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Comment naît un jeu ? Comment arrive-t-il chez l'utilisateur ? 24 heures dans la vie d'un jeu ou toutes les étapes de sa création. Plongée dans l'univers d'Ecstatica. Des premiers dessins à la mise en place sur les rayons. Secrets et petites histoires du produit vedette de Psygnosis. La naissance d'un jeu n'est pas le simple assemblage réussi d'une idée et d'un scénario, mais davantage l'interpénétration de quelque soixante fonctions indispensables à la bonne marche du projet ; de la synchronisation naît le succès. Créatifs et développeurs, commerciaux et financiers, vendeurs et attachés de presse... tous sont là pour assurer la réussite de l'opération, de la qualité des écrans aux couleurs des boîtes via les documentations commerciales ou l'animation sur les lieux de vente. Ni "success story" ni simple alchimie, le lancement d'un jeu ressemble pour beaucoup à celui d'un film ou d'un disque. Pour notre dossier, réalisé avec le concours de Psygnosis, l'éditeur d'Ecstatica, nous avons librement circulé dans les coulisses du jeu. Voici, résumées en 24 heures, toutes les étapes qui précèdent le lancement. La réussite dépendra de vous et de votre attachement. Voici, de A à Z, toutes les étapes de la création. H-24, premiers contacts Une seule idée mais une bonne, voilà le rêve annuel de tous les éditeurs de jeux. Mission principale : réussir la saison (qui va d'octobre à mars) avec un ou deux jeux meneurs pour les fêtes de Noël. Un pari qui se met en place plusieurs années à l'avance (NDLR : la majorité des grands jeux récents a nécessité deux ans de travail au maximum, et encore. De toute façon, les machines évoluent tellement qu'il est difficile de savoir ce qui existera dans l'avenir et, en ce qui concerne le PC, impossible de commencer à programmer pour des microprocesseurs qui n'existent pas encore). Parce qu'un jeu ne naît pas du hasard, force est de constater qu'Ecstatica est le fruit plutôt réfléchi d'un développeur, d'un créatif et d'une entreprise intégrée au sein du géant de l'audiovisuel Sony. "Nous avons traité avec Andrew Spencer, le développeur et le concepteur du jeu, parce qu'il nous proposait une idée quasiment aboutie d'une nouvelle sorte de jeu vidéo", précise Denis Friedman, le patron de Psygnosis France. Dans l'analyse d'Andrew Spencer, tout était clair, "même si nous avons fait des adaptations du projet pour l'internationaliser." Le développeur a mis au point de nouvelles méthodes de développement et dispose des outils logiciels pour la conception des dessins. Associé à un créatif, Alain Maindron, l'équipe est opérationnelle très rapidement. Les deux hommes se connaissent à peine, mais le courant passe. Tous les ingrédients sont réunis pour faire du jeu un succès commercial. La machine se met en route. ![]() Denis Friedmann : "On ne peut pas dire avec précision ce que rapporte réellement un jeu et ce qu'il coûte. C'est une économie de marché qui se met en place." Une fois l'idée et le principe du jeu acceptés, s'engage alors la discussion sur le financement. Première obligation : définir le coût du développement, engager les négociations avec le créateur (avances et droits d'auteur), inscrire le projet dans le plan annuel de l'entreprise pour établir le financement prévisionnel, tant pour les dépenses que pour les recettes. "Il n'est pas facile de parler de règles d'or", explique Denis Friedman, le patron de Psygnosis France. "Rares sont les auteurs qui vivent de leur art. C'est un peu comme pour le cinéma ou la chanson. Ce qu'il est surtout important de voir, c'est l'équilibre de tous. Il est clair que l'éditeur va engager le plus gros des frais en prenant les risques et surtout en ayant la charge d'un financement pendant une, deux ou trois années de développement. Dans le cas d'Ecstatica, le créateur avait déjà développé les outils logiciels pour concevoir les éléments