Obligement - L'Amiga au maximum

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Dossier : L'histoire de Genias
(Article écrit par Damiano Gerli et extrait de Genesis Temple - février 2022)


Note : traduction par David Brunet.

Parmi les premiers éditeurs de logiciels italiens des années 1980 et 1990, Genias Software semble faire figure d'exception. Dès le premier jour, la société voulut répondre aux goûts du public, ne limitant pas son audience potentielle aux frontières nationales, mais souhaitant au contraire exporter des jeux dans toute l'Europe et aux États-Unis. Cela fut rendu possible par le fait que, plutôt que d'avoir une équipe interne, Genias semblait agir davantage comme un éditeur, parvenant à entrer en contact et à travailler avec plusieurs équipes dans tout le pays, distribuant ensuite leurs jeux par le biais d'accords avec des éditeurs en Europe et aux États-Unis.

Voici son histoire.

Genias

De Simulmondo à Genias

Genias fut fondée en 1989. Il s'agissait du projet d'entreprise de Riccardo Arioti, fils de Mario, l'homme à l'origine de l'invasion massive des fameuses cassettes "pirates" Armati. Le jeune Riccardo Arioti ne paraissait pas vraiment partager le penchant de son père pour la reproduction de jeux développés par d'autres dans un but purement lucratif. Son rêve était plutôt d'aller à la recherche de jeunes talents qui développaient des jeux originaux, de former des équipes et de sortir des jeux avec un "style italien", certes, mais qui pouvaient être vendus dans le monde entier, sans se lancer dans des sports bizarres comme la pétanque. "Dès le début, il était conscient qu'il serait presque impossible de tirer profit d'une telle entreprise, surtout en Italie", se souvint Stefan Roda, l'un des premiers collaborateurs de Riccardo Arioti, "il s'agissait plus d'un passe-temps que d'un véritable travail".

Genias
Stefan Roda sur son Amiga (1986)

Stefan Roda, bien que son nom ne soit pas familier à beaucoup, peut être considéré comme une "figure de l'ombre" importante dans la naissance de l'industrie italienne du jeu. C'est lui qui mit en contact Ivan Venturi et Francesco Carlà, ce qui peut être considéré comme la naissance de Simulmondo, mais aussi Riccardo Arioti et Francesco Carlà, qui unirent leurs forces entre la société d'édition Ital Video et le studio de développement Simulmondo. "Je connaissais Riccardo, car j'avais déjà travaillé avec lui pour développer un chargeur rapide pour le Commodore 64. Il m'a parlé de son rêve d'ouvrir une maison de logiciels, mais la société de son père ne lui permettait pas vraiment de le faire. Je lui ai alors parlé d'un journaliste que je connaissais, un homme aux espoirs et aux objectifs plus élevés : Francesco Carlà". Après que Riccardo Arioti et Francesco Carlà décidèrent d'associer Simulmondo à la maison d'édition "légale" Ital Video, Stefan Roda partit faire son service militaire. Dix mois plus tard, en octobre 1989, il revint et découvrit que les deux hommes s'étaient disputés et séparés. "Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, mais Riccardo m'a dit avec colère qu'il voulait s'attaquer à des marchés plus rentables, plutôt que de se concentrer uniquement sur l'Italie. J'ai décidé de le rejoindre, car je n'étais pas intéressé par une collaboration avec Simulmondo. Je pense qu'Arioti était globalement un meilleur entrepreneur que Carlà : le journaliste était doué pour faire de la publicité pour ses jeux et faire travailler les équipes ensemble, mais pour vendre des jeux, il faut quelque chose de plus."

Genias
Photo du début de Simulmondo, à gauche en costume-cravate, Riccardo Arioti

Genias : le développeur comme éditeur

Le plan d'affaires de Riccardo Arioti était en effet très différent de celui de Simulmondo : plutôt que d'avoir une équipe interne de programmeurs, avec des bureaux à gérer et des personnes à qui verser des salaires mensuels, il s'agissait de trouver des projets prometteurs réalisés par de petites équipes, d'en superviser la production et de les publier. Le football ? Bien sûr, mais aussi des sports internationaux comme le volleyball de plage et la lutte. Stefan Roda mentionna que Riccardo Arioti était un bon homme d'affaires et, ayant vu ce que Simulmondo faisait, il décida d'éviter délibérément de faire travailler les gens de façon régulière chez Genias. Au lieu de cela, la société décida d'investir massivement dans l'édition de jeux en Italie, par l'intermédiaire de la société romaine Softel, tout en poursuivant les marchés européen et américain. M. Arioti disposait de nombreuses relations à l'étranger qu'il comptait mettre à profit. "Nous sommes allés au CES de Las Vegas et avons rapidement conclu un accord d'édition avec Linel, une société suisse qui distribuerait les jeux Genias dans toute l'Europe. Peu de temps après, nous avons également conclu un accord d'édition avec Merit Software aux États-Unis". En quelques mois, les jeux de Genias atteignirent facilement de nombreux pays, même en dehors de l'Union européenne.

Genias
Le stand de Genias à l'ECTS de Londres (aux environs de 1991)

Le nom Genias ? Dans une entrevue, Riccardo Arioti déclara que leur première intention était en fait de s'appeler Genesis, mais qu'ils changèrent heureusement d'avis. "Riccardo voulait quelque chose qui rappelle le génie, car c'est ce qu'il recherchait, mais comme il ne pouvait évidemment pas protéger ce mot par des droits d'auteur, il l'a légèrement modifié". Le marché italien des jeux originaux était encore assez restreint au début des années 1990, mais Stefan Roda précisa néanmoins : "Nous avions une bonne part de ragots qui circulaient, ainsi que toute une animosité concernant la guerre en cours entre Genias et Simulmondo, même si les deux sociétés ne se souciaient pas vraiment de ce que faisait l'autre, du moins la plupart du temps. En y réfléchissant maintenant, il était presque incroyable qu'un marché aussi petit puisse encore trouver des raisons de se disputer !" Avec Riccardo Arioti, Stefan Roda parcouru le monde : "J'avais à peine 23 ans, je ne parlais pas un mot d'anglais et je voyageais dans le monde entier pour voir et vendre nos jeux ! C'était une époque passionnante", se remémora-t-il.

