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Parait-il que l'on revient toujours à ses premiers amours. On est en droit de le croire avec l'expérience d'Alain Fontanin, programmeur d'Amiga Source Éditeur, qui a repris le développement de son logiciel après presque 30 ans ! Merci à Daniel Reimann d'Amiga-News.de pour avoir collaboré à cette entrevue. ![]() Bonjour David, je m'appelle Alain Fontanin, j'ai 53 ans. Mon pseudonyme est THEK sur Amiga. J'ai été, au départ de ma carrière, développeur gros systèmes, PC et un peu Amiga. Par la suite, je me suis orienté dans les infrastructures serveurs et les annuaires. Je suis à l'heure actuelle avant-vente et responsable grands comptes au sein de la direction commerciale d'une société d'informatique parisienne. Je suis fan de Tech, d'histoire, de musique (jazz, blues et rock), de voyage, de rugby et de Formule 1. J'adore mélanger ces passions : me déplacer par exemple à Shanghaï pour le Grand Prix de F1, visiter la Chine et assister au concert des Stones ! Sinon, j'aime l'art, le design et je lis beaucoup. Pour le corps, je fais de la course à pied et/ou du vélo quotidiennement. ![]() J'ai découvert l'Amiga au début de 1988. J'étais étudiant et une société recherchait pour sa salle d'exposition informatique un vendeur informatique pouvant intervenir à temps partiel. J'ai eu le travail et c'est là, dans cette salle d'exposition au milieu des PC IBM, des imprimantes laser, que j'ai découvert l'Amiga 500 et l'Amiga 2000. L'Amiga 500 était raccordé à un amplificateur audio et à un téléviseur Sony, il exécutait la démo "Scroll Surprise" du groupe BS1 avec le célèbre échantillon "Pump Up the Volume" de MARRS. L'Amiga 2000 était en mode post-production avec un genlock, une caméra et une imprimante à sublimation. Une énorme claque ! ![]() En 1988, un Amiga 500, avec extension mémoire de 512 ko, lecteur de disquette externe et écran 1084S. J'ai développé Amiga Source Éditeur sur cette machine. Dans la salle d'exposition, j'avais un Amiga 2000 gonflé avec notamment une carte PC. En 1992, j'ai acheté un Amiga 600, car j'étais la semaine à Paris et le week-end en Isère et il était pratique à transporter (sans l'alimentation). Configuration avec 2 Mo de mémoire Chip, 4 Mo de mémoire Fast en PCMCIA et un disque dur de 20 Mo. Je n'ai plus d'Amiga depuis cette époque. J'utilise les émulateurs FS-UAE sur Mac et Amiga Forever sur PC. ![]() J'ai commencé à développer ASE en 1989, il est sorti en 1990 et disponible en gratuiciel auprès des principaux distributeurs français. Il a été développé en Lattice C 4, j'étais à cette époque en formation de développeur gros système (COBOL, CICS, DB2, REXX et PACBASE). Le démarrage d'ASE a été compliqué, débutant en C (j'en avais fait un peu à l'école : Turbo C) et sans Internet, il était difficile de récupérer toutes les informations pour appréhender le système Amiga (Intuition, DOS, Exec, Graphics, etc.). La collection Fred Fish a été d'un grand secours. Xavier Leclerc (auteur de The Master Virus Killer) m'a contacté pour écrire un article, j'étais en train de programmer la version 1.2 (2.0 aurait été plus adapté en raison des changements majeurs). La version 1.2 puis 1.25 est sortie en partagiciel chez FDS. ASE était limité car mono-document. ASE 1.0 était mal adapté au Workbench 2.0, ASE 1.2 a corrigé cela, il y avait des fonctions intéressantes : MemoData (base de données), calculatrice, formatage de code C, compilation depuis ASE, etc. J'ai décidé d'arrêter le développement d'ASE et de redémarrer à zéro, pour un éditeur de texte plus puissant (notamment multi-documents) du nom d'ExED : The Express Editor ! ExED, n'est jamais sorti, j'ai arrêté le développement à la version 0.2 (qui était déjà plus puissante qu'ASE 1.25) car "rattrapé par la vie" et la fin de Commodore (snif). De plus, j'utilisais au bureau un gros PC bien plus puissant que mon A600. ![]() Après l'article, j'ai reçu une centaine de lettres d'amigaïstes me félicitant pour le travail réalisé et me proposant des évolutions. Il y avait même de temps à autre un billet (20 ou 50 FF) pour me remercier. J'ai souvent échangé avec Monsieur Bruce Lepper d'A-News, à qui j'avais proposé de faire une série d'articles