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Another World est un jeu vidéo d'action-aventure conçu et développé par le français Éric Chahi et édité par Delphine Software. Particulièrement remarqué à sa sortie pour sa conception cinématographique, ses graphismes et sa jouabilité, il est considéré aujourd'hui comme un jeu culte. Publié initialement en 1991 sur Amiga et Atari ST, Another World fut par la suite porté sur un grand nombre de machines et fut réédité en 2006 dans une version collector graphiquement améliorée ainsi qu'en 2013 sur Atari Jaguar avec l'autorisation de l'auteur. Le jeu sortit sous le nom d'Another World en Europe et en Australie, d'Out Of This World en Amérique du Nord et d'Outer World au Japon. ![]() ![]() Une nuit d'orage, Lester Chaykin, jeune chercheur en physique des particules, se rend à son laboratoire souterrain. Alors qu'il lance une expérience sur un accélérateur de particules, la foudre s'abat sur le laboratoire et détraque l'appareillage. Le chercheur est projeté dans un autre monde. Réapparaissant sur une terre étrangère à la faune hostile dont il arrive à s'extirper, il finit par tomber dans les geôles d'une espèce humanoïde intelligente. Dans cette sorte de camp de travail, il fait la rencontre d'un compagnon, avec l'aide duquel il s'échappera. ![]() Première version d'Another World, sur Amiga en 1991 Another World et Prince Of Persia, développé auparavant, ont en commun la présentation graphique ainsi que l'utilisation d'animations réalistes et fluides. Ce réalisme a pour but d'immerger le joueur dans l'action afin qu'il s'identifie davantage au personnage contrôlé. Il n'y a pas d'éléments en incrustation (comme une jauge de vie ou du texte), dans le but de renforcer cette impression d'immersion. Dans la même optique, les personnages communiquent avec leurs corps, avec des gestes et des expressions, et parfois certains extraterrestres communiquent oralement dans leur langage. En outre, selon l'auteur, le peu de détails des graphismes permettent aux joueurs de davantage utiliser leur imagination. Mais Another World innove et enrichit les concepts de la jouabilité de Prince of Persia en scénarisant l'interaction du personnage sur son environnement, ce point en fait pour l'époque un jeu unique. Pour exemple, le personnage se trouve vers le début du jeu enfermé dans une cage suspendue, et doit la faire balancer en s'agrippant aux barreaux afin de se libérer. Une telle séquence rompt avec l'interactivité répétitive qui existe dans Prince Of Persia et dans les autres jeux de plates-formes, constituée principalement de phases de course, de saut et d'escalade. Dans une autre séquence, le personnage se retrouve dans un étroit passage souterrain et doit trouver la sortie en progressant uniquement par des roulades latérales en évitant les obstacles. Le jeu est une aventure interactive se déroulant en plusieurs phases dans lesquelles le joueur doit trouver une solution pour avancer. Si le personnage est tué, la partie est relancée au début de la phase courante. Il n'y a ni vies supplémentaires ni continue, simplement des phases de jeu à réussir quel que soit le nombre de tentatives, avec toutefois un système de codes permettant de reprendre la partie à la dernière phase atteinte. Une phase de jeu est constituée de une à dix scènes fixes juxtaposées (il n'y a pas de défilement), et il arrive aussi que certaines de ces scènes soient partagées par plusieurs phases de jeu. ![]() Le système de codes Inspirations Éric Chahi est un créateur de jeu vidéo polyvalent. Entre 1983 et 1989, il travailla sur une dizaine de projets de jeux vidéo, en tant que graphiste, animateur et aussi programmeur ; pour certains, il les réalisa dans leur globalité et en indépendant. Ces jeux étaient sur les machines de l'époque : ORIC 1 (Frog, Carnaval, Le Sceptre d'Anubis...), Amstrad CPC (Infernal Runner, Danger Street...), Atari ST et Amiga (Voyage au Centre de la Terre, Jeanne D'Arc, Les Voyageurs du Temps). ![]() Éric Chahi en 2010 À partir de cette idée technique, Éric Chahi imagina un jeu très interactif où le personnage principal aurait pour but premier le besoin de survivre dans un univers de science-fiction inspiré par Star Wars et par les bandes dessinées de Richard Corben. Pour les mécaniques de jeu, il pensa à un jeu 2D entre Karateka et Impossible Mission. Il commença par réaliser l'algorithme de dessin de polygone sur Atari ST, puis un éditeur de dessin adapté (les outils d'imagerie vectorielle étant inexistants à l'époque) et enfin passa directement à la réalisation de la cinématique d'introduction du jeu. Les scènes de mort par pistolet laser ont probablement été inspirées par le cinquième épisode ("Le Piège") de la série télévisée Cobra. En effet, dans cet épisode, lorsque le mineur un peu dégénéré sort pour se confronter au mystérieux sniper et se fait toucher par un tir au laser de celui-ci, ses chairs sont instantanément volatilisées, ne laissant que son squelette qui explose peu après. Soit le même effet exactement que dans le jeu vidéo. ![]() Squelette d'un individu après avoir été touché par un tir ![]() Objets utilisés pour des séquences de rotoscoping ![]() ![]() Objets dans le jeu Le matériel original qui a servi à concevoir Another World fut :
