fuite de Targ.

Mercenary
Les deux premières pages du manuel (version Atari 8 bits)

Le jeu proposait l'exploration d'une ville en graphisme vectoriel. Bien qu'il s'agissait d'une représentation en 3D la plus simple possible, en fil de fer, l'animation ne dépassait pas les 5 images par seconde. L'intérêt était ailleurs : Mercenary combinait une simulation de vol avec une véritable exploration dans un monde ouvert et interactif. C'était un monde à explorer sans tuer, le jeu n'attribuait aucun point, vous n'aviez pas de score et il n'y avait aucune récompense autre que votre liberté. Le jeu pouvait en outre être fini via diverses solutions. On y trouvait des véhicules, des objets et des énigmes. Ce concept fut très innovant à tel point que Mercenary: Escape From Targ ne ressemblait pas du tout à un jeu des années 1980, où les titres d'arcade dominaient le marché.

Mercenary
Mercenary: Escape From Targ - votre arrivée sur Targ (version Atari 8 bits)

Le jeu était basé sur une intelligence subtile et un humour décalé. La ville disposait de nombreux lieux nommés selon des lieux réels de Birmingham comme le bar Coach And Horses et vous pouviez y voir des allusions à des collègues ou amis de l'équipe de Novagen : la conception du jeu fut probablement un grand amusement pour l'équipe conceptrice. Certains objets avaient des capacités secrètes comme cet évier de cuisine qui vous permettait de ramasser n'importe quel objet ou une toile d'araignée qui faisait office de clé squelette (il s'agissait en fait d'un outil de débogage utile laissé en place pour la version finale). En outre, une boîte nommée "essential 12939 supply" se révélait être du Pepsi lorsque vous regardiez le modèle de derrière. Et vous pouviez aussi tomber sur un énorme "W" en 3D fil de fer : si vous le détruisiez, un message apparaissait vous informant que vous aviez détruit le monument Walton. C'était un clin d'oeil de la part de Paul Woakes pour créditer le travail de Gary Walton qui conçut un bon nombre d'objets de la ville.

La ville de Targ était très grande mais presque vide et les personnages se devaient alors d'être mémorables. L'un d'eux était le beau-frère du commandant Palyar, qui fut inclus par Paul Woakes en tant qu'allusion à une personne avec qui il ne s'entendait pas à l'époque. On ne voyait jamais ce beau-frère dans le jeu mais sa présence était ressentie tout au long de l'aventure. Au fur et à mesure que les événements se déroulaient, il devenait évident que vous faisiez de sa vie une véritable misère : vous pouviez voler son ancien vaisseau, détruire son nouveau vaisseau, enlever tous ses meubles et faire exploser sa maison. Dans les jeux suivants, il était votre ennemi juré, mais ici vous deveniez progressivement le sien : vous créiez cet ennemi par vos propres actions. L'absence physique de ce personnage faisait étrangement écho à Paul Woakes lui-même, que l'on voyait rarement, mais qui avait des parties de lui-même éparpillées dans ce monde virtuel.

Le joueur disposait également d'un conseiller, nommé Benson (un "PC de 9e génération"), dont l'interaction se faisait par le biais d'une ligne d'informations défilant en bas de l'écran. Outre l'aide qu'il apportait au joueur, il émettait occasionnellement des remarques sarcastiques, à tel point que certains joueurs exploraient le jeu juste pour voir ce que Benson avait à dire sur les différentes situations dans lesquelles on pouvait se retrouver.

Un an plus tôt, l'affaire Novaload/Ocean avait vraiment déçu Paul Woakes. Pour se venger, il créa un monument dans Mercenary: Escape From Targ appelé "NovaBill", sur lequel on pouvait lire la phrase suivante : "Le symbole de mon vieil adversaire Novabill. Il vendrait sa grand-mère pour cinq crédits."

NovaBill
La stelle de NovaBill dans Mercenary: Escape From Targ

Mercenary: Escape From Targ reçut des critiques très positives de la part des magazines de jeux sur toutes les plates-formes. Il reçut une médaille d'or du magazine Zzap!64 en 1986. De son côté, Bob Sodaro, journaliste du magazine RUN, souligna que son intérêt dû à sa rejouabilité était grand et qu'il fallait réaliser des copies de la carte pour s'en sortir. Le magazine Antic était aussi de cet avis en écrivant "si vous n'êtes pas au bon endroit pour trouver les indices, vous n'arriverez à rien". Mercenary avait donc les défauts de sa principale qualité : un vaste monde ouvert.

Mercenary
Carte de Targ avec ses objets

L'accueil favorable de la critique permit d'étendre la durée de vie du produit à quatre ans, avec divers portages sur d'autres machines. Paul Woakes embaucha David Aubrey-Jones (un développeur indépendant) pour convertir Mercenary: Escape From Targ sur ZX Spectrum et Amstrad CPC. Mercenary fut également proposé dans d'autres langues, comme l'allemand et le français. Mais la traduction française n'était pas à la hauteur du reste du jeu. Bruce Jordan indiqua à ce sujet que les traductions étaient faites à l'époque par un bureau commercial et qu'il pouvait imaginer à quel point ces traductions étaient "bizarres". Mercenary fut tout de même le produit le plus rentable de toute l'histoire de Novagen.

David Aubrey-Jones
David Aubrey-Jones

C'est à peu près à cette époque que Novagen eut besoin d'une personne pour gérer les relations avec la presse, ce fut Tim Bosher, un vieil ami de Bruce Jordan. Tim Bosher possédait une florissante société de relations publiques qu'il dirigeait dans une pièce adjacente aux bureaux de Novagen. Il s'occupait aussi de Software Express, un revendeur Atari et éditeur Atari/Amiga.

Tim Bosher
Tim Bosher

The Second City : on prend les mêmes...

Paul Woakes avait initialement décidé de ne donner que très peu d'indices sur ce qu'il fallait faire dans Mercenary et de laisser les joueurs le découvrir par eux-mêmes. Malgré la présence de la feuille de conseils, cela posa des problèmes à certains d'entre eux et Novagen annonça des précommandes pour "Targ Survival Kit" (trousse de survie pour Targ) qui était prévu pour décembre 1985. Ce Targ Survival Kit n'arriva finalement que quelques mois plus tard, au prix de 3,95 £.

Mercenary
Publicité pour le Survival Kit

Le Targ Survival Kit était présenté sous la forme d'une enveloppe contenant diverses choses : un guide touristique de Central City (avec un plan des rues nommées pour l'occasion, et d'après de vraies rues de Birmingham), un insigne "Mercenary", des cartes souterraines, les caractéristiques des vaisseaux, ainsi qu'une nouvelle écrite par Bruce Jordan intitulée "Interlude On Targ" et remplie d'indices. Parmi ces indices, on découvrit un vaisseau de location appelé "Casper Hanley Eagle 8 Special Edition", ou "Cheese" en abrégé. Ce fut une explication sournoise, après coup, afin d'expliquer/justifier la présence d'un avion très performant qui était appelé "Cheese" dans Mercenary.

