Dossier : L'histoire d'Idea Software
(Article écrit par Damiano Gerli et extrait de Genesis Temple - octobre 2022)
Note : traduction par David Brunet.
S'il y a une chose à retenir des nombreuses histoires sur les éditeurs de logiciels italiens, c'est qu'il
était très difficile de développer des jeux dans les années 1980. Mais il était encore plus difficile
de trouver un éditeur, car il n'y avait aucun moyen de trouver un public avec des choses faites soi-même
à la va-vite. En faisant des recherches sur l'histoire d'Idea Software et les origines de Milestone,
il est apparu clairement que, malgré des similitudes avec d'autres sociétés comme
Genias, l'histoire d'Idea Software
et de la série de jeux Screamer était différente. Avec le soutien du distributeur de jeux Leader, l'entreprise a
collaboré avec des développeurs et des graphistes de toute l'Italie pour produire des jeux. Dans certains
cas, elle publiait également des titres déjà terminés par des développeurs externes, ainsi que quelques
versions italiennes de jeux développés à l'étranger.
Cependant, il n'y a jamais eu de véritable bureau où les développeurs travaillaient ensemble, ni de
société à proprement parler, à l'exception de l'unique bureau d'Antonio Farina où il donnait le feu
vert aux jeux que Leader devait ensuite commercialiser et publier. C'est également à Idea Software
qu'Antonio Farina rencontra de nombreux développeurs qui, des années plus tard, formèrent l'épine dorsale
de Graffiti (société connue ensuite sous le nom de "Milestone"), l'un des plus importants éditeurs de logiciels
italiens.
De Software Copyright à Idea Soft
L'histoire d'Idea Software et de Screamer débuta, une fois de plus, par le piratage de jeux. À la fin
des années 1980, Leader, le plus grand éditeur italien de jeux, en avait assez de voir la plupart de
ses programmes piratés sans vergogne. Comme le raconta l'ancien président
John Holder,
le marché était absolument chaotique, les entreprises gagnaient énormément d'argent en vendant des copies pirates
car, dans l'Italie de la fin des années 1980, cela était encore
(à peu près)
légal. Pour tenter d'améliorer
la situation, Leader essaya de conclure un accord avec la célèbre société de duplication de bandes Armati,
étant donné que la lutte contre elle par le biais de procès s'avérait assez inefficace. Ainsi, Leader créa
Software Copyright dans le cadre d'une coentreprise avec Ital Video, la nouvelle société commerciale légitime fondée
par l'homme d'affaires et pirate repenti Mario Arioti. Avec ce nom, l'objectif était clair : publier des
titres légitimes, sous licence des détenteurs des droits d'auteur originaux.
L'un des rares titres originaux publiés par Ital Video dans le cadre de l'accord avec Leader
L'accord avec Ital Video se dégrada rapidement car, apparemment, l'ancienne société pirate estimait
que la vente de jeux légitimes sous licence ne rapportait pas assez d'argent. Plus tard, Leader poursuivit
également la société de Mario Arioti (en vain), car Ital Video commença également à pirater des
logiciels protégés par le droit d'auteur, mais cela est une toute autre histoire. John Holder décida
de maintenir Software Copyright en vie pour un autre projet : développer et publier leurs propres jeux,
pour les vendre au niveau national et international. Le responsable de ce projet, qui se baptisa plus tard
"Idea Soft", fut Antonio Farina.
L'ancien bureau d'Idea Software (maintenant le site de la station radio du Vatican)
Antonio Farina mentionna qu'il était lui-même programmeur depuis son plus jeune âge. "Mon premier jeu était
en fait une réplique à l'échelle 1:1 du jeu Donkey Kong Game&Watch, programmé sur un ZX Spectrum.
Plus tard, j'ai essayé d'intéresser plusieurs éditeurs anglais à certaines de mes idées de jeux, mais
rien ne s'est jamais concrétisé", se souvint-il. Plus tard, il trouva un emploi de bureau et, pour
rompre avec la monotonie, il créa un autre jeu, Incas, un clone de Tetris programmé en Clipper/Dbase III
(disponible ici, grâce à Luca Stradiotto !).
Abandonnant son rêve de devenir développeur de jeux, après
qu'une aventure qu'il avait développée avec son ami Luca Stradiotto se soit vendue à un seul exemplaire,
il réalisa que l'expérience pouvait être utilisée pour Idea Software.
"J'ai joué le rôle de producteur. Je gardais le contact avec les programmeurs dans tout le pays, je
gérais les délais et je suivais tous les projets. Mais mon rôle allait souvent au-delà, car j'étais
en fait un factotum : plusieurs fois, les idées à l'origine des jeux venaient de moi, et je devais
donc trouver les bonnes personnes pour les concrétiser. En y repensant, en trois ans, nous avons
réussi à développer et à publier une douzaine de titres. Ce furent des années incroyables !"
se remémora Antonio Farina.
La première mention du studio dans le magazine italien K (février 1990).
