Obligement - L'Amiga au maximum

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Entrevue avec Larry Kaplan
(Entrevue réalisée par Scott Stilphen et extraite de www.digitpress.com - janvier 2006)


Note : traduction par David Brunet.

Larry Kaplan - Quelles études avez-vous suivies ?

J'étais à l'Université de Berkeley de 1968 à 1974 durant la guerre du Vietnam : marches pour la paix, évènement du People's Park, fusillade de Kent State, époque Hippies, drogues et Rock'n Roll. J'ai obtenu mon baccalauréat (BA) en informatique en 1974.

- Qu'est-ce qui vous a incité à travailler dans le domaine de la conception de jeux vidéo ?

Eh bien, cela ne s'appelait pas "conception de jeux vidéo" ! Nous étions simplement des programmeurs et nous faisions uniquement des jeux vidéo. Nous devions alors programmer, créer tout ce qui est graphique, les sons, les musiques, et essayer d'obtenir du matériel des choses dont il n'était pas conçu de faire à la base. Donc, la vraie question est pourquoi j'ai rejoint Atari ? Parce que j'aimais jouer aux jeux vidéo et je voulais en programmer.

- Y a-t-il eu des programmeurs ou des jeux qui vous ont inspirés ?

Très certainement les jeux Atari de cette époque m'ont inspiré, en particulier Breakout en ce qui me concerne. J'ai rejoint Atari dans l'optique de jouer gratuitement à Breakout. Les jeux que j'appréciais étaient Sprint et Tank.

- Avez-vous travaillé pour une autre entreprise avant Atari (après vos études) ?

J'ai travaillé chez Control Systems Industries pendant deux ans avant de rejoindre Atari. Le projet principal sur lequel j'ai travaillé fut un réseau électrique informatisé de la rivière Missouri pour le compte du Bureau des Réclamations à Missoula, Montana. Un gros ordinateur faisait tourner un mur d'écrans de télévision affichant le réseau électrique et la puissance de chaque ligne. Les opérateurs pouvaient voir les problèmes et modifier, depuis Missoula, les interrupteurs qui étaient placés à des centaines de kilomètres de là.

J'ai programmé le microcode qui tournait dans les stations distantes, qui lisaient les tensions électriques et géraient les disjoncteurs, et qui renvoyait l'information à Missoula. J'ai ensuite travaillé sur l'intégration et repris la programmation de l'ordinateur central pour que tout cela fonctionne bien.

- Comment avez-vous entendu parler Atari ? Quand avez-vous commencé à travailler là-bas ?

J'ai lu leur annonce dans le journal Mercury News et j'ai postulé pour ce travail. Nous étions 100 candidats et Bob Brown m'a dit plus tard qu'ils m'avaient embauché parce que j'avais acheté un Altair 8800 (le premier ordinateur personnel vendu en kit). J'ai débuté en août 1976.

- Air-Sea Battle fut l'un des neuf jeux publiés originellement sur VCS. Quel a été son processus de développement ?

Air-Sea Battle était basé sur un jeu d'une borne d'arcade Atari appelé Anti-Aircraft. A l'époque, nous lui avons piqué toutes les choses qui pouvaient nous servir dans notre travail. Le processus de développement a été un cauchemar au début. Nous utilisions un système de temps partagé raccordé à un téléscripteur (Teletype) pour réaliser l'édition et l'assemblage. Puis nous téléchargions ceci dans une trousse de développement logiciel qui n'avait qu'un seul affichage et quelques commutateurs d'adresse. C'était très primitif et difficile à utiliser, ce qui rendait la conception de jeux vidéo très difficile.


Air-Sea Battle

- La plupart des jeux de sport d'Atari du début sont... à oublier. Mais votre jeu Bowling est une exception. Les effets sonores donnent un intérêt au jeu. De quoi vous rappelez-vous sur son développement ?

Malheureusement, je ne m'en souviens pas particulièrement. J'ai essayé d'obtenir une gestion correcte de la physique. Les sons furent simplement ceux que nous puissions placer dans ces quelques octets. Je crois que je n'ai qu'augmenté ou diminué la fréquence de la plupart des sons. Comme nous étions basés sur des trames, nous devions intervenir toutes le "n" trames, ce qui signifie que les sons étaient synchronisés toutes les 60 trames. Donc si vous augmentez le son à chaque trame, vous obtenez un son plus haut.


