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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Actualité : Muriel Tramis parle d'Emmanuelle
(Article écrit par François Coulon et extrait de Joystick Hebdo 7 - décembre 1988)
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Trente ans derrière elle, le cheveu tressé, le sourcil épilé. Muriel Tramis sourit, pardonne les boutades et les
demi-heures de retard, place le mot juste au bon moment. Un éclat de rire cristallin - l'antithèse de cette poilade
bien grasse - vient masquer une gêne ou clore une réponse, comme si elle s'étonnait de la hardiesse de sa propre
réplique.
Muriel Tramis
Lier contact, imposer le tutoiement pendant qu'il est encore temps... La conversation s'égarera autour d'Emmanuelle,
son dernier jeu - réussi mais au demeurant fort sage - qui après Mewilo,
Blueberry, La Bosse Des Maths et Freedom s'inspire de l'archétype du roman "tate z'y voir si c'est de la guimauve".
Nous voilà illico branchés sur de sacrés plans aux relents érotiques (et toc). Drôles de résonnances pour une ingénieur
qui plaque un poste chef de projet à l'aérospatiale pour rejoindre un boulot à visage humain de réalisatrice chez
Coktel Vision.
Freedom
Dans un microcosme de programmeurs boutonneux et de journaleux machisants, Muriel ne traîne pas sa féminitude
comme un boulet, ni ne la brandit en étendard. Elle s'est fait une raison depuis le début de ses études, à
la longue. "Il y a une espèce d'émulation, j'aime bien travailler avec les mecs !" lance-t-elle. L'informatique,
un milieu pas assez féminin parce que définitivement trop masculin ? Et si, plus que d'être flippées ou complexées devant
une manette, les femmes ne se sentaient tout bonnement pas concernées par le vecteur jeu, cette vaine orgie
barbare conçue par des mecs pour d'autres mecs ? "Je crois qu'il faut que les femmes jouent pour avoir envie de
créer. D'un autre côté, il faut aimer le cinéma pour réaliser des films...". "Je croyais que ce n'était plus
valable aujourd'hui, mais on oriente les filles vers des métiers traditionalisés, et elles ont peur de toucher aux
machines. Elles ne sont pas encouragées à ça".
Aux armes citoyennes ! Au fait, à qui se destine Emmanuelle, cet hymne au plaisir facile et à le femme-objet ?
Pas très MLF... La décision de réaliser un logiciel polisson condamne à évoluer sur le fil ténu séparant une
niaiserie insipide d'un porno égrillard. Tirer un trait, en somme, sur le stupéfiant MacPlaymate ou le gaulois
Leisure Suit Larry. "Il y a beaucoup de choses à dire, et pas à montrer. L'érotisme c'est une façon d'être,
de penser...".
Malgré son attachement aux dialogues et à la mesure, les situations d'Emmanuelle oscillent parfois entre le
"soft" rosâtre et une certaine trivialité... Qu'importe. Elle y a mis, c'est rare, une réelle part d'elle-même.
Allez savoir jusqu'à quel point sur l'écran, un personnage féminin renvoie. "Les biens de ce monde n'ont aucun
intérêt pour moi". J'interroge Muriel, réponse du tac eu tac : "Je ne l'ai pas dit mais je l'ai pensé très
fort, ou alors on n'est pas arrivé à m'émouvoir, encore, de la sorte". "C'est grave ?" demandera-t-elle devant ma
bobine d'interloqué. Un instant unique. Ne pas chercher à en savoir plus. Si une question n'est jamais
indiscrète, seulement sa réponse, il est des choses qui ne se demandent pas... "C'est un hasard, c'est tout à fait un
hasard... C'est un genre comme un autre !" s'exclamera-t-elle, comme pour se disculper de mes perfides
accusations moralisatrices.
Emmanuelle
Mais sa personnalité et ses jeux ne sauraient se résumer a ces fantaisies. Dix sept ans de Martinique, ça marque.
C'est avec l'histoire des Antilles, "par attachement à mes racines". Doigt dans l'oeil, le jeu tombe dans le
folklorique, le pittoresque, la culture didactique, ce fameux "doudouisme" Compagnie Créole qu'elle tentait
d'éviter. Échec en France, Mewilo a mieux accroché selon elle dans une Allemagne teintée de colonialisme.
Dans Freedom, un jeu d'aventure tout public, le thème de l'esclavage devient cette fois une véritable toile de
fond, un argument historique profond et mature, débarrassé de ses travers touristiques.
Plus qu'aucun autre développeur, Muriel Tramis investit son âme et sa personnalité et clame : "Je suis très
heureuse quand les gens ont compris ce que je voulais dire". Si elle rêve d'un média plus explicite, le septième
art, elle contribuera à imposer la création informatique, trop sérieuse pour être confiée à des informaticiens.
La jaquette d'Emmanuelle, elle, n'arbore
qu'un "M. Tramis" scolaire et asexué. Muriel s'en fout, et préfère
imposer son style à tous que de dévoiler son prénom à n'importe qui...
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