Mercenary
Une partie du plan de Central City

Interlude On Targ Interlude On Targ Interlude On Targ
Quelques pages d'Interlude On Targ

Alors que Novagen s'activait pour sortir des portages de Mercenary: Escape From Targ sur les autres plates-formes, la société avait déjà lancé le développement de sa suite nommée Mercenary: The Second City. Au vu de son activité croissante, la société devait recruter, elle embaucha par exemple Ian Thompson-Yates (pour aider au niveau des tests et des relations publiques) ainsi que Nick Bacchus et Neil Toulouse, encore étudiants (pour l'emballage des paquets).

Ian Thompson-Yates
Ian Thompson-Yates

La conception de Mercenary: The Second City fut gérée en grande partie par Bruce Jordan, désormais expérimenté, avec Gary Walton pour la conception des objets et Paul Woakes en tant que programmeur et implémenteur d'idées. Le jeu fut publié en septembre 1986 sur diverses machines 8 bits (Atari 8 bits, ZX Spectrum, Commodore 64 et Plus/4) après seulement un mois de travail environ. En effet, Mercenary: The Second City n'était qu'une extension de Mercenary: Escape From Targ, il reprenait quasiment tout du jeu original et était proposé via un seul fichier de sauvegarde contenant l'état du monde entier. Le joueur devait ainsi posséder le programme original pour le lancer.

Mercenary: The Second City
Mercenary: The Second City (boîte sur Atari 8 bits)

The Second City était une suite particulièrement maléfique de Mercenary. Les objets, leurs fonctions et la carte de la ville étaient tous mélangés. Le schéma des couleurs était également complètement modifié : The Second City représentait l'autre côté de la planète. Le sol était à présent rouge au lieu du vert original, et le ciel n'était plus bleu ; il est rose dans les versions Amiga et Atari (8 bits et ST), bleu foncé sur les machines Commodore 8 bits (C64 et Plus/4) et jaune sur ZX Spectrum. Paul Woakes augmenta la difficulté en incluant plus de labyrinthes (via les téléportations), des souterrains plus complexes, des clones de vaisseaux ou des pièces invisibles dont les lignes vectorielles avaient la même couleur que le fond. Sans compter que le Targ Survival Kit ne proposait aucune aide pour les joueurs de The Second City.

Mercenary: The Second City
Mercenary: The Second City sur Atari 800

Après les nombreuses versions pour machines 8 bits, Novagen publia son premier titre sur machines 16 bits : une version de Mercenary: Escape From Targ sur Atari ST en décembre 1986. Elle incluait l'extension The Second City ainsi que le Targ Survival Kit. Le passage sur une machine 16 bits permit d'accélérer l'animation et proposait un affichage plus précis, en 320x200 pixels, ce qui augmentait le réalisme des mouvements. Par contre, les quelques bruitages furent repris tels quels de la version originale et n'étaient pas très impressionnants.

Mercenary
Mercenary: Escape From Targ sur Atari ST

La version Amiga de Mercenary: Escape From Targ n'arriva qu'au printemps 1988, sous la forme d'une version standard et aussi via la "compilation" Mercenary Compendium Edition, qui intégrait également Mercenary: The Second City et le Targ Survival Kit. A noter que la page WHDLoad de Mercenary indique que la version standard contenait également l'extension Mercenary: The Second City, mais qu'on ne pouvait pas la lancer car le menu de démarrage était désactivé.

La version Amiga n'était pas vraiment différente de la version Atari ST et n'utilisait pas les spécificités de la machine de Commodore. En fait, Paul Woakes était un partisan d'Atari et ne travailla pas sur la version Amiga avec un grand enthousiasme. Il détestait travailler sur Amiga parce qu'il était difficile de trouver de la littérature de programmation détaillée. Bruce Jordan raconta que "la première chose que Paul Woakes fit en tant que programmeur lorsqu'il aborda la version Amiga fut d'écrire un simulateur Atari. Rien ne fut jamais écrit spécifiquement pour l'Amiga." En gros, la version Amiga utilisait en quelque sorte la version Atari ST en émulation !

Mercenary Compendium Edition Mercenary Compendium Edition
Boîte de Mercenary Compendium Edition sur Amiga

Ces versions 16 bits de Mercenary reçurent un accueil positif ("hautement recommandé par les joueurs intelligents sur Amiga" selon Commodore Computing International), bien que les graphismes filaires furent parfois jugés dépassés, surtout avec la version tardive sur Amiga.

Mercenary Mercenary: The Second City
Mercenary:Escape From Targ et Mercenary: The Second City sur Amiga

Damocles : la nouvelle génération de Mercenary tant attendue

La saga Mercenary s'agrandit encore à la mi-1990 avec la sortie de Damocles (également annoncé sous le nom de Mercenary II) pour Atari ST et Amiga. Son développement débuta en mars 1986, soit quatre ans avant sa publication et même avant la sortie de Second City. Novagen commença à travailler sur des versions Commodore 64 et ZX Spectrum mais celles-ci furent annulées courant 1988. Les raisons furent le marché moribond de ces plates-formes mais surtout un cahier des charges trop exigeant pour des machines 8 bits : en effet, Damocles utilisait cette fois un environnement 3D en polygones à face pleine. Il s'agissait d'un projet à long terme qui fut développé en parallèle avec d'autres projets. Paul Woakes s'occupa une nouvelle fois de la programmation, Bruce Jordan travailla sur l'histoire, alors que Marion "Mo" Warden conçut les graphismes, aidé par Neil Toulouse et Nick Bacchus.

Damocles
Croquis préparatoire de Mo Warden pour Damocles (la maison du président)

Une fois encore, le joueur était bloqué sur une planète, Eris, avec un vaisseau spatial inopérant. L'aventure offrait au joueur un système solaire entier à explorer, le système Gamma, c'est-à-dire la destination initiale du joueur dans Mercenary. La mission originale de Mercenary était alors enfin révélée : empêcher la comète Damocles d'entrer en collision avec la planète Eris et de la détruire. Une limite de temps plutôt serrée de quelques heures seulement était également imposée, mais heureusement les auteurs avaient intégré la notion de dilatation du temps qui permettait d'écourter les voyages. On pouvait donc observer les planètes tournant autour du soleil, ce qui donnait lieu à des scènes spectaculaires de lever et de coucher de soleil, ainsi qu'à la possibilité de voir les satellites d'une planète depuis sa surface. Vous deviez visiter ces autres planètes afin d'atteindre l'une des cinq solutions possibles du jeu : la faire simplement exploser ou manipuler les forces gravitationnelles des différents corps célestes pour l'éloigner de sa course mortelle.

Damocles
La boîte de Damocles sur Amiga

Damocles contenait de nombreuses références au monde réel, notamment au Royaume-Uni des années 1980. Par exemple, la présidente de la planète Eris s'appellait Margaret, en référence à Margaret Thatcher (Premier Ministre britannique de 1979 à 1990). Il existait une banque appelée Lawson Bank, en référence à Nigel Lawson (chancelier de l'Échiquier britannique de 1983 à 1989, bien qu'une véritable Lawson Bank existe). On y trouvait aussi les appartements de Marillion (le groupe) à Chaldea City, la place de (Peter) Gabriel et de Mother (Freddy) Mercury à Bacchus. Dans un autre registre, Damocles fit référence au magasin "GUM", nommé d'après un magasin d'état russe, car celui de Damocles, comme son homologue, proposait très peu d'articles à la vente. De plus, un certain nombre de journalistes, qui avaient positivement notés les précédents produits de Novagen, eurent droit à leur nom pour des bâtiments comme Gary Penn, Tony Takoushi et Brian Nesbitt.