La société est désignée sous le nom de "S.C." (Software Copyright)
On ne sait pas si Antonio Farina écrivit d'abord à Leader, à la recherche d'un emploi, ou si John Holder
le rencontra lors d'un salon informatique et l'embaucha ensuite. Quoi qu'il en soit, en 1989, dans un
petit bureau de Varèse (près de Milan), Antonio Farina fut la seule personne à figurer dans les livres
de Software Copyright. À la fin de l'année, le nom "Idea" fut utilisé pour les jeux publiés par la
nouvelle société. "En fait, toute l'activité consistait à trouver des projets prometteurs dans tout le
pays, à les produire et à les publier", se remémora Antonio Farina. Si l'idée était vraiment la même que celle
de Genias (ou même de
Light Shock Software),
il y avait une grande différence. À l'époque, Leader était
le plus grand éditeur de jeux vidéo d'Italie et entretenait des contacts avec tous les grands magazines
nationaux. Idea Software n'avait donc pas à se préoccuper de la commercialisation, à essayer de vendre ses projets
ou même à imprimer des boîtes ou des manuels. Elle pouvait se concentrer sur le développement de jeux.
Luca Stradiotto et Stefano Lecchi se présentent dans le magazine K de 1990
Premières idées : les animaux
Comment se déroulait un projet Idea Software moyen ? Antonio Farina raconta : "Après avoir publié des annonces dans
les magazines, tout commençait par un développeur, quelque part en Italie, qui m'envoyait une démo. Naturellement,
il convient de rappeler qu'à l'époque, la plupart de ces personnes étaient des enfants ou de jeunes adultes qui
travaillaient à temps partiel, dans le cadre de leurs études ou de leur travail, et qu'ils n'avaient aucune
expérience. Si les démos me plaisaient, je travaillais avec les développeurs pour terminer le jeu.
L'édition et la commercialisation étaient assurées par Leader, dont je ne me souviens pas qu'il ait jamais
interféré avec nos projets, ni même qu'il m'ait contacté pour essayer de faire passer un quelconque ordre
du jour". L'un des titres proposés pour le lancement d'Idea Software était Crossfire, le seul jeu (potentiel)
programmé par Antonio Farina : une sorte de version caricaturale
d'Operation Wolf. Le titre, développé
à l'origine pour Atari ST, n'a jamais vu le jour. Antonio Farina mentionna que son frère était le testeur de
ce jeu, tandis que les graphismes étaient dessinés, une fois de plus, par Luca Stradiotto.
Une tortue était le protagoniste de Crossfire
En effet, Luca Stradiotto travailla sur un grand nombre des premiers titres développés par Idea Software,
parmi lesquels leur premier succès : Bomber Bob,
publié sur Amiga. Avec des personnages essentiellement animaux, il s'agissait d'un jeu de tir classique à
défilement vertical en 2D, avec des niveaux supplémentaires qui transformaient les graphismes en un jeu
de tir vectoriel en 3D. Luca Stradiotto raconta comment ils décidèrent de réduire la fréquence d'images
de 60 à 25, afin de pouvoir développer le jeu en plein écran sans bordures : "les sprites pouvaient atteindre
100×100 pixels, et les chefs de fin de niveau pouvaient même occuper plus d'un écran. Techniquement, au
moins, il était à la hauteur des autres jeux de tir du marché". Il s'agissait du premier grand succès
d'Idea Software, du moins en Italie.
Luca Stradiotto mentionna que l'idée du sprite principal vint d'un jouet trouvé dans
un oeuf Kinder Surprise
Un acteur comique chante une chanson commerciale
Le nom "Bomber Bob" fut choisi en raison de la race du chien (un bobtail) et du nom des sprites sur
Amiga (BOB - Blitter-animated Objects). Stefano Lecchi était le principal programmeur : "Je me souviens
avoir commencé ma carrière de développeur sur un VIC-20, puis j'ai réussi à mettre la main sur un
manuel de programmation en assembleur pour l'Amiga. J'ai donc réussi à mettre au point une démo,
qui était fortement inspirée par Xenon 2,
en particulier pour l'aspect cyberpunk/métallique," Il poursuivit : "J'ai contacté Antonio Farina et
lui ai montré ma démo, qu'il a appréciée mais qu'il a décidé de modifier pour qu'elle corresponde mieux à
l'aspect et au ton comiques du jeu de tir. Je lui ai ensuite montré des graphismes vectoriels que
j'avais réalisés entre-temps pour une autre démo, et nous les avons également intégrés à Bomber Bob."
Écran-titre de Bomber Bob
Pour lancer ce jeu de tir canin, Antonio Farina eut une idée assez particulière : Bomber Bob devait contenir
une chanson de l'acteur comique Francesco Salvi. À l'époque, l'acteur était très présent dans les classements des
chansons et obtint un premier succès avec "C'è Da Spostare Una Macchina" (Il y a une voiture qui a besoin d'être déplacée).
En 1989, il réussit à réitérer l'exploit en se classant 7e au festival de la chanson officielle italienne 1989,
devant des artistes aussi connus que Mia Martini et
Jovanotti.
Antonio Farina évoqua les raisons qui le poussèrent
à utiliser la chanson Esatto (Exactement) pour l'introduction de Bomber Bob : "Malgré tout, c'était logique puisque
la chanson contient beaucoup de grognements et de couplets d'animaux et que Bomber Bob avait des ennemis
animaux. Nous avons donc utilisé une version échantillonnée pour l'introduction, tout en incluant des cassettes
de musique dans la boîte". De toute évidence, la chanson ne pouvait pas être utilisée pour d'autres versions
du jeu, car Francesco Salvi était inconnu des joueurs non italiens. Elle fut remplacée par la chanson un peu
moins intéressante, mais appropriée, "Old McDonald Had A Farm" (Le vieux McDonald avait une ferme), qui, au moins,
était gratuite.
