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Entrevue avec Serge Hammouche
(Entrevue réalisée par Pierre Ardichvili et extraite d'Amiga News - juillet 1992)


Lors de la présentation du logiciel MandelTour, nous avions indiqué la possibilité d'explorer grâce à ce programme un curieux ensemble à quatre dimensions. Pour comprendre un peu mieux de quoi il s'agit, nous nous sommes entretenus avec Serge Hammouche. Serge était bien placé pour répondre à nos questions, vu que c'est lui qui a convaincu Charles Vassallo, qui avait au départ incorporé une possibilité de tracer des Mandelbrot incomplets, d'incorporer à MandelTour les modes de tracé nécessaires pour permettre d'explorer tous les types de plans de coupe possibles dans cet ensemble multidimensionnel.

Amateurs de Mandelbrot, accrochez-vous et lisez cette entrevue jusqu'au bout, certaines choses vous sembleront difficiles, d'autres vous laisseront sur votre faim, mais en tout état de cause vous y trouverez certainement des éléments de réflexion.

- MandelTour nous offre la possibilité d'explorer un ensemble à quatre dimensions. Serge, pouvez-vous nous expliquer comment, des fractales de Mandelbrot et de Julia, dont les images nous sont familières, on passe à la notion de Mandelbrot incomplet, puis à celle d'un objet à quatre dimensions ?

Tous ces ensembles ne sont en fait que des visualisations d'une fonction N(Z,C) où N est le nombre d'itérations obtenues à partir de la boucle z --> z*z+C, lorsque l'on commence avec la valeur initiale Z pour z. Ce sont alors les différentes façons de choisir Z et C qui déterminent le type d'ensemble. Z et C sont ici bien sur des nombres complexes, c'est-à-dire tout simplement des couples de coordonnées des points du plan.

Par exemple pour les ensembles de Julia : on prend Z comme variable (c'est-à-dire qu'on construit Z à partir des coordonnées du pixel de l'écran), C étant alors constant. Différentes valeurs de C donnent alors différentes formes d'ensembles de Julia. Le Julia le plus simple étant alors celui de constante nulle (C=0) : sa forme n'est autre que le cercle unité ! C'est d'ailleurs très simple à démontrer puisque la formule itérative devient z puissance N et qu'elle reste donc convergente pour tout z inférieur à 1 donc pour tout z inclus dans ce cercle unité.

Par contre, lorsque C n'est pas nul le Julia obtenu est alors un ensemble fractal difficilement descriptible. Cependant, il faut savoir deux choses très importantes :

1. C'est la partie réelle de C qui dédouble les formes de l'ensemble. Plus cette partie réelle est élevée, plus vous aurez de dédoublements.

2. C'est la partie imaginaire de C qui donne des spirales et des distorsions ; plus cette partie imaginaire de C est élevée, plus votre Julia sera spiralé.

Vous devinez alors que lorsque ce point source C contient une combinaison pas trop élevée des deux parties (réelle et imaginaire) cela donne ces beaux ensembles de Julia aux multiples spirales que l'on connaît. Ceci est donc une première approche des Julia avec des règles simples et intuitives. Nous y reviendrons plus loin pour affiner encore cela et établir d'autres règles.

Pour l'ensemble de Mandelbrot standard on prend C comme variable avec Z=0. Il convient alors de se demander ce qu'il peut bien arriver à cet ensemble de Mandelbrot lorsque ce Z de départ n'est plus pris égal à zéro : et bien, cela donne justement ces ensembles de Mandelbrot Incomplets. Ils deviennent d'ailleurs de plus en plus incomplets au fur et à mesure que vous prenez un Z loin de 0. On voit donc bien qu'avec une même fonction itérative à deux variables Z et C on arrive à construire tous ces ensembles. Or Z et C, ne l'oublions pas, sont des nombres complexes, c'est-à-dire qu'ils ont déjà deux dimensions. Voilà pourquoi l'ensemble total fait 2x2=4 dimensions et selon le plan de coupe par lequel on le regarde (c'est-à-dire selon que C ou Z est la constante) on obtient l'un ou l'autre de ces types d'ensembles à deux dimensions.

Cette vision des choses explique également pourquoi les Julia tirés d'un point source dans l'ensemble de Mandelbrot ressemblent toujours à la région de Mandelbrot autour de ce point source. Et pour cause puisque tout cela n'est qu'un seul et unique ensemble à quatre dimensions. Vous avez donc là une autre règle précieuse pour ces ensembles de Julia. Ceci explique aussi pourquoi l'ensemble de Mandelbrot se déforme continuellement en Mandelbrot incomplet au fur et mesure que le Z de départ (ce que l'on appelle la graine ou encore le point source) est de plus en plus différent de 0.

