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Note : traduction par David Brunet. Il peut sembler étrange que le thème de cet article de la série Classic Reflections aborde Electronic Arts. C'est l'un des géants de l'industrie des jeux vidéo actuels avec, en 2010, quelque 8000 employés, des revenus records de 677 millions de dollars pour un chiffre d'affaires de 3,728 milliards de dollars, ce qui le classe en troisième position derrière Nintendo et Activision Blizzard. Mais en 1985, Electronic Arts était une société très différente. Elle était pleinement engagée à soutenir le récemment commercialisé Amiga avec ses excellents logiciels et jeux. En fait, son application graphique phare pour Amiga devint l'application qui tue sur Amiga, et servit à créer l'une des images les plus emblématiques associées à l'Amiga. ![]() Il y eut un prix à payer pour le succès fou d'Electronic Arts et, ses dernières années, la société reçut une publicité négative en raison de son approche à la "big brother" dans le monde des affaires, ce qui lui valut la dénomination d'Empire du Mal. La société fut critiquée pour acheter de petits studios de jeux, puis de presser leurs développeurs à créer rapidement des suites de jeux de piètre qualité comparativement aux premiers titres de la série. En conséquence, Electronic Arts ferma la plupart des studios de jeux peu après leur acquisition à cause de leur faible rentabilité. La société perdit deux procès (pour un total de 30,5 millions de dollars) intentés par ses propres employés pour surmenage et heures supplémentaires non payées. Une action en justice pour comportement anticoncurrentiel fut également entreprise aux États-Unis en 2008 à l'encontre d'Electronic Arts. Cette action affirmait que l'accord exclusif d'Electronic Arts avec la NFL Players Association, la NCAA et l'Arena Football League était anticoncurrentiel et empêchait les autres sociétés de signer des accords similaires, et que cela conduisait à augmenter les prix des produits des jeux EA Sports. Electronic Arts tenta une OPA hostile sur l'un de ses principaux concurrents (Take Two Interactive) et acquit une importante part chez un autre (Ubi Soft). Un recours collectif fut déposé contre Electronic Arts quand la société intégra discrètement SecuROM (une protection contre la copie et un gestionnaire de droits numériques) dans son jeu Spore qui incluait un nombre limité d'activations (trois) et qui n'était pas désinstallé jusqu'à la suppression du jeu. Ironie du sort, et peut-être à cause de cela, Spore fut le jeu le plus piraté avec plus d'un demi-million de copies téléchargées illégalement lors de sa sortie en 2008. Un recours collectif similaire fut déposé contre Electronic Arts quand cette dernière inclut une protection DRM dans la version démo du jeu Creature Creator. Electronic Arts tenta initialement d'apaiser ses clients en augmentant la limite d'activations à cinq. Et en 2009, la société annonça qu'elle allait changer sa politique de protection contre la copie en supprimant les protections DRM de ses futurs jeux. La plus grosse critique, surtout pour un éditeur de jeux, fut peut-être celle concernant la baisse lente et régulière de la qualité de ses produits, menaçant de ternir la marque Electronic Arts. Mais en dépit de tous ces problèmes, Electronic Arts continue d'être le plus gros éditeur de jeux en Occident avec une part de marché de 16%. Son jeu The Sims Social eut une fulgurante progression et devint le deuxième jeu le plus populaire sur Facebook avec plus de 30 millions de joueurs. Des débuts modestes Tout était bien différent en 1982 quand William M. "Trip" Hawkins III fonda Electronic Arts. Après avoir été diplômé de Harvard puis obtenu sa maîtrise en administration des affaires à l'Université de Stanford, il se trouva à l'épicentre de la révolution informatique et rejoignit en 1978 la jeune société Apple. Celle-ci avait tout juste vendu son 1000e ordinateur, dont la plupart l'année