Bowling

- Après Bowling, vous avez apparemment travaillé sur le système d'exploitation de l'Atari 400/800 (avec David Crane et Alan Miller), c'est vrai ? A quoi ressemblait ce projet ?

Oui, c'est exact. Ce projet fut un cauchemar. Un autre groupe de développeurs furent embauchés pour concevoir les jeux, mais comme il n'y avait pas de projet de jeu, cette équipe a commencé à travailler sur le système d'exploitation. Ils ont acheté des systèmes de développement très chers et ont passé un an... à ne rien développer. Donc Alan Miller, David Crane et moi ont été recrutés pour réaliser ce système d'exploitation, un BASIC et quelques jeux en huit semaines. Nous avons commencé en octobre 1978, nous avons conçu, écrit, débogué et fourni une version bêta du système d'exploitation ainsi que quelques jeux qui devaient être dévoilés lors de la Personal Computer Conference de San Francisco en janvier 1979.

Nous avons fait appel à une société de conseil pour faire le BASIC après avoir dit à Bill Gates que nous n'allions pas utiliser son Microsoft BASIC (que je n'aimais pas, il devait être exécuté à travers un programme qui convertissait le code 8080 d'origine en code 6502, car sinon il ne fonctionnait pas au mieux). Ce fut une autre occasion manquée.

- Travailliez-vous sur un autre projet de jeu au moment où vous avez décidé de quitter Atari ?

Non, j'avais terminé le système d'exploitation de l'Atari 800 ainsi que mes titres pour cette console (Video Easel et Super Breakout), et j'avais été recruté pour vendre des ordinateurs chez Sears. Mais j'ouvrais ma gueule trop souvent et j'ai quitté Atari en août 1979.

- Beaucoup a été écrit sur la création d'Activision (vous avez quitté Atari à cause du manque de crédit). Étiez-vous confiants, vous et les autres (Bob Whitehead, Alan Miller et David Crane), en la capacité d'Activision de réussir, surtout avec ce procès de la part d'Atari dans les pattes ? Si non, souhaitiez-vous retourner chez Atari (aviez-vous un plan "B") ?

Eh bien, il n'y avait pas de plan "B". Et le procès arriva à un moment opportun. Il fut à la "une" en janvier 1980 lors du CES à Las Vegas : il catapulta l'inconnue société Activision en tant qu'acteur majeur et nos ventes montèrent en flèche. Nous n'avons jamais regretté notre choix.

- Bridge dispose de l'un des plus beaux jeux de cartes jamais réalisés sur VCS. Êtes-vous ou étiez-vous un bon joueur de bridge ?

Eh bien, merci. Je suis sûr que Dave les a créés aussi. :)

J'ai été un joueur de duplicate bridge pendant quelques années (1968-1972 et 1974-1976) et j'ai même participé à quelques tournois. Mais je n'étais pas très bon. J'avais du mal à oublier les enchères et les cartes de la main précédente quand la suivante commençait. J'étais donc un peu confus (j'ai le même problème avec le jeu de solitaire Simple Simon, ou tout autre tâche qui nécessite des changements rapides dans la mémorisation).


Bridge

- Apparemment, il existe deux variantes de ce jeu. L'original avait un bogue qui permettait d'enchérir le 8 de pique (et qui plante quand vous faites l'enchère). L'autre variante n'a pas ce bogue. J'ai cherché en vain une copie de l'original pendant des années. Pouvez-vous confirmer que la version originale a bien été publiée ?

Oui, la version originale a bien été publiée, avec ce bogue, et nous en avons réalisé un certain nombre (un millier ?) avant que quelqu'un ne trouve cette erreur. Mais Bridge n'a pas été un titre à succès et le nombre d'exemplaires produits a été relativement faible, ce qui explique pourquoi il est si difficile à trouver. Il y en a de temps en temps sur eBay mais je ne sais pas s'il y a une manière de différencier ces deux versions de l'extérieur (à moins que les dates de droit d'auteur soient différentes).

- Kaboom! est un jeu bien supérieur à son prédécesseur, Avalanche d'Atari. C'est incroyable ce que quelques changements peuvent rendre un jeu si terne ! Même de nos jours, Kaboom! reste dans la liste des meilleurs jeux VCS chez la plupart des joueurs. Pouvez-vous nous raconter de quelle manière il a été développé ?