Suivant ce principe, on peut envisager d'autres plans de coupe simples. En effet, si l'on sépare les variables Z et C en faisant intervenir leur partie réelle et imaginaire, c'est-à-dire : Zx, Zy et Cx, Cy on peut très bien faire varier Zy et Cy et donc dessiner notre ensemble dans le plan où Cx et Zx sont constants. Idem avec Zy et Cy constants et Cx et Zx variables ou encore avec Cx et Zy constants ou enfin avec Cy et Zx constants. Au total, on peut obtenir six plans de coupe différents en combinant ainsi deux à deux les quatre axes principaux de notre espace à quatre dimensions. Ces six plans de coupe vont alors donner six types d'ensembles différents :

1. Les Julia correspondent aux plans de coupes ou Cx et Cy sont constants.

2. Les Mandelbrot Incomplets aux plans de coupe où Zx et Zy sont constants (le Mandelbrot standard que tout le monde connaît est déjà inclus dans ce type puisque ce n'est qu'un cas particulier où Zx=Zy=0).

Plus quatre nouveaux ensembles totalement inédits (sans nom donc, Charles et moi nous ne savons pas vraiment comment les appeler ! Pour plus de facilité on dira ensembles spéciaux. On ne peut plus dire ici Mandelbrot Incomplets car les formes obtenues n'ont plus rien avoir avec Mandelbrot !).

3. Ceux dont les plans de coupe donnent Cx et Zx constants (type 2 dans MandelTour).

4. Ceux dont les plans de coupe donnent Cy et Zy constants (type 5).

5. Ceux dont les plans de coupe donnent Cx et Zy constants (type 4).

6. Ceux dont les plans de coupe donnent Cy et Zx constants (type 3).

C'est justement ce que permet désormais d'explorer cette version 4D de MandelTour qui comporte des menus supplémentaires pour tenir compte de ces quatre types d'ensembles spéciaux qui se rajoutent donc aux classiques Mandelbrot (y compris incomplets) et Julia. Ces ensembles spéciaux sont particulièrement intrigants avec des distorsions bizarres dépassant tout ce que l'on pourrait imaginer !

Ces nouvelles possibilités de MandelTour constituent un véritable scoop car l'exploration de tous ces autres plans de coupe issus des faces cachées de cet ensemble de Mandelbrot généralisé à quatre dimensions n'a jamais été effectuée sur Amiga. Il est d'ailleurs très difficile d'obtenir des renseignements théoriques sur ce véritable monstre à quatre dimensions !

Ces faces cachées n'ont quasiment jamais été explorées ni sur Amiga, ni ailleurs ! C'est pourquoi même si vous êtes un grand habitué des ensembles de Mandelbrot et de Julia, vous serez quand même très surpris par ces formes nouvelles et encore plus extravagantes que permet désormais de découvrir ce MandelTour.

D'ailleurs, nous avons même trouvé parmi ces plans de coupe spéciaux une image qui ressemble étrangement à la flamme olympique. Que demander de mieux que la flamme olympique en cette année 1992 !

Il est déplorable que les multiples journaux qui ont jusqu'ici parlé de Mandelbrot et Julia ne disent jamais que tout cela n'est en fait qu'un seul ensemble à quatre dimensions car, comme vous le voyez, ce concept explique beaucoup de choses. Nous tenons donc à remercier grandement Amiga News de raconter tout cela. Voilà au moins un journal qui ne prend pas ses lecteurs pour des idiots !

- Les images de la fractale de Julia reflètent toujours l'allure de l'image du Mandelbrot pur aux environs du point source. Par contre, la corrélation est beaucoup moins immédiate en ce qui concerne l'aspect des Mandelbrot incomplets. Pouvez-vous nous donner quelques indications à ce sujet ?

Eh oui, du fait que tout cela n'est qu'un seul ensemble à quatre dimensions, il existe de fortes corrélations dans les formes selon les divers plans de coupe. Ces corrélations n'existent donc pas seulement pour les Julia mais aussi pour les Mandelbrot incomplets dont les graines se réfèrent alors aux formes des Julia de mêmes constantes.