Genias
Publicité pour World Cup 90 "le premier match de football des années 90"

Identifier le tout premier jeu de Genias n'est pas si facile, Stefan Roda lui-même m'a dit que c'était un peu un mystère. Si l'on s'en tient aux premières annonces parues dans les magazines, en décembre 1989, Genias sembla apparaître pour la première fois sur Zzap! en annonçant un jeu d'une équipe déjà très connue des fans de Simulmondo : les frères Dardari.

Les frères Dardari : des développeurs de jeux pour adolescents ninjas

La première équipe que Riccardo Arioti décida de prendre sous son aile était une équipe qu'il connaissait déjà très bien, puisqu'il avait déjà travaillé avec Simulmondo et publié un jeu par l'intermédiaire d'Ital Video. Il s'agissait de trois frères originaires de Romagne (et non d'Émilie, comme ils tinrent à me le rappeler...), les Dardari : Davide, Francesco et Marco. Davide, l'aîné, était chargé de la programmation, tandis que Francesco et Marco étaient les graphistes et contribuaient également à la musique et aux effets sonores. "Nous n'étions guère plus que des enfants", se souvint Francesco, "mais nous étions très prudents dans la manière dont nous traitions avec Genias. Mon père était un pionnier de la télévision italienne et, ayant déjà vécu plusieurs affaires désagréables, il nous avait recommandé de toujours nous faire accompagner de notre conseiller en affaires lorsque nous signions des contrats. Bien sûr, les frères Dardari ont toujours été payés à temps". Stefan Roda confirma et soupira : "Passer des contrats avec les Dardari était souvent pénible, mais les jeux en valaient toujours la chandelle, c'est sûr."

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Les trois jeunes frères Dardari avec World Cup 90 (aux environs de 1990)

Le premier jeu développé par les frères Dardari et publié par Genias fut World Cup 90, une sorte d'amélioration et mise à jour graphique globale de leur jeu original Italy 90 qui était, lui, publié par Simulmondo et Ital Video. Les Dardari commencèrent à programmer des jeux à un très jeune âge. Après le succès inattendu d'Italy 90, ils se retrouvèrent au SMAU, l'un des premiers salons italiens de l'électronique, à signer des autographes alors qu'ils étaient à peine majeurs. "Davide avait 20 ans, moi 17 et Marco 14 ! Nous sommes devenus des vedettes du jour au lendemain, c'était une période incroyable pour nous", raconta Francesco Dardari. Pourtant, c'est avec la World Cup 90 que les choses ont commencé à devenir sérieuses, poursuivit Francesco : "Nous avons commencé à travailler avec des délais, avec l'idée de développer un deuxième jeu de football après avoir regardé Italy 90 et trouvé plusieurs choses que nous pensions pouvoir améliorer".

Genias Genias

Outre l'amélioration et l'ajout de nouvelles fonctionnalités, Francesco Dardari mentionna comment, avec son frère Marco, ils se brûlèrent les doigts en jouant à Kick Off, ce qui fut une autre grande source d'inspiration. Le dernier jeu de football des Dardari connut un grand succès, tant auprès des critiques que des joueurs. World Cup 90 fut converti pour plusieurs plates-formes autres que l'Amiga, ce que les Dardari ne voulaient pas faire eux-mêmes. "Mais nous avons fait la conversion pour l'Atari ST, je me souviens très bien des problèmes liés à la palette de couleurs...". La version Commodore 64 a été programmée par Ivan del Duca et Antonio Miscellaneo.

Stefan Roda mentionna que le jeu fut piraté à plusieurs reprises, même en dehors de l'Italie, à tel point qu'il pensa que de nombreuses personnes y jouèrent sans savoir qu'il s'agissait, à l'origine, d'un titre italien publié par Genias. Le jeu était également livré avec une interface quatre manettes, également conçue et fabriquée par les Dardari, qui pouvait être commandée au moyen d'un formulaire inclus dans la boîte de World Cup 90. Stefan Roda mentionna que non seulement les Dardari furent les premiers en Italie à publier un jeu commercial pour l'Amiga, mais qu'ils étaient aussi extrêmement doués pour programmer des interfaces matérielles, ce qu'aucune autre équipe en Italie ne faisait à l'époque.

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Publicité italienne d'Over The Net qui mentionne également l'interface quatre manettes

Après le succès des jeux de football, les Dardari décidèrent d'abandonner ce sport. Il est intéressant de noter que les frères ne grandirent pas en jouant à des jeux sur ordinateur : "Notre passion, c'était avant tout les salles d'arcade, c'est là que nous passions le plus clair de notre temps." Francesco Dardari ajouta qu'ils ne furent jamais intéressés par le travail en studio, comme d'autres jeunes développeurs à l'époque : "En effet, nos jeux ont toujours été développés à la maison, entre nous trois frères, nous n'avons jamais mis les pieds dans un bureau, sauf lorsqu'il s'agissait de signer des contrats avec Arioti !"

Francesco Dardari mentionna également que l'idée de leur jeu suivant publié par Genias, Over The Net en 1990, naquit d'une séance de remue-méninge avec Riccardo Arioti. "Il avait remarqué que le volleyball de plage était très populaire aux États-Unis, alors nous avons cherché tous les jeux de volleyball de plage que nous pouvions trouver dans les salles d'arcade et nous y avons joués jusqu'à la mort, afin de nous inspirer. Comme son idée de départ était de développer un jeu de sport susceptible d'avoir du succès aux États-Unis, nous avons fini par modifier les sprites initiaux des joueurs : nous pensions qu'ils n'étaient pas assez musclés pour le public américain...". Stefan Roda se souvint avoir composé la musique du jeu, que les Dardari écoutaient et approuvaient généralement sans intervenir. Dans l'ensemble, Over The Net demeura un bon souvenir pour de nombreux joueurs, et reçut des critiques généralement solides, avec l'Australian Commodore Review lui donnant 82%, Datormagazin 77% et Amiga Joker 73%, et des votes similaires dans les magazines italiens de l'époque.