Le moteur de jeu de Damocles s'améliora par rapport à son prédécesseur et il tirait parti de la puissance des ordinateurs 16 bits. Tous les objets étaient à présent en polygones 3D à face pleine et en couleur. Il n'était donc plus possible de voir à travers. En vous déplaçant sur les planètes, vous pouviez entrer dans les bâtiments, regarder par leurs fenêtres, atterrir sur leurs toits, et même tomber et mourir. Chose intéressante, vous pouviez utiliser une sauvegarde de Mercenary ou The Second City, cela vous permettait de récupérer tout votre argent et votre équipement, ce qui vous donnait un certain avantage en début de partie.

Les différentes planètes disposaient également d'environnements divers : certaines étaient baignées d'un soleil perpétuel en fonction de leur orbite, d'autres avaient des environnements inhospitaliers impropres à la vie humaine, vous obligeant à rester dans votre véhicule ou à investir dans une combinaison spatiale adaptée. D'autres planètes encore avaient des thèmes distincts : la planète Bacchus était un repaire de péchés et d'injustice qui pouvait vous dépouiller de votre argent durement gagné. Et, fait intéressant, que vous réussissiez ou échouiez, vous pouviez continuer à jouer, rien ne vous empêchait de vivre dans le monde étonnamment immersif de Damocles, sans but particulier.

Les critiques des magazines furent largement positives. Amiga Format indiqua "Que vous aimiez ou non les aventures spatiales en 3D, Damocles est une expérience à ne pas manquer". Judith Kilbury-Cobb du magazine Info déclara "J'aurais apprécié qu'il y ait plus d'effets sonores, mais j'ai quand même beaucoup apprécié ce jeu". Alors que la revue française Tilt résuma ainsi : "Damocles sait faire monter la tension, tenir le joueur en haleine. La présentation et la gestion du jeu sont enfin très séduisantes". Damocles se vendit très bien, l'une des raisons étant qu'il eut, avant sa sortie, une promotion qui dura très longtemps.

Damocles Damocles
Damocles sur Amiga

Quelques semaines avant la publication de Damocles, alors que le jeu n'était toujours pas finalisé après quatre ans de développement, l'équipe déclara qu'il fallait vraiment le sortir. Mo Warden indiqua ceci dans une entrevue pour Retro Gamer : "Nous étions arrivés au stade où nous devions le sortir, mais nous savions que nous pourrions y revenir grâce aux disquettes de mission."

Mo Warden Mo Warden
Mo Warden (dans les années 1980 et en 2000)

Ainsi, en décembre 1990, Novagen publia deux disquettes de missions, nommées sobrement Damocles: Mission Disk 1 et Damocles: Mission Disk 2. Elles contenaient chacune cinq missions qui étaient en fait des parties sauvegardées organisées de façon à ce que vous ayez une tâche supplémentaire à accomplir en plus d'arrêter la comète.

La disquette 2 incluait, parmi ses sauvegardes, un guide pour exécuter la "solution des souhaits", ainsi qu'une série de sauvegardes idiotes que les concepteurs trouvèrent amusantes. Ces disquettes de missions furent également utilisées pour corriger des bogues du programme initial. On raconta qu'un joueur avait téléphoné à Bruce Jordan pour lui dire qu'il était possible de récupérer l'ordinateur ou la chaise de l'auteur dans Damocles depuis l'extérieur de sa maison, alors que cela n'avait jamais été prévu. Ceci fut utilisé comme astuce dans le Mission Disk 2.

Damocles Damocles
Damocles Mission Disk 1

Quelques mois plus tard, Novagen publia ce qui fut la version ultime de Damocles : Damocles Compendium Edition, une compilation regroupant Damocles et ses deux extensions pour Atari ST et Amiga.

Damocles Compendium Edition
Damocles Compendium Edition pour Amiga

Mercenary III, la boucle est bouclée ?

Le travail sur Damocles fut éreintant, l'équipe avait passé des années à le développer et encore des mois à trouver des bogues. Personne n'était donc enclin à repartir pour un autre gros projet. Et pourtant, le développement d'un jeu connu, à ce moment-là, sous le nom de "Damocles II: Double Trouble" fut lancé, probablement à la fin de l'année 1990, pour une commercialisation prévue pour l'été 1991.

La phase de développement était donc très réduite. Pour tenir les délais, il n'y eut pas de surprise, l'équipe de Novagen reprit le même moteur 3D que Damocles, en faces pleines. Les magazines en parlèrent tout le long de l'année 1991, avec un scénario mettant en scène deux nouveaux problèmes pour le joueur : la comète Damocles menaçait à nouveau Eris, et la présence d'un méchant nommé KC Kim. Celui-ci régnait sur les confins du système Gamma et était prêt à détruire d'autres planètes pour être le seul maître du système. Les premières informations relayées par les magazines mentionnaient aussi que les personnages seraient maintenant visibles.

Les mois passèrent, le jeu changea de nom en "The Dion Conspiracy" mais ne put être commercialisé pour Noël 1991 et sortit finalement début 1992 sous le nom de Mercenary III: The Dion Crisis sur Amiga et Atari ST.

Mercenary III
La boîte de Mercenary III sur Amiga

Mercenary III était la suite directe de Damocles, se déroulant toujours dans le système Gamma. Après la démission de Margaret, la présidente d'Eris, le joueur fut impliqué dans une crise politique sur la planète Dion, où il devait affronter un politicien assoiffé de pouvoir (PC Bil, personnage déjà vu dans Mercenary, abréviation de "Palyars Commander's Brother-In-Law") qui se présentait à la présidence. L'objectif de Mercenary III était d'empêcher PC Bil d'être élu. Et comme dans les titres précédents, il y avait plusieurs façons de terminer le jeu, avec des solutions directes ou indirectes : cinq d'entre elles étaient décrites dans les feuilles d'indices incluses dans la boîte alors que la sixième restait un mystère afin de donner au joueur quelque chose à découvrir.

Mercenary III: The Dion Crisis Mercenary III: The Dion Crisis
Mercenary III: The Dion Crisis

Ainsi, la grande nouveauté était que vous n'étiez pas seul. Vous pouviez croiser des personnages, lesquels pouvaient vous "parler" à l'aide de la ligne de texte, auparavant utilisée uniquement par Benson. Bien qu'il n'y avait pas beaucoup de personnages dans tout le système Gamma avec lesquelles vous pouviez interagir, et qu'elles se tenaient toutes immobiles en attendant de vous parler, cela était assez révolutionnaire à l'époque. En outre, les routes étaient peuplées de véhicules comme des taxis ou des bus, que vous pouviez prendre, contre rémunération. A ce sujet, les chauffeurs de taxi étaient un peu comme dans la réalité, empruntant un chemin plus long que prévu pour arriver à destination, dans le but de vous parler davantage et alourdir la facture.

