Obligement - L'Amiga au maximum

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Entrevue avec Laurant Weill
(Entrevue réalisée par Michel Desangles et extrait de Joystick - mai 1990)


On en a parlé beaucoup récemment, principalement grâce à Harricana : il a en effet choisi de sortir un peu de la "coquille" du milieu informatique pour aller tenter l'aventure dans le grand nord canadien. Mais c'est surtout l'un des pionniers de la micro-informatique ludique : il a fondé Loriciel en 1983, qui est devenu l'une des deux ou trois premières boîtes de logiciels en France. Il est jeune, et loin d'être un opportuniste arrivé dans ce milieu par l'attrait de l'argent, c'est un passionné qui connaît son sujet et qui sait ce que programmer veut dire. Laurant Weill a eu la gentillesse de nous accueillir à son domicile parisien il y a quelques jours à peine...

Laurant Weill

- Vous avez quel âge ?

30 ans.

- Qu'est-ce qui vous a amené à l'informatique ?

A douze ans, mon père m'avait amené au SICOB. Et j'ai un esprit un peu particulier : quand je vois quelque chose, il faut que je comprenne. Bon, quand tu vois une ampoule et que tu cherches à comprendre, ça va. Mais un ordinateur, c'est autre chose, d'autant qu'à l'époque c'étaient des monstres énormes. Et le processus de curiosité s'est déclenché.

Mais l'Apple I n'existait même pas encore. Alors j'ai essayé de me fabriquer quelque chose avec des circuits logiques. J'ai commencé par un système avec des roues crantées qui faisait défiler une bande perforée, lue par une cellule photo-électrique. Je m'étais installé une console dans ma chambre qui pilotait les rideaux, la chaîne, la lumière du couloir, de ma chambre, la porte, etc. Ensuite, je me suis aperçu que j'avais besoin de mémoire. J'ai mis des circuits d'une capacité de 1 bit sur chaque cellule photo-électrique... Et puis j'ai fait des gadgets, vous savez, le genre d'appareil qui allume une lampe quand on tape dans les mains...

Pour gagner de l'argent de poche, j'ai ensuite fait des systèmes d'alarme, vers 15 ans. Ça marchait très fort, ça. J'avais eu les plans dans la revue Le Haut-Parleur, mais ça ne fonctionnait pas toujours. On en avait installé un à Nice, par exemple, qui se déclenchait tout le temps ; comme j'étais à Paris et que j'avais quinze ans, pour le service après-vente, ce n'était pas évident.

Ensuite sont arrivés les premiers kits. J'ai acheté un MKD2 de Motorola, à base de processeur 6800, avec quatre digits d'adresses et deux digits de données, et il fallait retaper octet par octet les programmes à chaque fois qu'on voulait s'en servir... Puis je l'ai revendu, et j'ai fabriqué le Proteus, dont les plans se trouvaient dans la revue Micro-Systèmes. Pour le coup, c'était un véritable ordinateur, avec un clavier, qu'on pouvait brancher sur une télé. Puis sont arrivés les PET et les Apple, et j'ai commencé à faire des stages chez Procep.

En fait, il y a toujours eu deux grandes familles qu'on retrouve partout aujourd'hui, chez Tandon, Victor, Loriciel, Atari : c'était l'école Apple et l'école Procep. Pourtant, on travaillait sur le même microprocesseur, mais on vantait les mérites respectifs de l'un et de l'autre. Il y avait aussi Tandy, mais ce n'était pas véritablement une famille.

Et puis mon père, qui dirigeait une entreprise de bijouterie, m'a demandé de développer un programme de gestion. J'ai donc programmé sur un CBM 3001 un logiciel de gestion des ventes, sachant qu'il fallait tout écrire, le gestionnaire d'écran, la base de données... Il y avait 80% de BASIC et 20% d'assembleur, à peu près. Et tous les copains de mon père ont voulu l'acheter. C'est là que j'ai commencé à gagner de l'argent, tout en faisant des études de biochimie parallèlement. J'ai alors trouvé, en Angleterre, une machine qui s'appelait Oric, et j'ai amené le contrat à une société nommée Ellix, que j'avais fondée avec un copain. On a importé l'Oric, et puis je suis parti au service militaire.