Voilà pourquoi par exemple l'ensemble de Mandelbrot 2D standard est plein de disques satellites parce que son point source : Z qui est la graine nulle (0,0) se réfère en fait au Julia de constante (0,0) qui n'est rien d'autre que le disque unité ! Pour les autres, c'est plus compliqué mais c'est évidemment parce que nous ne connaissons pas bien les formes de cet unique ensemble généralisé à 4D.

- Il n'est pas très facile de se représenter un espace à quatre dimensions. Comment navigue-t-on dans un tel espace ?

Rassurez-vous, j'ai tout prévu ! Voici donc ma méthode pour voir cette fameuse quatrième dimension : prenez une feuille de papier et dessinez l'espace à trois dimensions avec ses trois axes en perspective comme on le fait normalement. Vous êtes donc d'accord que sur cette feuille de papier vous pouvez visualiser vos trois dimensions. Eh bien maintenant, prenez votre crayon et pointez-le sur le point (0,0,0) de la feuille de papier et perpendiculairement à celle-ci. Ce crayon qui pointe vers vous constitue donc le quatrième axe de notre espace à quatre dimensions. Et vous voilà donc avec une visualisation toute simple de notre espace à quatre dimensions !

Passons maintenant à la façon de nommer ces quatre axes afin de pouvoir y dessiner cet ensemble de Mandelbrot : d'abord l'axe de votre feuille de papier qui pointe vers la droite s'appellera Cx, celui vers le haut de la feuille de papier Cy, et celui de la feuille qui pointe vers le bas et vers la gauche s'appellera Zx. Quant à votre crayon qui pointe droit vers vous ce sera donc Zy. Vous pouvez maintenant dessiner l'ensemble de Mandelbrot de base sur le plan (Cx,Cy).

Prenez ensuite une graine non nulle sur l'axe Zx et dessinez alors les nouveaux Mandelbrot (cette fois incomplets) qui au fur et à mesure que Zx grandit deviennent de plus en plus morcelés avec les disques satellites qui éclatent jusqu'a ce qu'il n'y ait plus rien. C'est très simple de visualiser cela surtout que le processus de morcellement des disques est continu.

Serge Hammouche
Figure 1

Ensuite, intéressez-vous uniquement à un point de ces ensembles de Mandelbrot : le point dont la projection des coordonnées est la constante (Cx,Cy). Ce point change évidement de couleur pour chaque valeur de Zx (en même temps que les ensembles de Mandelbrot deviennent de plus en plus incomplets) ; eh bien, si vous vous placez maintenant sur l'axe Zx décrit, donc par ce point vous aurez déjà une première ligne du Julia en question de source (Cx,Cy).

Continuez ensuite le même procédé en augmentant au préalable un peu la valeur de Zy. Vous obtiendrez alors cette fois une seconde ligne du Julia en question. En continuant ceci un certain nombre de fois et en empilant vos lignes au fur et à mesure dans leur plan (Zx,Zy) donc vers vous puisque Zy est l'axe de votre crayon vous obtenez tout simplement la visualisation complète de ce Julia de source (Cx,Cy) !

Il n'y a pas besoin d'une infinité d'opérations, mais il suffit seulement de bien observer comment les Mandelbrot deviennent de plus en plus incomplets à chaque fois que l'on fait varier Zx ou Zy. Vous verrez que si vous dessinez vous-même cet espace à quatre dimensions comme je viens de vous le dire, cela n'a rien de bien compliqué. On peut ainsi se faire une meilleure idée pour nous aider à voir d'où "sortent" en fait les Julia : tout simplement d'empilements de Mandelbrot Incomplets. Et évidemment, cette méthode reste aussi valable pour tous les autres plans de coupe et les autres types d'ensembles spéciaux qu'ils contiennent.

Cette façon de procéder vaut ce qu'elle vaut mais je peux vous dire que c'est (depuis très longtemps même) ma méthode et elle a au moins le mérite de m'aider à y voir un peu plus clair dans cet ensemble à quatre dimensions. Il vaut donc mieux utiliser une telle méthode aussi simple et intuitive que rien du tout !

- Comment trouve-t-on des images intéressantes dans les divers types de Mandelbrot incomplets ? Où faut-il chercher ?

Cet ensemble généralisé est bien sûr trop vaste pour donner des conseils d'exploration. Il suffit donc de se laisser guider par le hasard et par les deux règles que j'ai énoncées au tout début pour les Julia et qui restent bien sûr valables quels que soient les types d'ensembles explorés : la partie réelle des constantes sert au dédoublement des formes et la partie imaginaire induit des distorsions et des spirales. Ayez toujours ces deux petites règles à l'esprit et vous constaterez qu'elles sont généralement bien respectées.