du jeu. C'est un atout de taille. "Nous l'avons bien sûr pris en compte dans les discussions financières". Mais en clair, malgré tous nos efforts, nous ne connaîtrons jamais les détails du contrat qui lie les partenaires. Un secret bien gardé, vis-à-vis du public et de la concurrence. Il faut entre quatre et cinq mois pour ficeler le tout, et la signature des contrats viendra sceller l'aventure commerciale. Que le travail commence ! H-20, de la mise en formes aux innovations L'idée doit désormais prendre forme. L'éditeur attend du développeur une première ébauche assez complète du jeu. C'est à partir de ce document que seront étudiées les réactions du personnage. Chaque scène devient alors un élément essentiel de l'enchaînement du jeu. C'est la phase de construction, indispensable aux premières maquettes sur écran. "Au départ, il y a une idée un peu floue qui germe dans la tête, avec les grandes lignes du jeu et les méthodes de création", explique Andrew Spencer. "Ensuite, il faut mettre l'idée en forme à partir des éléments graphiques que le créatif va apporter". La mission est confiée à Alain Maindron, un graphiste qui, après avoir suivi une formation à Angoulême, est passé par les studios Disney d'Australie avant de travailler à Londres dans le milieu très fermé de l'animation. ![]() Andrew Spencer : "Une partie du travail avait déjà été faite lorsque nous avons vu l'éditeur. Nos contacts ont donc été rapides pour permettre au jeu d'être là en saison." ![]() Alain Maindron Si l'on en croit les grands créateurs de jeu, l'idée ne suffit pas à assurer la réussite. L'idée, c'est seulement le noyau flou qui détermine la piste à suivre pour arriver au résultat attendu par l'utilisateur. Si tous les spécialistes sont formels sur cette approche, ceux de Time Warner vont plus loin : "Il faut donner au joueur le sentiment que le jeu fait partie de lui, qu'il aurait agi comme le héros. Mieux, qu'il aurait évolué dans le décor comme son héros favori". Mais pour les psychologues de l'entreprise américaine, il faut également ajouter les doses d'imprévu attendues par le joueur, puisqu'un jeu qui se maîtrise vite n'est pas amusant. Depuis six mois, les grandes idées de développement se multiplient. Première voie : l'analyse neuronale. La reconnaissance des formes par excellence, déjà utilisée par les instituts de sondage pour reconnaître les téléspectateurs présents devant le téléviseur familial. Comment intégrer cette technologie ? Le plus simplement du monde : une petite caméra se place sur le téléviseur ou le PC et analyse les réactions du joueur. En fonction de cette analyse, le jeu peut changer de direction, s'alléger ou se compliquer. Démoniaque ! Cela dit, il faut se modérer en précisant que ces recherches sont commandées par les grosses compagnies nouvellement arrivées sur le marché, tandis que, chez les éditeurs "normaux", ce genre de détails est géré par un système expert extrêmement complexe appelé "humain compétent" : généralement un concepteur de jeux qui connaît bien son boulot. C'est moins vendeur, mais c'est plus efficace. Autre piste de recherche : la voix. Dialoguer avec la console ou le PC, c'est le rêve fou de Sony. Au Japon, avec Vit'c, la société travaille à des modules de reconnaissance capables de piloter l'Histoire. Les réponses servent de point d'analyse au système, qui peut à tout moment peser sur l'orientation de cette dernière. Enfin, dernier volet : les mondes virtuels. À partir d'un casque et d'une combinaison sensorielle, le joueur entre dans le jeu. Il est alors ballotté dans un univers où chaque geste est analysé en temps réel par les processeurs informatiques. La moindre erreur peut être fatale ! Directement ou indirectement, ces techniques seront probablement utilisées dans les prochains jeux. Pour mémoire, il y a quelques années, tout le milieu des jeux vidéo promettait des jeux conçus entièrement à base