Genias Genias
Over The Net

Échauffement - parier sur la mauvaise voiture

Le dernier titre développé par les frères Dardari pour Genias fut finalement un jeu de course : Warm Up. Sorti en 1991 sur Amiga et Commodore 64, il s'agissait d'un jeu d'arcade vu de haut. "Je ne me souviens pas de l'origine de l'idée, car nous ne jouions pas beaucoup à des jeux de course, même si j'étais un fan", ajouta Francesco Dardari. En effet, l'idée de Warm Up ne vint pas des Dardari, c'est Ricardo Arioti lui-même qui la leur présenta comme une sorte de solution finale. Stefan Roda se remémora que l'histoire du développement du jeu fut assez compliquée.

La version Commodore 64 de Warm Up devait être la "version cible", mais Riccaro Arioti avait de bien plus grands projets pour la version 16 bits. Il avait vu le succès de Formula 1 3D de Simulmondo en 1990 et voulait également développer un jeu de course en 3D pour Amiga, afin de permettre à Genias de se mesurer aux autres. "Riccardo n'était pas seulement un fan de courses, il conduisait aussi des karts pendant son temps libre. Il tenait à publier un jeu qui ressemblait à une simulation plutôt qu'à un jeu d'arcade, à tel point qu'il s'est directement impliqué dans le développement de la version Amiga, ce qu'il ne faisait pas régulièrement", se souvint M. Roda. Apparemment, ce fut une équipe étrangère qui fut d'abord contactée pour développer cette version graphiquement avancée de ce qui s'annonçait comme le titre phare de Genias en 1991.

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Première publicité pour Warm Up mentionnant que "tout est sujet à changement"
et présentant des écrans de la version 3D inédite


Stefan Roda indiqua qu'au moment de publier les annonces pour les magazines, la version Commodore 64 était terminée à 90%, mais la version Amiga était encore loin d'une sortie potentielle. Alors que les publicités étaient en cours d'impression, Riccardo Arioti eut finalement la chance d'essayer une première démo du jeu, qui se révéla extrêmement décevante. "Il s'aperçut que la physique du jeu n'était pas du tout correcte, comme la voiture qui planait au lieu de rouler, sur ce qui ressemblait à une surface gélatineuse. Il fit un commentaire furieux du genre : ces développeurs n'ont probablement jamais conduit autre chose qu'une bicyclette", dit M. Roda.

En fin de compte, la publicité originale de Warm Up fut modifié à la dernière minute pour inclure une mention particulière : "tout peut changer dans la version finale". Cette décision fut prise car la société se rendait peu à peu compte que la version 3D tant attendue n'allait probablement pas voir le jour. "Nous avons parié sur le marketing et nous avons perdu. Finalement, la version 3D a été abandonnée et Riccardo a décidé de laisser les Dardari - qui n'avaient aucune expérience des graphiques 3D - s'occuper du produit Amiga final, qui serait en fait un jeu de course vu de haut et en 2D. Cela eut également un coût assez élevé : j'ai dû me dépêcher de changer tous les logos sur la boîte et les images pour la publicité finale. C'était un cauchemar, si cela s'était produit aujourd'hui, j'aurais renvoyé mon responsable commercial", s'amusa M. Roda. En fin de compte, Warm Up sur Amiga s'avéra être un jeu de course solide, bien que peu impressionnant.

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La publicité finale de Warm Up est composée de divers éléments

La version Commodore 64 de Warm Up, ainsi que World Cup 90, fut développée par la talentueuse équipe d'Ivan Del Duca (actuellement directeur de la technologie chez 505 Games) et Antonio Miscellaneo, à l'époque âgés respectivement de 21 et 19 ans. D'après une entrevue parue dans Zzap!, il fut rapporté que World Cup 90 fut parmi les plus grands succès au Virgin Store de Londres pendant plusieurs semaines, ce qu'Ivan Del Duca se souvint d'avoir vu lors de sa toute première participation à l'ECTS. Ivan Del Duca parla du travail effectué sur l'interface de Warm Up qui utilisait un pointeur, comme dans la version Amiga, ainsi que de toutes les astuces utilisées pour maintenir le défilement à 50 images par seconde. Tout en mentionnant qu'il s'agissait du premier jeu Commodore 64 multichargement commercialisé et développé en Italie, Ivan Del Duca fit également référence à une version cartouche qui, apparemment, ne vit jamais le jour. Les graphismes de la version Commodore 64 de Warm Up furent conçus par "le meilleur graphiste italien de jeux vidéo", comme l'appelait Antonio Misellaneo : Massimo Magnasciutti, un nom qui fut familier à tous ceux qui ont lu l'histoire de Dynabyte.

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La version italienne de Zzap! présentant en avant-première quelques jeux C64 de Genias

En parlant avec Ivan Del Duca, il mentionne aujourd'hui que les jeux sur lesquels il travailla n'étaient pas très intéressants du point de vue de la mécanique de jeu. "Oui, nous étions de bons programmeurs, mais avoir la vision de rendre un jeu amusant, de rendre l'expérience de jeu remarquable, c'était quelque chose qui, à l'époque, était hors de notre portée". Il mentionna également que son premier travail et celui d'Antonio Miscellaneo furent probablement parmi les jeux les plus coûteux pour Genias : "Nous étions peut-être un peu arrogants et nous avons demandé quelque chose de l'ordre de 18 millions de lires (19 000 euros d'aujourd'hui) et Riccardo Arioti a accepté ! Je me souviens qu'il est allé nous rencontrer à Belluno pour essayer de nous convaincre de ne travailler que pour Genias. Nous ne connaissions même pas les règles du football", s'amusa-t-il.