Francesco Salvi - Esatto (Live in Sanremo 1989)
En plus d'avoir été un succès en Italie, le jeu fut exporté dans plusieurs autres pays, comme l'Angleterre
et l'Allemagne, recevant des notes de la part de tous les magazines : de la très bonne note de 88% de
CU Amiga à celle, un peu sévère, de 34% du magazine allemand Amiga Joker. D'après mes recherches, Bomber Bob
fut probablement le premier jeu Amiga commercial, réalisé en Italie, à être exporté avec succès dans
d'autres pays (en août 1990). La fin du jeu laissait présager une suite qui, finalement, ne vit jamais le jour.
Paolo Galimberti présenté dans le magazine K
Avec Bomber Bob, l'autre titre de lancement d'Idea Software fut Moonshadow, dont Antonio Farina se souvint
qu'il était pratiquement terminé lorsqu'il lui fut présenté pour la première fois. Il s'agissait d'un jeu
d'action et d'aventure développé par Paolo Galimberti seul, un développeur C64 talentueux qui collaborera
plus tard avec Idea Software sur plusieurs autres projets. Antonio Farina fit également appel à lui pour plusieurs
projets Idea Software ainsi que pour sa future société de logiciels, même si Paolo Galimberti partit avant d'avoir
pu développer quoi que ce soit. Moonshadow fut également exporté avec succès, en 1991, en Angleterre et
en Allemagne par Leader, recevant des critiques assez décentes (76% par Commodore Format et 65% par Zzap!).
Mais le grand succès d'Idea Software était encore à venir.
La licence des bandes dessinées
Quelques mois après Bomber Bob, Antonio Farina annonça déjà un nouveau jeu dans les pages du magazine
italien K. Il s'agissait d'un titre sous licence, ce qui s'inscrivait parfaitement dans l'engouement pour
les bandes dessinées au début des années 1990 en Italie
(Simulmondo faisait la même chose
avec Dylan Dog). Poursuivant leur tradition de jeux mettant à l'affiche des animaux, le prochain titre d'Idea
Software mettait en scène Lupo Alberto, un personnage de bande dessinée assez connu en Italie. Dessinées par
Guido Silvestri (alias Silver), il s'agissait de bandes dessinées à caractère comique où le loup protagoniste,
Alberto, essayait constamment de voler Marta, la poule, à la ferme voisine. Au début des années 1990,
les protagonistes de la bande dessinée semblaient vraiment être partout : sur les t-shirts, les bonbons,
les tasses et, surtout, les cartes d'anniversaire. Comme il s'agissait de l'une des marques les plus fortes
de l'époque, en particulier celle qui s'adressait aux enfants et aux jeunes adultes, il était logique qu'elle
eût aussi son propre jeu de plates-formes à défilement latéral en 2D.
Publié en 1990 sur Commodore 64 (converti par Paolo Galimberti, qui réalisa également la bande sonore)
et Amiga, Luca Stradiotto en parlait encore avec un enthousiasme débordant. "Silver [l'auteur de la bande
dessinée] s'intéressa au projet et demanda à voir plusieurs de mes dessins, ainsi que la conception des
niveaux. À un moment donné, il a fait remarquer que le dessin en pixel ressemblait à du Lego, ce qui était
tout à fait logique ! Il était tellement intéressé qu'il nous a envoyé une histoire spécifique qu'il avait
imaginée pour le jeu, afin d'expliquer en quelque sorte la raison pour laquelle le joueur irait d'un point
A à un point B dans le jeu de plates-formes. Il était évident que Lupo Alberto lui était très cher et il
voulait s'assurer que nous lui rendions justice". La bande dessinée fut également incluse dans les boîtes du jeu.
Concept du début de l'année 1989 pour un jeu de plates-formes avec Lupo Alberto
Lupo Alberto était en fait un jeu de plates-formes classique à défilement latéral en 2D, avec en plus
la possibilité d'incarner plusieurs personnages. Antonio Farina se remémora qu'ils étaient censés
présenter le jeu lors d'une conférence de presse, ainsi qu'une brève démo. "La démo n'était toujours pas
terminée la veille de l'événement ! Nous avons dû passer une nuit blanche avec le programmeur, Eugenio
Ciceri, pour pouvoir présenter quelque chose à l'événement. Nous avons terminé quelques heures avant le
début de l'événement, c'était vraiment très intense !" Le jeu sortit avec de bonnes critiques
nationales et des critiques internationales décentes, allant des 78% d'Amiga Power aux 39% de Power Play.
La version Commodore 64 s'en sortit définitivement le moins bien, Zzap! mentionnant le manque de variété
dans la mécanique de jeu et les graphismes. Le fait que Lupo Alberto n'ait été populaire que dans son
pays d'origine n'aida pas les ventes internationales.
Publicité de Lupo Alberto pour les magazines en 1990
Le succès du jeu de plates-formes Lupo Alberto, en particulier en Italie, permit de poursuivre la
collaboration entre les créations de bandes dessinées de Silver et Idea Software. Deux autres jeux
assez similaires sortirent également plus tard : Cattivik et Sturmtruppen. Ces deux jeux s'écartaient
quelque peu de la jouabilité classique des jeux de plates-formes, en ajoutant des énigmes ou en
simplifiant l'action. De l'avis général, ces jeux semblaient être des expériences moins réussies et,
dans l'ensemble, bénéficièrent d'un budget commercial moins important de la part de Leader. Silver
était également moins impliqué, puisque Sturmtruppen n'était pas vraiment sa création (elle fut
dessinée par Bonvi, un artiste de bande dessinée plus âgé), tandis que Cattivik semblait être un
personnage globalement moins important.