- Dans quel but avez-vous fondé cette société ?

Pour vendre de l'informatique. On vendait des compilateurs BASIC pour Commodore, etc. Et puis avec l'Oric, on s'est lancé dans l'informatique grand public, tout en créant à côté une division pro, en vendant les premiers compatibles PC de Victor. Mais j'étais toujours en biochimie ! Et puis le service...

- Vous l'avez fait où, votre service ?

J'étais scientifique du contingent, parce que j'avais fait une maîtrise d'informatique. J'ai fait un mois de classes, et j'ai été affecté à ce qu'on appelle un bureau Secret Défense où j'écrivais des programmes de gestion de fichiers pour l'année. J'ai donc fait de l'informatique pendant un an, à trois stations de métro de chez moi. Et j'en ai profité, avec quatre copains, pour fabriquer un ordinateur.

Laurant Weill
Service militaire : secret défense !

- Fabriquer ? Comment ça ?

C'était une machine construite autour du processeur 68000, qui était assez jeune à l'époque. On y avait mis tout ce qu'on voulait trouver dans un ordinateur : un écran 1024 par 1024 avec 4096 couleurs par ligne, la reconnaissance de la parole, une mise en relief automatique des graphismes, défilements et sprites matériels, un mégaoctet de mémoire, et même une sorte de "capteur de pensée" - en fait, ça marchait avec la rétroaction, on pouvait diriger un curseur à l'écran. Bref, on a travaillé un an, jusqu'à ce que le prototype fonctionne, on a écrit la plus grande partie de la ROM, ça occupait la moitié d'une table de cuisine, avec des milliers de fils dans tous les sens. Le nom de code, c'était "Tom". Et au moment de le fabriquer, comme il nous fallait des moyens financiers importants, on est allé essayer de le vendre à Thomson. Vous ne pouvez pas imaginer ce qu'ils nous ont répondu : "Il n'y a pas de marché pour les machines 16 bits". Un an après, le premier Atari ST sortait aux États-Unis...

- C'était en quelle année ?

1983.

- D'accord. Vous revenez donc du service, que se passe-t-il ?

Eh bien, il y a toujours les études, pendant ce temps. Mais en biochimie - discipline qui me passionne toujours, car il existe tellement d'analogies entre le cerveau et l'ordinateur ! - ce qui m'intéressait, c'était l'informatique médicale. Je suis allé jusqu'au DEUG, et je me suis aperçu que l'informatique m'intéressait plus encore que la biochimie.

Tiens, une anecdote. Un professeur m'avait proposé de rentrer en informatique, et il fallait pour cela passer un concours. Il y avait deux amphithéâtres pleins, c'est-à-dire 900 personnes. Ils remettent les copies, je lis l'énoncé, et là, je ne comprends pas. Je relis, je ne comprends toujours pas. Je regarde autour de moi et je vois 900 personnes en train de gratter sur leur papier. Je commençais à me poser sérieusement des questions, puisque pour moi le problème tel qu'il était formulé était infaisable. Mais je m'aperçois qu'en inversant deux variables, le problème devenait normal. J'appelle une surveillante et je lui explique qu'il y a probablement une erreur. Elle se met à m'engueuler, comme quoi le professeur d'informatique ne pouvait pas s'être trompé ; et elle me montre les autres en me disant que s'ils étaient tous en train d'écrire quelque chose, c'est bien que le problème était correct. C'est vrai que c'était troublant. Un quart d'heure plus tard, je n'avais toujours rien fait. Je la rappelle, et j'insiste ; elle accepte finalement d'aller voir le professeur qui avait rédigé les questions. J'étais drôlement embêté, parce que pour passer en informatique, j'avais absolument besoin de réussir ce concours. Au bout d'une demi-heure, elle revient en courant et se met à gueuler : "Attendez !". Et elle marque au tableau : "Erreur dans l'énoncé, il ne faut pas lire I mais J". Grâce à ça, j'ai eu 20/20, ce qui n'arrive jamais normalement, puisque j'avais signalé l'erreur. Je me demande toujours ce que faisaient les 900 autres.