précédente. Cinq ans après, Apple entra dans le top 500 des plus grosses sociétés avec près d'un milliard de dollars de revenus et 4000 employés. Comme ils le disaient, "timing is everything" (l'important, c'est d'être dans les temps), et quand Apple entra en bourse, William Hawkins, qui était alors directeur marketing des produits, gagna beaucoup d'argent. Malgré son ascension au sein de la société, sa relation avec Steve Jobs, le cofondateur d'Apple, ne fut jamais bonne et il décida qu'il était temps de voler de ses propres ailes. Au début de l'année 1982, William Hawkins démissionna d'Apple afin de lancer sa propre entreprise logicielle en collaboration avec d'anciens collègues d'Apple comme Tom Mott et William Bingham Gordon, lui aussi ancien de l'Université de Stanford. Le 28 mai 1982, il fonda Amazin' Software et y injecta 200 000 dollars de ses deniers personnels. Au début, il travailla depuis son domicile mais s'installa en août dans des bureaux situés chez Sequoia Capital. Il y utilisait son ordinateur Apple II pour travailler sur son plan d'affaires et commença à embaucher ses premiers employés. En octobre, la jeune société fut renommée en Electronic Arts et, en décembre, elle obtint un financement de 2 millions de dollars de la part de Sequoia Capital et de deux autres sociétés de capital-risque. La société, avec ses 11 employés, était trop grosse pour ses bureaux temporaires et fut contrainte de déménager dans un nouvel emplacement à San Mateo, en Californie, qui surplombait l'aéroport de San Francisco. L'intérêt de William Hawkins pour les jeux et les logiciels n'était pas nouveau. En tant qu'écolier, il adorait les simulations de football américain et, en 1970, grâce à un financement de la part de son père, il créa un jeu de société nommé Accu-Stat Pro Football. Il enchaîna en 1973 avec la création, pour un projet d'école, d'une autre simulation de football, écrite en BASIC et qui fonctionnait sur les mini-ordinateurs DEC PDP-11. Même à l'Université d'Harvard, il réussit à convaincre ses supérieurs de convertir ses études de statistiques et de psychologie en spécialisation pour les jeux. L'obsession de William Hawkins pour les simulations de football engendra par la suite la populaire série Madden NFL. Nous voyons plus loin L'industrie des jeux vidéo n'en était qu'à ses prémices au début des années 1980 et les développeurs étaient généralement mal payés, sous-évalués et surchargés de travail. Dès le départ, William Hawkins reconnut la valeur de ses développeurs et souhaita élever leur statut à celui d'artistes, à l'instar des autres médias créatifs comme le cinéma, la littérature et la musique. Sa vision pour Electronic Arts était d'en faire une société d'édition reconnue pour sa qualité et son professionnalisme, travaillant en collaboration avec les meilleurs talents de l'industrie des jeux vidéo. Le développement et la production des logiciels seraient calquées sur l'industrie du divertissement. Les graphistes et les chefs de projet étaient embauchés en tant que producteurs afin d'assurer la liaison avec les développeurs qui étaient considérés comme des artistes. Les nouvelles idées de jeux viennent souvent de développeurs indépendants qui, comme les scénaristes indépendants, soumettent leurs logiciels à un comité interne pour approbation. Une autre entrave à la norme fut qu'Electronic Arts proposait des crédits photo à ses développeurs et livrait ses jeux dans d'élégantes boîtes genre "pochettes d'album" afin de renforcer le statut de vedette du rock de ses artistes et pour réduire les coûts d'emballage. La société mit souvent en vedette ses développeurs dans des publicités pour magazines. Mais la chose la plus importante fut qu'Electronic Arts partageait ses bénéfices avec ses développeurs et n'avait par conséquent aucun mal pour attirer les meilleurs talents. En 1983, Electronic Arts publia sa première série de jeux pour l'Atari 800 et l'Apple II puis pour le Commodore 64 et