Après la fin de World Cup 90, Riccardo Arioti précisa que travailler pour cette somme d'argent ne se reproduirait pas, poursuit Ivan Del Luca : "Nous avons fait Warm Up pour beaucoup moins. Je ne pense pas que nous ayons jamais vu la version Amiga. Genias, c'était beaucoup d'idées, mais la plupart d'entre elles n'avaient pas vraiment de base sur laquelle s'appuyer. Je me souviens aussi que nous avons rencontré Massimo Magnasciutti parce qu'il était apparemment en train de purger sa peine de conscription et qu'il s'ennuyait à mourir. Il a trouvé notre numéro de téléphone, nous a appelés et nous l'avons engagé pour réaliser les graphismes de Warm Up".

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Warm Up version C64

Après avoir vu ce qui s'était passé avec la version 3D originale de Warm Up, nous revenons enfin à l'Amiga et aux frères Dardari. Alors que Francesco Dardari considérait Over The Net comme le meilleur jeu qu'ils aient développé, il mentionna Warm Up comme une preuve réelle de l'évolution de l'équipe. "C'était aussi notre premier et dernier jeu développé en assembleur par Davide, au lieu du C, car cela aurait été trop lent".

Pour compenser l'absence de graphismes en 3D, la version Amiga de Warm Up bénéficia d'une introduction vidéo spéciale développée par l'équipe de Holodream. Francesco Dardari se souvint d'avoir été très impressionné : "Au départ, je pensais que quelqu'un l'avait développée avec LightWave 3D ou quelque chose comme ça, mais apparemment, chaque écran a été fait à la main avec Deluxe Paint ! À l'époque, je ne savais pas qui l'avait réalisée, mais j'ai tout de suite compris que cela avait dû représenter une somme de travail considérable". Stefan Roda indiqua avoir commandé l'introduction de Holodream (voir ci-dessous), "C'était un très bon travail de leur part, je me souviens aussi que la piste électronique qui joue pendant que la voiture tourne est inspirée de Queen".

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Warm Up version Amiga

Qu'arriva-t-il aux Dardari après avoir terminé Warm Up ? Davide répond : "En 1992, le développement de jeux devenait de plus en plus un travail professionnel. Les années de programmation dans la chambre touchaient à leur fin et le fait de travailler à plein temps sur des jeux empiétait sur mes études universitaires. Nous avons donc dû y renoncer, malheureusement". Francesco indique que Riccardo Arioti se montra compréhensif face à la situation : "Bien que nous fassions partie de son équipe de premier plan, il ne s'est pas vraiment plaint et, dans l'ensemble, nous sommes partis en bons termes. Il était désolé de nous voir faire une pause, c'est certain. Mais nous ne savions pas que cette pause durerait tant d'années...". Les Dardari revinrent de temps en temps sur leurs jeux originaux pour les mettre à jour et les sortir pour l'iPhone, mais ils ne retravaillèrent plus ensemble sur un jeu.

Holodream - de Rome avec amour

L'équipe de Holodream était composée de quatre personnes originaires de Rome : Raffaele Valensise, le producteur, Fabrizio Farenga, le programmeur principal, Alfredo Siragusa, le graphiste et Nicola Tomljanovich, le musicien. Afin d'examiner leur histoire en détail, revenons un instant en arrière, en 1989. Raffaelle Valensise, avec une autre équipe, avait travaillé sur plusieurs conversions pour Simulmondo, parmi lesquelles Bowls d'Ivan Venturi pour Amiga. Mais, avec la séparation entre Francesco Carlà et Riccardo Arioti, Raffaele Valensise décida en 1989 de sauter le pas et de quitter Simulmondo pour travailler pour Genias. "Je ne partageais pas vraiment les idées générales que Carlà semblait vouloir absolument poursuivre. Je me souviens que nous lui avons proposé un jeu de flipper et qu'il l'a rejeté parce que, apparemment, il lui manquait cette impression générale d'Italie. Nous avons donc suggéré d'ajouter la marque Testarossa et, bien sûr, c'était d'accord, mais la licence Ferrari était trop chère et nous avons dû mettre le jeu de côté."

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L'équipe de Bowls

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Bowls

L'équipe de Raffaele Valensise (Giuliano Peritore et Dario Pennisi) avait donc décidé de quitter Simulmondo, mais il y avait un problème. L'équipe avait un contrat contraignant de trois ans avec la société de Francesco Carlà, qui n'expirerait qu'en 1992. "Nous avons pensé que la seule façon de nous débarrasser de ces chaînes était de négocier avec lui : nous avons dit à Carlà qu'il pourrait avoir les fichiers sources de F1 Manager s'il acceptait de nous laisser partir. Cela a suffi à le convaincre et c'est ainsi que nous avons commencé à travailler pour Genias".

À cette époque, Riccardo Arioti était déjà à la recherche d'éditeurs internationaux dans toute l'Europe, tout en essayant de trouver des équipes italiennes avec lesquelles il pourrait travailler. L'équipe de Riccardo Valensise présenta son premier jeu à Genias : un jeu de réflexion. Intitulé à l'origine "Roll-out", il fut programmé en grande partie par Giuliano Peritore, seul. Finalement, le jeu sortit sous un autre nom, Riccardo Arioti ayant insisté pour le renommer "Tilt", publié en 1990 pour Amiga, Commodore 64 et DOS (ainsi qu'une version ZX Spectrum non publiée que Raffaele Valensise ne découvrit l'existence que des années plus tard).