Plan de la musique et des effets sonores du jeu Cattivik (par Gabriele Petino)
Tout est possible : des jeux de tir aux jeux de sport
Idea Software publia également le jeu britannique Brides Of Dracula de Toast Dept
Idea Software, qui n'avait pas vraiment de "plan" ou de philosophie générale, finit par couvrir la plupart des
genres de jeux au cours des trois années d'existence de la société : jeux d'action/aventure, jeux
de plates-formes, jeux de tir, jeux de sport et jeux de réflexion. Dragon Fighter (à ne pas confondre
avec le jeu NES de Natsume de 1990), par exemple, était un jeu de tir sur Amiga de 1991, développé par
une équipe composée de plusieurs personnes qui vivaient dans différentes régions d'Italie et qui ne
s'étaient jamais rencontrées. Parmi eux, Ignazio Corrao, de Palerme, et Gabriele Petino, qui habitaient à
quelques clics des bureaux d'Idea Software.
Crazy Seasons est un jeu de réflexion publié en 1992
Gabriele Petino qui, avec son ami Andrea Bernasconi, travailla sur plusieurs jeux avec Idea Software, se souvint
qu'il arrivait tous les jours à vélo, car il habitait tout près du bureau d'Antonio Farina. Ils remettaient
les travaux terminés ou demandaient simplement s'il y avait quelque chose à faire. "Nous n'étions que des
enfants et, tout en créant la musique des jeux, comme Dragon Fighter, Smash et Cattivik, nous essayions de
faire autant de références que possible à nos groupes préférés : Depeche Mode, des groupes de métal, etc.
Farina était très prudent, il ne voulait pas que des disquettes sortent de son bureau et soient utilisées
entre nous, alors nous avons surtout travaillé par télécopies".
Dragon Fighter
Ignazio Corrao, qui vivait à l'époque à Palerme, dans le sud de l'Italie, s'occupait principalement des
graphismes. Lorsqu'il travailla sur Dragon Fighter, il faisait partie des quelques développeurs d'Idea
Software qui avaient déjà publié un jeu. Avec ses amis Marco et Sergio Zimmenhofer, Ignazio Corrao avait travaillé
sur un jeu de rôle publié par Lindasoft, Time Horn. "L'idée est née principalement parce que nous étions
une bande d'enfants ringards qui jouaient tout le temps à Donjons et Dragons, cela correspondait à nos centres
d'intérêt", expliqua Ignazio Corrao. D'après mes recherches, le jeu était le seul jeu de rôle développé en
Italie et publié, du moins dans les années 1990. Ignazio Corrao continua également à travailler avec Antonio
Farina, d'abord sur les graphismes de Screamer, puis en rejoignant l'équipe de Milestone à Milan.
Time Horn
Idea Software fut également à l'origine du premier jeu italien sorti sur une console Sega et Nintendo, même s'il
ne fut pas converti par des programmeurs italiens. Clik Clak, un jeu de réflexion de 1992, fut
développé à l'origine par Stefano Lecchi avec des graphismes réalisés par Luca Stradiotto. En utilisant
des roues dentées, le joueur devait relier toutes les pièces du puzzle. Il fut publié à l'origine sur
Commodore 64, Amiga et MS-DOS. Antonio Farina mentionna qu'il prit contact avec Sony Imageworks pour
une conversion sur Game Boy et Game Gear, qui serait développée par l'équipe de Teque. Le jeu fut
en outre rebaptisé "Gear Works" par Sony, car il s'agissait d'un titre plus facile à comprendre pour le
public international, mais rien dans le jeu ne changea vraiment.
Voitures, football et tennis
Parmi les nombreux genres abordés, Idea Software sortit également plusieurs titres sportifs, ainsi que
des jeux de football et de tennis. Le premier fut la version italienne d'Emlyn Hughes International Soccer
d'Audiogenic, qui arriva en Italie en 1989 sous le titre excitant de "Retee" (que l'on pourrait traduire
par "But"). En ce qui concernait les jeux développés en interne, leur premier titre de course fut
Champion Driver sur Amiga, développé par le père et le fils Luca et Roberto Podestà, qui était une
sorte d'adaptation du titre de course aérienne populaire à l'époque. Le jeu fut par ailleurs assez bien
accueilli au niveau international, car il s'agissait d'une variante solide du genre de Super Sprint.
Le dernier jeu de course développé par Idea Software, F1 GP
Circuits, publié pour Atari ST, Amiga et Commodore 64, développé par Magnetica Development (une équipe dirigée
par Gerardo Iula), eut beaucoup moins de succès.
F1 GP Circuits
Smash était un jeu de tennis de 1992, en 2D à défilement latéral, développé pour Amiga et Commodore 64
par Michele Izzo et Fabio
Corica. Pour en revenir au football, Idea Software sortit deux jeux de football,
l'un après l'autre, sur Amiga et Commodore 64. Le développement de ces titres fut confié à deux personnes
qui, ayant déjà travaillé avec Genias, se virent confier le travail en raison de leur expérience : Ivan Del Duca
et Antonio Miscellaneo. Idea Software sortit Dribbling en 1992 et, quelques mois plus tard, Championship Of Europe.
