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Tous ceux qui ont déjà ouvert leur Amiga ont pu voir sur certaines de ses puces le petit logo "MOS" pour les premiers modèles ou "CSG" pour les modèles moins anciens. Sous ces trois lettres se cache MOS Technology, une société capitale pour Commodore qui n'hésita pas à la racheter en 1976 et à la renommer en Commodore Semiconductor Group ou CSG. Son importance pour Commodore et l'Amiga lui vaut d'être présentée en détail dans cet article. "MOS", qui ne se prononce pas "mosse" mais "M.O.S.", lettre par lettre, est l'abréviation de "Metal Oxide Semiconductor", rappelant le secteur dans lequel l'entreprise oeuvrait, les semi-conducteurs, alors en forte croissance dans les années 1960 et 1970. MOS Technology fut particulièrement connue pour avoir conçu la gamme des microprocesseurs MCS6502 qui équipa nombre de micro-ordinateurs et consoles, ainsi que les jeux de puces de l'Amiga. Elle fut liquidée en 2001. L'usine de MOS Technology à Norristown À l'origine, Allen-Bradley créa MOS Technology dans le but d'être une seconde source d'approvisionnement en composants pour ses calculatrices conçues par Texas Instruments. Au début des années 1970, Texas Instruments décida de lancer ses propres lignes de calculatrices, au lieu de simplement vendre les puces nécessaires à leur fabrication. Ses calculatrices furent vendues à des prix inférieurs aux puces qui les composaient. Une grande partie des fabricants de puces fut balayée par ce changement de stratégie, celles qui survécurent le firent en trouvant d'autres puces à produire, pour d'autres marchés. Publicité de MOS Technology pour ses produits dans les années 1970 Quelques calculatrices de Commodore Chuck Peddle et Bill Mensch Processeur 6501 Fiche technique des processeurs de la famille 6500 (première page) Publicité pour le 6501 en août 1975 L'équipe de MOS Technology pose pour le journal EE Times en 1975 La procédure judiciaire dura quelques mois, jusqu'en mars 1976, et MOS Technology fut condamnée à cesser la fabrication de son processeur 6501, à verser une indemnité de 200 000 dollars à Motorola et à lui retourner les documents prétendus confidentiels. Mais le 6501 ne fut en fait jamais destiné au marché de masse, Chuck Peddle raconta qu'il s'agissait avant tout d'un "coup de griffe" envers Motorola. Le 6501 fut donc un processeur rare, tué dans l'oeuf. Des processeurs pour l'informatique L'équipe d'ingénieurs de MOS Technology n'avait pas un projet de processeurs mais plusieurs lancés simultanément, allant du 6501 au 6505. En septembre 1975, MOS Technology mit sur le marché son processeur 6502 à 1 MHz au prix surprenant pour l'époque de 25 dollars. Grâce à sa vitesse, il devançait le 6800 mais également les autres processeurs vedettes, l'Intel 8080 et le Zilog Z80. Malgré sa non-compatibilité matérielle avec le 6800, il surpassa rapidement en popularité l'ensemble des processeurs sur le marché grâce à sa supériorité technique (notamment son générateur de fréquences intégré), sa facilité à le programmer et son coût moindre. Son petit prix causa d'ailleurs la baisse générale des prix dans l'ensemble du marché des processeurs, Intel et Motorola furent obligés de suivre, ce dernier réduisant le prix de son 6800 de 175 à 69 dollars le mois suivant l'introduction du 6502. Processeur 6502 Ce tour de passe-passe marcha et la présentation fit mouche. Dans les mois qui suivirent, de nombreuses sociétés achetèrent les droits d'utiliser la technique de MOS Technology dont Rockwell International, GTE, Synertec et Western Design Center. Publicité de 1975 pour le processeur 6502 En 1976, MOS Technology conçut également deux ébauches d'ordinateurs appelées TIM (Terminal Interface Monitor) et KIM-1 (Keyboard Input Monitor) afin de montrer les performances de son processeur 6502. Comme ce processeur n'était pas compatible avec le 6800 de Motorola, les ingénieurs n'avaient pas de machine sur laquelle l'utiliser et le tester facilement. Chuck Peddle combla ce manque avec le KIM-1. Le TIM