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Tilt

Un autre titre était cependant en préparation, la conversion Amiga de Dragon's Kingdom, sorti à l'origine par Alberto Frabetti sur Commodore 64. Le jeu fit l'objet d'un battage médiatique dans plusieurs magazines italiens et c'était vraiment le titre Amiga que beaucoup de jeunes attendaient avec le plus d'impatience. Raffaele Valensise commenta : "Oui, c'est vrai, c'est un jeu dont on me parle encore aujourd'hui. Graphiquement, il s'annonçait incroyable pour 1990, mais nous avons dû le mettre de côté pour diverses raisons, la principale étant que le programmeur, Francesco Martire, avait des problèmes à l'école et que ses parents ont fini par lui confisquer son ordinateur. C'est presque ridicule d'y repenser aujourd'hui, mais c'était le genre de problèmes auxquels nous devions faire face à l'époque !"

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Dragon's Kingdom

Fabrizio Farenga entre en scène

Après la commercialisation de Tilt, qui enregistra des ventes assez faibles, Raffaele Valensise entra en contact avec Fabrizio Farenga. "J'avais commencé à travailler sur divers ordinateurs domestiques et, en 1990, j'étais passé à l'Amiga et à des produits plus avancés", se souvint Fabrizio Farenga. "J'ai fini par envoyer à Genias une démo d'une aventure graphique semi-textuelle que j'avais réalisée, avec un ami, en numérisant des photos des pièces de la maison de mes parents, une sorte d'histoire d'espionnage. En fait, ils ont préféré le code au concept du jeu, si bien que Riccardo Arioti lui-même m'indiqua de prendre contact avec leur homme à Rome, qui s'avéra être Raffaele Valensise".

À ce moment-là, Raffaele Valensise avait commencé à travailler pour Softel, l'un des principaux distributeurs de jeux vidéo de l'époque pour le centre et le sud de l'Italie. À partir de ce moment-là, Softel fut la société qui distribuera tous les jeux de Genias. Avec Alfredo Siragusa en tant que graphiste, la première tâche de Holodream pour Genias fut de travailler sur l'introduction de Warm Up. Fabrizio Farenga se remémora de l'incroyable travail d'Alfredo Siragusa, son ami, qui "simula" une rotation en 3D de la voiture en rendant chaque image, dessinée à la main, de la voiture en train de tourner. "Cela lui a pris environ trois mois ! Mais c'était un scanner humain, cet homme pouvait tout faire", s'amusa Fabrizio Farenga.



Pour leur premier jeu, Holodream et Raffaele Valensise décidèrent d'essayer quelque chose de potentiellement plus attrayant pour le public. "Riccardo Arioti voulait une sorte de jeu à la mode, nous avons donc abandonné le jeu à défilement latéral en 2D sur lequel nous travaillions et avons décidé, à la place, de nous essayer à un jeu de lutte : c'était un sport qui, à l'époque, n'était pas seulement populaire aux États-Unis, mais aussi en Italie. Riccardo Arioti nous a remis des dizaines de cassettes VHS de combats de lutte et nous a demandé de les regarder et d'inventer quelque chose. C'est ainsi qu'est né Top Wrestling".

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Angelo Righi devant son Amiga

Top Wrestling sortit en 1992 chez Genias, uniquement sur Amiga, avec une musique de Nicola Tomljanovich. Fabrizio Farenga se souvint que le jeu comportait non seulement des parodies de nombreux catcheurs célèbres de l'époque, mais aussi des références à la vie réelle, comme Insane Hussein, qui faisait clairement référence au président irakien Saddam Hussein. "Lorsque nous avons livré le jeu, nous sommes allés chez Genias à Bologne, pour la première... et la dernière fois, je crois. Nous avons terminé la version finale à deux heures du matin et trois heures plus tard, nous étions dans le train de Rome à Bologne. Nous avons vu que Genias imprimait les boîtes du jeu : apparemment, ils avaient l'habitude d'imprimer un plus grand nombre de boîtes pour toutes les versions, afin de réduire les coûts d'impression. J'ai également vu une boîte pour la version Commodore 64 et j'ai demandé qui allait s'occuper de la conversion. Riccardo Arioti m'a répondu qu'il ne savait pas et qu'ils trouveraient quelqu'un pour le faire".

Finalement, la conversion pour Commodore 64 fut confiée à Angelo Righi. Il aurait réussi à terminer une démo, mais le produit final ne sortit jamais et Top Wrestling resta une exclusivité Amiga.

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Genias Genias
Top Wrestling version Amiga

De Bologne au Royaume-Uni

De retour de Bologne, les membres de Holodream étaient enthousiastes et sur la brèche. "Nous avons décidé que notre prochain projet serait un jeu de course, dans le style de Lotus pour Amiga", se souvint Fabrizio Farenga. Malheureusement, après quelques mois de travail, ils se rendirent compte qu'il y avait un problème. Il poursuit : "Ricardo Arioti nous devait encore de l'argent pour Top Wrestling, alors nous avons pensé que ce nouveau projet pourrait être utilisé comme une sorte de carotte à agiter devant ses yeux pour qu'il nous donne l'argent. En gros, s'il nous payait, nous ferions en sorte que Genias publie notre titre de course qui, à l'époque, s'appelait F1 Challenge". Raffaele Valensise poursuit : "Riccardo Arioti nous a dit qu'il ne pouvait pas vraiment nous donner l'argent que nous demandions, mais il nous a conseillé très clairement de chercher un autre éditeur. Il se trouve qu'à cette époque, Max Reynaud (NDLR : journaliste au magazine italien The Games Machine) nous a dit qu'il pouvait apporter la démo de F1 Challenge et la montrer à l'ECTS à tous les éditeurs qui seraient intéressés. C'est ainsi que nous avons attiré l'attention de Team 17".