sur ARexx (j'étais un développeur REXX expérimenté sur gros systèmes IBM). Malheureusement, j'étais tellement mauvais en orthographe que les articles ont été confiés à (si mes souvenirs sont bons) l'excellent Cédric Beust. ![]() En 2018, j'avais 50 ans et j'essayais de faire un point sur mon demi-siècle sur Terre et j'ai repensé à l'Amiga, j'ai installé un émulateur, j'ai récupéré quelques ADF de jeux et démos que j'avais appréciés à l'époque. J'ai regardé le documentaire Viva Amiga et c'était réparti ! Ne développant plus rien côté Mac, j'ai rapidement décidé de reprendre le développement d'ASE, nommé ASE2019 et de le faire comme en 1991 ! Je suis reparti comme à l'époque en débutant par un visualisateur de textes : AView2019. J'ai récupéré beaucoup d'informations sur l'Amiga au moyen d'Obligement (j'adore l'histoire de l'Amiga), AmigaFrance.com et Amiga-News.de (je suis régulièrement en contact avec Daniel Reimann qui, en plus de faire des articles sur ASE2019 pour ses compatriotes, en a réalisé la localisation allemande). ![]() Non, malheureusement je n'ai plus les sources d'ASE, à l'exception du gestionnaire de listes chaînées (GLC) qui avait été publié en 1992 dans "Le Petit Amiga Illustré" par Xavier Leclercq. Ayant perdu les sources, j'ai aussi perdu les disquettes de distribution d'ASE, je suis à la recherche d'ASE 1.2 distribué chez FDS (numéro SH 1064). ![]() J'ai été surpris de trouver autant d'informations et d'exemples disponibles sur le Web pour me remettre au développement en C sur Amiga. A l'époque, c'était beaucoup plus compliqué : il fallait avoir accès aux livres et aux sources fournis par la communauté et Commodore Amiga. Par contre, j'avais oublié que c'était "roots" de développer en C ! Je suis aussi en contact avec des développeurs et des amigaïstes avertis de France, Allemagne, Italie et Angleterre pour m'aider à améliorer ASE2019 et progresser en tant que développeur. Un grand merci à eux. ![]() Dur de répondre. La version 1.90 (31/01/2022 sur Aminet) comporte une fonction "annuler" multi-niveaux, cela répond à la principale attente des amigaïstes m'ayant contacté pour échanger sur ASE2019. Le moteur de l'éditeur de texte est perfectible, notamment la sélection de texte. ASE2019 est multi-documents, il dispose d'un port ARexx, de la possibilité d'enregistrer des macros, de fonctions de transformation du texte, d'un mécanisme réentrant : ASE2019 n'est chargé qu'une seule fois en mémoire. Il manque la possibilité de plier/déplier du texte (c'est dans la feuille de route 2022). ![]() Amiga Source Éditeur version 1.90 ![]() La feuille de route 2022 comporte le pliage/dépliage de texte, l'amélioration de la fenêtre de recherche et la gestion des sessions/projets, en plus de l'amélioration du moteur. ![]() Pour moi, la version "classique" est une étape. J'aimerais complètement isoler le moteur et les fonctionnalités pour facilement le porter sous AmigaOS 4, MorphOS et aussi Linux. Il faudra que j'abandonne SAS/C pour un compilateur tel que GCC. ![]() ASE 1.2 a été proposé en partagiciel chez FDS. Concernant une version commerciale, c'est compliqué, de plus il faut un produit hors norme. Fan à l'époque de l'éditeur AZ, je ne suis pas sûr que la version commerciale AZur (superbe éditeur) ai fonctionné. ![]() Une machine virtuelle FS-UAE sur MacBook Pro : un A4000/040 sous AmigaOS 3.9 avec SAS/C 6.58, GitHub côté Mac et quelques outils comme Enforcer, Fortify, PackMaster, Directory Opus, MagicWB, Scout, ProTracker, etc. ![]() Environnement de développement d'Amiga Source Éditeur ![]() Passé complètement à l'as ! De plus, je ne pense pas disposer des capacités pour développer un compilateur. "Nous étions jeunes et larges d'épaules...". ![]() AView2019 a été traitée comme mise en bouche pour ASE2019. Sur Amiga, j'aimerais développer une aide à la conjugaison. Une application résidente, appelée au moyen d'une séquence de touches et s'appuyant sur une base SQLite (j'ai vu que SQLite avait été portée sur Amiga). J'utilise beaucoup SQLite quand je développe sur Mac ou Windows. ![]() Jolie transition. MacInfos et une application Mac dont le développement a été arrêté en raison du passage de macOS au plein 64 bits et malheureusement