Des références à la vie réelle étaient une nouvelle fois perceptibles çà et là. Par exemple, la graphiste Mo Warden apparaissait en tant que chauffeur de taxi sur la planète Vesta, alors que Steven Sargent, un ami de Bruce Jordan qui contribua un peu à Mercenary III, était un pilote sur Dion. Ce dernier avait tellement téléphoné à Bruce Jordan qu'il se souvint de son nom et l'inclut dans Mercenary III (et même Damocles). On pouvait également voir des mentions de journalistes d'Europress et de Future Publishing, les bâtiments de Queue Locksmith ou de la banque BICC. Au niveau des objets, on en retrouvait un appelé le "Trophée de Jules", qui représentait le premier trophée de la Coupe du monde de football, créé par Jules Rimet. Dans la réalité, ce trophée avait été volé et perdu en 1983 et Bruce Jordan indiqua que "l'annonce du vol de ce trophée fit l'actualité à l'époque, il était amusant de le retrouver dans "notre" système".

Mercenary III: The Dion Crisis Mercenary III: The Dion Crisis
PCBil et Mo Warden dans Mercenary III

Les critiques des magazines soulignèrent plusieurs choses comme l'immense intérêt du jeu, augmenté par l'interaction avec les autres personnages, mais aussi le fait que la technique du jeu avait vieilli. Par exemple, John Davison écrivit à propos de Mercenary III dans Page 6, une revue Atari, qu'il était "un superbe jeu qui devrait vous tenir en haleine pendant de nombreuses heures. L'ampleur des énigmes, associée à la nouvelle interaction entre les personnages, en font un jeu extrêmement agréable à jouer". De son côté, Tim Boone pour Computer And Video Games indiqua qu'il était "un digne successeur qui aurait pu être un autre classique, Mercenary III offre une expérience de jeu fantastique, mais il se plante lui-même au poteau des succès en étant un peu trop fidèle aux autres. Un grand jeu néanmoins !". Maff Evans pour Amiga Format déclara que "si vous vous attendiez à ce que quelque chose de nouveau présente un défi, préparez-vous à être légèrement déçu". Pire, Cyrille Baron dans le magazine français Joystick écrivit que "le jeu n'est pas super rapide, ce qui est relativement énervant. Côté son, il n'y a pas de miracle non plus. Et en ce qui concerne les commandes, ce n'est pas ça non plus [...] Bref, reste l'intérêt du jeu, immense".

Au final, Bruce Jordan expliqua que Mercenary III ne bénéficia pas d'une bonne distribution et se vendit moins que Damocles. Aucune disquette de mission ne fut publiée pour ce dernier chapitre de la série Mercenary.

A noter qu'après la sortie de Mercenary III, une version américaine fut évoquée. Elle devait contenir des textes relatifs à l'élection présidentielle de 1992, devait être reprogrammée pour le système NTSC et comporter des véhicules roulant à droite de la route. Cette version ne vit jamais le jour.

Autres jeux, mêmes concepts

Même si Novagen était surtout célèbre pour Mercenary et ses suites, la société conçut d'autres titres.

L'un d'eux était la suite d'Encounter!, nommé Encouter II au début, dont l'idée vint de Peter Pachla, un collaborateur à Novagen, qui fut présenté dès 1984 à Paul Woakes par Martin Stallard (Peter Pachla réalisa à l'époque le chargeur de la version Atari 8 bits de Mercenary). En 1986, Peter Pachla était devenu programmeur de jeux et après une discussion avec Martin Stallard, ils émirent l'idée d'une version d'Encounter! pour Atari ST. Paul Woakes accepta de lui fournir ses routines 3D. L'idée était que Peter Pachla programme la majeure partie du jeu pour Atari ST, en tant qu'indépendant, alors que Paul Woakes se focalise sur le développement de Damocles.

Le jeu que Peter Pachla envisageait à l'origine était quelque peu différent de ce qu'il devint. Selon lui, dans sa vision initiale, les graphismes étaient plus "rocheux", un peu comme dans Space Harrier, avec des serpents rebondissant partout. Les tirs étaient également des missiles plutôt que des boules de feu, et il était prévu qu'il y ait plusieurs arènes différentes (prairie, zone aquatique, etc.). Le vaisseau du joueur devait se comporter de manière légèrement différente dans chaque arène. Mais si Peter Pachla et Paul Woakes s'entendaient assez bien en tant qu'amis, travailler ensemble était plus compliqué. Dans le processus de création, Paul Woakes devait approuver ce que Peter Pachla faisait, et il sembla que leur vision du jeu et la façon de le programmer différaient. Peter Pachla vit le jeu dériver vers quelque chose qui n'était plus vraiment son idée, et perdit sa motivation. A tel point que finalement, les deux hommes décidèrent de se séparer.

Une autre nouvelle recrue, Michael Rooke (surnommé le "kid" (gamin) par Bruce Jordan) réalisa une maquette graphique de démonstration, sur C64, montrant quelques concepts potentiels de ce que pourrait être la prochaine version d'Encounter!. Ce n'était pas grand-chose, mais il y avait quelques effets sonores générés en utilisant un tas de macros de Paul Woakes qui manipulaient la puce sonore. Paul Woakes avait demandé à Michael Rooke de réaliser ces maquettes pour lui donner des idées pour le jeu. Bien que Michael Rooke ait choisi d'utiliser un C64 pour faire ses maquettes, il n'était pas prévu de produire une version C64 car l'objectif était de faire une version d'Encounter! encore plus rapide, destinée à l'Atari ST et aussi à l'Amiga.

Système de développement de Michael Rooke
L'Atari ST de développement de Michael Rooke en 1986/1987

Encounter II changea de nom en cours de développement et se nommait à présent Backlash. Il lui manquait cependant encore une chose : la musique. David Aubrey-Jones connaissait un musicien, nommé Simon Berry, qui habitait à Swindon, à 120 km de Birmingham. Paul Woakes l'appela, lui envoya une disquette de développement sans instruction et Simon Berry n'eut que 24 heures pour composer "quelque chose". Le musicien de Swindon rappela Paul Woakes le soir suivant, et lui fit écouter sa création audio. Paul Woakes ne fut pas satisfait du résultat, faisant remarquer le phénomène d'écrêtage de la forme d'onde qui se produisait sur la ligne téléphonique. Il y avait aussi un jingle du meilleur score mais ce dernier ne fut pas inclus au jeu. Mais le plus important fut que Backlash ait une musique, même si celle-ci n'était pas assez travaillée et ressemblait à du son pour machines 8 bits.

Au final, Backlash fut publié sur Atari ST à la fin de l'année 1987 et sur Amiga début 1988. Une nouvelle fois, la version Amiga était semblable à la version Atari ST et ne prenait pas en compte ses spécificités techniques.