Ha ha ! Je veux ! A la base, j'ai juste repris Avalanche mais j'ai dû l'adapter à une mémoire de 2048 octets et aux graphismes limités de la VCS. C'était donc impossible d'afficher beaucoup de rochers sur le dessus, j'ai ainsi remplacé cela par une seule unité qui largue des bombes. David Crane a ajouté le Mad Bomber et les seaux. L'un des attraits du jeu est la chute des bombes qui est calquée, là aussi, sur un taux de 60 images par seconde, pour calculer la vitesse de la chute, etc. Et il se trouve que ces vitesses sont les plus confortables pour jouer durant une longue période.


Kaboom!

- Même si faire des suites étaient une exception à cette époque (contrairement à maintenant), avez-vous eu l'idée d'en faire une ?

Non.

- Avez-vous participé à la version de Kaboom! pour Atari 400/800/5200 (de Paul Wilson) ? Pourquoi Activision ne l'a pas porté sur davantage de plates-formes ?

Non, je n'y ai pas pris part. J'avais quitté Activision à cette époque, donc tout ce qu'ils ont fait n'a rien à voir avec moi. J'étais juste un employé avec des stock-options (mais aucune redevance ou autres liés aux jeux).

- Quand et pourquoi avez-vous quitté Activision ?

J'ai quitté Activision en juin 1982, à une semaine du voyage de la société à Hawaï. La raison principale de mon départ fut le lancement d'une société conceptrice de matériels de jeux, Hi-Toro, afin de construire une remplaçante à la VCS, car personne n'avait fait quelque chose de comparable. Je m'étais mis en contact avec Jay Miner, Doug Neubauer et un investisseur impliqué dans la société de Jay Miner.

- Le magazine Next Generation a publié un article rétrospectif sur Activision récemment. Il mentionne les conditions de travail qui y régnaient (à l'époque où vous avez quitté cette société) et on apprend que les appels téléphoniques étaient surveillés. Je sais que Jim Huether a déclaré que les bureaux des personnes chez Atari étaient régulièrement "sur écoute" par mesure de sécurité, mais j'ignorais que cette pratique était aussi présente chez Activision.

La "surveillance" était un filtrage d'appels. Les autres développeurs ne voulaient pas que telle ou telle personne puisse appeler et contourner le filtrage. Nous devions donc fournir une liste de personnes dont nous pouvions recevoir des appels. Je suis parti peu de temps après.

- Vous êtes retourné chez Atari à un moment donné, en tant que vice-président du groupe logiciel de la VCS. Comment était-ce ? Vous avez eu ce poste pendant combien de temps ?

La société de conception matérielle a débuté sans moi (elle devint Amiga) et j'ai donc cherché un nouvel emploi. J'ai contacté Ray Kassar, le président d'Atari, pour savoir s'il allait investir dans un nouveau matériel de jeux. Il répondit bien sûr, tant que, de mon côté, je gérais les programmeurs. Je suis donc devenu vice-président.

Lors du lancement de ET, des journalistes pensaient que j'étais Steven Spielberg et voulaient que je leur accorde une entrevue. J'avais des privilèges de patron et, dans la salle à manger de la direction, j'invitais des programmeurs à manger des cocktails de crevettes et du filet mignon pour le déjeuner, et cela gratuitement ! Mais je fus aussi vice-président quand Atari a annoncé sa perte d'un milliard de dollars. J'ai quitté ce poste chez Atari au bout de six mois.

- George Kiss, ancien directeur du groupe VCS chez Atari, a raconté une belle histoire dans le documentaire de Howard Scott Warshaw "Once Upon Atari", dans laquelle vous alliez lui offrir un salaire du montant de son score à Defender. Avez-vous proposé une offre similaire à une autre personne ? Ou aviez-vous compris qu'il s'agissait d'un coup calculé et que Goerge était meilleur gestionnaire que joueur ?

Non, je n'ai jamais proposé une autre offre dans ce genre, et oui, ce fut un coup calculé. Defender est un jeu particulièrement difficile et je connais ses meilleurs scores.

- Vos jeux vous ont-ils été assignés ou c'est vous qui les avez choisis ? Quelle a été la partie la plus facile/difficile dans la conception de chacun d'eux ?