Genias
Une partie de l'équipe Holodream : de gauche à droite Alfredo Siragusa,
Fabrizio Farenga et Raffaele Valensise


Fabrizio Farenga indiqua avoir pensé que Raffaele Valensise se moquait de lui lorsqu'il a appris l'intérêt de ce studio anglais. "C'était une nouvelle incroyable, surtout pour moi qui ai toujours été un fan de Team 17 !" Ainsi, pendant plusieurs mois, Holodream continua à travailler avec le studio anglais sur plusieurs projets. F1 Challenge était, à l'époque, conçu pour présenter plusieurs noms inventés pour les pilotes et les circuits, qui se moquaient clairement des vrais noms. À vrai dire, nous avons volé ces noms dans une bande dessinée de l'oncle Scrooge ! Mais l'idée ne plut pas à Team 17 : craignant des problèmes de droits d'auteur, Martyn Brown, le directeur, demanda à Holodream de modifier tous les noms des pilotes, les circuits étant ensuite nommés d'après les différents pays. Naturellement, la F1 était également une marque protégée par des droits d'auteur et devait disparaître, et l'équipe trouva donc le nom de F17 Challenge.

Après la sortie originale sur Amiga ECS, Team 17 voulut également une conversion pour la console CD32, qui allait être publié dans un lot avec le jeu de tir Project-X. Mais Fabrizio Farenga se souvint qu'il y avait un piège : "Pour une raison quelconque, Team 17 ne voulait pas m'envoyer de console CD32. J'ai donc été contraint de travailler sur cette conversion avec la trousse de développement CD32 sur un Amiga 4000, et une manette qu'ils m'avaient envoyée.

Genias

Genias Genias
F17 Challenge

Cette version s'avéra problématique, poursuit Fabrizio Farenga, les premières presses CD contenaient un bogue critique qui faisait planter tout le système, obligeant Team 17 à jeter à la poubelle près d'un millier de copies défectueuses. "Comme j'ai finalement pu mettre la main sur une console, qui se trouvait dans un seul magasin dans tout Rome, ils m'ont envoyé l'une des copies défectueuses pour tester le bogue. Bien sûr, sur ma trousse de développement, le jeu fonctionnait correctement, mais sur la console elle-même, il se plantait à cause... d'une ligne non commentée ! Un bogue stupide s'il en est ! Je l'ai corrigé mais, en fin de compte, ils ont prélevé le coût du premier lot de copies sur nos droits d'auteur".

Ces petits problèmes mis à part, F17 Challenge devint un véritable succès, avec des magazines comme Amiga Force qui lui attribua 88% en notant que, surtout pour un titre à petit budget, il était assez impressionnant. Amiga Power était nettement moins enthousiaste, le qualifiant de "point le plus bas de la carrière de Team 17 jusqu'à présent". Ceci, comme d'autres critiques de l'époque, prouva qu'aucun journaliste ne prêtait vraiment attention aux noms indiqués dans l'introduction et ne se référait qu'à l'éditeur des jeux, plutôt qu'aux développeurs proprement dits.

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À l'époque, la plupart des communications entre les studios anglais et les équipes italiennes se faisaient par télécopies

Fabrizio Farenga eut une relation assez intense avec Team 17 et Martyn Brown dans les mois qui suivirent, à tel point qu'il finit par travailler - gratuitement - sur la suite d'un titre peu connu publié gratuitement sur le magazine britannique Amiga Format : Waggle-o-mania 2. "C'était l'une de ces applications qui tuent les manettes, un jeu très basique et très simple. Mais quand j'ai réalisé que j'allais travailler aux côtés de légendes comme Alister Brimble et Rico Holmes, j'ai tout de suite dit oui, je veux le faire ! C'était une autre époque, j'étais encore si jeune", s'amusa Fabrizio Farenga.

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Écran de démarrage de Waggle-O-Mania 2

Les dernières années de Holodream

Raffaele Valensise, parlant de son expérience avec Genias, conclut : "La chose dont je suis le plus fier, en tant qu'ancien membre de l'équipe de Genias, est la conversion de Chuck Rock sur Commodore 64. C'était une oeuvre d'art et de beauté !" Mais, précise-t-il, les relations avec Core Design pour cette conversion étaient plutôt tendues : "ils s'occupaient de l'assurance qualité tandis que notre équipe s'occupait de la programmation ; ils ne semblaient plus vraiment s'intéresser au marché du C64, puisqu'il était pratiquement mort au Royaume-Uni à ce moment-là. En Italie, il était encore très vivant". Stefan Roda ajouta : "Je me souviens que Core Design était furieux contre nous, au téléphone, parce qu'ils n'étaient pas satisfaits du résultat final, mais au contraire, je pense que c'était fantastique. À la fin, ils voulaient aussi le distribuer au Royaume-Uni, ce qui prouve à suffisance l'excellent travail réalisé par Luca Zarri, Marco Corazza et les autres". Le jeu reçut 96% sur Zzap! mais, malheureusement, Core Design ne le publia finalement jamais vraiment au Royaume-Uni, même si les publicités des magazines de l'époque mentionnaient que la version C64 allait bientôt être disponible. Chuck Rock, sur Commodore 64, eut une sortie très limitée en Italie. C'est certainement l'un des titres italiens les plus rares pour l'ordinateur Commodore.

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Chuck Rock version C64

Des années plus tard, une partie de l'équipe de Holodream, sans Raffaele Valensise mais avec d'autres programmeurs comme Christian Padovano et Daniele Pasca, travailla sur une sorte de "dernier adieu" aux jeux d'arcade de leur enfance. Leur dernière réalisation fut Nebula Fighter en 1997 : une lettre d'amour aux jeux de tir spatiaux classiques à défilement latéral en 2D des époques 8 et 16 bits. "Le travail sur ce titre a commencé sur un PC 386, des années avant sa sortie ! Nous l'avons ensuite lentement fait évoluer au fur et à mesure que les ordinateurs devenaient plus puissants, en le convertissant d'abord pour DOS et finalement pour Windows 95". Ils finirent également par s'inspirer de quelques éléments en cours de route : "Les explosions des vaisseaux spatiaux ont été directement volées à Star Wars, même si Alfredo Siragusa les a modifiées pour les adapter à notre jeu. Heureusement, personne chez Disney ne nous a poursuivis en justice... pour l'instant !"