Ivan Del Duca se souvint avoir d'abord travaillé sur Dribbling : "En fait, Farina m'a appelé, avec Antonio
[Miscellaneo], pour travailler sur un jeu de football appelé Championship Of Europe, mais les choses ont
changé parce qu'il voulait que nous travaillions d'abord sur Dribbling. Je me souviens que ce jeu a été
développé comme une sorte de version de démonstration du deuxième jeu, il y avait peu de temps pour faire
quelque chose de décent".
Dribbling (Commodore 64)
Les deux jeux étaient en effet très similaires, le dernier Championship Of Europe (aussi parfois connu sous
le nom de "European Champions", même s'il n'est pas clair s'il y a des différences entre les deux) ayant
une meilleure mécanique de jeu. Les jeux furent clairement influencés par
Kick Off, qui était le plus grand jeu de
football réaliste de l'époque et qui était également très populaire en Italie. Dans l'ensemble, Ivan Del Duca
se souvint de cette expérience comme de quelque chose dont il n'est pas très fier : "Au mieux, je pense que
nous avons fait un travail correct, nous n'étions pas dans le meilleur état d'esprit pour travailler avec
succès sur ces jeux, nous étions encore jeunes et probablement un peu trop sûrs de nous. Franchement, je ne
pense pas que ces jeux soient à la hauteur des meilleurs jeux de football disponibles sur le Commodore 64".
Championship of Europe (Amiga)
La fin d'Idea Software, le début d'une nouvelle ère
À la fin de l'année 1991, après avoir sorti plus de dix jeux différents sur Commodore 64, Amiga, PC,
Atari ST et même des consoles, Antonio Farina se dit assez fatigué. Il avait constaté que Leader ne
semblait pas vouloir investir dans son propre studio de jeux, alors qu'il savait que d'autres pays
possédaient des sociétés de logiciels sérieuses où les gens travaillaient tous les jours.
Antonio Farina
Antonio Farina décida d'exiger plus d'argent et d'investissements, afin de commencer à créer des jeux qui pourraient être
compétitifs sur le marché. "Idea ne pouvait pas continuer à travailler avec des indépendants de toute
l'Italie", commenta-t-il, "il était temps soit de créer des jeux sérieusement, soit d'arrêter complètement
d'en créer. Pour moi, le marché italien n'a jamais vraiment été mon objectif, je voulais des jeux qui puissent
être compétitifs au niveau international. J'en avais assez d'entendre dire qu'un jeu était bon... pour un jeu italien :
soit il était bon pour le marché mondial, soit il ne l'était tout simplement pas".
Publicité dans un magazine pour le jeu Swords And Galleons d'Idea Software (1992)
Voyant sa proposition judicieuse déclinée par Leader, Antonio Farina fit ses valises et, au début de
l'année 1992, quitta la société. Malgré son départ, Idea Software publia plusieurs autres titres en 1992.
Le départ d'Idea Software entraîna la création du deuxième studio de développement de jeux d'Antonio Farina, qu'il
choisit d'appeler "Graffiti". La nouvelle société disposait d'un bureau à Milan. Antonio Farina étant
déjà en contact avec de nombreux développeurs, il décida d'appeler ceux avec lesquels il avait déjà
travaillé pendant ses années à Idea Software. L'idée initiale de Graffiti, Antonio Farina l'expliqua dans le
numéro 38 du magazine K : "elle servira d'intermédiaire entre les éditeurs et les développeurs et
graphistes talentueux d'Italie. Il ne s'agira pas d'une relation entre un fournisseur (éditeur de logiciels)
et un client (programmeur), mais d'une participation active à la réalisation de nos objectifs communs."
Parmi les personnes qu'il appela en premier, on trouva Stefano Lecchi et Ivan Del Duca.
Publicité britannique de Bomber Bob publiée par Software Business sur CU Amiga (1990)
La courte expérience 16 bits de Graffiti
Le premier travail de Graffiti en tant qu'équipe de développement fut réalisé sur la Super Nintendo.
Grâce à ses contacts avec Audiogenic, Antonio Farina fit travailler l'équipe sur une conversion de
Super Loopz pour la console Nintendo, sortie principalement pour le public japonais. Il s'agissait d'une
sorte de version améliorée de l'original Loopz
sur Amiga, avec le nom "Super" pour s'adapter à la console. Sorti en mars 1994, il reste à ce jour le
seul jeu développé par une équipe italienne pour une console 16 bits, du moins dans les années 1990.
"La Super Nintendo était incroyablement puissante par rapport aux machines avec lesquelles j'avais l'habitude
de travailler. Comme elle partageait l'architecture processeur générale avec le Commodore 64, Antonio Miscellaneo
et moi-même devions nous familiariser avec elle", se souvient Ivan Del Duca.
Super Loopz (SNES)
Après la sortie de Super Loopz, Antonio Farina demanda à son équipe de profiter de la trousse de développement
de la SNES. Leur projet suivant aurait été en fait un jeu de rallye, avec une vue de haut en bas dans
le style de Super Off Road. Ivan Del Duca travailla sur un prototype avec le concepteur Marco Spitoni qui
fournit des graphismes en 2D pour les arrière-plans et les voitures. Malheureusement, se remémora Marco Spitoni,
"l'éditeur nous a dit qu'en 1994, le marché de la Super Nintendo se tarissait rapidement et nous a conseillé
de concentrer nos efforts sur d'autres plates-formes." En fin de compte, le projet Rallye a été mis de côté et,
malgré une version bêta qui erra encore il y a quelques années, rien ne sembla avoir survécu.