enregistra un total de 5 millions de dollars de ventes lors de sa première année complète d'exploitation. Ironie du sort, l'année 1983 marqua aussi l'effondrement du secteur du jeu vidéo dans le monde entier qui détruisit pratiquement tout le marché des consoles et mit Atari à genoux. Cela poussa aussi les développeurs de Hi-Toro/Amiga Inc. à transformer leur projet de console Lorraine en un ordinateur à part entière. Cet ordinateur devint l'Amiga. ![]() Les premiers logiciels d'Electronic Arts Alors que William Hawkins et son équipe étendaient leur catalogue de jeux, une autre équipe de développeurs, située à 40 km à Santa Clara, travaillaient sur un nouvel ordinateur révolutionnaire qui allait changer le visage de l'informatique pour toujours. Jay Miner et son équipe avait du mal à trouver des fonds pour terminer leur projet. Ils avaient accepté de l'argent de la part d'Atari qui, par un étrange coup du sort suite à l'effondrement de l'industrie du jeu vidéo, était à présent détenue par Jack Tramiel, l'ancien cofondateur de Commodore. En juin 1984, Atari était sur le point de prendre le contrôle de la technologie Amiga. Mais dans une manoeuvre de dernière heure, Commodore, qui cherchait un remplaçant à son Commodore 64, arracha la technologie Amiga à Atari et à son président Jack Tramiel. Avec un paiement de 24 millions de dollars, le développement de l'Amiga était sauvé. Après le rachat, Commodore pressa Jay Miner et son équipe de terminer le projet d'autant plus qu'Atari, sous l'ère Tramiel, avait décidé de leur couper l'herbe sous le pied avec la sortie de l'Atari 520ST (ordinateur également basé sur un processeur 68000). En juillet 1985, Commodore dévoila sa nouvelle et merveilleuse machine, au Lincoln Center de New York, devant un parterre de journalistes, de développeurs, d'employés et d'analystes de marché. L'équipe commerciale de Commodore avait même invité Debbi Harry, la chanteuse du groupe de rock américain Blondie, et Andy Warhol, un artiste, écrivain, cinéaste d'avant-garde et membre fondateur du mouvement Pop Art américain. Ce mélange éclectique de pop et de razzmatazz annonçait l'introduction du nouvel ordinateur Amiga de Commodore, un ordinateur qui avait vraiment des années d'avance sur son temps. Electronic Arts ne tarda pas à adopter ce nouvel ordinateur et Trip Hawkins annonça : "L'Amiga va révolutionner l'industrie de l'ordinateur familial. C'est le premier ordinateur domestique qui dispose de tout ce que vous voulez pour toutes les principales utilisations d'un ordinateur familial, comme l'éducation, le divertissement et la bureautique. Les applications que nous sommes en train de développer sur Amiga vont vous couper le souffle. Nous pensons que l'Amiga, grâce à sa puissance, son audio et ses graphismes incomparables, donnera à Electronic Arts et à toute l'industrie un très bel avenir !". La société plaça des publicités pleine page dans Compute! ainsi que dans le premier numéro d'Amiga World, un nouveau magazine qui vantait les vertus de l'Amiga. Et puisque vous lisez cet article, vous êtes déjà totalement conscient de l'impact massif qu'eut l'Amiga quand il fut présenté. Des graphismes, animations et sons stéréo renversants le tout entraîné par un système d'exploitation multitâche, ce qui en faisait une combinaison étonnante. L'application qui tue Lors de sa troisième année d'exploitation, les ventes d'Electronic Arts avaient augmenté à 18 millions de dollars et la société pensa à porter certains de ses logiciels et jeux sur le nouvel Amiga. Son premier titre ne fut pas un jeu mais Deluxe Paint, un logiciel de dessin en 2D, qui établit la norme en la matière pour tous les autres logiciels graphiques sur Amiga. ![]() ![]() Deluxe Paint Quand il rejoignit Electronic Arts, il mit son expérience à profit pour débuter le développement de Prism, un autre logiciel de dessin qui fut utilisé pour les développements logiciels. Quand l'Amiga fut commercialisé par Commodore, il était