Obligement - L'Amiga au maximum

Jeudi 28 mars 2024 - 22:55  

Translate

En De Nl Nl
Es Pt It Nl


Rubriques

Actualité (récente)
Actualité (archive)
Comparatifs
Dossiers
Entrevues
Matériel (tests)
Matériel (bidouilles)
Points de vue
En pratique
Programmation
Reportages
Quizz
Tests de jeux
Tests de logiciels
Tests de compilations
Trucs et astuces
Articles divers

Articles in english


Réseaux sociaux

Suivez-nous sur X




Liste des jeux Amiga

0, A, B, C, D, E, F,
G, H, I, J, K, L, M,
N, O, P, Q, R, S, T,
U, V, W, X, Y, Z,
ALL


Trucs et astuces

0, A, B, C, D, E, F,
G, H, I, J, K, L, M,
N, O, P, Q, R, S, T,
U, V, W, X, Y, Z


Glossaire

0, A, B, C, D, E, F,
G, H, I, J, K, L, M,
N, O, P, Q, R, S, T,
U, V, W, X, Y, Z


Galeries

Menu des galeries

BD d'Amiga Spécial
Caricatures Dudai
Caricatures Jet d'ail
Diagrammes de Jay Miner
Images insolites
Fin de jeux (de A à E)
Fin de Jeux (de F à O)
Fin de jeux (de P à Z)
Galerie de Mike Dafunk
Logos d'Obligement
Pubs pour matériels
Systèmes d'exploitation
Trombinoscope Alchimie 7
Vidéos


Téléchargement

Documents
Jeux
Logiciels
Magazines
Divers


Liens

Associations
Jeux
Logiciels
Matériel
Magazines et médias
Pages personnelles
Réparateurs
Revendeurs
Scène démo
Sites de téléchargement
Divers


Partenaires

Annuaire Amiga

Amedia Computer

Relec


A Propos

A propos d'Obligement

A Propos


Contact

David Brunet

Courriel

 


Dossier : L'histoire de Trecision - troisième partie : beaucoup d'argent, peu d'espoir
(Article écrit par Damiano Gerli et extrait de Genesis Temple - septembre 2021)


Note : traduction par David Brunet.

Après ses premiers pas dans une industrie difficile et en proie au piratage, nous avons vu dans la deuxième partie de notre rétrospective que Trecision réussit à sortir deux titres à l'international, Nightlong et The Watchmaker, malgré la crise qui sembla frapper le studio entre 1999 et 2000. Dans la troisième partie de notre histoire sur Trecision, nous verrons comment, après avoir longtemps travaillé sur un jeu d'aventure entièrement sans aucun contrat d'édition en vue, le studio italien fut contraint de demander l'aide d'un fonds d'investissement. En plus d'apporter un financement assez important, ce fonds permit à Trecision de se développer comme jamais auparavant, mais les investissements apportèrent aussi leur lot de problèmes, tant pour essayer de travailler avec des éditeurs internationaux que pour élever le niveau de leurs projets.

Du sang neuf et de nouveaux projets

Trecision Pour permettre à l'entreprise de se développer, les membres de Trecision décidèrent de fusionner avec Pixelstorm, un jeune studio de Naples, dans le sud de l'Italie. Les associés Pietro Montelatici et Fabrizio Lagorio avaient rencontré ce studio lors d'un salon et avaient été assez impressionnés par leur titre. Dirigé par Massimiliano Sacchi, Pixelstorm avait développé un jeu de football, Puma Street Soccer, qui présentait un moteur 3D impressionnant. Fabrizio Lagorio se souvint qu'il y eut une scission au sein de la société, suite à cette proposition : plusieurs programmeurs refusèrent l'accord et partirent pour créer Raylight Games. Fabrizio Lagorio mentionna également que lorsque le consultant commercial de Trecision regarda les comptes de Pixelstorm, ses cheveux devinrent blancs. "Ils avaient vraiment une façon... créative de tenir leurs comptes. Au final, je ne suis pas tout à fait sûr que la fusion était la bonne décision commerciale pour nous".