Par chance, j'ai choisi tous les jeux que j'ai conçus. La seule restriction est venue quand l'équipe commerciale voulait un jeu jouable au paddle et un autre jouable au clavier. J'ai donc réalisé Street Racer et Brain Games.


Brain Games

- Quel était votre temps moyen de développement sur vos jeux chez Activision et Atari ? Y a-t-il eu des jeux qui ont nécessité beaucoup plus de temps ?

Cela dépend vraiment du jeu. C'est plus un art qu'une science. La jouabilité est difficile à obtenir, sans parler des contraintes imposées de la 2600. Nous devions compter les uns sur les autres pour déterminer si la jouabilité était bonne.

En outre, la phase d'apprentissage de la console fut ardue et il a fallu un an ou plus pour vraiment comprendre les caractéristiques de son matériel. Et comme dans tous les systèmes de jeux, les jeux se sont améliorés au fil du temps car les programmeurs, les graphistes et les musiciens ont découvert de nouveaux trucs et méthodes. Pour moi, le temps moyen de développement était de trois mois. Bridge a pris six mois car je voulais créer une intelligence artificielle raisonnable, et j'ai eu du mal à l'intégrer dans seulement 4 ko.

- Y a-t-il eu des fonctions que vous auriez aimé ajouter ? Ou des bogues connus que vous n'avez jamais corrigés ?

Bien évidemment ! Donnez-moi 16 ko de ROM, 2 ko de mémoire vive et laissez-moi avec ça ! De meilleurs graphismes, sons et jouabilité - tout est possible ! Bien sûr, j'aurais besoin de graphistes, de musiciens, de programmeurs, d'éditeurs et de techniciens pour m'aider.

- Vous souvenez-vous des premières versions de vos jeux ?

Les lapins dans Air-Sea Battle étaient originellement des chiens. Air-Sea Battle fut d'abord nommé "Target Fun" pour Sears mais ce dernier a demandé de changer les chiens en lapins (il n'y eu que quelques pixels à changer). Ce Target Fun de chez Sears fut publié en premier car il était dans le lot de jeux inclus dans son Video Arcade, c'était la version finale. Plus tard, la même ROM fut publiée sous le nom "Air-Sea Battle" en tant qu'extension.

- Avez-vous travaillé sur un jeu qui n'a jamais été terminé ou publié ?

Il y en a eu quelques-uns. L'un d'eux fut un jeu avec une chute de nombre, basé sur Tetris. Il n'y a pas eu de projets non terminés chez Atari et seulement un chez Activision (il n'avait pas de nom). Les deux sociétés publiaient en général tout ce qui était terminé (comme aux débuts du cinéma).

- Vous souvenez-vous de jeux d'autres programmeurs qui ne furent jamais terminés ou publiés ?

Cette liste est longue et oubliée depuis longtemps.

- Y a-t-il des clins d'oeil ("easter eggs") dans vos jeux ? Est-ce que vos collègues en faisaient ?

Après que le clin d'oeil de Warren Robinett dans Adventure ait été découvert, beaucoup de programmeurs ont voulu faire de même quand ils le pouvaient. Le seul clin d'oeil que j'ai réalisé a été sur Atari 400/800 dans Super Breakout : les noms de mes enfants apparaissent quand vous pressez les touches "Ctrl-Shift-I".

- Si vous aviez l'occasion de refaire l'un de vos jeux, lequel serait-ce ?

Street Racer n'a pas une bonne jouabilité. J'ai supprimé le défilement latéral car il ne suivait pas (il tendait à clignoter). Si je pouvais changer le jeu afin de lui donner un défilement latéral fluide, cela rendrait le jeu meilleur.


Street Racer

- Pouvez-vous nous décrire votre carrière entre votre époque Amiga et maintenant ?

Après Amiga, j'ai arrêté pendant deux ans puis j'ai rejoint SGI en 1985. Après cela, j'ai travaillé pour 3DO sur un jeu de course pour la console M2 qui n'est jamais sortie.

Ensuite, je suis allé chez Capcom où j'ai programmé un jeu de football, pour la PS2, mais il a été annulé. J'ai quitté Capcom et suis retourné chez 3DO en tant que programmeur de quelques jeux PS2 qui ne sont jamais sortis. J'ai aussi travaillé chez Netscape et Etrade.