désespérément à court de logiciels pouvant montrer sa puissance en matière de graphisme. Ainsi, Dan Silva modifia rapidement Prism afin de tirer parti des étonnantes capacités graphiques de l'Amiga. Electronic Arts vendit cette version modifiée sous le nom de Deluxe Paint en novembre 1985 à un prix de lancement de 79,95 $ (le prix normal fut de 99,95 $). Le succès fut instantané et plus de la moitié des utilisateurs Amiga achetèrent ce produit. L'Amiga associé avec Deluxe Paint représentait une puissante combinaison qui avait des années d'avance sur le mode graphique CGA des PC ou le mode monochrome des Macintosh. Ce fut l'application qui tue pour l'Amiga. Electronic Arts continua à soutenir et améliorer Deluxe Paint et il deviendra son programme Amiga le plus rentable et celui ayant connu le plus gros succès. Améliorations des graphismes des jeux C'est un fait bien connu que les bons graphismes font vendre les jeux vidéo, mais contrairement à aujourd'hui, les développeurs des années 1980 disposaient de très peu d'espace pour leurs graphismes sur les disquettes et les cartouches. Il était donc important que le peu de graphismes inclus devait avoir un impact visuel maximal. La qualité des graphismes des jeux pouvait être la différence entre un succès commercial et un lamentable échec. Deluxe Paint fut un tel succès qu'il n'a pas été uniquement utilisé par Electronic Arts pour créer des graphismes, il l'était par de nombreux autres studios de développement. Les graphismes de la plupart des jeux d'aventure de LucasArts furent dessinés avec Deluxe Paint et de nombreux artistes utilisèrent le lot de polices de caractères de Deluxe Paint au lieu de créer les leurs. La création du célèbre jeu Lemmings tira son origine d'une discussion entre Mike Dailly et Scott Johnston, deux développeurs chez DMA Design, pour savoir si un personnage pouvait être créé dans une zone de pixels de 8x8. Leur utilisation de Deluxe Paint pour créer les personnages de Lemmings et de tout le reste entra d'ailleurs dans l'histoire. ![]() Les prémices de Lemmings Deluxe Paint autorisait aussi la réalisation d'opérations qui nécessitaient les deux mains puisque la plupart des commandes de la barre de menu, accessibles à la souris, l'étaient également au clavier à l'aide d'une seule touche. Ceci permettait aux artistes de continuer à dessiner sans utiliser la souris pour sélectionner une option. En outre, des brosses de formes irrégulières pouvaient être rapidement créées depuis n'importe quelle partie de l'image, puis mises à l'échelle, tournées et placées de multiples fois sur l'image. Les caractéristiques de Deluxe Paint sont néanmoins trop nombreuses pour être toutes énumérées dans cet article. Le visage qui a vendu des milliers d'Amiga ! Alors que Deluxe Paint fut indéniablement un immense succès en tant que tel, une image en particulier captura l'esprit de l'Amiga. William Hawkins aimait promouvoir ses développeurs en tant qu'artistes de talent, et l'une de ces artistes, Avril Harrison, dessina une image du masque de Toutankhamon qui fut incluse dans Deluxe Paint. Avec cette seule image, Avril Harrison gagna sa place dans la légende de l'Amiga, aux côtés d'autres oeuvres comme la démo Boing Ball et l'animation Juggler. Même Commodore reconnut sa valeur et utilisa l'image de Toutankhamon dans l'une de ses plus importantes campagnes publicitaires pour promouvoir l'Amiga. Cette image généra sans doute des milliers de ventes à elle seule. Electronic Arts utilisa aussi l'image et ses variantes sur l'emballage de toutes les futures mises à jour de Deluxe Paint. Avril Harrison était une talentueuse graphiste qui contribua plus tard à de nombreux jeux Amiga comme Prince Of Persia, Loom, Zombies Ate My Neighbours et les deux premiers jeux de la série de Monkey Islands. Dans ces conditions, et alors qu'elle travaillait en tant que graphiste chez LucasArt, il était peut-être normal qu'une représentation graphique de sa propre image fut