À un moment donné, Farizio Farenga et Alfredo Siragusa réussirent également à trouver un éditeur, One Reality, mais ils ne se souvinrent pas d'en avoir été ravis. "Même si, à un moment donné, le jeu était disponible sur Steam, je ne pense pas qu'il nous ait jamais rapporté d'argent, ils nous ont à peine donné de quoi terminer le développement et les redevances étaient presque inexistantes. Nous avons envisagé de travailler sur d'autres jeux après Nebula Fighter, mais à la fin des années 1990, les jeux étaient déjà réalisés par de grandes équipes, nous n'étions que deux personnes, et c'est ainsi que Holodream a pris fin."

Les autres "génies"

Au début de cet article, j'ai mentionné World Cup 90 comme étant le premier titre publié par Genias, mais c'est peut-être l'aventure graphique Mystere qui vint en premier. Publié sur Amiga, Atari ST et C64 en 1990, il fut développé à l'origine par les frères Orofino, Gianluca et Giuseppe, un projet qui remontait aux premiers jours de Simulmondo. Gianluca Orofino me raconta : "Nous avons présenté Mystere à Carlà en 1988, mais il ne l'a pas aimé. Il nous a demandé de recycler l'analyseur de texte pour un de ses projets, Rimini, Blue Sea. L'idée originale de Mystere est venue d'un vieux jeu d'aventure Apple II appelé Fuga dal Castello (Évasion du Château) auquel nous avons joué sur l'ordinateur de notre oncle en 1977".

Les frères Orofino furent alors appelés par Ricardo Arioti, qui savait qu'ils avaient une aventure pratiquement terminée et qu'ils avaient désespérément besoin d'un jeu pour relancer Genias. "Mon frère, Giuseppe, avait un contrat avec Francesco Carlà et son nom ne pouvait donc pas apparaître dans le jeu. C'est pourquoi je suis crédité en tant que programmeur". Giuseppe Orofino commenta : "Tout le jeu a été programmé en AmigaBASIC, il était donc assez facile de le convertir sur Commodore 64", ce qui fut réalisé par Marco Corazza. Pour ce qui est de la faute "Lockness", Gianluca Orofino se souvint en riant : "C'était notre faute ! Nous étions vraiment censés écrire Lochness, mais nous étions des enfants et nous nous sommes trompés. Genias Software n'a jamais vérifié et, au final, ils ont dû inventer une histoire alambiquée dans le manuel à propos de deux lacs existant en Écosse pour essayer de couvrir cette erreur..."

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Le manuel contenait une sorte de système de protection contre la copie, un mot qu'il
fallait utiliser pour ouvrir la porte du château


Parlant du jeu dans une entrevue dans Commodore Gazette, Riccardo Arioti indiqua que le jeu fut publié pour "à la fois montrer au public que le genre de l'aventure textuelle n'est pas mort et aussi pour montrer que nous avons des programmeurs italiens talentueux". Le jeu était accompagné d'une bande sonore originale sur cassette, pour les trois versions différentes, composée par Gianluca Orofino, qui mentionne qu'elle fut composée sur le séquenceur interne d'un Korg M1, qu'il qualifia de "choix absolument dérangé".

Alors que la version Commodore 64 fut développée par Marco Corazza, un camarade de lycée de Stefan Roda, la version Atari ST fut convertie par Fabrizio Macaluso. Bien qu'il existe quelques copies de cette dernière, il semble que le jeu ait été très peu distribué et, à ce jour, il est probablement l'un des jeux Atari ST les plus rares à avoir jamais été publié. Faisant partie de l'équipe à l'origine de la version Commodore 64 de Mystere, Marco Corazza, Luca Zarri et Andrea Paselli, sous le nom de "Surprise Team", travailla également plus tard sur la conversion C64 mentionnée de Chuck Rock.

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Publicité italienne de Mystere "défie le mystère !"

Après Mystere, les frères Orofino travaillèrent dans un magasin de jeux en Toscane (qui existe toujours à l'heure où j'écris ces lignes), tout en continuant à jouer à des jeux Amiga. Fans de Skidmarks, Giuseppe Orofino travailla, pendant son temps libre, sur une sorte de jeu de course Amiga similaire appelé Wheelspin. "C'est vers 1994 que j'ai décidé de m'y mettre sérieusement et de le terminer, afin que nous puissions envisager de le sortir. Il était probablement supérieur à Skidmarks sur le plan graphique, mais il n'était pas aussi facile à jouer", se remémora-t-il. Les deux frères se rendirent au Royaume-Uni pour entrer en contact avec le plus grand nombre possible d'éditeurs internationaux. Au final, ils entretinrent une relation assez longue (et "alcoolique", comme le dit Giuseppe Orofino) avec Richard Holmes et sa société, l'éditeur britannique Black Legend.

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Floating Point et Wheelspin dans le magazine "Z". De gauche à droite Nicola Guerra,
Pietro Salerno, Giuseppe Orofino. Ci-dessous, Gabriele Gabrielli, Gianluca Orofino et Marco Muracchioli


Mais ce n'était pas le bon choix, comme le rappela Gianluca Orofino : "En 1995, ils ont fait faillite et ont disparu dans l'éther peu de temps après la sortie de Wheelspin. Nous avons même pris contact avec un avocat, mais nous n'avions pas l'argent nécessaire pour engager un procès international. En fin de compte, nous n'avons pas touché un centime du jeu". Giuseppe Orofino se souvint : "Lorsque je suis rentré à Londres en 1996, pour essayer de voir si quelqu'un à l'ECTS était intéressé par notre démo PC de Wheelspin, j'ai décidé de rendre visite à Richard Holmes et je suis rentré en Italie avec sa copie en boîte de Wheelspin. Je pense que nous y avons eu droit, au moins !" Malheureusement, la version PC fut probablement perdue depuis longtemps. Nicola Guerra et Gabriele Gabrielli travaillèrent également sur le jeu.