d'intelligence artificielle. Aujourd'hui, si certaines routines d'IA sont effectivement intégrées dans quelques jeux, on est très loin des prévisions fantastiques de la presse de l'époque. Place aux premiers écrans Sans le travail de base réalisé par Andrew Spencer, le lancement d'Ecstatica aurait été sans doute plus difficile. Car toute la force du projet réside dans la préparation logicielle d'Andrew Spencer. Mais avant toute conception, il faut réaliser un scénarimage qui reprend, écran par écran, les fonctionnalités du jeu. Chaque action - et son résultat - est ainsi visualisée avant de devenir des écrans de jeu. C'est le travail d'équipe mené par Andrew Spencer et Alain Maindron qui contribue ainsi à la logique du scénario. Parallèlement au décor, il faut peaufiner les personnages. L'histoire d'Ecstatica se déroule au Moyen-Age, avec des personnages étranges, aux formes rondes et colorées. Un système à base d'ellipsoïdes a été utilisé. Ces fameuses ellipsoïdes permettent la modélisation d'objets en 3D à partir de sphères. Jeu, mode d'emploi Comment faire pour vendre un jeu à un éditeur, voilà bien la question que se posent tous les passionnés. Première règle : n'avoir qu'une seule idée mais complète, et savoir la mettre en forme. Inutile de noyer l'utilisateur dans des poupées russes, un scénario simple et évolutif suffit souvent. Deuxième mission : rédiger clairement et logiquement l'idée. Comme pour un scénario de film, il faut découper l'histoire et associer les éléments du jeu : défense, attaque, circulation dans l'histoire, évolution du jeu. Une fois le scénario découpé et prêt à être mis en image, c'est au développeur de définir la nature des écrans à créer, des personnages et de l'enchaînement des commandes. Il faut un développeur doué, car un jeu demande une imagination et une qualité graphique à toute épreuve. Le projet ficelé, rien ne vous empêche d'envoyer une disquette de démonstration à un éditeur. Pensez à la sonorisation et à l'enchaînement d'une ou deux séquences. Il ne vous reste plus qu'à attendre. Mais à ce stade de développement, si vous avez veillé à la qualité de l'ensemble, il serait étonnant que votre téléphone reste muet. Les talents sont toujours les bienvenus ! À ce titre, il est possible que l'éditeur ne soit pas convaincu par votre projet de jeu, mais qu'il souhaite vous intégrer à son équipe. Si par malheur votre projet ne parvient à séduire aucun éditeur, ne baissez pas les bras : en le menant à terme et en le diffusant via le domaine public ou le partagiciel (shareware), il pourra vous servir de première carte de visite pour aller proposer votre savoir-faire aux éditeurs. Et si ça ne marche toujours pas, alors, oui, il faudra soit devenir éditeur vous-même, soit vous faire une raison (in extenso : vous n'êtes pas bon, ça arrive, lancez-vous dans autre chose !). H-16, pour 100 balles, t'as plus rien Parallèlement au travail de conception, les financiers ont déjà commencé à travailler sur les résultats potentiels du produit. Ne demandez pas à Denis Friedman ce que rapporte un jeu : l'homme mettra tout son talent au service du flou. C'est un secret d'État, mais il accepte tout de même de livrer quelques éléments : "Nous publions un grand nombre de jeux, sur plusieurs types de support", explique-t-il. "La durée de vie dépend pour beaucoup du type de jeu. Quand la francisation est forte, les coûts de mise à niveau sont élevés. Quand, au contraire, la partie texte et voix est faible, c'est plus simple à diffuser. Aussi, je préfère parler d'équation par famille que de simple rentabilité sur un produit. Quand un jeu se vend 300 FF, on sait que 30% vont au revendeur qui assure la mise en place et la commercialisation. Si on peut considérer que 12 à 15% (dans le meilleur des cas) vont à l'auteur, il reste environ 150 à 180 FF à l'éditeur. Un jeu à succès vendu à 30 000 exemplaires en France pourrait alors rapporter