Trecision essaya également d'intéresser Artematica de Riccardo Cangini et une autre société logicielle de Ligurie, Wayward XS, à la fusion, mais les deux propositions n'allèrent pas très loin. Ils réussirent tout de même à rallier d'autres développeurs, comme Marco Castrucci et Alessandro Giusti, qui travaillèrent tous deux sur The Watchmaker. Un ancien collaborateur d'Artematica, Federico Fasce, rejoignit aussi Trecision fin 1999, travaillant en tant que concepteur de jeux sur plusieurs projets.

Trecision
Puma Street Soccer

La société, désormais rebaptisée "Trecision Net-ert@inment", fut scindée en deux divisions consacrées respectivement aux titres pour PlayStation/PC et aux jeux mobiles. Agostino Simonetta occupa le poste de directeur de la production. Trecision fut la première société en Italie à comprendre que la nouvelle tendance des jeux mobiles n'était pas une mode, même si - à l'époque - la technologie était encore relativement jeune, avec les téléphones WAP et Java.

La division des jeux mobiles, "MoPlay", commença assez modestement : Fabrizio Lagorio était le programmeur principal, Louise Barnett la directrice et Marco Caprelli le responsable des relations publiques. Ils commencèrent rapidement à travailler sur des sorties originales et des titres issus de licences. Ayant besoin d'une personne pour travailler sur les graphismes en pixels, Marco Caprelli pensa à appeler quelqu'un avec qui il avait travaillé sur son précédent lieu de travail, Dynabyte Software : le graphiste Massimo Magnasciutti. En effet, des années plus tard et dans une situation complètement différente, une partie de l'équipe de Nippon Safes Inc. se réunit pour travailler à nouveau sur des jeux d'aventure, mais pour les téléphones mobiles.

L'éditeur de logiciels signa un accord avec Nokia pour distribuer des jeux compatibles Java sur ses téléphones, les premiers titres étant Hiro's Revenge et Superdino. Un accord avec la société britannique de téléphonie mobile O2 suivit, et d'autres jeux comme Crimson Blade et SpyGirl furent développés. Trecision voulait intéresser la société finlandaise au projet de diffusion en continu ("streaming"), lancé à l'origine avec Nightlong, qui permettait à un PC de diffuser le jeu en MPEG4, par WiFi, vers un appareil mobile (à l'époque, généralement un assistant personnel sous Windows Mobile). "Nous étions un peu trop en avance sur le marché à cet égard", se remémora M. Lagorio, "la technologie et les réseaux permettant la diffusion en continu des jeux n'existaient pas encore. Nous aurions pu être les premiers Google Stadia, mais nous étions au moins 10 ans trop tôt. Finalement, Nokia n'était pas intéressé et nous avons décidé d'abandonner le projet".

Trecision
Marco Caprelli et Louise Barnett

Marco Caprelli se souvint avoir eu beaucoup de plaisir à rechercher des licences : Trecision sortait des jeux sous licence de séries de bandes dessinées Martin Mystère et Sturmtruppen. Un jour, il se rappela avoir rendu visite au réalisateur de films d'horreur Dario Argento, dans sa maison à Rome, pour discuter d'une éventuelle série de titres d'aventure pour téléphones portables conçus pour se dérouler dans "l'univers Argento". Le réalisateur accepta la proposition, mais, comme le mentionna Marco Caprelli, personne chez Trecision ne sembla vouloir poursuivre l'idée.