immortalisée en tant que portrait d'Elaine dans le jeu Secret Of Monkey Island. La norme IFF (Interchange File Format) Quand Electronic Arts commença à produire des logiciels pour Amiga, la société se rendit vite compte que la plupart des développements étaient réalisés sur d'autres machines puis portés sur Amiga pour tests et débogages. Même Electronic Arts ne disposait que de quelques prototypes et ses développeurs devaient utiliser de coûteux PC de chez IBM, avec 640 ko de mémoire, un disque dur, une carte graphique, un écran haute définition et d'autres cartes pour les utiliser en tant que stations de travail. Chaque station de travail était fournie avec un éditeur de logiciel et des outils de débogage nécessaires pour convertir le code du microprocesseur 8088 des PC en un langage compatible avec le 68000 des Amiga. Il était d'ailleurs amusant de constater que l'affichage de ces stations de travail à 9000 $ proposait une résolution moindre que la plus petite des résolutions Amiga. Et quand un projet logiciel était presque terminé, le travail était alors transféré directement sur les prototypes d'Amiga afin de les finaliser. Le fait de travailler avec différents ordinateurs, langages et systèmes d'exploitation contribua à créer d'autres problèmes. Electronic Arts se rendit compte qu'elle avait besoin d'un format standardisé pour le stockage des données des fichiers pour l'échange des informations entre ces machines incompatibles. Les capacités multitâches de l'Amiga rendaient la standardisation encore plus souhaitable. En collaboration avec Commodore, Electronic Arts scinda l'Interchange File Format (IFF), un format de stockage des données des fichiers en sous-type : pour les images (ILBM), les sons (8SVX), la musique (SMUS), la vidéo (ANIM) et le texte. Ceci jeta les bases du système de datatypes de l'Amiga. L'IFF était conçu pour être complètement extensible, ouvert et évolutif. Et pour encourager son adoption, Electronic Arts proposa gratuitement la documentation, le code source et une assistance technique pour ce format. L'évolution de Deluxe Paint Durant les dix années qui suivirent, Electronic Arts proposa de régulières mises à jour de Deluxe Paint dans le but de maintenir sa position de numéro un des programmes de dessin 2D sur Amiga. Deluxe Paint II : commercialisé début 1986 au prix de 130 $, il nécessitait le Kickstart 1.2 et un minimum de 512 ko de mémoire. Les utilisateurs de la première version pouvaient l'obtenir pour 37 $. L'image du masque de Toutankhamon, créée par Avril Harrison, figurait sur la boîte. Cette mise à jour incluait plus d'une douzaine de nouvelles fonctionnalités, dont les plus importantes furent Stencil (Pochoir), Background (Arrière-plan) et Perspective (Perspecive). Electronic Arts inclut également une protection contre la copie en faisant de la disquette originale une disquette-clé qui devait être insérée à chaque fois que le programme était utilisé. Une version non protégée contre la copie était néanmoins disponible pour 20 $ supplémentaires. ![]() Deluxe Paint II Deluxe Paint III ne fut pas une simple mise à jour mais une refonte majeure. En plus de nouvelles et puissantes fonctionnalités de dessin, le programme était plus rapide, il gérait le mode EHB (Extra Halfbrite), pouvait dessiner en mode suraffichage (overscan), améliorait la gestion des polices et, cerise sur le gâteau, pouvait créer des animations de haute qualité d'une manière très simple. Évidemment, tout n'était pas parfait et le programme pouvait encore être amélioré. Mais Deluxe Paint III fut probablement le logiciel le plus représentatif de l'Amiga et montrait ce que la machine était capable. Il servit aussi à rendre hommage à l'incontestable talent de Dan Silva. ![]() Deluxe Paint III La gestion complète du mode HAM (Hold And Modify) fut finalement intégrée et le logiciel pouvait désormais manipuler toutes les 4096 couleurs de manière simultanée, bien que les limites matérielles de ce