Bref, je suis entré en informatique, mais au retour du service, je n'ai pas eu le courage d'aller jusqu'au doctorat.

- Vous revenez donc du service militaire...

Oui. Quelques mois plus tard, Marc Bayle m'appelle en me disant : "Je prépare un article pour Micro-Systèmes, Spectrum contre Oric, est-ce que je pourrais vous voir afin d'avoir des informations sur Oric. On se rencontre, on se lie d'amitié, et je lui dis que j'aimerais bien montrer qu'en France on était capable de faire des programmes aussi bien qu'aux États-Unis ou en Angleterre. Et Marc à l'époque avait aussi écrit des programmes.

- Qu'est-ce que vous aviez écrit ?

Des trucs comme Annuaire, Tennis, des gestions de fichiers... Et puis on a édité Crocky, Gastronon, Orion, et puis le Docteur Genius, le Mystère de Kikekankoi. On faisait tout ça à la maison, on a mis 15 000 francs chacun, on a loué un bureau de 20 mètres carrés sans fenêtres, on est allé voir Philippe Seban qui travaillait dans la publicité et on lui a dit : "On va être francs : il faut qu'on passe une double page dans Micro-Systèmes, mais on n'a pas d'argent, fais-nous crédit pendant deux mois". Il a accepté, on a eu plein de gens qui ont commandé par correspondance, et ça nous a permis de rembourser. Tiens, d'ailleurs, vous savez qui a écrit Pengoric ? Éric Caen, qui est aujourd'hui à la tête de Titus.

- D'où vient le nom "Loriciel" ?

Eh bien, on avait choisi une liste de noms, parmi lesquels "Micro-Edition". Isabelle est allée à l'INPI (NDLR : Institut National de la Propriété Industrielle, l'organisme où l'on dépose les marques), et elle nous appelé en disant que tous les noms qu'on avait trouvés étaient déjà pris. Et puis elle a dit : "On n'a qu'à prendre Loriciel". J'ai dit d'accord, mais il faut un "S" à la fin : Loriciels. Il n'y a aucun rapport avec Oric. On sentait déjà qu'il n'y avait pas d'intérêt à s'attacher à une marque en particulier. Et pendant longtemps, les gens qui ne connaissaient pas bien rentraient dans les magasins en demandant un Loriciels, pensant que c'était un terme générique pour les logiciels de jeu. Depuis, le "S" final a disparu...

- Reprenons. Vous avez développé sur quelles machines ?

D'abord Oric, puis Spectrum, l'Alice de Matra, Sega Yeno, sur lequel on a développé une douzaine de logiciels. Le C64, bien sûr, et le Thomson. On a eu de la chance, parce que tous nos investissements ont toujours été amortis. Pourtant, on a été sollicités par beaucoup : l'Elan, le Squale, l'Adam Coleco... Mais toutes les machines sur lesquelles on a investi se sont vendues suffisamment pour couvrir les frais.

- Pas l'Alice, quand même !

LW - Non, mais là c'était Matra qui avait payé d'avance.

- Et le Sega Yeno ?

On ne s'en rend pas compte, Mais il s'en est quand même vendu quelques-uns. A l'époque, il y avait tout le temps des gens qui arrivaient en disant qu'ils allaient lancer une boîte de logiciels et devenir les maîtres du monde en quinze jours. Des allumés, j'en ai vu des dizaines et des dizaines. Des boîtes-champignon qui sont apparues et disparues... En fait, les boîtes qui restent aujourd'hui sont celles qui se sont créées tout au début. Regardez Infogrames, Loriciels, Ere, encore qu'eux aient disparu récemment... Même Titus avait commencé en 1984 comme société de services. C'est assez moral, en fait, parce que ceux qui ont réussi sont ceux qui y ont cru dès le départ. Les opportunistes, qui n'étaient là que pour le fric, ont coulé aussitôt. Vous vous rappelez de Sprites, par exemple ?