- Pouvez-vous illustrer par des exemples d'images précises ces deux règles ? Car pour ma part, je n'ai pas constaté l'existence de spirales sur le sommet de l'ensemble de Mandelbrot (là où pourtant la partie imaginaire vaut presque 1 et la partie réelle vaut presque 0). Or, sur ce sommet, comme on peut voir sur la figure 2, il n'y a qu'une sorte d'étoile à six branches plutôt bien droites et non spiralées !?

Serge Hammouche
Figure 2

Vous posez justement là une très bonne question : cette sorte d'étoile à six branches est un cas de spirale presque parfaite au sens de la dynamique des points à l'intérieur de cette région de l'ensemble de Mandelbrot. Je m'explique : l'ensemble de Mandelbrot est décrit par l'ensemble des points C de telle sorte que la fonction itérée F(Z) = Z*Z+C ne diverge pas vers l'infini en partant de Z=0 (pour le Mandelbrot pur). Mais que font donc ces points Z lorsque vous itérez cette fonction s'il n'y a pas de divergence vers l'infini ?

Eh bien, ces points s'organisent alors dans des cycles périodiques sans fin. Sur cette image en forme d'étoile à six branches nos points décrivent ici une véritable spirale en sautant de branche en branche et en tournant donc autour du point central ! Cela constitue donc un exemple de spirale parfaite au sens de la dynamique de ces points. Sur l'image résultante nous voyons surtout des branches assez droites parce que les points ne font que tourner mais si vous allez dans des régions ou la partie réelle est plus élevée tout en gardant une partie imaginaire suffisante, ces points vont toujours tourner mais comme la partie réelle va apporter suffisamment de dédoublements alors les spirales seront plus fournies et donc plus visibles. Cela donne par exemple les spirales de la figure 3 qui ressemblent à une sorte d'étoile de mer.

Serge Hammouche
Figure 3

On peut y voir de nombreuses spirales qui semblent se reproduire à l'infini : c'est donc ici un cas typiquement intermédiaire où la partie réelle (qui cause les dédoublements) a autant d'importance que la partie imaginaire qui cause la rotation des points engendrant donc ces formes en spirales.

Par contre, si vous vous promenez sur l'axe réel, vous trouverez des images en forme de sapins (figure 4) aux multiples branches et dédoublements, mais jamais vous ne rencontrerez de spirales car, ici, la partie imaginaire est quasiment nulle. Ce dernier exemple illustre donc bien les effets de dédoublements multiples sans aucune rotation ni spirale caractérisant les points aux parties imaginaires faibles.

Serge Hammouche
Figure 4

Dites-vous donc bien que ces deux règles reflètent surtout ce qui se passe du point de vue de la dynamique des points dans une région donnée. Si vous comprenez cela, vous comprenez aussi que ces règles ne peuvent plus s'appliquer de façon simple comme ci-dessus lorsque l'on approche par exemple d'un mini-ensemble de Mandelbrot (il en existe par exemple de nombreux sur l'axe réel).

C'est en effet alors le mini-Mandelbrot qui va influencer la dynamique et il faudra adapter ces règles au mini-Mandelbrot en question. Idem lorsque l'on entre dans ces vallées hyperboliques que l'on trouve entre les disques satellites comme la célèbre vallée des hippocampes (figure 5). Ces vallées ne font que reprendre les formes obtenues sur les sommets des disques en augmentant la période jusqu'à l'infini. Du fait que la dynamique est extrêmement sophistiquée à l'intérieur de ces vallées, on ne peut donc pas là aussi y appliquer ces règles de façon simple. Celles-ci sont donc surtout applicables dans les régions où la dynamique n'est pas encore trop complexe ce qui n'est déjà pas si mal !

Serge Hammouche
Figure 5

Pour déduire les formes au delà, dans les diverses vallées, les grandes profondeurs de l'ensemble ou encore dans les mini-Mandelbrot, il faut alors garder à l'esprit que les diverses formes simples se combinent entre elles pour donner d'autres formes. Par exemple, dans la vallée des hippocampes du plus grand des mini-Mandelbrot sur l'axe réel, on peut rencontrer non pas des hippocampes simples mais des hippocampes avec des branches de sapins sur la tête (oui, nous sommes sur cet axe réel donc dans la région des sapins), ce qui donne devinez quoi : des sortes de licornes ! (figure 6).