![]() ![]() L'éditeur de jeu Les graphismes furent entièrement réalisés en polygones en aplat de couleur, une scène affichant au plus seize couleurs distinctes, donnant au jeu un cachet particulier. Cela permit d'afficher des vidéos et de disposer de décors dynamiques alors que le jeu ne tenait que sur deux disquettes double densité de 840 ko (et même 720 ko pour la version Atari ST). Le moteur de jeu, programmé en assembleur 68k, interprétait un langage binaire, structuré simulant une soixantaine de processus légers interagissant les uns avec les autres, et communiquant à l'aide de variables globales. Un processus gérait par exemple l'interaction du joueur avec le personnage pendant qu'un autre se chargeait de son affichage. Les niveaux et les cinématiques fonctionnaient de la même manière. Ils furent créés à l'aide d'un éditeur, programmé en GFA Basic, spécialement développé pour le jeu. Ce logiciel permettait la réalisation des graphismes, le développement des scripts, et le lancement du jeu. Le moteur de jeu lui seul ne gérait aucun élément de jeu, les scripts, convertis ensuite en langage binaire, géraient l'ensemble des interactions. Les graphismes furent réalisés par rotoscopie. L'Amiga 500 était équipé d'une entrée de synchronisation genlock, et muni d'un magnétoscope performant permettant de faire des arrêts sur image, il était alors possible d'utiliser cette technique d'animation à l'époque. A la fin des années 1980, les Amiga étaient d'ailleurs utilisés par certains biologistes au budget limité pour faire de l'analyse cinématique de mouvements. Éric Chahi filma ses propres mouvements avec une caméra vidéo, puis de cette manière réalisa les animations du protagoniste ainsi que les séquences inspirées du réel. Éric Chahi réalisa aussi l'illustration de la boîte de jeu. Le ciel n'y est pas de la même couleur que dans le jeu, mais a été choisi pour la sensation qu'il induit et qui s'approche de celle du jeu. ![]() La boîte du jeu Recherche d'éditeur En 1991, après un an et demi de travail, Éric Chahi contacta Philippe Ulrich chez Virgin Loisirs qui ne répondit pas favorablement à son projet. Vers l'été, ayant fini les trois-quarts du travail, par le biais de Philippe Ulrich, il décrocha un contrat d'édition avec Delphine Software. Jean-François Freitas ajouta les ambiances sonores, et le reste de la programmation et du graphisme fut fini pour les fêtes de Noël. Versions La première version fut publiée sur Amiga 500 en novembre 1991. C'est celle qui bénéficia du meilleur son. Son principal défaut était d'avoir été peu testée, résultant en une jouabilité manquant de fluidité. "C'est l'inconvénient de travailler seul dans son garage. Et puis, Delphine Software n'avait pas de cellule de test." expliqua Éric Chahi. "Du coup, c'est plus que jamais une version de hardcore gamer". La version Atari ST sortit en même temps, elle était identique mis à part un son plus rugueux. La version sous DOS, portée par Daniel Morais, bénéficia des critiques de la presse faites à l'époque. La version originale avait été jugée trop courte, l'éditeur Delphine Software suggéra d'allonger le jeu. Après un travail acharné de moins de deux mois, un niveau important fut ajouté au milieu du jeu, juste avant la séquence de l'arène. Pour Éric Chahi, ce niveau apporta beaucoup, car il mit en valeur la complicité entre Lester et son compagnon de cavale. ![]() Le niveau supplémentaire Les versions Super Nintendo et Mega Drive furent portées par Interplay. Le jeu était plus difficile que sur micro-ordinateur, l'éditeur américain tenant à ce que les joueurs en aient pour leur argent (un jeu console coûte plus cher). Interplay imposa des musiques dans tous les niveaux de jeux. Cet éditeur ne voulait pas non plus de la musique de Jean-François Freitas, mais Éric Chahi ne souhaitait absolument pas que la musique d'introduction soit retirée. La situation resta bloquée jusqu'à l'intervention de Anne-Marie Joassim, responsable juridique chez Delphine Software, qui réussit à faire céder Interplay. Le comité éthique de Nintendo Of America, quant à lui, censura la présence de sang ainsi qu'une scène faisant apparaître trois raies de fesses de trois pixels de haut. Éric Chahi n'eut d'autre choix que de rectifier les graphismes. ![]() Trois pixels de moins sur les fesses ! Interplay développa