mode étaient toujours présentes. Parmi les autres nouvelles fonctionnalités, on pouvait noter de nouveaux remplissages pour les dégradés et un mélangeur amélioré pour les couleurs avec une palette de 256 couleurs en HAM. Les nuanciers pour le cyclage des couleurs des animations ainsi que pour le remplissage des objets en dégradé furent aussi étendus, permettant la création de huit palettes de 32 couleurs chacune. Un nouveau panneau de contrôle pour les animations, dans le style magnétoscope, fut ajouté tout comme une fonction pour déformer les brosses et une table lumineuse pour les images-clé des animations. Dessiner en mode suraffichage fut aussi amélioré. ![]() Deluxe Paint IV Deluxe Paint IV AGA (version 4.5) : commercialisé à la fin de 1992 afin de gérer le nouveau jeu de composants AGA introduit par les Amiga 4000 et 1200. Il fut commissionné par Commodore pour être inclus dans ces nouvelles machines. La version autonome était vendue au prix de 199,95 $ et les utilisateurs des précédentes versions pouvaient l'acquérir pour 37 $. Ce fut la version la plus gourmande en ressource, elle nécessitait AmigaOS 2.04 ou supérieur, 2 Mo de mémoire minimum et deux lecteurs de disquette. Une carte accélératrice fut également recommandée tout comme, évidemment, les puces AGA. Cette version était installable sur disque dur et ne présentait pas de protection contre la copie. ![]() Deluxe Paint 4.5 AGA Les utilisateurs de modèles d'Amiga plus anciens pouvaient aussi utiliser cette version AGA mais étaient évidemment limités aux modes d'écran disponibles sur OCS et ECS. Quelques mois plus tard, Electronic Arts publia la version 4.6 afin de corriger quelques bogues mineurs. Elle était destinée aux machines AGA mais permettait de gérer les modes Super Haute Résolution et Productivité sur les machines ECS avec AmigaOS 2.0. Enfin, en 1993, Electronic Arts publia un correctif qui passait la version 4.5 en version 4.6.1 permettant d'échanger des données avec ADPro en mémoire par l'intermédiaire d'un module de chargement/sauvegarde en ARexx. Jim, voici Deluxe Paint, mais pas comme nous le connaissons ! Malgré sa relation étroite avec Commodore, Electronic Arts ne se lia jamais à un seul constructeur de matériel ou développeur de système d'exploitation. Ses jeux et logiciels furent portés sur différentes plates-formes. Deluxe Paint fut lui aussi porté sur PC, Apple II GS et même Atari ST. Deluxe Paint II Enhanced 2.0, la version pour MS-DOS, fut celle ayant eu le plus grand succès. Elle gérait les modes CGA, EGA, MCGA et VGA des PC et même le mode Super VGA qui permettait d'afficher des résolutions de 800x600 en 256 couleurs (parmi une palette de 262 144) et de 1024x768 en 16 couleurs. Son produit dérivé, Deluxe Paint Animation (qui affichait seulement du 320x200 en 256 couleurs) fut grandement utilisé dans l'industrie du jeu vidéo. ![]() En 1989, Electronic Arts prit le pari de créer une série de nouvelles cartouches de jeu pour la future console 16 bits de Sega, la Genesis. La société produisit dix jeux pour un prix de 250 000 $ chacun, le premier d'entre eux fut commercialisé en juin 1990. Même si les ventes de la console ne décollèrent pas avant 1991, 35% des ventes d'Electronic Arts en 1990 provinrent de ces cartouches de jeux. William Hawkins démissionna de sa fonction de chef de l'exécutif en 1991 alors qu'il était encore le principal actionnaire. Il resta cependant président de la société. Après le départ de William Hawkins, la société subit une importante restructuration. Elle fut reconstituée dans le Delaware sous le nom de "Electronic Arts, Inc." et adopta une agressive politique de fusions et d'acquisitions. Dans le même temps, Deluxe Paint, qui avait été l'un des logiciels les plus rentables, fut éclipsé par les ventes de plus en plus importantes de cartouches de jeux pour la Genesis. En fait, les ventes furent si fortes qu'Electronic Arts fut même réticent à soutenir les produits CD-ROM sur PC et Mac. En 