- Bien sûr ! Vous avez développé aussi sur Apple, avec un jeu qui s'appelait Scoop, en 1985.

Oui. C'était un bon jeu, mais il n'a pas fonctionné à cause du piratage, et on a arrêté. On a développé sur Philips VG 5000, aussi.

- Lui n'a pas marché du tout.

En effet, mais là aussi c'était Philips qui avait payé les programmes d'avance. Mais les machines qui ont marché, on a toujours réussi à développer dessus dès le début. En fait, c'est simple : on avait le même âge que les acheteurs. Les attentes du public, c'étaient les mêmes que les miennes. Arrivé à 27 ans, je me suis aperçu que je n'étais plus dans ce marché. Avant, je choisissais un logiciel quand j'avais envie de jouer avec. Maintenant, je suis obligé d'écouter des gens plus jeunes. A Loriciel, des tas de jeunes viennent le mercredi pour tester des produits ; et s'ils ont une opinion différente de la mienne, je sais que je dois fermer ma gueule. C'est dur, mais c'est indispensable.

- Mais regardez ce qui se passe en musique : les chanteurs de 20 ans racontent des histoires d'amour, à 30 ans ils écrivent sur le divorce, à 40 ans ils racontent ce que ça fait d'avoir 40 ans, et comme leur public vieillit en même temps qu'eux, tout va bien.

Oui, mais je ne peux pas faire ça, parce que mon public, lui, a toujours le même âge. Encore que je peux vous annoncer un scoop : on a créé une nouvelle marque. Loriciel va continuer à faire des jeux, je dirais "à l'anglaise", c'est-à-dire toujours axés sur l'action ; et en septembre 1990, on va lancer Futura, qui éditera des jeux "à l'américaine", c'est-à-dire des simulations, des jeux plus complexes. Sherman, par exemple, s'il était sorti plus tard, aurait été dans la collection Futura ; Skweek restera à Loriciel. C'est une question de cible.

Il y a des gens qui recherchent plutôt des jeux "profonds", et d'autres qui recherchent plutôt la "jouabilité", quite à ce que ça dure plus longtemps. Mais la micro-informatique est un marché cyclique. Pendant deux ans, c'est la console qui marche, puis les deux années d'après ce sont les micro-ordinateurs, puis la console à nouveau - c'est le cas en ce moment - mais ça stagne un peu, quand même. Il y a quelque temps, la micro-informatique évoluait plus vite que les mentalités, alors que maintenant elle va moins vite. On ne comble pas un dixième des besoins et des envies des utilisateurs.

- Vous êtes plus proche de la philosophie PC ou Mac ?

Personnellement, je suis plus proche du PC, mais si on me demande quoi prendre, je conseille un Mac, parce qu'il est plus facile à utiliser. Pour moi, je préfère le PC, parce qu'il est plus modulaire : il existe des centaines de cartes, si je veux un portable j'ai le choix entre 40 modèles...

- Parlons un peu de Priam.

Au départ, j'ai rencontré Jean-Christophe Maurice, qui avait conçu un analyseur sémantique. Et Pascal Pellier était programmeur chez nous. Comme à l'époque je voulais me diversifier, j'ai décidé que le meilleur moyen était de faire un traitement de texte. On a donc monté Priam comme filiale. Et puis c'est devenu la première boîte française dans le domaine du traitement de texte, le nom est devenu Évolution France, et Loriciel a revendu ses parts.

- Et Marc Bayle est allé chez Évolution France en tant que directeur.

Oui, parce qu'on était deux à s'occuper de deux boîtes, il fallait simplifier tout ça.

- Et l'analyse sémantique n'a pas marché ?

Non, bien que le traitement de texte proprement dit ait bien marché. L'intelligence artificielle, ça demande des investissements colossaux. On a demandé des subventions, le dossier a été analysé par des linguistes et des cogniticiens, qui ont convenu que notre projet tenait parfaitement debout. L'analyse sémantique, ça permet à un ordinateur de comprendre des phrases du type "Nous les avions les avions", ou "nous les portions les portions", ou "la belle porte le voile". Ça permet de changer "Les oranges malades" par "les malades oranges", parce qu'un malade peut être de couleur orange alors qu'une orange ne peut pas être malade. Mais ils voulaient le voir pour le croire, et on n'a pas pu avoir de soutien financier. Au bout de trois ans de développement, on a laissé tomber la partie intelligence artificielle. Mais ça reste le traitement de texte français le plus vendu.