une version pour la console 3DO, ce jeu en deux dimensions fut ainsi porté sur une console à vocation 3D. Elle bénéficia d'arrière-plans bitmap très détaillés et les musiques furent entièrement refaites. Éric Chahi estima que le contraste entre les images détaillées du fond et les animations en polygones en aplat de l'avant-plan n'en fit pas une réussite esthétique. Interplay proposa ensuite de réaliser une version sur le support Mega-CD. Le jeu, sorti en 1994, comprenait en première partie Another World et une aventure parallèle, Heart Of The Alien. Éric Chahi leur proposa alors, plutôt que de faire une suite chronologique, de permettre au joueur d'incarner cette fois-ci le compagnon extraterrestre de Lester pendant la même aventure. Basé sur cette idée, Interplay développa l'ensemble du jeu. Jean-François Freitas réalisa cette fois-ci les nouvelles musiques en qualité CD. Éric Chahi dirigea les grandes lignes du jeu mais à distance en utilisant télécopies et modem. Il n'aima pas vraiment cet épisode qui imposait une conclusion à l'histoire, alors que dans le jeu original, la fin avait été délibérément créée pour être ouverte. L'auteur déclara par la suite que "Heart Of The Alien resta dans l'ombre à mon grand soulagement". ![]() ![]() Heart Of The Alien Portages de la version originale Entre 1992 et 1998, Éric Chahi fonda la société Amazing Studio et se lança dans un long projet de jeu vidéo qui dura six ans, Heart Of Darkness. Certains considèrent aujourd'hui que ce projet était trop imposant pour une toute jeune société. Il lui laissera un mauvais souvenir, et il se retirera de la conception de jeu pour s'intéresser à d'autres activités, comme la photographie. ![]() Heart Of Darkness Officieusement développée à partir de 2004 par Cyril Cogordan, une version Game Boy Advance fut réalisée par rétro-ingénierie de la version Atari ST. Éric Chahi interdit dans un premier temps sa distribution pour finalement l'autoriser en 2005 et même fournir des données sonores de meilleure qualité. Cyril Cogordan et l'entreprise Magic Productions portèrent ensuite officiellement le moteur de jeu pour téléphone portable, Éric Chahi, quant à lui, apporta quelques retouches à des passages du jeu ainsi qu'aux graphismes. Pour l'anecdote, l'auteur, avec le recul des années, trouva certains passages du jeu un peu crispants : il décida donc d'assouplir la jouabilité du jeu en modifiant quelques scripts. Il ressortit ainsi son Amiga 500 pour cette occasion ! Édition 15e anniversaire Éric Chahi, après avoir récupéré les droits de son jeu auprès de Delphine Software (qui ferma ses portes en juillet 2004), travailla avec Emmanuel Rivoire de ManaGames sur une version actualisée d'Another World pour Windows XP incluant une résolution plus fine (1280x800 pixels) et des fonds rehaussés (tout en gardant la possibilité de jouer avec les graphismes d'origine) et des points de passage plus nombreux (le jeu original étant relativement difficile). Cette version, sortie le 14 avril 2006 éditée par Elektrogames (Windows XP), fut disponible en partagiciel et en version complète pour 7 euros sur le site officiel. Début 2007, une édition spéciale "Another World : Édition spéciale 15e anniversaire" sortit dans le commerce. Cette version, identique à celle téléchargeable mais vendue en boîte pour 10 euros, inclut en plus un CD avec la bande sonore de Jean-François Freitas réarrangée ainsi qu'un document sur les coulisses de sa réalisation. Édition 20e anniversaire En 2011, une édition spéciale "Another World : Édition 20e anniversaire" fut développée par DotEmu et éditée par Bulkypix sur iPhone, iPad, Android et Mac OS. En 2014, une nouvelle édition anniversaire fut développée par Martial Hesse-Dréville et publiée par The Digital Lounge sur PS4, PS3, Vita, WiiU, 3DS et Xbox One. Cette nouvelle édition comprend :
Another World n'a pas eu de suite à proprement parler, et Éric Chahi a toujours tenu à préserver le mystère quant à la fin du jeu, de façon à laisser chaque joueur se faire sa propre idée sur le devenir de Lester. Mais comme mentionné plus haut, Another World engendra toutefois en 1994 un épisode supplémentaire, Heart Of The Alien. Dans ce jeu à l'aspect graphique très proche du jeu original et au synopsis plus élaboré, le joueur incarnait le compagnon extraterrestre de Lester, tandis que l'action se déroulait simultanément ; on y découvrait aussi quelques événements antérieurs à ceux dépeints dans Another World, ainsi que le destin présumé de Lester. Ce jeu n'eut pas autant de succès que son prédécesseur. Il y eut aussi quelques jeux avec des similarités dans la jouabilité et les graphismes, inspirés par Another World sans pour autant constituer des suites ou se dérouler dans le même univers :
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