1993, les revenus nets d'Electronic Arts augmentèrent de 70,4% pour atteindre 298 millions de dollars. Les ventes de cartouches de jeux bondirent de 117% à 167 millions de dollars et le succès de la console de Sega fut en partie dû à la popularité des jeux d'EA Sports. Avec une croissance de ventes comme celle-ci, les jours des logiciels d'Electronic Arts étaient comptés. Commodore était également en difficulté et les développeurs chez Electronic Arts essayèrent désespérément de finir Deluxe Paint V avant la faillite. Electronic Arts attendait aussi que Commodore fournisse sa solution RTG 24 bits, mais cela n'arriva jamais et Commodore fit faillite en avril 1994. Après l'effondrement de Commodore, la nécessité de sortir Deluxe Paint V n'était plus une priorité mais à la suite d'une demande et d'un parrainage de la division Royaume-Uni d'Electronic Arts, cette version fut finalement commercialisée à la fin de l'année 1994. ![]() Deluxe Paint V ![]() ![]() Deluxe Paint V Offres multimédias Bien que Deluxe Paint fut la plus grande réussite d'Electronic Arts, la société produisit aussi quelques titres multimédias dans sa série "Deluxe". ![]() Deluxe Paint, Deluxe Print, Deluxe Video ![]() Deluxe Paint II, Deluxe Print II, Deluxe Video ![]() Deluxe Paint III, Deluxe Video III A l'inverse de Deluxe Paint, Electronic Arts ne publia pas souvent des mises à jour et les utilisateurs durent attendre 1989 pour mettre la main sur la mise à jour suivante, intitulée Deluxe Video III. Eh oui, il n'y eut pas de version II. Son prix était de 149,95 $ et les utilisateurs de la première version pouvaient se l'octroyer pour 49,95 $. Ce fut une révision majeure qui permis aux utilisateurs d'intégrer une gamme complète de graphismes, de musiques, d'animations et d'effets sonores pour une production sur cassette vidéo ou directement sur l'Amiga. Deluxe Video III gérait aussi tous les modes d'écran Amiga, les super-bitmaps, pouvait générer des animations à haute vitesse, gérait la sortie MIDI et les fichiers IFF sonores. Il fut conçu pour fonctionner aux côtés de Deluxe Paint III et pouvait utiliser des fichiers ANIM et des brosses animées, ce qui en faisait une puissante combinaison pour la création d'animations. Enfin, le programme savait contrôler des périphériques externes comme les équipements MIDI, les genlocks et les magnétoscopes. ![]() ![]() Deluxe Video III ![]() Deluxe Music 2.0 Comme pour Deluxe Video, les utilisateurs durent attendre 1993 pour mettre la main sur la version suivante du programme, qui fut d'ailleurs la dernière, nommée Deluxe Music 2.0 et vendue au prix de 129,95 $. Ce fut l'un des derniers logiciels commercialisés par Electronic Arts avant la fermeture de son département de développement logiciels Amiga. Néanmoins, il s'agissait une nouvelle fois d'une mise à jour majeure qui intégrait un certain nombre d'utiles améliorations. Il était désormais possible d'ouvrir de multiples partitions et d'y copier/coller des informations entre elles. La gestion du MIDI fut améliorée et trois options de lecture étaient maintenant incluses : notes clignotantes, lecture piano (qui mettait en évidence les notes sur le clavier) et comptage de la mesure (qui changeait au fil de la lecture de la musique). Les mesures pouvaient maintenant être définies en tant que section et répétées autant de fois que nécessaire. Les changements de tempo étaient aussi possibles. La gestion entière d'ARexx fut ajoutée, elle comprenait une nouvelle fonction de macros pour permettre la combinaison des commandes les plus fréquemment utilisées. Le nouveau format audio CMUS était géré, ce qui permettait à tous les fichiers audio inclus à un morceau d'être lus par DMPlayer, un lecteur audio autonome et gratuit. Deluxe Music 2.0 avait néanmoins encore quelques problèmes lors de l'ouverture et de la sauvegarde de partitions au format MIDI. Deluxe Print : ce fut un simple clone de Print Shop commercialisé au début de l'année 1986 à un