Concernant les licences de jeux, Marco Caprelli parla avec fierté du jeu Big Brother, conçu pour être joué comme un clone simplifié à l'extrême des Sims : "C'était une grosse affaire, un jeu vidéo italien publié sur PlayStation par Sony lui-même, tandis que la version PC était distribuée par Take-two." En raison de la popularité de cette émission de télé-réalité, à l'époque, Trecision finit par apparaître dans les journaux nationaux, en plus d'être l'une des rares maisons de développement logiciel italiennes à passer à la télévision. "Ils nous ont filmés pendant presque une journée entière, alors que nous nous efforcions de travailler", se souvint Pietro Montelatici. "Au final, nous n'avons figuré que dans une courte séquence de cinq minutes. On parle de notre quart d'heure de gloire !". Ce fut une étrange tournure des événements, compte tenu de la réticence systématique de cette maison de développement logiciel à parler aux journaux et aux médias (nous en parlerons plus tard).

Grâce à de généreux capitaux, de nouvelles équipes et de nouveaux développeurs, Trecision devint en 2000 la plus grande société de développement logiciel italienne : le studio passa d'une poignée de dix personnes à près de cinquante.

Trecision
L'équipe de Trecision

L'équipe de rêve de Trecision : Dino Dini et Rick Gush

En plus de l'arrivée de sang neuf, Trecision déménagea dans de nouveaux bureaux, dans un bâtiment historique majestueux situé juste à côté de la gare de Rapallo ; les développeurs travaillant désormais à différents étages. En plus d'accueillir de jeunes développeurs, Marco Lagorio et Pietro Montelatici cherchèrent également à employer des talents de la "vieille école". Ayant grandi avec l'Amiga et le PC, des ordinateurs qui étaient restés dans leur coeur, les noms étaient assez faciles à trouver. Pietro Montelatici, toujours aussi enthousiaste, les mentionna tout de suite : Dino Dini et Rick Gush. Plus tard, l'équipe accueillit également Ivan Del Duca, un programmeur expert en jeux de course qui ne collabora que brièvement avec Trecision, puis retournera travailler pour Milestone.

Dino Dini, concepteur de la série classique de jeux de football Kick Off, vint travailler - naturellement - sur un titre de football, tandis que Rick Gush, ancien scénariste de Westwood Studios et inspirateur de la série Command & Conquer, vint principalement parce qu'il aimait l'idée de vivre en Italie. Rick Gush raconta : "Les gens de Trecisions étaient des fans de la série Legend Of Kyrandia, ils m'ont envoyé plusieurs courriels me demandant de venir travailler pour eux. Je n'étais pas vraiment enthousiaste à l'idée, bien sûr j'avais joué à et aimé Nightlong, mais pour l'ensemble de ma carrière jusqu'alors, j'avais l'impression de faire un pas en arrière. Puis, comme les choses arrivent, mon entreprise aux États-Unis ferma ses portes et j'ai rapidement décidé que ce serait une bonne idée de m'arrêter en Ligurie, alors que j'étais en route vers une offre d'emploi à Bruxelles. En fin de compte, je ne suis jamais reparti !"

Trecision
Article du journal local Il Secolo XIX mentionnant l'arrivée de Rick Gush (avril 2001)

Trecision n'avait pas l'intention de développer un autre jeu d'aventure, en fin de compte - se souvint Rick Gush - la seule chose "réelle" à laquelle il contribua fut le manuel anglais de The Watchmaker. "Eh bien, pour être honnête, j'ai aussi dédicacé plusieurs des boîtes de jeux de Westwood que les programmeurs m'apportaient... !" ajouta-t-il en riant. Marco Lagorio se rappela que Rick Gush, dans les dernières années de la société, travailla sur un prototype pour une expérience mobile de type "choisissez votre propre aventure" : "C'était très similaire à un livre auquel on jouerait, en choisissant les options et en recevant les résultats par SMS, écrit dans un anglais très concis mais toujours très efficace. Un projet intéressant, c'est sûr".