Actuellement, je suis en semi-retraite et je réalise quelques travaux en tant que bénévole.

- Quelles furent vos expériences de travail dans ces sociétés ?

Atari (août 1976 - août 1979)

J'ai rejoint Atari quand la société était encore à Los Gatos, et juste avant que Time Warner ne la rachète. Mon salaire était de 22 000 $. La division "Consumer" disposait d'une poignée de personnes. Nous avons déménagé à Sunnyvale dans l'année qui suivie. Steve Jobs m'a appelé un jour et voulait que je rejoigne Apple en tant qu'employé n°5. J'étais alors trop stupide pour comprendre et il a pris à la place le vice-président (son ancien patron).

Après mon retour à Sunnyvale en 1978, la société avait tellement d'argent qu'ils ont construit un sauna dans le département des ingénieurs. Nous avons été gâtés, nous travaillions aux heures que nous voulions, pas d'horaire, et les jeux étaient terminés quand nous décidions qu'ils étaient terminés. Le passage aux développements pour ordinateur à vraiment marqué un coup d'arrêt à notre dynamisme (connaître les secrets des machines prenaient des années), et réaliser des développements de jeux à la hâte en 12 semaines a été un cauchemar.

Il y a tellement de choses que nous aurions pu faire différemment. Notre matériel fut entravé par le fait que nous devions respecter les standards en matière de radiation, pour les consoles de jeux, définis par la FCC (NDLR : Federal Communications Commission, organisme qui certifie et valide tous les périphériques qui émettent des ondes électromagnétiques aux États-Unis). Nos ingénieurs ont dépensé une fortune dans un laboratoire de test et dans la conception d'un blindage géant en aluminium enveloppant le matériel. Apple avait simplement indiqué que leur ordinateur (Apple II) était un équipement de bureau et n'avait pas besoin de blindage électromagnétique (un procès à ensuite eu lieu et Apple a gagné ; le reste appartient à l'histoire).

Après avoir terminé le prototype, nous l'avons présenté lors de la West Coast Computer Conference en janvier 1979. J'étais le bonimenteur de notre stand, sur un podium et avec un ordinateur : j'ai parlé pendant 15 minutes sur les fonctionnalités de notre ordinateur. J'ai dû être réprimandé une fois car Steve Jobs et John Scully écoutaient et se sont plaints de mes références à Apple proclamant que l'Atari était mieux. Ils étaient jaloux car notre stand était la première chose à voir quand vous rentriez dans la salle. Mon dernier salaire chez Atari était de 32 000 dollars.

Activision (août 1979 - juin 1982)

J'ai quitté Activision et j'ai passé l'été à travailler avec des gens sur un plan d'affaires. Malheureusement, je n'ai pas apprécié ce plan et j'ai quitté le groupe. Je l'ai rejoint à nouveau en décembre 1979 mais je fus "puni" avec des stock-options réduites de moitié. Nous avons aussi eu des salaires rabotés, à 27 000 dollars.

En janvier 1980, il y eut l'infâme CES où le procès Atari/Activision fut à la "une" des journaux. Un an plus tard, Activision avait tellement de liquidités que les programmeurs voyageaient en première classe, avaient un service de déplacement avec Limousine, des voitures de société, un chef cuisinier privé, une pancarte "Ne pas déranger" sur leur porte et sur le téléphone. Nos repas au CES furent incomparables. Il y avait des montagnes de crevettes sur les tables, des repas avec des Mexicains, des Chinois, des Japonais et encore plus de chefs cuisiniers. Un repas pour Pitfall avait comme thème la jungle et la nourriture y était fantastique.

Je me souviens d'une cérémonie de remise de prix où Kaboom! avait gagné le prix du meilleur son ; j'étais aux toilettes quand cela a été annoncé... et je suis sorti sous les applaudissements.

Dave ne va jamais me pardonner : la moitié de notre groupe avait pris un taxi et l'autre moitié devait prendre le suivant. Une fois dedans, au lieu de dire "suivez ce taxi", j'ai simplement indiqué notre destination. Oh, tant d'occasions manquées. Mon dernier salaire fut de 155 000 dollars.