Backlash
La boîte de Backlash sur Atari ST

Dans Backlash, vous vous trouviez au milieu d'un désert, sur une planète étrangère, aux commandes d'un engin de guerre rapide et puissamment armé. La scène était représentée en 3D, comme dans Encounter!, et vous pouviez vous déplacer très rapidement dans toutes les directions. Il s'agissait d'un jeu de tir rapide, fluide mais un peu trop répétitif : après quinze minutes, le joueur avait l'impression d'avoir tout vu du jeu. En outre, il n'y avait pas vraiment de fin, la partie recommençait en boucle, avec seulement une difficulté revue à la hausse.

Backlash Backlash
Backlash sur Amiga

En 1988, une société appelée East Midlands Leisure construisit une borne d'arcade basée sur une carte mère d'Atari 1040ST et baptisée INTEC Video Systems. Les jeux de lancement furent Foundations Waste d'Exocet Software et Trantor The Last Stormtrooper d'US Gold. Mais Alan Nelson, le patron d'East Midlands Leisure indiqua que certains jeux pour micro-ordinateurs étaient trop barbants pour être inclus dans une borne d'arcade. Parmi eux, il y avait... Backlash ! Il fut testé dans une borne d'arcade mais ne fut pas du tout rentable. Peter Pachla, qui travailla sur Backlash, semble avoir oeuvré pour réaliser ces bornes d'arcade.

Backlash
Coupure de presse montrant que Backlash était trop barbant en borne d'arcade

Autre jeu : Commando 2. L'éditeur Elite Software, qui avait connu un grand succès avec la conversion de Commando de Capcom en 1985, avait acquis les droits de Commando 2 pour les systèmes domestiques. Paul Woakes obtint le contrat pour ce projet et proposa à Gary Walton de le programmer. Les réunions de travail des deux jeunes hommes se déroulaient chez Paul Woakes, le soir, et Gary Walton n'en ressortait pas avant 6 ou 7 heures du matin. Paul Woakes avait développé un système qui permettait à Gary Walton d'écrire le code source sur un Atari ST et de le transférer sur un C64 via un câble qu'il avait bidouillé. Paul Woakes avait développé des routines graphiques très intéressantes pour le Commodore 64 qu'il appelait "Super Characters". Il s'agissait, en gros, d'une grille de 8x8 caractères pouvant être représentée sur la carte d'un monde par un seul octet. Ensuite, sa logique d'affichage décodait l'octet unique dans sa grille de 8x8 cible lorsqu'il devait être affiché. Cela permettait de créer des mondes immenses en utilisant peu de mémoire. C'était un système très astucieux qui prouvait que Paul Woakes était sans cesse en train d'innover. Malheureusement, cette conversion de Commando 2 fut annulée. Mais une bonne partie du travail fut malgré tout reprise pour un jeu nommé Battle Island et édité par Novagen en 1988.

A l'instar de Commando, Battle Island vous mettait dans la peau d'un commando, celui-ci était équipé d'un fusil d'assaut M16 et d'un sac de grenades. Votre mission consistait à récupérer les huit pièces du pont Bailey qui devait vous mener à une base où vous deviez détruire un faisceau à neutrons et sauver vos camarades. Des milliers de commandos extraterrestres, des chars, des emplacements laser et bien d'autres choses encore pouvaient vous empêcher d'accomplir votre mission. La technique de Paul Woakes pour générer un monde immense fut ainsi utilisée et Battle Island proposait pas moins de 350 écrans de jeu, un exploit pour les faibles ressources mémoire du C64. Mais cette prouesse n'était pas perceptible dans les premières minutes du jeu et Battle Island fut noté assez sévèrement par les magazines (39% par The Games Machine, 38% par Power Play, 43% par Commodore User) qui mirent en avant la grande taille de son terrain de jeu mais qui pointèrent sa difficulté et son domaine sonore pauvre.

Battle Island Battle Island
Battle Island sur C64

Bien que le personnage central de Novagen restait Paul Woakes, la société tenta de concevoir des jeux de façon indépendante de celui-ci. L'idée était de faire profiter les autres membres de l'apport technique de Paul Woakes en matière de programmation et, bien sûr, de sortir plus de produits. En 1988, Novagen entreprit ainsi le développement de Hell Bent, un jeu de tir en 2D à défilement vertical. La programmation et la composition des musiques furent confiées à Donovan Prince, alors que les graphismes furent fournis par Mo Warden.

Dans Hell Bent, le joueur incarnait le capitaine Drak Hellbent, il devait repousser les extraterrestres qui avaient envahi sa planète Aldonicha. L'objectif était de détruire un certain nombre de cibles au sol dans chacun des dix niveaux. Option intéressante, le joueur devait modifier l'altitude de son vaisseau spatial, sans prendre le risque de s'écraser sur une structure. Hell Bent disposait d'un défilement graphique rapide et fluide et aurait pu être mieux noté s'il n'avait pas été aussi difficile. Les concepteurs indiquèrent d'ailleurs que la grande difficulté venait du fait que les testeurs avaient fini par maîtriser complètement le jeu à force d'y jouer et d'y rejouer ; ils avaient pu atteindre le dixième niveau avec une apparente facilité.

Hell Bent
Boîte de Hell Bent dans la version combinée Atari ST/Amiga

A l'instar de Battle Island, Hell Bent ne fut pas un grand succès. Si Amiga Computing lui octroya la note flatteuse de 78%, ce ne fut pas le cas chez les autres magazines avec des notes très basses comme sur Amiga User International (3/10) ou Zzap (20%).

Hell Bent Hell Bent
Hell Bent sur Amiga

Paul Woakes travailla aussi sur Skeltor, un jeu de tir qui devait sortir à l'été 1988 mais qui fut abandonné car l'auteur n'arriva pas à lui implémenter une bonne jouabilité. Toujours dans le thème de l'espace et de la 3D, comme dans la plupart des titres précédents de Novagen, Skeltor devait être un clone d'Asteroids en 3D, en vue à la deuxième personne. Une partie du travail comme les routines pour afficher les rochers flottants, tournoyants, rétrécissants ou s'agrandissant furent cependant réutilisées dans un autre projet de Paul Woakes, la version 16 bits d'Encounter!.

En effet, au lieu de reprendre les vieilles routines de la version 8 bits, les versions Atari ST et Amiga d'Encounter! bénéficièrent d'une refonte totale du programme. Grâce à son travail sur Skeltor, Paul Woakes put rehausser le niveau technique d'Encounter! en matière de son et de visuel, sans toutefois changer l'esprit et la jouabilité du titre. Pour la musique, Paul Woakes recontacta Simon Berry en lui envoyant une disquette de ses précédentes créations en guise de nouveau départ. Mais ce projet avec Simon Berry tomba à l'eau et ce fut apparemment Nick Bacchus qui conçut les musiques de cette nouvelle version.

Encounter!
Croquis préparatoires de Mo Warden pour Encounter!

Baptisées respectivement ST Encounter et Amiga Encounter, elles furent publiées en 1991, soit six ans après la commercialisation d'Encounter! sur les machines Atari 8 bits, et plus surprenant, trois ans après Backlash, qui était pourtant sa suite. Bien que toujours aussi rapide, ce jeu d'action en 3D cristallisa quelques critiques sans pitié de la part de la presse spécialisée. Si les versions Atari 8 bits et C64 furent bien accueillies à leur époque, ce n'était plus le cas ici. Le jeu était trop facile, trop répétitif et aucune nouveauté ne fut ajoutée malgré toutes ces années. Et comme il arriva après sa suite, les acheteurs eurent l'impression d'avoir acheté un jeu dépassé. A l'instar de Mercenary III, Encounter! pour les machines 16 bits souffrit d'une mauvaise distribution, ce qui affecta les ventes.