Mais ce n'était pas la seule idée de Rick Gush, comme le rappela Marco Lagorio : "Il avait une vision claire de l'avenir des jeux mobiles occasionnels et il était en train de chercher des idées pour un jeu qui ressemblait beaucoup à la façon dont Farmville fut conçu des années plus tard. Je pense qu'il avait compris, déjà en 2000, que les gens dépenseraient de l'argent sur quelque chose comme le système "Free-to-Play", pour acheter des habillages et des objets afin de progresser. Malheureusement, ni moi ni Pietro Montelatici ne semblions saisir le potentiel de l'idée, il avait dix ans d'avance sur nous ! Nous ne connaissions qu'un modèle économique comme celui d'Ultima On-Line, avec un abonnement mensuel". Federico Fasce se souvint également que Rick Gush avait prévu qu'un jour, les gens seraient intéressés par le simple fait de regarder quelqu'un jouer à un jeu : "il avait en fait prédit le succès de Twitch, presque vingt ans auparavant !".

Et tout ce que cela aurait pu être : Kien et Samhain

Trecision, vers 2001, avait lancé le projet "Launchpad", qui consistait à se mettre à la disposition de jeunes développeurs désireux de sortir un jeu pour les conseiller et leur faire profiter du savoir-faire et des compétences de leur maison de développement logiciel. Parmi les différents projets, il en avait un sur lequel la société de Rapallo consacra du temps et de l'argent : Kien.

Kien était un jeu de rôle/action pour GBA, développé à l'origine par PM Studios, un éditeur de logiciels du sud de l'Italie. Trecision travailla à la promotion du jeu et aida cette jeune société et, à un moment donné, fut pressentie pour le publier, du moins en Italie. Finalement, cela n'arriva pas, et Kien sortit en 2004, publié uniquement dans quelques pays européens, sans jamais atteindre le marché américain. Agostino Simonetta, parlant du jeu en 2001, mentionna "il y a trop de petites équipes italiennes qui essaient de se faire remarquer avec des projets qui, bien que beaux sur le papier, ne semblent jamais aller au-delà. Il faut une démo jouable pour se faire remarquer, sinon, l'éditeur ne sera jamais intéressé".

Trecision
Écrans et illustrations de Kien (2001)

Le jeu Samhain était une toute autre histoire : c'était un titre interne sur lequel une petite équipe de Trecision s'était fait les dents. Il s'agissait de Federico Fasce, Marco Castrucci, Alessandro Giusti, Stefano Mariani et Tommaso Bennati. Federico Fasce se remémora : "Un jour, les gars sont venus me voir avec ce prototype de jeu de tir subjectif qui présentait une ambiance gothique formidable, ils m'ont dit qu'ils étaient même allés au cimetière de Rapallo, de nuit, pour prendre des photos de tombes pour les textures ! L'ambiance était sublime, mais je pensais que la mécanique de jeu aurait dû être différente : je préférais de loin l'idée d'un jeu d'horreur, plutôt qu'un strict jeu de tir subjectif."

Mais quelle était la trame derrière Samhain ? "Je me souviens avoir plongé profondément dans des recherches sur la Wicca et les groupes qui la pratiquent" poursuivit Federico Fasce. "J'ai découvert que ces groupes étaient historiquement utilisés comme refuges pour les personnes différentes, principalement les individus LGBT. Je voulais utiliser cette vibration pour l'histoire. Quant à la mécanique de jeu, nous étions assez influencés par Deus Ex, nous voulions une histoire interactive, plutôt que de simples séquences d'action."


Samhain (2000) - titre annulé par Trecision

Federico Fasce contacta aussi la ville de Triora pour avoir du matériel pour le jeu. Triora est une petite ville de Ligurie où, au XVe siècle, un groupe de femmes fut accusé d'être des sorcières et envoyé au bûcher. "Naturellement, il ne s'est rien passé de surnaturel, c'est juste une histoire triste de personnes persécutées, mais comme Triora est toujours connu comme le village des sorcières, je voulais avoir des photos et du matériel qui correspondent à l'ambiance générale de Samhain", commenta Federico Fasce.