Amiga (juin 1982 - octobre 1982)

Doug Neubauer et moi sommes allés parler à Jay Miner et à la société dans laquelle il travaillait (Xymos ?) (NDLR : c'est Zymos) pour construire une nouvelle machine de jeux. J'avais vu la Nintendo NES au CES de juin 1982 et j'ai pensé que l'on pouvait faire mieux. Le président de Zymos contacta le propriétaire au Texas et, en octobre, nous embauchâmes un président pour notre société qui venait de Tonka Toys, et nous eûmes 6 millions de dollars de fonds. Malheureusement, le président m'a demandé si Nolan Bushnell voulait devenir le président du conseil d'administration : quand j'ai appelé Nolan, il m'a dit que je pouvais attendre plus financièrement avec lui, j'ai donc quitté cette société qui allait devenir Amiga. Nolan, bien sûr, annula notre accord à la dernière minute.

Atari (octobre 1982 - mars 1983)

Après la déconfiture Amiga, j'ai appelé Ray Kassar pour lui demander s'il était intéressé par la construction d'un nouveau type de matériel. Il dit qu'il était intéressé mais il voulait, en échange, que je devienne le vice-président de la division logiciels. Mon salaire était alors de 150 000 dollars avec un bonus minimal de 75 000 dollars.

En décembre, le lundi noir arriva et Atari annonça une perte record d'un milliard de dollars. La société Imagic a dû retirer ses offres publiques d'action et le marché américain du jeu vidéo s'est effondré du jour au lendemain. J'ai attendu qu'Activision entre en bourse et j'ai encaissé de l'argent pour m'offrir la maison de rêve à Los Gatos. J'y ai travaillé six mois pour 75 000 dollars de salaire, plus le bonus complet, soit 150 000 $ en six mois.

Bally/Sente (11 octobre 1984 à 9h00 - 11 octobre 1984 à 9h15)

Certainement mon emploi le plus court ! Je me suis présenté au travail la première journée et Bally décida de fermer sa division Sente. On m'a donné trois semaines d'indemnités, mon taux horaire pour cette journée était de 12 000 dollars.

Capcom (février 1994 - mars 1995)

J'ai postulé pour cette entreprise mais je n'ai pas eu de réponse, donc j'ai repostulé via un recruteur et elle m'a offert le même travail (avec en plus une belle commission). Malheureusement, ce travail fut condamné dès le début. Nous avions une équipe de cinq personnes pour réaliser un jeu de football mais nous n'avions aucun outil de développement ou artistique.

Capcom avait récemment perdu beaucoup d'argent dans le film Street Fighter avec Jean-Claude Van Damme, et ils durent réduire leurs dépenses. Il y avait un entrepôt pas loin rempli d'accessoires, de photos, de notes, de costumes et d'autres choses provenant du film. Un jour, nous avons été autorisés à prendre tout ce que nous voulions. J'ai récupéré le casque et la veste du colonel Guile ainsi que les notes de Jean-Claude Van Damme (ce qu'il devait avoir sur le plateau). Mon salaire était de 90 000 dollars.

3DO (mars 1995 - décembre 1995)

Ce fut une autre société, où un recruteur m'offrit le même boulot que j'ai tout de suite accepté. Et ce fut aussi un autre boulot condamné dès le début. 3DO avait développé une console de jeux nommée M2, financée par Matsushita qui devait aussi la fabriquer. La console était géniale et disposait d'un bel ensemble d'outils de développement. Une des équipes avait réalisé un très sympathique jeu de course avec de superbes graphismes. Matsushita a malheureusement annulé le projet car ils considéraient le prix de vente trop élevé (600 $). S'ils avaient fait ce que Sony fit deux ans plus tard, c'est-à-dire vendre la console à perte, l'histoire du jeu vidéo aurait été différente. Mon salaire était de 105 000 dollars.

PDI (décembre 1995 - mars 1996)

Le travail de mes rêves, mais ils n'étaient pas d'accord avec moi. J'ai été embauché comme directeur technique principal du film Antz, avec Woody Allen (un de mes réalisateurs/acteurs/écrivains préférés), Sharon Stone et Gene Hackman. Le film a été réalisé entièrement en numérique (CGI. NDLR : computer-generated imagery - image de synthèse). Il y avait des modèles en argile des fourmis et d'autres créatures, des maillages 3D de leur corps, des outils pour bouger les lèvres et le visage en fonction du son, beaucoup d'ordinateurs pour le rendu, etc. On avait aussi un repas gratuit les vendredis avec la projection d'extrait du film ou le rendu d'un acteur.