- Le projet sémantique est donc abandonné totalement ?

Oui, malheureusement. C'est dommage, parce qu'on aurait pu aussi le mélanger à une encyclopédie en CD-ROM, faire de la traduction automatique...

- Dissipons une rumeur une fois pour toutes : combien avez-vous de parts dans Joystick ?

Zéro ! Mais je suis prêt à en prendre si vous m'en proposez.

- Jamais ! On gardera tous nos bénéfices pour nous, ça ne va pas la tête ! Plus sérieusement, quels sont vos rapports avec Microïds, Silmarils, Broderbund ?

J'ai des parts de Microïds, mais à titre personnel. Je ne m'en occupe absolument pas. Silmarils n'a aucun rapport avec nous, si ce n'est qu'on les distribue de façon exclusive, comme Broderbund. En fait, Loriciel est le seul éditeur français qui soit complètement indépendant, puisqu'il a sa propre structure de distribution. 93% de notre chiffre d'affaire est fait par notre structure interne. Bien sûr, on vend aux autres distributeurs, mais ils ne représentent que 7% de notre CA. Ça nous permet d'essayer de sortir des produits originaux, par exemple Turbo Cup avec un modèle réduit, le West Phaser, des produits avec quelque chose en plus. Parce que les réseaux de distribution classiques imposent une boîte de taille standard, avec un nombre de disquettes standard et un manuel standard, c'est un peu réducteur. C'est pour ça qu'on fait des produits dont les gens nous préviennent avant qu'ils sont invendables et irréalistes, mais on les fait quand même.

En tout cas, on a toujours essayé de faire des choses originales, qui sortent de l'ordinaire. Quand on a sorti Turbo Cup, on nous a dit : "Ce n'est pas du logiciel, c'est du jouet, vous allez vous casser la gueule, les magasins vont refuser de le stocker !". Et Turbo Cup a été la meilleure vente de l'année. Idem pour le West Phaser.

- Allez-vous développer des cartouches ?

Oui, et si possible pour un maximum de consoles, puisqu'on ne veut se lier à aucun fabricant en particulier. On sortira entre deux et quatre cartouches cette année, pour différentes consoles, et on va commencer à s'intéresser à des marchés comme la Lynx et le Portfolio. Tennis Cup est un des jeux qui sera probablement adapté sur deux des cinq - pardon, quatre grandes consoles du marché (rires).

- Quels sont les axes de développement que vous envisagez à long terme ?

C'est ce qui permettra à l'ordinateur de communiquer avec l'extérieur. Pour l'instant, il n'a aucun lien avec la vidéo, le son... C'est comme quelqu'un d'extrêmement intelligent qui ne pourrait pas se mouvoir. Je suis persuadé que le futur sera axé vers les machines capables de communiquer. Déjà, on peut travailler de plus en plus chez soi, avec des télécopieurs, des modems... On aura de moins en moins besoin d'aller dans un bureau, car la seule utilité d'un bureau, c'est de centraliser des outils. A mesure que ces outils seront de plus en plus ouverts et portables, le bureau perdra sa raison d'être. Regarde le walkman, le discman, le watchman, le caméscope, l'ordinateur portatif, le carnet d'adresses sur une montre, tout est en train de devenir transportable, et ça change nos méthodes.

Mais le problème, c'est que les ordinateurs portables, ce sont simplement des ordinateurs de bureau dont on a réduit la taille, mais ils ne répondent pas encore à nos besoins. Il leur manque quelque chose d'essentiel : les outils de productivité, comme Memory Mate, qui permet de classer ses idées, ou Print Shop, qui permet de faire des bannières, des cartes de visite, de voeux... On arrivera à ce que j'appelle le Home Leisure System, c'est-à-dire quelque chose qui relierait le son, la vidéo, la domotique, l'alarme et le micro-ordinateur. L'ensemble sera interconnecté. Déjà, on s'en approche, puisque qu'avec un vidéo-disque on relie la chaîne hi-fi à l'image.