Finalement, qu'est-il advenu du jeu ? "Aucun éditeur ne semblait intéressé par notre idée. Je me souviens qu'au salon E3 de cette année-là (2000), le sujet de l'événement était en fait un jeu de tir subjectif, Kiss Psycho Circus : tout n'était que bruit et gadgets commerciaux douteux. Personne n'aurait remarqué quelque chose de lunatique et d'atmosphérique comme Samhain. C'est dommage parce que c'était un grand projet de passion pour nous, Marco Castrucci en particulier s'est vraiment surpassé : la démo était incroyable, je n'ai toujours aucune idée de comment il a réussi à la faire fonctionner sur les PC de l'époque. Mais c'était un grand moment pour nous tous, il y avait une telle connexion émotionnelle entre nous que je n'ai jamais ressentie sur aucun autre projet sur lequel j'ai travaillé, alors que j'étais chez Trecision".

NDLR : Federico Fasce me donna le feu vert pour partager la démo originale présentée à l'E3. Vous pouvez la télécharger ici.

Trecision Trecision Trecision
Samhain

Le but manqué : les jeux de football

Pendant ce temps, Dino Dini et Trecision travaillaient d'arrache-pied, terminant enfin une démo pour le jeu de football sur lequel tout le monde au bureau passait du temps. Le jeu était apparemment très amusant, mais aucun éditeur ne sembla s'y intéresser. Le titre provisoire de "Soccer 2" fut d'abord proposé à Microsoft : "Nous avons pensé que la seule société sans franchise de football pourrait être intéressée et, en fait, elle l'était. Nous avons été invités à visiter leur campus à Seattle et il semblait que les choses allaient bien. Mais à la fin, ils ont dit que la Xbox n'avait pas bien marché la première année, et qu'ils attendraient de voir ce qui se passerait l'année suivante", se souvint Pietro Montelatici. Trecision ne vit jamais l'année suivante.

Trecision Trecision Trecision
Soccer 2

Bien que le projet de Dino Dini ne dépassa jamais le stade de la démo, le studio italien réussit tout de même à sortir deux jeux de football. Le premier, réalisé à l'aide d'une version actualisée du moteur utilisé dans Puma Soccer par Pixelstorm, fut vendu à Ubi Soft pour "pas mal d'argent" selon les souvenirs de Fabrizio Lagorio, et sortit sous le titre de "Calcio Championship". Le deuxième titre fut un jeu de football avec la licence du joueur français Zinedine Zidane, qui faisait initialement partie d'un contrat d'édition avec l'éditeur français Cryo Interactive. Agostino Simonetta, parlant du jeu en 2001, le mentionna comme étant "le point de rencontre parfait entre International Super Star Soccer et la série FIFA, un mélange de simulation et d'arcade." Le jeu, sous ce titre, n'exista que brièvement en tant que démo pour les employés de Ford, le parrain officiel de toute l'entreprise. "Ce n'était guère plus qu'une version bêta, mais elle fonctionnait plutôt bien, je trouve", ajouta Fabrizio Lagorio.

Trecision
Calcio Champ

Après l'échec de l'accord avec Cryo et le retrait de la licence Zidane, ce jeu de football fut légèrement modifié, pour être ensuite publié sous le nom de "Football Generation". Ce jeu fut également publié par Ubi Soft, sur le marché B2B et B2C, en tant qu'extension dans des produits de consommation comme les boîtes de céréales. Fabrizio Lagorio se souvint avoir travaillé seul sur Football Generation, qui sortit bien après que Trecision disparaisse. "J'ai débogué le jeu tout seul avec Ubi Soft, un processus assez éprouvant, mais c'était un succès. Au final, c'est bizarre de penser que c'était notre seul titre sorti sur PlayStation 2 : Trecision n'a fait le saut vers une nouvelle génération de console que lorsqu'il était déjà trop tard."