Encounter Encounter
Amiga Encounter

Novagen, une fin en queue de poisson

Comme la plupart des petites maisons d'édition, Novagen était confrontée à une concurrence de plus en plus féroce. Bien qu'elles constituaient une bonne voie au début, ces petites sociétés indépendantes ne pouvaient perdurer sans partenariat avec l'industrie ou sans accords de licence. Bruce Jordan indiqua : "Nous avons, bien sûr, tenté de devenir une "petite" entreprise de développement, mais cela a échoué."

A peu près au moment de la sortie de Mercenary III sur Atari ST et Amiga, une nouvelle importante fut révélée dans le magazine The One (février 1992) : Novagen, qui avait bâti tous ses succès sur des jeux pour des ordinateurs qui étaient en fin de vie, s'intéressait enfin au PC et aux consoles. Y aurait-il eu un Mercenary 4 ? Non. Le jeu suivant devait être Continuum, qui fut commandité par Philips. Bruce Jordan disposait du scénarimage du jeu, dont la conception initiale revint à Mo Warden. Malheureusement, ce projet n'aboutit pas.

Continuum Continuum
Scénarimage de Continuum

Cependant, une occasion en or se présenta en 1993 : Psygnosis, un autre éditeur anglais de jeux vidéo, contacta Novagen pour voir s'ils pouvaient entreprendre la conversion de Damocles sur PC. Novagen accepta de travailler pour cet éditeur à succès, qui avait d'ailleurs été racheté par Sony. Le géant japonais était occupé à préparer la sortie de sa console PlayStation et décida de travailler avec différentes équipes pour produire des jeux, dont certains allaient soutenir le lancement de sa console.

Début 1995, des magazines firent état d'une sortie de Damocles sur PC CD-ROM, avec de tous nouveaux graphismes texturés, une animation super fluide (le jeu était programmé pour des PC Pentium 90), des animations (dans lesquelles on pouvait voir des gens de Psygnosis) et, selon le magazine Coming Soon, "une bande son orchestrale". Bruce Jordan indiqua que l'accord initial entre Sony/Psygnosis et Novagen incluait une version PC de Damocles et possiblement, ensuite, une version PlayStation. L'accord fut conclu au moment où l'équipe de Sony/Psygnosis fut mise sur pied, afin de créer une base de programmes la plus large possible. Paul Woakes reçut un simulateur PlayStation sur PC pour qu'il puisse l'utiliser dans son travail. L'auteur de Mercenary renvoya d'ailleurs, régulièrement, des retours d'utilisation qui se révélèrent précieux pour Sony/Psygnosis. Tout cela était soumis à un contrat de non-divulgation, de sorte que Novagen ne puisse divulguer quoi que ce soit à propos de la future PlayStation.

Damocles PC Damocles PC
Une version initiale de Damocles sur PC (photos issues du magazine PC Player)

Mais au fil des mois, on n'entendit plus parler de cette version de Damocles. Dans un premier temps, on estima qu'un différend financier avait pu éclater entre Psygnosis et Novagen, mais cela ne fut pas la vérité. Il n'y eut pas de véritable "conflit", Psygnosis mit tout simplement fin à plusieurs projets, dont Damocles, pour des raisons financières. En effet, selon John Gibson de Psygnosis, cette filiale vivait au-dessus de ses moyens, avec de très belles voitures garées sur le parking de la société, sans compter que chaque membre de l'équipe disposait d'un véhicule de fonction. Inévitablement, ce style de vie ne pouvait pas durer et lorsque Sony se rendit compte qu'elle avait injecté des millions de dollars et n'en avait retiré que très peu, elle réagit rapidement en commençant par chasser Ian Hetherington (l'un des cofondateurs de Psygnosis) du conseil d'administration et en fermant tous les studios satellites.

En 2006, Mo Warden révéla ceci sur la version PC de Damocles : "Novagen est mort quand Psygnosis a promis de sortir une version PC de Damocles, puis nous a lâchés juste avant que nous l'ayons terminé. Il semble qu'ils réduisaient drastiquement le budget de l'entreprise et nous n'étions pas les seuls à avoir été plaqués". Après le refus de Psygnosis de publier Damocles, Mo Warden perdit sa foi dans l'industrie du jeu vidéo qui "était censée soutenir les gens comme elle".

Damocles PC Damocles PC
Une version plus avancée de Damocles sur PC

En effet, après un développement de deux ans, Damocles sur PC était terminé à plus de 90%. Le seul travail restant était la compilation finale du "master", des tests et la signature qui devaient impliquer principalement les gens de Psygnosis. Mais ces derniers furent alors incapables de donner le feu vert à la conversion sur PlayStation, qui devait être la prochaine partie du contrat. Le changement de politique de Sony fut dicté par le grand succès du lancement de la PlayStation au Japon, et tous les efforts de Psygnosis furent réorientés pour faire de même au Royaume-Uni. L'équipe de Novagen ne reçut donc jamais de redevances.

Les fans de la série Mercenary furent déçus de ne pas voir ce dernier volet. Mais en 1997/1998, Stewart Gilray, développeur chez Grolier Interactive UK, entra en contact avec Paul Woakes et Bruce Jordan pour essayer de faire publier la version PC de Damocles. Lors de la première de leurs deux rencontres à Birmingham, ils se mirent d'accord pour que Stewart Gilray s'occupe du SDK DirectX3 pour Paul Woakes, et que Bruce Jordan contacte Psygnosis pour qu'une autre société publie la version PC. Lors de la deuxième réunion, Paul Woakes et Bruce Jordan vinrent dans le bureau de Stewart Gilray à Oxford, et ce dernier fut stupéfait de voir que les fondateurs de Novagen avaient fait le déplacement avec une copie fonctionnelle du jeu ! Malheureusement, Psygnosis refusa de céder les droits PC à Bruce Jordan et Paul Woakes...

En janvier 2005, Andy Krouwel du magazine Retro Gamer reçut la permission de Sony de diffuser la démo de Damocles 95 sur le CD de couverture de ce magazine. Il lui manquait cependant l'autorisation explicite de Paul Woakes, car le développeur voulait faire quelques changements préalables à cette diffusion.

Mais la malédiction entourant Damocles sur PC revint. L'article de Retro Gamer semblait retardé, puis la société d'édition de Retro Gamer fit faillite en 2005. Un CD, nommé "Retro Survival", fut quand même édité par les différents auteurs de Retro Gamer, incluant des articles inédits, mais l'article d'Andy Krouwel sur Novagen n'y figurait pas : il l'avait vendu au magazine Edge. Mais si l'article fut bel et bien publié dans Edge, il n'y avait pas de Damocles pour PC à se mettre sous la dent car Paul Woakes n'avait de toute façon pas envoyé le jeu à Andy Krouwel.