- D'après vous, c'est à quelle échéance ?

Au Canada, il existe déjà une chaîne de télévision qui permet à ses téléspectateurs, à l'aide d'une simple télécommande comportant quatre touches supplémentaires, de télécharger des programmes de jeu, de commander des marchandises, de voter, etc. Ils utilisent un ordinateur sans même s'en rendre compte. Ils appellent ça "Interactive TV". Tu vois, on n'en est pas loin, ça existe déjà.

- Restons au Canada, et parlons un peu de Harricana. Je dois dire que l'article du dernier numéro prêtait à confusion : je disais que vous étiez arrivé presque dernier, que vous vous étiez fait remorquer à vingt à l'heure, etc. En fait, c'était de l'admiration, mais mal exprimée. Parce que j'étais parti du principe comme beaucoup de monde, d'ailleurs que normalement, vous ne deviez pas résister plus de deux jours. Être parvenu à terminer la course, c'était donc drôlement bien, mais je l'ai mal dit. Mea culpa. Maintenant, pourquoi avez-vous décidé de faire cette course ?

D'abord, je voulais m'aérer un peu. Et puis, tout le monde m'avait dit que c'était infaisable, c'était donc un défi. Mais plus que tout, depuis que René Metge m'en a parlé, je rêvais de le faire. Parce que c'était le premier Harricana, c'est important. Personne ne savait ce qui allait se passer, personne ne savait quelle machine était la meilleure, personne ne connaissait les seuils de résistance. Maintenant, grâce à cette première, on connaît ça un peu mieux, et les prochaines éditions, tout en restant intéressantes, n'auront pas ce parfum de découverte.

Laurant Weill
Lapari Harricana : "Pour m'aérer un peu"

- Combien de concurrents ont abandonné en cours de route ?

Dix équipes sur trente, pour diverses raisons : accidents, intoxication, certains ont craqué psychologiquement... Nous, notre objectif, c'était simplement de tenir jusqu'au bout. On ne pensait même pas y arriver.

- Quand vous êtes rentré, à l'aéroport, vous avez dit que vous ne le referiez plus jamais.

En fait, il y a trois étapes. Pendant la course, non seulement je me suis juré de ne plus le faire, mais en plus je voulais réussir à rentrer pour prévenir tout le monde qu'il ne fallait jamais faire des choses comme ça, que c'était un truc de fou. Et puis dans l'avion de Radisson à Montréal, je discutais avec un des éclaireurs, et je sentais mon esprit qui se débarrassait petit à petit des mauvais souvenirs. Alors que pendant la course, on était parfois à hurler dans nos casques pour se calmer, on avait le dos bousillé : c'est 2500 kilomètres de bosses !

Et maintenant, j'ai complètement oublié ça. En fait, ça m'a donné une grande leçon : c'est que placé dans des circonstances difficiles, l'impossible peut être repoussé à des limites insoupçonnées. Par exemple, on a cassé les suspensions, on ne dormait que quatre heures par nuit, je me suis cassé la gueule en faisant un soleil, on a réparé, et on a finalement crevé un piston sur la banquise, logiquement, c'était fini, archi-fini. Il n'y avait même plus un millième d'espoir. On avait d'ailleurs annoncé qu'on abandonnait, en faisant des signes à l'hélico. Et puis, guidé par je ne sais pas quelle force, on a attaché les skidoos ensemble, ça nous a pris dix heures, on est arrivé dans un bled - enfin, un bled, c'est beaucoup dire, il n'y avait même pas de route qui y menait - au milieu de nulle part, à minuit, et on a trouvé, tout à fait par hasard, un indien qui avait un piston de rechange pour Cheyenne 500 cm3. C'est impossible, ça, normalement ! Mathématiquement, c'est impossible ! Alors on a réparé, jusqu'à trois heures du matin, et on est repartis.