Trecision
Football Generation

Cryo et le choc de l'économie du clic

En 2002, Trecision avait conclu un accord de publication avec l'éditeur français Cryo Interactive, mais le studio italien finit par être pris dans les difficultés financières de cet éditeur. Pietro Montelatici expliqua : "Cryo devait sortir deux titres : le jeu de football avec la licence Zinedine Zidane et un titre de course de scooters pour PC et PlayStation 2, plus tard connu sous le nom de "Scooty Races", qui devait comporter la licence Popeye et sa gamme de personnages incluse dans le jeu. En fin de compte, les deux titres sont passés à travers les mailles du filet et n'ont jamais été publiés." Le jeu Popeye, annoncé sous le nom "Popeye - Hush Rush for Spinach", sortit uniquement sur GBA, développé par le studio français Magic Pockets en tant que jeu de course de personnages.

Federico Fasce, responsable de la conception du jeu Scooty Races, se remémora : "C'était un titre trop ambitieux, à la fois pour l'époque et pour l'expérience globale de Trecision, je pense. À l'époque, la seule expérience multijoueur était celle de la Dreamcast, alors que ce jeu visait des caractéristiques de mécanique de jeu que l'on ne vit que dans Mario Kart 8, dix ans plus tard ! La mécanique était trop compliquée, ils n'ont fait qu'ajouter de plus en plus de choses. Personnellement, je pense qu'il aurait dû être annulé avant même que l'accord avec Cryo ne parte en fumée."

Trecision
Quelques-unes des captures d'écran rescapées de Scooty Races (2001)

"Après l'échec de l'affaire Cryo, je pense que nous avons tous senti que la fin approchait", commenta Federico Fasce. "Je ne pense pas que nous aurions pu faire grand-chose pour l'éviter. A Trecision, tout le monde était passionné par ses projets, mais il semblait y avoir peu d'applications pratiques pour ces grandes idées. Nous aurions dû nous concentrer sur de plus petits projets, plutôt que sur de grands titres multijoueurs." Pietro Montelatici commenta : "il ne semblait plus y avoir de place dans l'industrie pour les petits développeurs indépendants. Le contrat avec Cryo a fini par nous coûter 5 millions d'euros, mais malgré tout, il nous semblait, à Fabrizio Lagorio et moi, que nous pouvions encore survivre, du moins c'est ce que nous pensions."

Après le départ de Massimiliano Sacchi et de Pixelstorm, Federico Lagorio et Pietro Montelatici semblèrent d'accord pour continuer avec Trecision, en se concentrant sur les jeux mobiles, qui leur semblaient être leur point fort, avec les jeux de football. Pourtant, une visite chez leur conseiller d'entreprise les firent changer d'avis ; il leur dit que la décision la plus judicieuse serait de fermer. "Si, au début, je ne pensais pas que c'était la bonne décision, j'étais encore persuadé que nous aurions pu persévérer au moins quelques années de plus. Après la réunion, j'ai changé d'avis et j'ai accepté avec Pietro Montelatici de fermer boutique", dit Federico Lagorio. Pietro Montelatici confirma la décision, ajoutant : "Je ne pense pas avoir de regrets pour la fermeture de l'entreprise. J'ai simplement pris tous les comptes et les ai apportés au tribunal pour qu'il s'occupe de la procédure, afin que nous puissions avoir tous nos comptes en ordre. Je ne voulais pas persévérer pour nous retrouver dans une situation où nous n'avions plus les moyens de payer nos collaborateurs. J'ai toujours été du genre à essayer de faire les choses de la manière la plus ordonnée possible".

Trecision cessa officiellement d'exister en juillet 2003, même si le tribunal travailla pendant plusieurs années encore.