prix de 99,95 $. Il fut conçu pour permettre à l'Amiga d'imprimer divers documents comme des cartes de voeux personnalisées, des panneaux, des affiches ou des bannières de façon plus facile et rapide que les programmes traditionnels de PAO. Son interface dans le style Intuition le rendait facile à utiliser et une fonction de prévisualisation permettait de vérifier le document avant son impression. Malheureusement, cette version initiale était limitée et offrait peu de fonctionnalités supplémentaires. Une seconde version, Deluxe Print II, fut publiée en 1988 au prix de 79,95 $. Cette mise à jour corrigea beaucoup des problèmes et des limitations de la première version, bien que l'impression était toujours limitée aux imprimantes reconnues par les préférences de l'Amiga. Electronic Arts commercialisa une troisième et dernière version, Deluxe Print II 2.0 en mai 1989, qui prévoyait sans doute de corriger les bogues de la version précédente. ![]() Deluxe Print II Deluxe Productions : ce fut un outil pour générer des animations haute résolution commercialisé en 1988 au prix de 199 $. Il était similaire à Deluxe Video mais plus adapté aux présentations professionnelles en 3D. Il gérait le double tampon mémoire afin de jouer les animations de façon fluide, 40 effets de transitions d'écran dont les stores vénitiens, la dispersion, les spirales et les diagonales, rendant vos animations très professionnelles. Le programme fonctionnait en suraffichage (672x444) et était compatible IFF. Il incluait aussi des fonds d'écran haute résolution pour le sport, l'actualité, la météo, les graphiques d'affaires, des polices de caractères, etc. Par rapport à Deluxe Video, il lui manquait cependant les fonctions sonores intégrées. Que du travail et pas de jeu Même si Electronic Arts commercialisa quelques excellents logiciels professionnels pour l'Amiga, la société fut principalement une société de développement et d'édition de jeux. Au fil du temps, les ventes de jeux devinrent même sa principale source de revenus. Durant une période de 10 ans, Electronic Arts développa, porta et publia près de 100 jeux pour l'Amiga. Certains furent produits en interne mais beaucoup furent créés via des développeurs indépendants comme Bullfrog ou Digital Illusions. Il existe trop de bons jeux Electronic Arts pour qu'ils soient tous mentionnés dans cet article, mais on peut tout de même en mentionner quelques-uns comme :
![]() Electronic Arts fut un contributeur majeur à la réussite précoce de l'Amiga. L'actuelle entreprise monolithique du même nom n'a aucun rapport avec le groupe d'artistes avant-gardistes qui osèrent voir plus loin. Quant à William Hawkins, après avoir cessé d'être le PDG d'Electronic Arts, il forma une nouvelle compagnie, SMSG, Inc. en partenariat avec sept autres sociétés, dont Electronic Arts. Son objectif était de concevoir une console de jeux 32 bits avec CD de prochaine génération qui aurait dû être produite sous licence par des constructeurs tiers. Les redevances auraient également été placées pour chacun des jeux vendus à hauteur de 3 $. Cela contrastait nettement avec la stratégie de Nintendo ou de Sega qui vendaient leurs consoles presque à prix coûtant et facturaient de lourdes redevances à hauteur de 15 à 20 $ par jeu vendu. ![]() William Hawkins en 2010 ![]() La console 3DO William Hawkins paya 405 000 $ pour obtenir les droits de certaines anciennes marques de jeux ainsi que pour le portefeuille de brevets de la société liés à Internet. Il fonda ensuite la société Digital Chocolate, une entreprise de jeux vidéo pour plates-formes mobiles. Celle-ci est actuellement classée sixième dans le top 10 des développeurs de jeux communautaires (jeux sociaux en ligne) avec 21 millions d'utilisateurs actifs mensuels. En 2005, William Hawkins devint la huitième personne à être intronisée au panthéon de l'Académie des Arts et des Sciences Interactifs. ![]() ![]()
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