- Vous avez souffert du froid ?

Non, pas du tout, parce qu'on bougeait tout le temps. Le pire, c'est la fatigue, surtout la fatigue psychologique.

- Vous êtes encore en rapport avec vos coéquipiers ?

Oui, on s'entend toujours très bien. C'est du bol, d'ailleurs, parce qu'on ne se connaissait pas bien au départ et que tout est fait pour que vous vous engueuliez avec eux. Il faut vivre en cohabitation 24 heures sur 24, s'il y en a un qui pique la couverture sous la tente c'est aussitôt un drame, si l'un des équipiers se plante pendant la journée, il faut s'arrêter pour le sortir de la poudreuse, s'il se plante deux fois, ça va encore, mais au bout de la cinquième fois, tu craques, tu t'engueules et tout est fait pour que tu le laisses là, c'est logique. D'ailleurs, certaines équipes passaient leur temps à s'engueuler. Nous, ça a marché parce qu'on avait le même objectif : arriver, sans se préoccuper du classement.

- Alors, finalement, vous le referiez ou pas ?

Je ne sais pas encore. Mais c'est sûr que ça marque. Un de mes coéquipiers n'a pu parler à personne pendant une semaine. Vous reprenez conscience de l'instinct de survie, qu'on a tendance à oublier dans une société civilisée.

- Quels sont vos loisirs ?

J'utilise énormément mon Atari ST. C'est à la fois du travail et du loisir, en fait, puisque c'est ma passion et que je m'amuse, mais en même temps ça me sert pour mon boulot.

- Vos enfants se servent de votre ordinateur ?

Aurélie commence à jouer avec des jeux éducatifs. Jérémy est trop petit.

Laurant Weill
Laurant et son épouse isabelle lors de l'entrevue

- Quoi d'autre ? Vous lisez ?

Oui, beaucoup. Déjà, toute la presse informatique française, anglaise et américaine. C'est colossal ! Et je lis vraiment, hein, je ne fais pas que survoler. Et puis, je lis de la SF : Clarke, Asimov, avec la série Fondation... Je n'aime pas les histoires de droïdes, tout ça. Pourtant, j'ai passé des années à aller au Festival du Film Fantastique, mais je ne peux plus.

- C'est vrai, ça correspond à une période. J'ai l'impression qu'on s'en lasse, au bout d'un moment.

Oui, je n'arrive plus à regarder des films d'horreur. Je lis Muriel Cerf, aussi. J'ai relu la Bible, récemment. Je suis très éclectique, en fait. J'ai lu une biographie de Louis XI, il n'y a pas longtemps.

- Le cinéma ?

Écoutez, les trois derniers films que j'ai vu au cinéma, c'est le dernier Indiana Jones, à Chicago, le dernier Indiana Jones, à Paris, et, euh... Bagdad Café, peut-être. Non, j'ai dû en voir un plus récemment, mais je ne m'en souviens plus. En revanche, comme j'ai un vidéo-disque, je regarde beaucoup de choses. J'ai le Grand Bleu en version longue, là, avec les basses à fond, ça rend pas mal... Je regarde les informations, aussi, au moins trois fois par jour.

- Vous regardez le sport à la télé ?

Je commence à m'y intéresser, à force de rencontrer tous les grands, René Metge, Darniche...

- En musique ? Vous jouez du synthétiseur depuis des années, vous en avez plusieurs.

J'aime bien le classique, les choses fortes, comme Rachmaninov, les Strauss, mais je n'aime pas du tout Vivaldi, par exemple. J'aime aussi John Williams, le compositeur de Star Wars, Rencontres Du Troisième Type, E.T., etc. Mais là aussi, je suis éclectique. Je suis d'ailleurs plus sensible des oreilles que des yeux. Il ne me viendrait jamais à l'idée d'acheter un tableau, par exemple. Alors que je ne pourrais pas vivre sans musique, sans en jouer.

Laurant Weill
Rocker à ses heures perdues

- Bon, il est une heure du matin, on a tous école demain... Merci de nous avoir reçu.

Au revoir.


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