Trecision
En plein travail sur leur jeu de football

Trecision : travailler en secret

En faisant des recherches sur l'histoire de Trecision, une chose apparut clairement : pour beaucoup, ce n'était pas un nom familier, que ce soit au niveau international ou même en Italie. Cela est surprenant car il ne s'agissait pas d'une petite entreprise, mais d'un grand studio qui publia certains des titres italiens les plus célèbres des années 1990. Mais, s'il fut facile de trouver des gens, même en Europe, qui semblaient se souvenir de Dynabyte ou de Simulmondo, ce ne fut guère le cas pour le studio derrière Nightlong. En Italie, ils faisaient rarement de la publicité dans les magazines et ne publiaient presque jamais d'entrevues, pas avant la toute fin. Au contraire, Simulmondo était partout dans les magazines, Dynabyte était un visage familier apparaissant souvent dans la presse, mais Trecision semblait préférer travailler en secret.

Note de Christian Cantamessa : "Pietro Montelatici, Fabrizio Lagorio et Edoardo Fervino ont toujours pensé que les jeux devaient parler pour eux, ils n'ont jamais été très portés sur la publicité. C'est très typique des gens de Ligurie, je pense". Pietro Montelatici en assume une partie de la responsabilité : "J'ai été le responsable des relations avec la presse pendant de nombreuses années. Je suppose que mon caractère timide, à la fin, a fini par représenter Trecision dans son ensemble, même pour le monde extérieur. C'est en partie la raison pour laquelle j'ai été heureux lorsque Massimiliano Sacchi est venu travailler pour nous, puisqu'il est devenu le responsable des relations publiques et du secteur commercial, il était certainement plus adapté à ce travail que moi."

Trecision
Une partie de l'équipe de Trecision (2001)

Les membres d'origine de Trecision éprouvèrent des sentiments différents quant à la gestion de leur société d'édition logicielle. Pietro Montelatici parla de ces années avec un ton chaleureux et un sourire, ainsi qu'un sentiment général de nostalgie, sans se soucier des incidents avec ICE et Fransesco Carlà et des redevances perdues. "L'industrie du jeu était encore relativement jeune au début des années 2000, en fait, lorsque nous avons lancé Trecision, nous n'étions guère plus que des adolescents", commenta Pietro Montelatici . "Bien sûr, nous avons fait de nombreuses erreurs et nous nous sommes retrouvés dans des situations délicates, mais je pense qu'il est préférable de conserver les bons moments et d'oublier les mauvais souvenirs. Je me remémore avec émotion d'avoir travaillé aux côtés de talents tels que Rick Gush et Dino Dini : ce fut, pour moi, de grandes années. Aujourd'hui encore, je me sens chanceux d'avoir eu cette opportunité".

Edoardo Gervino - toujours le type terre-à-terre - commenta : "Vers la fin, il y avait une certaine animosité envers Trecision, que je trouvais injustifiée, j'ai toujours essayé de faire en sorte que chacun puisse se développer professionnellement et s'améliorer dans son métier. Même si j'ai quitté l'entreprise, je savais que le secteur avait un bel avenir". Fabrizio Lagorio indiqua qu'il y avait tant de projets intéressants encore en cours à Trecision en 2002/2003, qu'il aurait été intéressant de poursuivre, même au-delà de la fermeture de l'entreprise. Mais, ajouta-t-il, Pietro Montelatici et lui avaient besoin, en quelque sorte, de repartir à zéro et, comme souvent, ils finirent par travailler dans différentes facettes du secteur informatique.

Trecision
Trecision travaillant sur The Watchmaker (1999 ?)

Le travail chez Trecision, à partir de 2001, semblait avoir laissé des traces chez plusieurs personnes. Massimiliano Sacchi refusa l'entrevue, tandis que Federico Fasce commenta : "lorsque Trecision a fermé, cela a été un petit traumatisme personnel : les derniers mois de travail dans la société ont été remplis d'anxiété. Nous étions très peu nombreux à la fin, des jeunes qui n'avaient rien à faire de la journée, si ce n'est attendre le communiqué officiel de notre licenciement. Par la suite, j'ai décidé de quitter le secteur pendant un certain temps, pour y revenir plusieurs années plus tard."