Malheureusement, la société voulait que l'on travaille 60-72 heures par semaines et je n'ai pas pu tenir cette cadence. J'ai tenté d'organiser une révolte et même un syndicat mais, comme dans la plupart des sociétés de jeux, de films ou de télévision, l'esclavage est tout ce qu'ils comprennent.

3DO (octobre 2001 - mars 2003)

Même société, même méthode de recrutement où un recruteur m'offrit le même boulot que j'ai tout de suite accepté. Et encore un emploi voué à l'échec. Le jour où j'ai commencé, ils ont licencié 50 personnes, dont le gars avec lequel je parlais le plus. 3DO n'avais simplement pas le budget pour produire les jeux que le public demandait. Le coût de production d'un jeu avait monté en flèche à cause du nombre de graphistes, musiciens, ingénieurs du son, producteurs, testeurs et programmeurs nécessaires.

J'ai travaillé sur deux jeux pour la PS2 : Army Man, un jeu où deviez "courir et tuer tout ce qui bouge" ainsi qu'un jeu de baseball. Mais j'ai trouvé cet emploi en général désagréable et je n'y ai pas travaillé un seul jour de plus depuis. Mon salaire était de 85 000 dollars.

- Êtes-vous encore en contact avec des anciens de chez Atari ou Activision ?

Non, nous avons eu une brouille lors de mon départ. Les causes sont multiples ; la sécurité, le traitement inégal entre employés, la philosophie "nous contre eux", l'inégalité entre les sexes (une fois, tous les bureaux avec fenêtres étaient réservés aux hommes, et les cabines sans fenêtres aux femmes).

- Avez-vous conservé vos jeux pour ces consoles, pour les garder en souvenir ou pour les montrer à vos amis ou votre famille ?

Je possède une Atari 7800 et tous les jeux Atari 2600. J'ai aussi l'émulateur Stella sur le PC avec mes ROM de jeux.

- Parmi vos jeux, lesquels sont vos favoris ? Et quel genre de jeux en général appréciez-vous ?

Mes jeux préférés de tous les temps sont Everquest, Defender, Robotron, Medal of Honor, Dungeon Quest, Doom, Quake et Dragon's Lair. Je pense que le genre n'a pas d'importance tant que le jeu dispose d'une grande durée de vie.

- Avec le recul, il est étonnant et regrettable de voir comment (et trop ?) de sociétés à succès comme Atari ou Activision ont échoué. Elles ont substitué leurs "principes" de réaliser des jeux de qualité par la simple volonté de faire de l'argent. Même le "krash" de l'industrie n'a pas eu d'effet là-dessus, il semble que certaines de ces sociétés étaient destinées à imploser de toute façon : erreurs de marketing, politiques internes, perte d'employés clés. Même de nos jours, de grosses sociétés continuent de se tirer une balle dans le pied. Le récent procès entre Activision et Electronic Arts a révélé l'existence d'environnements de travail clandestins. Et les joueurs se lamentent constamment sur le manque d'originalité de la plupart des jeux actuels. Est-ce qu'une société idéaliste peut encore exister de nos jours dans ce marché ?

Wow, longue question et la réponse devrait être encore plus longue. La réponse courte est que l'industrie du jeu vidéo a évolué, tout comme les jeux, les films et la télévision l'ont fait : les créateurs indépendants ont laissé leur place à de grandes équipes, les budgets restreints aux énormes budgets, les entreprises idéalistes aux cauchemars bureaucratiques, etc. Il existe encore des indépendants, qui sont sur Internet. Il y a ici des milliers et des milliers de jeux et certains d'entre eux sont de qualité. Jetez un oeil sur MU ou Icy Tower, ils sont en plus gratuits, comme la plupart des jeux et autres programmes.

- Quelle est votre analyse sur l'évolution de l'industrie du jeu vidéo ?

C'est incroyable ce que l'on peut faire aujourd'hui dans un jeu. Le réalisme des graphismes et des sons est phénoménal. L'action est intense et parfois ininterrompue. La limite entre la réalité, les films et les jeux commence à devenir floue, et l'avenir ne peut produire que des jeux encore meilleurs. Je suis impatient de voir ça.


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