j'utilisais un FrameWork incontournable en 32 bits. De plus, Apple a compliqué le processus de livraison d'une application avec la "notarization" nécessitant d'aménager le code et de le soumettre à Apple avant validation. En bref, trop galère si on n'utilise pas les outils de développement Apple. MacInfos était une jolie application permettant de suivre son ordinateur : matériel et configuration. De sauvegarder l'état et de pouvoir le suivre au fil du temps (exemple : état de la batterie). De s'assurer que les principaux logiciels malveillants ne sont pas présents sur l'ordinateur, de trouver pourquoi un disque est plein, pourquoi la charge processeur est élevée, vérifier les paramètres réseaux, obtenir beaucoup d'informations sur le processeur, etc. J'ai adoré en réaliser le développement, durant cinq ans. ![]() Comme à l'époque, j'adore jouer sur Amiga (F/A-18 Interceptor, Nitro, Hybris, Sword Of Sodan, Battle Squadron, Stunt Car Racer, les "Sim", Dune, Turrican, Wings, Silkworm, Shadow Of The Beast, Test Drive, etc.), écouter de la musique et regarder des démos : le YouTube de l'époque sur Amiga ! Pour le reste, je développe principalement sur Amiga. ![]() C'est pour nous les Parisiens, se souvenir de ce qui est arrivé en 2015. ![]() Pour rebondir sur le précédent point, étant fan d'histoire et de Tech, je ne peux que m'engager pour la préservation de l'informatique. Je suis abasourdi par ce qui a été réalisé pour l'Amiga et je le vis tous les jours : je démarre un Amiga 4000, je lance un éditeur de texte, je code, je compile et je teste le résultat. Je ne suis pas sûr que la technologie de 2020 sera utilisable dans 30 ans, en raison des infrastructures nécessaires pour l'exécution d'une application et de la sécurité associée (exemple : les certificats), sans parler des technologies : un SSD a une durée de vie limitée. De nombreux talentueux contributeurs s'évertuent même à faire évoluer les composants d'AmigaOS. On arrive de nos jours à avoir une meilleure expérience sur Amiga avec les améliorations logicielles et la capacité de disposer (physique ou virtuel) de matériel puissant avec beaucoup de mémoire et de gros disques durs. Concernant les litiges, je crois que c'est quelque chose de récurrent depuis la fin de Commodore en 1994 et tu l'as magnifiquement résumé sur ton site Obligement. J'ai du mal à comprendre ce qui se passe dans cette bataille. Pour ma part, j'utilise une licence officielle d'Amiga Forever 9. J'échange régulièrement avec mon ami Daniel Reimann d'Amiga-News.de qui possède un AmigaOne X5000, et qui en est satisfait. Je n'arrive pas pour ma part à sauter le pas. Je dois manquer de courage. ![]() Comme tu le sais David, je suis plus software que hardware. Je comprends que la préservation de notre machine passe aussi par ces projets que je suis de très très loin. ![]() Sortir de nos jours un système d'exploitation autre que Linux, Windows ou macOS est quelque chose de très compliqué, surtout si on ne maîtrise pas le matériel (secure boot, UEFI signé, etc.). Pour ma part, un système Amiga de nouvelle génération doit pouvoir s'exécuter sur le grand nombre de matériels PC (comme Linux) et disposer d'un navigateur Internet performant, permettant de réaliser le plus grand nombre des activités de la vie quotidienne (comme Firefox sur Linux). Je militerai plus pour une distribution Linux intégrant le même type de mécanismes de gestion d'Amiga Classic sur AmigaOS 4. ![]() Pour me tenir informé et répondre à mes questions en développement, je consulte au quotidien les sites Obligement, Amiga-News.de, Amigafrance.com et régulièrement Wiki.Amigaos.net, Amiga Source Code Preservation sur GitLab et bien d'autres. ![]() Question : as-tu participé à la guerre Amiga-Atari ST fin des années 1980 ? Réponse : non, j'avais de très bons amis qui utilisaient la machine de Jack Tramiel, même si je ne comprenais pas ce que l'on pouvait trouver dans cette machine ! ![]() J'aimerais terminer par remercier tous ceux qui oeuvrent pour la préservation de notre merveilleuse machine. Nous sommes une grande et belle famille. Merci David. "Spread the word and the disk" (quand c'est autorisé) !
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