et le KIM-1 étaient entièrement assemblés et furent les premiers ordinateurs au monde à carte unique. Le KIM-1 devint populaire car il permit aux hobbyistes de monter leurs ordinateurs à base de 6502 eux-mêmes pour seulement 245 dollars (500 dollars pour la version montée). Publicité pour le KIM-1 dans le magazine Byte de 1976 Sous le joug de Commodore En septembre 1976, malgré le succès du 6502 et de ses avatars, la société MOS Technology connut des difficultés. Au moment de la sortie du 6502, le marché des calculatrices électroniques s'effondra et la seule ressource économique de MOS Technology disparue du jour au lendemain, ce qui entraîna rapidement la société à connaître des difficultés financières insurmontables. La survie de l'entreprise tint à Commodore International, qui était alors son plus gros client de circuits intégrés pour calculatrices. Commodore avait investi énormément dans le marché des calculatrices et elle fut également très affectée par le marketing de Texas Instruments. Jack Tramiel, le fondateur et PDG de Commodore, réussit à convaincre Irving Gould, l'actionnaire principal du groupe, que l'intégration verticale (être propriétaire de toutes les phases de la production) était la seule façon pour Commodore de survivre. Une nouvelle injection de capital sauva Commodore et lui permit d'investir dans ses propres fournisseurs afin de lui assurer que ses approvisionnements en puces ne soient pas de nouveau perturbés. Commodore fit ainsi une offre de rachat pour MOS Technology. La valeur des sociétés était alors de 60 millions de dollars pour Commodore et de 12 millions pour MOS Technology. Le rachat fut financé par un échange de participation dans son capital, pour une somme totale de 800 000 $, ainsi qu'une seconde condition : l'arrivée de Chuck Peddle à la tête de la nouvelle équipe d'ingénierie de Commodore. La transaction fut conclue, et même si MOS Technology devint la branche production de Commodore, elle garda son nom quelque temps pour ne pas réimprimer tous les manuels. Elle fut finalement rebaptisée en Commodore Semiconductor Group (CSG) mais malgré ce changement de nom, CSG continua à estampiller ses processeurs et coprocesseurs sous le logo de MOS jusqu'en 1989. Après avoir rencontré des centaines de passionnés d'informatique, d'établissements d'enseignement et d'entreprises, Chuck Peddle fit un constat : ces gens voulaient un ordinateur ressemblant à un terminal. En octobre 1976, Chuck Peddle parvint à convaincre le directeur de Commodore, Jack Tramiel, que l'avenir du groupe n'étaient plus dans les calculatrices mais dans la micro-informatique. Chuck Peddle acheta un petit livre sur la façon de construire sa propre télévision, écrit par le légendaire Adam Osborne, et qu'il mit à profit pour construire un boîtier en bois pour loger un ordinateur. En y logeant une carte mère à base de processeur 6502 (son KIM-1), Chuck Peddle conçut alors l'un des tout premiers micro-ordinateurs complets au monde. Il était très expérimental et quand l'équipe de développement alluma l'ordinateur pour la première fois, l'image était à l'envers. Ils durent reprendre le livre d'Adam Osborne pour trouver comment la retourner. Chuck Peddle poursuivit le développement du KIM-1 en lui ajoutant un clavier QWERTY incorporé, un lecteur de cassette et un écran monochrome, cette fois fonctionnel. Celui-ci était utilisé en parallèle avec une puce pilote graphique intégrée, donc aucun terminal extérieur n'était requis. Le microprogramme en ROM fut développé pour intégrer aussi le BASIC, pour que la machine puisse fonctionner une fois l'alimentation connectée. Cette nouvelle version étendue du KIM-1 fut rebaptisée Commodore PET. Le Commodore PET Cependant, le groupe de conception d'origine semblait encore moins intéressé à travailler pour Jack Tramiel qu'il ne l'était pour Motorola, et l'équipe se sépara rapidement. Le noeud du problème venait de l'accord négocié entre Jack Tramiel et Chuck Peddle : l'équipe devait être payée avec un pourcentage sur les profits. Mais