Bruce Jordan décéda le 21 septembre 2007. Simon Guyart, qui maintient un site sur Mercenary décida d'aller aux funérailles de Bruce Jordan. Il y rencontra Paul Woakes qui lui indiqua avoir jeté un coup d'oeil à la version PC de Damocles quelques années auparavant, et que le jeu nécessitait de menues corrections pour fonctionner sur les ordinateurs modernes. Selon lui, la séquence d'introduction se jouait trop rapidement, en 10 secondes environ. Paul Woakes dit également que les droits d'auteur étaient probablement toujours détenus par Sony et qu'il voulait éviter tout problème juridique.

Donc malgré des années d'efforts et de recherche, la version PC de Damocles ne vit toujours la lumière du jour. Seules quelques réimplémentations en code source ouvert des versions Amiga/Atari ST existent, publiées dans les années 2000. MDDClone (Mercenary, Damocles, Dion crisis Clone) comprend les trois jeux, sélectionnables par une liste déroulante. Les graphismes et la jouabilité sont identiques aux versions Atari ST/Amiga, seuls quelques bogues de la version originale ont été corrigés. Un autre portage, nommé MDDClone-SDL et axé sur le premier jeu, est sorti en 2010. Il permettait de jouer à Mercenary dans des résolutions plus élevées et proposait des graphismes avec placage de textures. Des versions pour Windows, Mac OS X, Linux et FreeBSD sont disponibles. Enfin, en 2018, un portage Open Source de Damocles et de Mercenary III fut publié. Appelé Mercenary Reloaded, il permet de lancer le jeu dans des résolutions plus élevées, une fréquence d'images plus élevée avec des mouvements plus fluides, la gestion de la réalité virtuelle (via le casque Oculus Rift) et un mode stéréoscopique séparé côte à côte.

MDDClone-SDL
MDDClone-SDL

Mercenary Reloaded
Mercenary Reloaded

La fin de Novagen se fit en pointillé. La mort de la société ne fut jamais vraiment annoncée. Gary Walton raconta qu'il avait perdu le contact avec Paul Woakes après la commercialisation de Battle Island. Il le rechercha au début des années 2000, Paul Woakes travaillait sur un logiciel d'éclairage public qui utilisait apparemment des graphismes 3D pour indiquer où la lumière tombait. Encore une fois, le génie de Paul Woakes s'était révélé. Il avait travaillé dans cette nouvelle activité avec Tim Bosher, l'ex-responsable chez Novagen des relations publiques.

Après Novagen, Paul Woakes fit également quelques travaux sous contrat pour la société Awesome Developments autour des années 2000-2001. Il s'était attelé au portage sur PlayStation 2 d'un jeu de billard (notamment le rendu des objets). Awesome Developments avait dans ses rangs Archer Maclean, un autre développeur de jeux anglais de talent.

En 2002, Paul Woakes passa un entretien d'embauche chez Warthog, un éditeur anglais de jeu vidéo. La personne en face de lui n'était autre que Paul Hughes, l'auteur du chargeur Ocean "Freeload", un rival de Novaload. La société aborda l'idée de l'octroi d'une licence pour la propriété intellectuelle de Paul Woakes. Ce dernier accepta et se mit au travail pour mettre au point une démo de Mercenary sur GameBoy. Mais les documents ne furent jamais signés et le jeu ne put jamais être commercialisé.

Ce fut apparemment les derniers travaux de Paul Woakes en termes de logiciel. Bruce Jordan décéda le 21 septembre 2007. Paul Woakes, lui, mourut le 15 juillet 2017, ce qui marqua indirectement la fin officielle de Novagen.

La ludothèque de Novagen

En un peu plus de dix ans d'activité, Novagen n'aura produit que dix jeux, mais la plupart disposent d'éditions spéciales, de compilations, de rééditions et de portages sur d'autres formats, ce qui porte le total à plus de 40 titres, étalés de 1983 à 1992. La période "PC et consoles" de 1992 à 1995 ne déboucha finalement sur aucune commercialisation.
  • Encounter! sur Atari 8 bits (1983) et C64 (1984).
  • Mercenary sur Atari 8 bits (1985), C64, C16, Plus/4, Atari ST (1986), ZX Spectrum, Amstrad CPC (1987) et Amiga (1988).
  • Mercenary: The Second City sur Atari 8 bits, C64, C16, Plus/4, Atari ST (1986), ZX Spectrum, Amstrad CPC (1987) et Amiga (1988).
  • Mercenary Compendium Edition sur Atari 8 bits, C64, C16, Plus/4, ZX Spectrum, Amstrad CPC (1986), Atari ST (1987) et Amiga (1988).
  • Backlash sur Atari ST (1987) et Amiga (1988).
  • Battle Island sur C64 (1988).
  • Hell Bent sur Atari ST et Amiga (1989).
  • Damocles: Mercenary II sur Atari ST et Amiga (1990).
  • Damocles: Mission Disk 1 sur Atari ST et Amiga (1990).
  • Damocles: Mission Disk 2 sur Atari ST et Amiga (1990).
  • Damocles Compendium Edition sur Atari ST et Amiga (1991).
  • Encounter sur Atari ST et Amiga (1991).
  • Mercenary III: The Dion Crisis sur Atari ST et Amiga (1992).
L'équipe de Novagen

Voici les membres de l'équipe de Novagen selon la page mercenarysite.free.fr/novagen.htm. Beaucoup des noms listés ici sont présents dans les jeux de Novagen, par exemple dans les bâtiments ou les planètes. Une bonne partie n'était que des contractuels et ne travaillait pas dans les bureaux de Novagen.
  • Paul Woakes - Patron et programmeur principal.
  • Bruce Jordan - Directeur opérationnel et concepteur de jeux.
  • Mo Warden - Graphiste.
  • Tim Bosher - Relations publiques.
  • Martin Stallard - Assistant de conception, aidant sur diverses choses.
  • Gary Walton - Assistant de conception et programmeur.
  • Peter Pachla - Programmeur, crédité comme "assistant de programme".
  • Michael Rooke - Effets sonores.
  • David Aubrey-Jones - Portage de Mercenary sur Spectrum et Amstrad.
  • Simon Berry - Assistant de mastering et musique.
  • Ian Thompson-Yates - Relations publiques, tests de produits et autres.
  • Neil Toulouse - Emballage des produits, assistant pour la conception.
  • Nick Bacchus - Emballage des produits, assistant pour la conception, musique.
  • Eddie Fisher - Testeur de Damocles et coordinateur de la traduction.
  • Mark Bedford - Testeur de Damocles et coordinateur de la traduction.
  • Jason Martin - Testeur de Damocles.
  • Dave Dewson - Emballage de Mercenary.
  • Jason Paul Bowker - Testeur de Mercenary.
  • Jack Moorby - Graphismes des manuels.
  • Peter Gudynas - Illustrations de Mercenary.
  • David Hardy - Illustrations d'Encounter!, Damocles et Mercenary III.
  • Lee Clarke - Illustrations de Backlash.
  • Donovan Prince - Programmeur de Hell Bent.
Anecdotes

Les bureaux de Novagen dans Damocles et Mercenary III

Les bureaux de Novagen étaient constitués de trois pièces plus une pièce de stockage/expédition au rez-de-chaussée. Ils étaient situés au 142 Alcester Road à Birmingham, au Royaume-Uni. Paul Woakes fit un clin d'oeil en intégrant le bâtiment du bureau directement dans Damocles et Mercenary III. Ces bureaux virtuels ressemblaient assez bien à la réalité avec sa forme en "L" et ses deux niveaux, sauf que "l"ascenseur" était en fait un escalier. La façade réelle correspondait au côté fermé dans le jeu.

