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Le jeu Imperium devrait sortir sous peu, nous nous sommes donc entretenus avec le programmeur du jeu (Nick Wilson) et le concepteur-graphiste (Matthew Stibbe). Nick Wilson et Matthew Stibbe Nick Wilson : Ma première machine était un ZX80, puis un ZX81, avec ses graphismes étonnants. Puis j'ai appris la programmation sur un PET de Commodore et sur le Spectrum. Mes premiers jeux ont été faits sur un BBC (Cosmic Kidnap et Mineshaft). Ensuite, je suis entré chez Durell Software et j'ai écrit Combat Lynx, Turbo Esprit et Deep Strike. Mon jeu Chain Reaction a été vendu à Elite, puis j'ai commencé à travailler pour Electronic Arts et j'ai fait une conversion de The Train. Combat Lynx sur Amstrad CPC Pourquoi avoir choisi de faire un jeu de stratégie, et pas un jeu d'action par exemple ? Matthew Stibbe : J'ai toujours été plus attiré par les jeux de stratégie, c'est-à-dire les jeux qui réclament plus de réflexion que de coordination entre l'oeil et la main. Mais j'ai toujours pensé que les jeux de stratégie auxquels je jouais étaient, en quelque sorte, incomplets. Dans un jeu de guerre, par exemple, on peut faire plus que simplement déplacer des armées, dans la réalité c'est beaucoup plus complexe que ça ; il y a de la stratégie, un contexte politique dont il faut tenir compte. Mais d'un autre côté, Balance Of Power, par exemple, insistait trop lourdement sur les aspects politiques des relations internationales. Je voulais faire un jeu qui prenne en compte toutes les interactions entre les aspects militaire, économique mais aussi diplomatique. La seule façon de procéder, c'était de situer l'histoire dans un futur hypothétique, de sorte qu'on ne pourra pas m'accuser de truquer l'Histoire. Être un historien du futur offre une marge de manoeuvre bien plus grande... Combien y a-t-il de paramètres à prendre en compte dans Imperium ? Matthew Stibbe : Il y a à peu près 230 ko de programme, et 140 ko de variables, ceci sans compter bien sûr les graphismes et la gestion de l'interface utilisateur. Cela peut vous donner une idée de la complexité de la chose. De ce fait, l'interaction entre les centaines de variables qui définissent un empire et les dizaines qui définissent une planète est extrêmement réaliste. Imperium Nick Wilson : Les rôles sont parfaitement définis. Matthew crée le concept et je programme, mais la programmation influence le concept de plusieurs manières. Par exemple, certains des algorithmes de Matthew, tout en étant corrects, demandaient trop de temps de calcul à l'ordinateur, et nous avons du trouver des "raccourcis". Matthew Stibbe : Tout était sur papier avant que Nick ne commence à programmer. Le script fait plus de 100 pages. Depuis, le jeu a évolué, il reste à peu près 80% du script, et les 20% restants ont été ajoutés au vu des premiers essais. En fait, la collaboration entre un concepteur et un programmeur est forcément fructueuse, puisque lorsqu'ils sont seuls, le programmeur est souvent trop proche de la machine pour faire un bon produit, et le concepteur a la tête dans les nuages. Lorsqu'ils sont ensemble, ils se contre-balancent l'un l'autre. Sur quelle machine avez-vous fait le développement ? Nick Wilson : J'utilise un compatible PC pour écrire les programmes, et je transfère ensuite les programmes sur la machine cible. J'ai écrit tous mes programmes de transfert - celui qui fonctionne entre Atari ST et PC va à 90 000 bauds (NDLR : le maximum "normal" est de 19 200 bauds). J'utilise un mélange de C et d'assembleur. J'ai choisi le C parce que c'est un langage simple et qu'il est facile d'adapter un listing d'une machine à l'autre. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de compilateur qui fonctionne à la fois sur PC, Atari ST et Amiga ; j'ai dû écrire un convertisseur pour Atari ST. Qu'est-ce qui vous a décidé à gagner votre vie en écrivant des jeux ? Nick Wilson : Moi, c'est parce que j'adore programmer, mais j'aime aussi travailler de façon indépendante. Si je le désire, je peux travailler de 9 heures à 18 heures, comme tout le monde, mais je peux aussi choisir de ne rien faire pendant la journée et de travailler pendant la soirée. Le boulot d'un programmeur est de plus en plus simple, car de nouveaux systèmes de développement apparaissent tous les jours, les machines sont de plus en plus rapides. De plus, programmer un bon jeu peut rapporter pas mal d'argent (bien mérité, ceci dit). Matthew Stibbe : Et moi, s'il est vrai que je gagne ma vie avec les jeux, je suis encore étudiant à l'université, en histoire moderne. Je prépare une thèse. L'an dernier, j'ai passé quatre mois à potasser la révolution française ! L'Histoire influence beaucoup mes jeux, et d'un autre côté, écrire moi-même des simulations historiques m'aide à comprendre certains points d'histoire. Mais je ne pense pas faire carrière ni dans l'histoire, ni dans l'informatique ! Est-ce que vous avez été influencés par l'interface graphique du NeXT (le dernier ordinateur de Steve Jobs) ? Matthew Stibbe : Non, pas vraiment, bien que la ressemblance soit importante, puisque nous conservons le principe souris-fenêtres-boutons. C'est simplement le souci d'être aussi simple que possible qui amène forcément à ce genre d'interface. Le but est de donner l'utilisateur un contrôle aussi grand que possible sur ce qui se passe à l'écran. Nick Wilson : Je ne suis pas d'accord. Le NeXT est une machine importante. Les ordinateurs, pour l'instant, sont trop difficiles à utiliser. Sauf le NeXT. C'est pourquoi, pour ma part, j'ai essayé de recréer cette simplicité d'emploi, et de l'incorporer à Imperium. L'interface du NeXT est très "sexy", j'ai voulu en faire autant... Est-ce que vous avez songé à une conversion d'Imperium sur console ? Nick Wilson : Non. Matthew Stibbe : Parce que tu n'as pas envie de refaire le programme sur console. Moi, je serais assez content si de jeunes joueurs s'intéressaient à Imperium, parce que ça me conforterait dans l'idée que j'ai réussi à faire un jeu dans lequel il y a de quoi satisfaire tout le monde. Mais je suppose que le public habituel des consoles serait un peu rebuté par la complexité du jeu, et par le fait qu'il ressemble si peu à ce qu'on y trouve généralement. Mais je pense que ce marché va évoluer et que rapidement, les joueurs vont rechercher autre chose que simplement de beaux graphismes et de la violence. En attendant, il est évident que je continuerai à développer sur des micro-ordinateurs. Nick Wilson : C'est vrai que j'espère aussi que les jeunes ne seront pas trop effrayés par la complexité du jeu. Après tout, ils peuvent tout à fait choisir une tactique dans laquelle ils se contentent d'envoyer des vaisseaux faire la guerre, ce qui devrait les satisfaire pleinement. Mais à mesure qu'ils progresseront, ils rendront compte que le jeu est beaucoup plus intéressant que ça et ils commenceront à se préoccuper d'aspects qui leur auraient semblé complètement ésotériques au premier abord. A partir du moment où on survit au choc "ce n'est pas un jeu de tir", on peut s'amuser énormément avec ce jeu. Quelques conseils, quelques astuces pour aller plus loin dans le jeu ? Matthew Stibbe : Oui, il faut bien être conscient du nombre de possibilités qu'implique ce genre de jeu. Ne vous contentez pas d'essayer d'écraser vos adversaires par la force brutale. Utilisez les plans. Vous ne survivez pas très longtemps sans Nostrum (la drogue qui prolonge la durée de vie). Soyez sûr que vos sujets sont fidèles, et s'ils ne le sont pas, écrasez-les. De faux amis peuvent être bien plus dangereux que bien des ennemis ! Quels sont vos trois jeux préférés ? Nick Wilson : Defender, Boulderdash et Trojan. Matthew Stibbe : Moi, c'est Strategic Conquest, Starflight et j'ai une tendresse particulière pour Eastern Front.
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