Pendant ce temps, Stefano Lecchi travaillait sur PC sur le moteur d'Iron Assault, qui allait devenir
le premier titre de l'équipe.
Graffiti saute sur le PC
Stefano Lecchi mentionna qu'en 1993, il était déjà occupé à développer un moteur pseudo 3D à partir de
zéro, qui était en fait inspiré par Wolfenstein 3D. Le gros problème fut la sortie de Doom cette année-là :
"J'ai rapidement réalisé que ma technologie était déjà dépassée, alors que notre jeu n'était même pas encore
sorti", commenta le programmeur. Iron Assault était un jeu de tir inspiré de MechWarrior avec des mechs,
agrémenté d'intéressantes séquences en "animation pas-à-pas" tournées par Marco Spitoni qui, en tant que graphiste,
créa également les modèles des robots utilisés dans les séquences. Il sortit chez Virgin peu de temps avant
Screamer, en 1995, probablement quelques mois plus tôt en Italie.
Iron Assault
Alors que Stephano Lecchi était occupé à développer le moteur graphique, le bureau reçut un CD qui changea
toute l'histoire de cet éditeur de logiciels. Un jour, un certain Antonio Martini se présenta avec un CD
gravé à la main. "Je crois que c'était au début de l'année 1994", se souvint Marco Spitoni "quand Antonio
Martini nous a montré ce moteur 3D fluide qu'il avait mis au point. La démo était très simple : un vaisseau
spatial traversant des immeubles. Ce n'était pas très excitant, alors nous avons décidé de l'échanger avec
une voiture faisant la course sur un circuit simple, sans boucles folles ou quoi que ce soit d'autre."
Après avoir bricolé cette démo 3D, Antonio Farina se rappela de l'avoir apportée au salon ECTS de 1994 à
Londres, où cette technologie fit immédiatement parler d'elle.
Graffiti en 1995 (Ivan Del Duca est le deuxième à partir de la droite, Antonio Farina
deuxième à partir de la gauche)
C'est Virgin Interactive qui, à ce moment-là, signa avec l'équipe un accord d'édition pour deux jeux :
Iron Assault, déjà mentionné, et Screamer, un jeu de course d'arcade. Antonio Farina mentionna que "pour
l'éditeur anglais, il était clair que l'équipe devait se concentrer sur Screamer, car c'était le plus
prometteur des deux". Étant donné qu'à l'époque, il n'y avait pas vraiment de jeux de course d'arcade sur
PC, Virgin misait sur le fait que Screamer n'aurait pratiquement pas de concurrents et se vendrait comme
des petits pains. En 1994, Iron Assault était pratiquement terminé, Ivan Del Duca et Simone Balestra avaient
travaillé sur le développement de la version DOS, tout en fournissant la musique et les effets sonores.
Au début de l'année 1995, Stefano Lecchi fut laissé seul pour terminer le jeu et éliminer les bogues,
tandis que le reste de l'équipe se consacra à plein temps à Screamer.
Graffiti à la recherche de développeurs dans une annonce du numéro d'octobre 1995 de
The Games Machine
Le succès à l'état pur
Malgré la ressemblance évidente avec Ridge Racer, Antonio Farina et Ivan Del Duca se souvinrent tous deux
d'autres influences pour Screamer : Daytona USA et Virtua Racing de Sega. Le programmeur indiqua
également la façon dont l'équipe travailla en mode "critique" : "Nous avons littéralement travaillé 16 heures
par jour, parfois sept jours par semaine, sans aucune pause. C'était vraiment un projet entièrement développé
en mode "critique", mais honnêtement, cela ne nous dérangeait pas. D'un côté, il y avait les promesses d'Antonio
qui nous poussaient à aller de l'avant, mais nous travaillions en tant qu'unité soudée et tout le monde
était très enthousiaste à propos du jeu. Je pense qu'au total, Screamer nous a pris moins de neuf mois, du
début à la fin." Marco Spitoni ajouta : "Nous avions Daytona sur PlayStation et nous y jouions sans arrêt.
Nous avons vraiment essayé de reproduire son sens de la vitesse, qui était vraiment spécial."
Screamer
Ivan Del Duca mit également les bouchées doubles en concevant les circuits et en programmant même l'installateur
DOS, ce qui était très important à l'époque. Ivan Del Duca mentionna aussi une expérience intéressante avec
le producteur anglais pour travailler sur les pistes vocales qui furent utilisées sur Iron Assault et
Screamer. "Virgin disposait d'un large éventail d'acteurs expérimentés, et j'ai travaillé avec eux comme
une sorte de directeur des voix, pour ainsi dire. C'était une expérience unique pour moi, car je n'avais
jamais rien fait de tel !". Pour la bande sonore de Screamer, Ivan Del Duca travailla avec le célèbre
musicien Amiga Allister Brimble. Ce fut pour lui, fan de Commodore, un moment précieux que d'être aux
côtés du musicien responsable des bandes sonores d'Alien Breed ou de Treasure Island Dizzy.
Screamer
Virgin continua à superviser tout le travail de l'équipe, ce qui donna lieu à quelques épisodes intéressants
mentionnés par Marco Spitoni : "Nous leur avons proposé quelques publicités potentielles pour des magazines
qui mettaient fortement l'accent sur l'alcool et ils nous ont répondu qu'il était hors de question qu'ils
présentent des publicités mêlant boissons alcoolisées et conduite automobile. En y réfléchissant aujourd'hui,
cela me paraît tout à fait logique, mais à l'époque, nous n'étions qu'une bande de jeunes Italiens turbulents
et nous n'avions aucune idée de la manière dont il fallait travailler avec un éditeur international !"