quelque cinq millions et demi de francs. Il faut retirer de cette somme les frais de développement, les salaires des vingt personnes qui travaillent à l'année pour le bureau parisien, plus les frais de francisation et de distribution". Certes, le bénéfice peut être bon, mais loin d'être exceptionnel au regard de certaines réussites commerciales. La réussite se fera alors sur le catalogue. Une vingtaine de nouveaux produits par an sont la garantie d'une rentabilité assurée. À condition que tous soient de même qualité et de même réussite commerciale ! H-14, silence, et joue "Sans les testeurs fous, il n'y aurait pas de jeu", explique Catherine Jaymond, chargée de la communication de Psygnosis. Ces tests ont lieu à chaque étape de la création. "À tous les niveaux, à chaque étape importante, nous nous engageons dans une phase de test qui intervient d'ailleurs à trois niveaux", poursuit Catherine Jaymond. "Il faut à la fois tester la jouabilité du produit, mais aussi analyser parfaitement les enchaînements graphiques et commencer à transposer les éléments de la bande son". De fait, toutes ces étapes qui partent des premiers crayonnés que nous avons évoqués, ne peuvent se faire sans logique. "Nous avons choisi des équipes de testeurs qui ne sont pas des fanas du jeu", explique Andrew Spencer, l'âme d'Ecstatica. "Ils ont donc pris en main un produit avec pour seules connaissances le bon sens et la logique de l'utilisateur. Ils ont ainsi pleinement joué leur rôle en nous précisant des éléments de réflexion que nous n'aurions pas eus". Pour mener à bien les centaines de procédures du jeu, quelque 400 heures de tests ont été nécessaires. H-12, non manuel s'abstenir Voilà le produit au stade de sa finalisation. Le jeu est figé et les dernières adaptations portent sur des écrans à peaufiner ou à revoir, mais qui ne mettent pas en péril l'ensemble du jeu (NDLR : c'est bien souvent une modification de dernière minute qui provoque un bogue n'existant pas au moment des versions de test). C'est l'heure du manuel : ce livre d'accompagnement doit être complet et simple à la fois. Son découpage est très classique : présentation générale du jeu, indications techniques pour l'installation et l'optimisation des ressources informatiques, puis les grandes règles du jeu. En final, l'éditeur fournit les réponses aux questions les plus souvent posées par les testeurs. Il précise également la nature des pannes de fonctionnement et aborde les éventuelles adaptations informatiques à engager. Un manuel doit être lisible, illustré et surtout économique. Le choix de l'impression couleur est rare. D'autant que ce sont souvent les notes prises au fur et à mesure de l'avancée du jeu qui permettent sa rédaction. Rédigé sur ordinateur, il est relu à la fois par les concepteurs et les testeurs. Les chapitres un peu flous sont réécrits. Les images choisies sont intégrées à la maquette. Les films d'impression, transmis à un graphiste pour la mise en forme, sont ensuite adressés à l'imprimeur. Dans les versions pour l'Europe, le manuel est rédigé simultanément en plusieurs langues pour diminuer les coûts de fabrication. ![]() Maquette pour la boîte d'Ecstatica Installé en Angleterre, au siège même de Psygnosis, le service création n'a pas la tâche facile. "Nous avons pour mission de concevoir les boîtes de tous les jeux édités dans l'entreprise", explique Pat Cain, responsable du service. "La tâche n'est pas simple, car tous les pays ont leur mot à dire et interviennent sur le produit qui sera vendu chez eux". Concrètement, chaque pays recevra de l'Angleterre une proposition de maquette qui reprend un visuel généralement spécialement créé pour l'occasion. Ce dessin d'accroche doit être le plus vendeur possible, et le plus représentatif du dos de l'emballage. En même temps, le lettrage du jeu est soumis à l'approbation des pays. "Il n'est pas rare que nous ne conservions que l'image