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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Point de vue : Il était une fois la révolution (réflexion sur le piratage)
(Article écrit par Sébastien Jeudy - juin 2001)
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C'est l'histoire de jeunes passionnés, un peu rêveurs mais peut-être aussi un peu
naïfs, qui découvrent à 16-17 ans le monde de l'informatique et ses possibilités sans
limites à travers une machine qui allait marquer son Histoire. Ils sont au lycée, ils
sont joueurs, ils ont pleins d'idées et ils découvrent la vie. Ils se retrouvent entre
potes, autour de leurs ordinateurs, tous les samedis après-midi et durant de longues
soirées délirantes. Ils s'éclatent sur de nouveaux jeux de plus en plus géniaux, ou
sont émerveillés devant les dernières démos de leurs groupes préférés qui
repoussent de jour en jour la créativité, l'imagination, les prouesses techniques du
codeur et de la machine, sur fond de superbes modules de musiques.
C'est facile, ils n'ont pas d'argent, les déplombeurs sont là, et les jeux qui tombent à la
pelle se copient facilement. Ils ne connaissent encore pas l'ère Internet et pourtant,
ils ont déjà dans leurs boîtes de disquettes les dernières "News" de jeux qui ne sont
pas encore vendues dans les rayons de la FNAC. L'organisation semble sans faille,
mais est-il nécessaire de préciser qu'elle n'est pas toujours légale et qu'elle tombe
même parfois dans d'autres réseaux ? Une législation qui n'est d'ailleurs pas la
même dans tous les pays et qui va toucher aussi bien des personnes majeures que
mineures...
Derrière des pseudos mythiques se cachent souvent les plus grands bidouilleurs en
assembleur qui déplombent les dernières protections logicielles. Ces pirates sont la
clé du groupe et ils ont leurs sources. Certaines fuites viendraient même directement
des développeurs et des éditeurs... Le nouveau défi relevé, la signature de l'auteur
marquée par la nouvelle Intro, les swappers/spreaders prennent leurs carnets
d'adresses et la diffusion est lancée, du haut de l'échelle et à travers toute une
hiérarchie de groupes célèbres, d'intermédiaires anonymes et surtout de relations à
relations, pour atterrir dans la cour du lycée. Souvent il aura fallu des milliers de
kilomètres à travers plusieurs pays et parfois seulement une poignée dans sa ville,
mais toujours à une vitesse reléguant la plus grosse des sociétés de distribution au
rang d'amateur !
Nos jeunes lycéens ont des contacts et sont même parfois acteurs. En attendant, ils
sont passionnés et montent une émission de radio hebdomadaire dédiée
exclusivement à leur machine de prédilection sur une station locale. Pendant des
mois ils y traitent de son actualité, de toutes sortes de sujets, et la parole est même
donnée aux auditeurs. Mais ils débordent encore d'idées et veulent peut-être aussi
qu'on les reconnaisse. Ils prennent donc l'initiative d'organiser leur propre party,
leur "Copy-Party". Elle serait une réussite grâce à leur important réseau. Elle se
prépare impeccablement, le bouche-à-oreille en parle de plus en plus et le jour "J"
est attendu avec impatience...
C'est l'été, il fait beau, et à la fin de la première journée la salle est pleine. 70
jeunes, venus de tout l'Hexagone et de plusieurs pays d'Europe, jouent, codent,
composent, copient, échangent et discutent autour d'une cinquantaine de machines.
Vers 18h, un inconnu pénètre dans la salle, il endosse son brassard fluo et crie :
"Police ! Que personne ne bouge ! Il ne vous sera fait aucun mal !". Il sera
immédiatement suivi par une quinzaine de ses collègues. Quoi qu'il en dise et après
l'instant de vide dû à l'effet de surprise, c'est tout de même la débandade. Certains
se lèvent et tentent de sortir, des machines sont précipitamment éteintes, des
disquettes se mettent même à voler (on en retrouvera partout : dans les corbeilles,
au-dessus et sous les armoires, logiciels copiés, créations personnelles, démos,
dernier jeu sorti en cours de piratage...) ! Le calme revient cependant et s'en
suivent plusieurs heures d'interrogatoires menés par les inspecteurs de la police
judiciaire, sur ordonnance du procureur de la République, huissier, et représentants
de l'APP, Agence pour la Protection des Programmes informatiques.
Par leur incompétence dans le domaine et leur manque d'information, les policiers
sont surpris par le jeune âge des participants et croyaient plutôt avoir à faire à du
"piratage bancaire". Les représentants de l'APP sont plutôt fiers d'avoir réussi une
"première" en France, sinon en Europe. Ils seront cependant aussi surpris de
retrouver sur les lieux des membres du plus célèbre groupe pirate français
"Ackerlight" déjà arrêtés quelques mois auparavant. Quant aux dizaines
d'interpellés, certes jeunes mais moins naïfs que leurs interlocuteurs, ils sauvent les
meubles en répondant exactement aux questions mal posées (facile devant
quelqu'un qui attend le démarrage de l'ordinateur sans disque dur et sans insérer
de disquette de démarrage ;-)). Très tard dans la nuit, tous les interrogatoires achevés, ce
sont finalement quelques machines qui sont placées sous scellés avec des centaines
de disquettes saisies (mais seulement avec une trentaine de programmes, piratés ou copiés,
déjà sous droits d'auteur à ce moment-là...), et un procès-verbal de plusieurs dizaines de
milliers de francs, dressé à la machine à écrire, à chacun des deux organisateurs de
la Copy-Party, responsables vis-à-vis de la loi mais tout de même mineurs.
Après les premiers jours de peur, de fatigue, d'euphorie due aux médias (articles de
journaux, dépêche AFP, info sur les radios nationales, et même citation de
l'évènement dans certaines émissions télévisées...), voire de quelques filatures
encore menées par les flics, ce sont d'abord plusieurs semaines d'explications, de
leur "histoire devenue célèbre", qui ont attendu nos deux jeunes organisateurs.
Mais ont suivi également plusieurs années d'avocats, de démarches personnelles, de
problèmes scolaires, d'angoisses, jusqu'à l'ultime procès qui ne les condamnera
finalement qu'à quelques milliers de francs d'amende, couverts en grande partie
par l'assurance "responsabilité civile" des parents, et à la révision de certaines
lois françaises archaïques et inadaptées à la protection des programmes informatiques.
Plus tard, il leur restera le souvenir d'avoir vécu en pionniers un "évènement
extraordinaire" de l'informatique.
Réalité ou fiction ? En tous les cas, cette histoire aurait pu se passer sur la scène
Amiga, dans une petite ville d'Alsace, un certain jour du bicentenaire de la
Révolution Française...
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