Virgin vint également à Milan pour essayer une version alpha du jeu, et paya des journalistes pour qu'ils
viennent essayer le jeu. Marco Spitoni poursuivit : "C'était un spectacle magnifique, tous ces gens qui
jouaient en multijoueur, qui hurlaient et qui s'amusaient. C'est l'un des meilleurs moments de ma vie,
c'est sûr !"
Publicité pour Screamer dans un magazine allemand (jeu alors nommé "Bleifuss")
Enfin, le succès international
Screamer connut un succès immédiat, tant dans son Italie natale que dans la plupart des autres pays du
monde. Virgin avait raison, il n'y avait pas beaucoup d'autres jeux PC dans le genre course d'arcade,
comme le mentionna Gamestop dans une critique très positive. En outre, le magazine allemand Power Play désigna
Screamer comme le meilleur
jeu de course de 1995 (en Allemagne, le jeu sortit sous le nom de "Bleifuss").
Marco Spitoni, en repensant à la popularité du jeu, se reppela d'un épisode intéressant : "Quelques jours
après la sortie du jeu, un jeune homme est venu sonner à la porte de notre bureau, se plaignant que Screamer
ne fonctionnait pas avec le volant de son PC hors de prix. Finalement, nous l'avons laissé entrer et avons
passé quelques heures à résoudre son problème. Ou du moins, je crois me souvenir que nous l'avons résolu"
C'était vraiment un excellent service à la clientèle.
Screamer (Bleifuss) en couverture du numéro spécial de Power Play 1995
La sortie de Screamer posa toutefois un problème. Ralph Barbagallo, ancien développeur de la société Papyrus, se
souvint que quelqu'un dans son entreprise avait remarqué que le son du moteur de Screamer était assez
similaire à celui utilisé dans leur jeu NASCAR Racing. "L'ingénieur du son était très fier de ce qu'il avait
enregistré, car il s'était rendu sur la piste avec un équipement professionnel pour obtenir le son directement
à partir d'une vraie voiture de NASCAR". Il est donc logique qu'il l'ait reconnu d'emblée.
Ivan Del Duca confirma en effet : "Oui, nous avons emprunté le son du moteur de leur jeu et l'avons
légèrement modifié. Encore une fois, en Italie, en 1994, il n'y avait pas vraiment de développement
professionnel de jeux, nous avons surtout créé une industrie en utilisant des techniques de rétro-ingénierie
et de piratage. Nous nous sommes dit que Papyrus, étant une société américaine, qui remarquerait que nous
avions utilisé le son de leur moteur ? Tout le monde dans l'équipe était au courant, y compris Antonio
[Farina]. Mais finalement, Papyrus l'a remarqué et leur équipe juridique s'est assurée que nous ne ferions
plus jamais rien de tel...". Apparemment, le problème fut résolu par Virgin qui versa une somme d'argent
à Papyrus et le son a été conservé.
NASCAR Racing (1994)
Après le grand succès : Graffiti devient Milestone
Les problèmes juridiques mis à part, le succès de la superproduction Screamer finit par changer la
nature de l'entreprise elle-même. En 1996, Graffiti modifia son organisation générale et son nom,
pour devenir la société actuelle : Milestone. Ivan Del Duca se remémora que "à l'origine, tous les
développeurs de Graffiti avaient des parts égales dans la société, mais que cela changea avec la
sortie de Screamer. Milestone devint une société avec une hiérarchie et une organisation ordinaires,
nous y travaillions simplement en tant qu'employés". D'une certaine manière, ce premier grand succès
finit par être une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. En effet, depuis 1996 et jusqu'à
aujourd'hui, Milestone travailla exclusivement sur des jeux de course (à quelques exceptions près,
principalement des titres sous licence à petit budget).
Capture d'écran d'Alien, prototype envoyé par Ivan Del Duca
Antonio Farina mentionna que l'équipe craignait d'être cataloguée dans le genre des jeux de course.
Ainsi, après le succès de Screamer, ils proposèrent à Virgin quelque chose de tout à fait différent :
un jeu d'aventure/action d'horreur. "Nous voulions concevoir une histoire de science-fiction et d'horreur
et la présenter dans un environnement d'aventure, un peu comme Alone In The Dark, également entièrement
en 3D et avec des graphismes polygonaux". Ivan Del Duca poursuivit : "Le prototype s'appelait simplement
Alien. Mais l'éditeur, toujours Virgin, nous a dit que l'idée était tout simplement trop risquée. Antonio
se souvient que, bien que très fier de la démo 3D qu'ils avaient réalisée, il s'est rangé à l'avis de
l'éditeur. Pour nous, la décision la plus raisonnable d'un point de vue économique était de commencer à
travailler immédiatement sur une suite à notre premier succès", conclut-il. Alien fut finalement discrètement
annulé.