et demandions à ce que la typographie et la mise en place des éléments soient revus", explique Gilles Mautret, directeur commercial France. "Je n'hésite pas à montrer ces maquettes aux distributeurs qui ont, eux aussi, l'habitude des réactions de leurs clients. En fonction de toutes les informations recueillies, nous demandons à l'Angleterre d'apporter des changements à la boîte". Dans d'autres cas, l'équipe locale travaille sur des boîtes destinées à des opérations de prestige ou des actions commerciales avec de gros distributeurs. Temps moyen de création d'un emballage : entre trois semaines et deux mois. Une fois les maquettes acceptées, les films nécessaires à l'impression partent chez l'imprimeur. Le choix du carton utilisé pour la boîte a été réalisé au préalable pour l'ensemble des pays. Une décision qui permet de mieux négocier le prix de la matière première. Le luxe au bout des doigts Savez-vous qu'il existe un code commercial pour faire vendre une boîte ? Le luxe fait partie des critères, tout comme le poids du cartonnage utilisé, les éléments en relief, les autocollants holographiques.... La liste est longue. Mises bout à bout, ces astuces destinées à vous faire acheter le produit sont redoutables : elles augmentent de 20 à 40% la vente d'un jeu et assurent souvent l'image qualitative du produit. Première règle de base : le poids de l'ensemble. Plus un produit apparaît lourd, plus il fait riche. Et il joue un rôle d'autant plus important si le prix total est faible. Ici aussi, la règle du "prix idéal" ou du "prix psychologique" joue à fond. C'est la formule des deux "9", à savoir : 199, 299 ou 399 FF. Mais revenons à notre boîte : recouverte d'une cellophane destinée à éviter la disparition des disquettes, elle comporte un maximum d'informations comme l'âge conseillé pour l'utilisation du jeu, un résumé du jeu et surtout la configuration nécessaire pour l'utiliser. D'autres éléments viennent donner un sentiment rassurant : la présence d'un papier recyclé (très écolo), la griffe du développeur, les critiques de la presse... Les Listes de Spielberg "Si vous voulez fouiller dans les dossiers de Steven Spielberg pour trouver les secrets de sa réussite, vous aurez bien du mal", remarque en souriant Bob Dov, le bras droit du réalisateur pour les produits dérivés. Et de fait, l'art du scénariste est bien caché... dans sa tête. Uniquement. En 1993, Jurassic Park était bien plus qu'un simple film. Les jeux, comme les cassettes vidéo, ont été d'emblée intégrés aux résultats financiers. L'exemple a bien fonctionné et Steven Spielberg sait désormais qu'il peut aller plus loin. Objectif : tourner les éléments du CD-ROM et assurer le doublage en seize langues en même temps que la réalisation du film. Les séquences brutes avant montage ("rushes") du long métrage côtoient ainsi les écrans du CD-ROM. Économie de marché. Gain annoncé pour Jurassic Parc : plus de 67 millions de dollars. Le film ne représente plus alors que 30% du chiffre d'affaires total. H-6, vite, ça presse Une fois terminé, le jeu, stocké sur disque dur de forte taille, est transféré au presseur chargé de l'éditer en grandes quantités. La fabrication du CD-ROM s'effectue dans une atmosphère totalement exempte de poussière, et dans des conditions de température et d'hygrométrie stable (mesure de l'humidité de l'air ambiant). Première étape : la prémasterisation, qui consiste à récupérer les données fournies par le client et à les mettre à la norme CD-ROM ISO 9660. Le format physique du CD-ROM a été conçu par Philips et Sony (dans le Yellow Book) : la surface d'un CD-ROM, observée au microscope, se présente comme une spirale de microcuvettes de la taille d'un micron. Le CD-ROM possède également un format logique, spécifiant l'organisation et la répartition des données ou fichiers sur le disque : ce format logique est décrit dans la norme ISO 9660. La prémasterisation consiste