Novagen

Novagen

Novagen
Clichés de Google Maps et Google Street View

Le bureau est maintenant détenu par une société immobilière nommée Oulsnam.

Les toilettes des autres

Une anecdote d'Eddie Fisher, l'un des testeurs des jeux de Novagen : "le bureau où nous travaillions se trouvait au-dessus d'une agence de voyage. On y accédait par une entrée située à l'arrière de cette agence, ce qui signifiait que nous avions accès à leur cuisine et à leurs toilettes. Les toilettes de notre bureau n'étaient pas très jolies, j'avais donc décidé que je pouvais utiliser celles de l'agence de voyage. Les dames de l'agence de voyage m'attendaient, en colère, quand je suis sortie. C'était extrêmement embarrassant pour l'adolescent boutonneux que j'étais. J'ai marmonné des excuses et j'ai couru rapidement à l'étage pour informer Bruce Jordan. Il est allé les voir et a arrangé les choses. Nos toilettes furent rapidement améliorées, ce qui eut un résultat positif."

Benson dans une voiture

Paul Spark, un admirateur de Paul Woakes, dispose de son propre lecteur audio de voiture qui émet les sons de Benson à l'affichage du texte.

Les petits objets dans Backlash

Mo Warden indiqua que, lors de la conception de Backlash, elle avait dû concevoir les "attaquants" sous forme d'images (et non d'objets 3D) et les faire passer de 128x128 pixels à 1/4 de pixel, en utilisant la couleur pour les faire disparaître. Lorsqu'elle présenta ses dessins à Paul Woakes, il utilisa une loupe pour examiner les plus petits !

Décoration

Michael Rooke (qui contribua à Backlash) indiqua que son frère était chargé de la décoration des bureaux de Novagen. Pendant une discussion avec les membres de Novagen, il mentionna que Michael savait programmer. C'est ainsi qu'il fut recruté par Novagen.

Café !

Le patron de Novagen était Bruce Jordan. Ce n'est pas une caricature mais plusieurs membres de Novagen, comme Michael Rooke et Neil Toulouse, indiquent que leur travail (autre que le développement de jeu) était de préparer le café du patron, un Alta Rica pour être précis.

Un décodeur

Une fois, Ian Thompson-Yates entra dans le bureau de Paul Woakes. Ce dernier avait un circuit imprimé sur le sol, devant la télévision. C'était un décodeur. Paul Woakes avait analysé un signal brouillé provenant d'un satellite et avait développé lui-même une carte qui décodait le signal. Paul Woakes expliqua comment cela fonctionnait et ce que cela impliquait. Le décodeur fonctionnait à merveille.

Des écoliers malins

Un après-midi, on frappa à la porte du bureau de Novagen. Deux écoliers en uniforme scolaire se tenaient là. Ils demandèrent si c'était bien Novagen Software. Ils expliquèrent à Ian Thompson-Yates qu'ils étaient de grands fans et qu'ils feraient tout pour travailler dans la société. L'équipe de Novagen avait fait un gros effort pour garder son emplacement secret afin d'éviter cette situation. Impressionné par leur capacité à flairer les bureaux, Ian Thompson-Yates les informa qu'il ne pouvait pas leur offrir d'argent. Cela ne les dissuadèrent pas. Ian Thompson-Yates les employa donc dans la salle consacrée aux emballages, pour remplir les boîtes du Targ Survival Kit. Lorsque Bruce Jordan rentra du Portugal, il demanda "qui sont ces deux écoliers, et pourquoi ils travaillent ?". Ian Thompson-Yates lui rétorqua qu'ils travaillaient gratuitement et qu'ils faisaient très bien leur boulot. Peu après, Bruce Jordan les embaucha pour de bon et ils participèrent à la conception de Damocles.

Encounter! pour salaire

Neil Toulouse indiqua que son premier jour de salaire fut "payé" par une copie de la version Atari 8 bits d'Encounter!, qui était son jeu préféré à l'époque.

Ça fume... beaucoup

Comme tous les employés de Novagen étaient de gros fumeurs, on ne pouvait s'empêcher de remarquer les taches de goudron et de nicotine au plafond, qui dégoulinaient littéralement sur les murs. Inutile de dire que le bureau de Novagen fut redécoré assez régulièrement.

Un travail emballant

A l'époque où Nick Bacchus ne travaillait pas encore chez Novagen, il avait remarqué sur une des publicités de la société que son adresse n'était qu'à un kilomètre de chez lui. Il partit pour visiter ces bureaux avec le prétexte de demander quand Mercenary II allait sortir. Nick Bacchus rencontra Bruce Jordan et ce dernier lui dit : "Que diriez-vous d'emballer tout ça dans des boîtes ?", en montrant une grosse pile de cassettes, de feuilles d'instructions et de boîtes. Nick Bacchus pensa qu'il disait cela pour montrer à quel point ils étaient débordés. Nick Bacchus y retourna avec Neil Toulouse quelques jours plus tard et furent embauchés pour emballer toutes ces boîtes. Ils reçurent un exemplaire d'Encounter! en échange.

Bruce Jordan aurait pu faire de la radio

Jonathon Wild, le testeur de la version PC de Damocles, raconta que Bruce Jordan avait la voix téléphonique la plus étonnamment calme. Il aurait certainement pu présenter une émission de radio.

Conclusion

Voilà donc l'histoire de Novagen, un studio de développement quasi artisanal qui proposa des titres innovants et envoûtants. Ses succès ne purent sauver la société, elle fit quelques erreurs comme entrer dans le marché des machines 8 bits un peu trop tard, et ne pas être passé sur PC et consoles quand il fallait le faire. Jason Spiller expliqua dans son entrevue avec Novagen : "le temps que les membres de cette société passaient à attendre que Paul Woakes termine ses produits ou mentionne de manière désinvolte qu'il avait inventé quelque chose qui pourrait faire une autre petite fortune, était financé par la longévité de leurs produits passés".

Avec le succès commercial et technique de Mercenary, Paul Woakes acquit une réputation de génie. Ian Thompson-Yates parlait de Paul Woakes comme d'une personne qui "était tout simplement au-dessus du lot. Super talentueux. Au vu des contraintes de la plate-forme que nous avions à l'époque, il était évidemment un génie." De son côté, John Phillips, l'auteur du classique Nebulus, mit Paul Woakes dans sa liste des programmeurs les plus admirés. Paul Woakes fait partie des grands génies britanniques des jeux vidéo des années 1980, digne de figurer aux côtés de David Braben et Ian Bell (auteurs de la série Elite).

Sources


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