Alien (prototype)
En effet, l'équipe commença à travailler sur une suite, qui devait sortir rapidement afin de profiter de
la popularité du premier jeu. Pourtant, Screamer 2 se révélera très différent de son prédécesseur, plus
proche d'une simulation, laissant presque complètement de côté le jeu d'arcade. L'équipe commença
à travailler sur de nouvelles facettes de l'expérience de course : la physique des voitures de course et
des commandes de conduite plus réalistes. Stefano Lecchi était en charge du moteur physique et de l'IA,
tandis qu'Antonio Martini et Simone Balestra travaillaient à la mise à jour du moteur graphique. À partir
de l'expérience originale de Daytona, Antonio Farina mentionna que leur nouvel objectif était de développer
quelque chose qui serait aussi proche que possible de Sega Rally : une mécanique de jeu qui, tout en gardant
les choses globalement amusantes pour la plupart des joueurs, était définitivement davantage une simulation que
de l'arcade.
Screamer 2
Marco Spitoni indiqua que l'équipe, tout en restant une bande d'amis travaillant ensemble, se professionnalisa
lentement au fil du temps. Pourtant, les longues heures de travail et le mode "critique" étaient de rigueur,
comme il se souvint de ce qui se passa avec le dernier titre Screamer développé par Milestone. "Nous nous
sommes tous mis d'accord pour renoncer à nos vacances et rester au bureau tout l'été pour terminer les
graphismes de Screamer Rally. Au final, Antonio Farina ne nous a même pas donné de prime de productivité,
il s'est contenté de nous apporter des souvenirs sans intérêt de ses vacances d'été", s'amusa Marco Spitoni.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une superproduction comme le premier, le succès de Screamer 2 montra
clairement à Milestone que la décision de persévérer dans le développement de jeux de course était la bonne.
Screamer Rally
Une dernière suite développée par Milestone, Screamer Rally, suivit en 1997, que Stefano Lecchi décrivit
comme une sorte de dérivé de la série principale. "Nous avons juste ajouté quelques nouveaux circuits et
voitures, mais le modèle de conduite et le moteur graphique étaient les mêmes" commenta Ivan Del Duca.
Le parcours global de la série Screamer signifia que les titres de simulation finirent par constituer
la nouvelle ligne de l'entreprise. Milestone abandonna l'idée de développer des jeux de course d'arcade
pour se concentrer sur le développement de simulations de conduite réalistes. Les séries MotoGP (brièvement
développées par Capcom, mais à nouveau gérées par Milestone) et FIA WRC Rally sont toujours d'actualité.
Screamer Rally
Comment Leader a changé le marché
Idea Software est un cas intéressant, même parmi tous les éditeurs de logiciels italiens que j'ai étudiés.
Bien qu'il s'agissait de l'un des studios les plus prolifiques, d'après ce que j'ai compris, la plupart des
jeux d'Idea Software restèrent rarement dans les mémoires, même pour le public italien. Lorsque leurs
premiers titres, Bomber Bob et Lupo Alberto, firent un tabac, il sembla que Leader poussa Idea Software
à développer toutes sortes de projets, à condition que le budget soit réduit. En 1991 et 1992, Idea Software
sortit huit (!) jeux différents, tous relativement obscurs, avec peu ou pas d'informations en ligne à leur
sujet. Bien qu'il ne s'agisse pas de mauvais jeux en soi, ils semblaient être des copies rapides et bon
marché de jeux plus connus (comme Swords And Galleons, qui semblait être une version économique de Sid Meier's
Pirates). La quantité l'emportait sur la qualité, car la société semblait préférer les projets à petit
budget, avec des équipes de trois à quatre personnes au maximum, afin de couvrir le plus grand nombre de
marchés possible.
Alien (prototype)
Entre-temps, Milestone fêta son 30e anniversaire, ce qui en fait le studio italien doté de la
plus grande longévité, le seul à avoir survécu au-delà des années 1990 et 2000 (avec NAPS, mais il ne s'agissait que
de deux personnes). La plupart des membres de l'équipe originale de Screamer sont partis depuis : Ivan Del Duca est
aujourd'hui directeur de la technologie du groupe 505 Games, Marco Spitoni a déménagé en Nouvelle-Zélande pour
travailler sur les effets spéciaux pour Weta Digital, tandis qu'Antonio Farina a quitté l'entreprise en 2004 pour
se consacrer à d'autres activités liées aux jeux. Screamer, malgré ce que l'on peut penser aujourd'hui de sa
conception des niveaux et de sa mécanique de jeu, raconte l'histoire d'un grand talent et d'une grande réussite.
Un entrepreneur qui n'a pas été effrayé par un marché qui ne semblait pas s'intéresser aux jeux italiens. Antonio
Farina voulait offrir au public un produit de grande qualité, ce que, honnêtement, peu de studios italiens avaient
tenté de faire auparavant. En dépit de quelques difficultés, Graffiti a réussi à atteindre son objectif. Antonio,
Ivan, Marco, Stefano et les autres ont développé l'un des meilleurs jeux italiens des années 1990, voire de
tous les temps. C'est une réussite qui mérite d'être rappelée et célébrée chaque jour, c'est certain.
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Sources et références
Entrevues avec Antonio Farina, Ivan Del Duca, Marco Spitoni, Stefano Lecchi, Ignazio Corraio, Gabriele
Petino et Luca Stradiotto conduites par téléphone ou via Skype en 2022.
Magazines: Zzap!, K, Amiga Power, CU Amiga, Amiga Joker, The Games Machine.
Un grand merci à toutes les personnes avec lesquelles je me suis entretenu pour le temps qu'elles m'ont accordé,
et aussi à Ralph Barbagallo pour les informations. Merci spécial à Ivan Del Duca pour la démo d'Alien.