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Wheelspin

Pour en revenir à Genias, l'un des jeux italiens les plus célèbres publiés par la société est toujours Catalypse. Stefan Roda se souvint que le programmeur Andrea Pompili était venu les voir avec un jeu, terminé à 90%, qui semblait tout à fait impressionnant pour le matériel limité d'un Commodore 64. Bien qu'il s'agisse d'une lettre d'amour au jeu de tir classique en 2D Armalyte, Andrea Pompili fit preuve d'une grande connaissance des limites techniques de cet ordinateur 8 bits et réussit à livrer un jeu de tir solide et bien fait. Catalypse utilisait même des échantillons de voix (par Andrea Pompili lui-même) et une bande-son rock de Michael Tschogoel, dont Stefan Roda indiqua qu'il avait également travaillé sur The Neverending Story II, un titre que Genias Software publia en Italie. L'introduction du jeu, en revanche, utilisait la musique que le groupe du programmeur avait l'habitude de jouer en concert à Rome. Andrea Pompili utilisa l'outil de création de jeux SEUCK pour les mouvements des ennemis, tout en programmant tout le reste à partir de zéro.

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La "tristement célèbre" critique de Catalypse sur Zzap!

Le jeu a été au coeur d'une polémique lorsque Zzap! attribua à Catalypse une note assez médiocre de 30%, ce qui mit en colère de nombreux joueurs italiens, ainsi que Genias. La mauvaise critique devint un tel problème que lorsque la version italienne de Zzap! la traduisit, ils furent obligés de publier une deuxième version qui modifiait la note, car même les journalistes italiens n'étaient pas d'accord avec les problèmes dont leurs collègues anglais s'étaient plaints. Par la suite, Andrea Pompili travailla dans le domaine de l'intelligence artificielle, tout en développant des systèmes de sécurité pour les compagnies de téléphone. Il fut également au centre d'un énorme scandale en Italie impliquant la société de télécommunications Telecom Italia et les services secrets. Catalypse fut le dernier jeu supervisé par Stefan Roda car, à la fin de l'année 1992, il quitta la société, désireux de faire autre chose.

Genias

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Catalypse sur C64

Genias ne publia pas beaucoup de jeux d'aventure, bien que Ricardo Arioti - dans l'entrevue mentionnée - parla d'un système de type SCUMM qui était en cours de développement chez Genias (en 1989) et qui "serait capable de traiter des images HAM sans scintillement", mais qui, d'après mes recherches, ne se concrétisa pas. La seule autre aventure publiée par Genias était le jeu graphique semi-textuel Profezia, développé par Trecision et couvert en détail dans l'article sur leur histoire.

1993 : la dernière année de Genias

En 1993, Genias, privé des frères Dardari et de Holodream qui travaillait sur d'autres projets, était sur le point de disparaître. Stefan Roda déclara : "Lorsque j'ai décidé de partir travailler ailleurs, je pense que Riccardo Arioti était déjà sur le départ. À cette époque, les jeux étaient réalisés par des équipes plus importantes que les équipes de trois personnes avec lesquelles nous avions l'habitude de travailler. Doom était sorti et soudain, plus personne ne pensa à sortir de petits jeux dans l'espoir de faire du profit, ce qui n'a jamais été le but de Genias de toute façon".

Le dernier jeu publié par Genias fut probablement Nathan Never, développé par une équipe dirigée par Emanuele Viola et Marco Genovesi. Comme le rappela Emanuele Viola dans une entrevue, l'équipe ne fut apparemment jamais payée pour son travail et finit même par intenter un procès à Genias, en vain. En 1994, Genias Software avait pratiquement disparu du marché des jeux et, comme la plupart des autres maisons d'édition de logiciels, ne semblait pas en mesure de survivre sur un marché qui devenait mondial et difficile pour les petites entreprises.

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Les collections des titres de Genias sur lesquels a travaillé Stefan Roda

Fin 1992, la société commença également à distribuer des logiciels, par l'intermédiaire d'une autre division interne appelée "Pro-Line", dont le seul à être réellement sorti était un logiciel anti-virus pour Amiga appelé Virus-Killer Professional, apparemment développé par un groupe de programmeurs étrangers. En 1993, cependant, Genias Software commença à disparaître lentement des magazines et, de l'avis général, à la fin de l'année, la société cessa d'exister, même si les nouvelles concernant cette dernière année sont au mieux rares.

L'histoire de Genias est légèrement différente de celle du "concurrent amical" Simulmondo ou même de Trecision. Il s'agissait d'une entreprise dirigée par quelqu'un qui avait un plan d'affaires très précis, qui connaissait assez bien le marché des jeux vidéo et qui était conscient des conséquences négatives potentielles de l'embauche d'une équipe de développeurs internes. Riccardo Arioti, pour l'essentiel, semblait faire des choix commerciaux judicieux, il ne s'est jamais lancé dans le développement de jeux sur consoles parce que cela semblait trop coûteux et, sur un marché aux revenus aussi faibles que celui de l'Italie, il estimait que c'était une démarche trop risquée. Bien que certains gardent un souvenir un peu désagréable de leurs relations avec Genias, beaucoup de gens parlent encore en termes élogieux du travail effectué par les nombreuses équipes de développement talentueuses que l'éditeur italien a réussi à promouvoir dans le monde entier.

Cette histoire est avant tout un hommage qui leur est rendu.

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Sources et références
  • Entretiens avec Francesco Dardari, Raffaele Valensise, Stefan Roda et Fabrizio Farenga réalisés par téléphone et Skype entre 2020 et 2021.
  • Magazines : Zzap!, Amiga Power, The Games Machine.
  • "L'Ère Des Génies" par Stefan Roda, sur Ready 64.
  • Entretien avec Marco Corazza, sur Ready 64.
Un grand merci à toutes les personnes avec lesquelles je me suis entretenu pour le temps qu'elles m'ont accordé.


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