rien n'indiquait que la société était certaine de réaliser des profits. Sans compter que les profits pouvaient facilement être masqués dans les comptes de la société. Les ingénieurs étaient tous en colère. Bill Mensch, par exemple, rentra chez lui en Arizona et fonda la société Western Design Center en 1978. Il était le détenteur de la plupart des brevets de la ligne 6500 et s'occupa de sa production. Il développa d'ailleurs une version 16 bits du 6502. Chuck Peddle, lui, claqua la porte de la société cette année-là pour prendre un poste de directeur technique chez Apple, avant de finalement retourner chez MOS Technology quelques mois plus tard. Commodore avait mis sur pied le Moore Park Research Center en Californie pour que Chuck Peddle et d'autres importants ingénieurs de la côte ouest des États-Unis puissent travailler sereinement. Mais quelques années plus tard, dans un moment de colère, Jack Tramiel ordonna sa fermeture. La plupart des ingénieurs de MOS Technology, dont Chuck Peddle, refusèrent de déménager au quartier général de Commodore en Pennsylvanie. Au milieu des années 1980, Commodore ne comptait plus qu'une douzaine d'ingénieurs dans le monde entier, la plupart d'entre eux travaillant chez MOS Technology. Mais grâce aux ingénieurs et aux installations de MOS Technology, Commodore avait pu produire, pendant toutes ces années, des prototypes de puces en quelques jours plutôt qu'en quelques mois et pratiquement sans frais. Comparativement, les autres entreprises comme Atari, Apple et Osborne, devaient dépenser des dizaines de milliers de dollars et attendre des semaines ou des mois pour obtenir de nouvelles puces. Durant l'ère Commodore, MOS Technology développa différentes variantes du processeur 6502, comme le 6507 de coût encore moindre. Ce dernier équipa par exemple la fameuse console de jeux vidéo Atari 2600 et les lecteurs de disquette Atari. L'évolution ultime, le 6510, doté de ports d'entrées/sorties additionnels, servit de base à la conception du Commodore 64. Le processeur 6510 Le Commodore 64 La carte mère de l'Amiga 1000 avec ses puces de MOS Technology En 1992, toujours confrontée à de graves problèmes financiers, Commodore plaça l'usine de MOS Technology/CSG à Norristown sous la protection de la loi sur la faillite. Curieusement, même si CSG était en faillite, Commodore entretint l'usine dans le but de la maintenir fonctionnelle, sans doute pour ne pas la voir disparaître et la garder attractive pour un éventuel acquéreur. MOS Technology sans Commodore A la suite de la faillite de Commodore International en avril 1994, CSG fut rachetée par ses fondateurs initiaux pour 4,3 millions de dollars, plus 1 million de dollars supplémentaires pour couvrir diverses dépenses, dont la licence EPA concernant la protection de l'environnement. Dennis Peasenell devint le PDG de la société. En décembre 1994, MOS Technology conclut un accord d'achat prospectif avec GMT Microelectronics (Great Mixed-signal Technologies). Cet accord permit une limitation des responsabilités de l'entreprise en échange du partage des coûts de dépollution. Opérant à présent sous le nom de GMT Microelectronics, elle rouvrit son usine de Norristown en Pennsylvanie que Commodore avait fermée en 1993. L'usine était placée depuis octobre 1989 dans la liste des sites à réhabiliter par l'EPA, l'agence de protection de l'environnement aux États-Unis. La société fit la une des journaux en raison de la présence de débris chimiques dans ses locaux de Norristown. Le site de la société fut classé comme zone à problème en raison de la contamination des eaux souterraines par du trichloroéthène et d'autres composés organiques volatils. Intérieur de l'usine de Norristown (février 2012), nouveau bâtiment construit dans les années 1980 Extérieur de l'usine de Norristown (février 2012) C'est ainsi que se termina l'histoire de MOS Technology, une société intimement liée à Commodore. Elles ont vécues ensemble, elles sont mortes ensemble. Anecdotes
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