Mais Edoardo Gervino avait raison : ce qui sembla connoter Trecision au fil des ans, c'est que la plupart de ses collaborateurs finirent par avoir une carrière assez importante dans le développement de jeux ou l'informatique. "Nous avons formé beaucoup de talents, même si nous avons rarement réussi à les garder pour nous !" se souvint, amusé, Pietro Montelatici. Fabrizio Lagorio ajouta : "Je me souviens à peine de tous les grands talents que nous avons réussi à former : Tommaso Bennati, Mario Ricco, Tiziano Sardone, Christian Cantamessa...".

Tiziano Sardone commenta : "J'avais travaillé en tant qu'indépendant avant de venir chez Trecision. C'était mon premier vrai travail dans une équipe de développement, et je suis heureux d'avoir eu cette opportunité. Aujourd'hui encore, je ressens de la gratitude envers Pietro Montelatici, Fabrizio Lagorio et Edoardo Gervino. C'est aussi grâce à eux que j'ai pu relancer ma carrière." Christian Cantamessa conclua : "Je ressens toujours de la gratitude envers Pietro Montelatici pour m'avoir donné la chance de travailler sur The Watchmaker. C'était une chance importante de grandir et d'apprendre à travailler dans l'industrie du jeu vidéo."

Trecision n'est peut-être pas un nom familier pour de nombreux joueurs aujourd'hui, mais pour de nombreux développeurs italiens qui ont travaillé sur des projets importants comme ceux d'Ubi Soft Milan et de Rockstar, il évoque encore de nombreux sentiments nostalgiques de travail avec des amis et de développement au niveau professionnel. Trecision n'a peut-être pas changé le paysage du jeu vidéo, mais c'était une école pour les développeurs du futur.

Où sont-ils maintenant ?

Pietro Montelatici a quitté l'industrie du jeu et travaille actuellement dans l'informatique. Fabrizio Lagorio travaille toujours dans l'industrie, il est actuellement responsable de la technologie chez Perpetuum Media, qui publie et développe des jeux mobiles. Edoardo Gervino est heureux de prendre sa retraite.

Dario Pelella, après avoir travaillé avec Giunti Multimedia, est passé à d'autres projets et travaille actuellement chez Xplored.

Fabio "Oscar" Corica travaille toujours dans l'industrie du jeu et aimerait reprendre ses vieux titres Amiga et les terminer.

Christian Cantamessa, après Trecision, est passé à Ubi Soft puis à Rockstar où il a été le principal concepteur de Manhunt et Red Dead Redemption.

Tiziano Sardone n'a jamais quitté Ubi Soft et a travaillé, entre autres titres, sur la version PC de Beyond Good & Evil et a été responsable de la conception de la mécanique du jeu sur "Mario + Rabbids: Kingdom Battle".

Rick Gush est heureux de vivre en Ligurie et aime toujours travailler sur des projets de jeux de temps en temps.

Mario Ricco, après avoir travaillé chez Milestone, était à la tête d'une équipe de développement à Singapour qui a travaillé sur HAWX d'Ubi Soft. Il travaille toujours dans l'informatique à Singapour.

Federico Fasce, après avoir été l'organisateur de l'événement "Game Happens" à Gênes, enseigne maintenant la conception de jeux et la création narrative à Goldsmiths à Londres.

Sources et références

Entretiens réalisés en 2021 avec Pietro Montelatici, Edoardo Gervino, Fabrizio Lagorio, Christian Cantamessa, Tiziano Sardone, Marco Caprelli, Rick Gush, Federico Fasce.

Matériaux : Il Secolo XIX (26 avril 2001), K magazine (juin 2001), Playonline (15 septembre 2001).

Un grand merci à toutes les personnes avec lesquelles je me suis entretenu pour le temps consacré à mon article ainsi qu'aux matériaux et aux photos fournis.

Merci de votre lecture. Si vous souhaitez soutenir le projet, vous pouvez le faire en rejoignant mon Patreon ou en m'offrant un café.


[Retour en haut] / [Retour aux articles] [Article précédent]