Serge Hammouche
Figure 6

Cela constitue un bel exemple de combinaisons de formes simples. Il existe bien sûr une infinité d'autres combinaisons de formes et les utilisateurs de MandelTour se passionneront à les découvrir au fur et à mesure de leurs explorations. A ce propos si certains découvrent des images originales et spectaculaires qu'ils n'hésitent pas à mes les envoyer ; et je tâcherai de les récompenser par de petits cadeaux.

- Si l'on a pu concevoir des objets à quatre dimensions, connaissant l'imagination des mathématiciens, on doit pouvoir envisager la création d'objets encore plus complexes. En verrons-nous un jour sur les écrans de nos Amiga ?

Effectivement, rien n'arrête les mathématiciens puisqu'il suffit de généraliser les nombres complexes à d'autres dimensions. Par exemple, l'ensemble des Quaternions constitue une généralisation de dimensions 4 des nombres complexes. Ici, nos variables Z et C sont alors des matrices de dimension 4, notre formule itérative est toujours valable mais comme cela engendre alors de nombreux produits entres ces matrices, tout devient effroyablement long à calculer, même si les règles sont les mêmes. L'ensemble obtenu serait alors à 4x4=16 dimensions. Et ainsi de suite avec d'autres généralisations...

Il suffit donc de multiplier des matrices ; tout ordinateur sait le faire mais cela risque évidemment d'être très long...

- Vous avez étudié ces ensembles en tant que physicien. Pouvez-vous nous dire, en plus de l'aspect mathématique de ces fractales et de l'aspect esthétique des images obtenues, dans quels domaines leur théorie a reçu des applications pratiques ?

Ces ensembles fractals de Mandelbrot et de Julia sont effectivement plus connus des physiciens que des mathématiciens. Leur étude purement mathématique au sens rigoureux du terme, exige un niveau en mathématique extrêmement élevé (plus que tout ce que vous pouvez imaginer !) si bien qu'elle est strictement réservée à seulement quelques spécialistes à travers la planète (quatre ou cinq !).

Le niveau exigé est, en effet, tellement élevé que la plupart des professeurs de mathématiques (même ceux de Terminale) ignorent totalement ces ensembles. Au début, cela m'avait un peu étonné mais on comprend vite pourquoi en lisant les publications de ces spécialistes qui sont effroyablement hermétiques !

Par contre, les physiciens connaissent pratiquement tous ces ensembles de Mandelbrot et de Julia. Ce retournement des choses est dû au fait qu'en physique on fait souvent appel à des transformations de renormalisation. C'est même d'ailleurs une des bases de la physique moderne, et que ces transformations conduisent à des formules itératives d'ensembles de Julia !

Voici donc en quelques mots ce qu'est une transformation de renormalisation : les physiciens ont constaté que l'on pouvait étudier le comportement de la matière au niveau macroscopique (donc en grande quantité) par rapport à ce qu'elle est au niveau microscopique (donc au niveau des atomes), et qu'il suffit pour passer de l'échelle microscopique des atomes à notre échelle macroscopique d'itérer un grand nombre de fois les équations de base. En généralisant les variables de base (comme la température) au plan complexe (il faut toujours généraliser pour y voir plus clair !) on obtient alors des formules itératives dont les domaines de convergence sont des ensembles de Julia (Cubiques pour les cas les plus simples !).

Leur étude permet alors d'en déduire les propriétés de la matière concernée telles que par exemple des propriétés magnétiques en fonction de la température, de la pression, etc. Le fait de généraliser ces variables au plan complexe permet d'obtenir des images par ordinateur et donc de mieux comprendre ce qui se passe même si cela n'a pas toujours de sens physique. On revient de toute façon ensuite aux températures réelles pour obtenir quelque chose de cohérent avec notre monde !

Voilà pourquoi de nombreux physiciens se sont lancés dans l'étude de ces ensembles de Julia en commençant bien évidemment par les Julia les plus simples, ceux donnés par z*z+C, puis donc avec d'autres puissances de z. Sans oublier bien sûr les ensembles de Mandelbrot correspondants puisque tout cela est lié comme on l'a vu plus haut. Ces études ont été renforcées par la beauté des images obtenues, ce qui a donné tous les ouvrages que l'on sait pour faire connaître cela au grand public.

Mais dites-vous bien que cela n'est pas totalement innocent ; est-ce que vous pensez que de nombreux laboratoires auraient ainsi dépensé des millions de dollars pour calculer toutes ces images uniquement pour leur beauté ? (surtout que les Julia Cubiques exigent de grandes puissances de calcul). Non, c'est surtout parce ces images graphiques sont précieuses pour l'étude de certaines propriétés de la matière !


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