justement à récupérer les données ou fichiers utilisateur, et à les organiser conformément au format logique du disque. Vient ensuite, la masterisation qui correspond à la phase de création de la matrie en verre ("glass master") permettant de créer la matrice, à partir de laquelle tous les autres disques seront fabriqués par duplication. Au cours de cette phase, un "laser" grave les informations sur un disque en verre, la matrice en verre (24 cm de diamètre et 6 mm d'épaisseur). Cette matrice en verre est recouverte d'une couche de résine photosensible épaisse de 0,12 micron. La gravure s'effectue en commençant au centre du disque et en se déplaçant vers l'extérieur. Une fine couche d'argent est ensuite déposée par métallisation sous vide. Suit la galvanoplastie. Par électrolyse, une couche de nickel de 300 microns est déposée sur la matrice en verre ; la couche de nickel est ensuite séparée du substrat en verre le négatif du CD à presser est ainsi réalisé, c'est le tamponneur ("stamper"). Une nouvelle phase d'électrolyse permet d'obtenir une matrice-mère qui, séparée du tamponneur, peut alors être utilisée pour obtenir par la suite d'autres matrices ("tamponneur fils") pouvant servir ultérieurement au pressage des CD. Enfin, c'est le temps du pressage. Le CD-ROM est en polycarbonate, matière plastique identique à celle composant le CD audio. La résine de polycarbonate en fusion est injectée entre le moule et un disque parfaitement plan. La matrice imprime ainsi le motif du tamponneur sur le plastique en cours de refroidissement. Une couche d'aluminium de 0,05 micro d'épaisseur est déposée par pulvérisation cathodique sur le CD, afin de le rendre parfaitement réfléchissant. La couche d'aluminium est ensuite enrobée par centrifugation d'un vernis, protégeant ainsi le CD-ROM des agressions extérieures. Le processus se termine par la sérigraphie du disque, la mise en boîte automatique avec le livret et la jaquette du CD-ROM, imprimée à partir des films fournis par l'éditeur du jeu. H-4, la communication commerciale Ce n'est que six mois avant la sortie du jeu que Gilles Mautret, le responsable commercial, commencera à sensibiliser ses forces de vente. Sa mission se résume en un seul mot : vendre. "Pas si simple", reconnaît-il. "Il nous faut à la fois préparer la mise en place dans les rayons, mais aussi les opérations spéciales que nous allons mener avec de gros distributeurs comme la FNAC, par exemple". De fait, Gilles Mautret part en campagne pour présenter et mettre en avant son produit. Issu du monde du jeu, ancien acheteur pour un grossiste, il connaît les réactions de ceux qui auront à commander Ecstatica. Il sait aussi comment il devra argumenter pour mettre en avant le jeu et obtenir les meilleurs emplacements du point de vente pour ses présentoirs. Enfin, il n'hésitera pas à emmener avec lui les plus gros revendeurs en Angleterre. Là-bas, ils verront en avant-première l'état d'avancée du jeu et ils rencontreront les développeurs. De ces contacts commerciaux naîtront des liens avec l'entreprise. Une fois ce tour d'horizon réalisé, les premières commandes sont enregistrées. Leur volume donne une bonne idée de l'accueil qui sera fait au jeu. ![]() Gilles Mautret, directeur commercial de Psygnosis France. L'action commerciale débute longtemps avant la sortie du jeu. Il faut sensibiliser les équipes de vente et se positionner face à la concurrence. Depuis six mois, Catherine Jaymond a commencé à prendre contact avec les journalistes de la presse spécialisée. Le premier communiqué de presse annonce l'arrivée future d'un jeu nouveau chez Psygnosis. "Pas seulement nouveau, mais surtout innovant", ajoute Catherine Jaymond qui a insisté sur cette spécificité auprès des journalistes. Un mois avant la commercialisation, grande avant-première à Paris pour montrer le jeu. Pas moins de 250 invités pour une centaine de participants dans la salle (NDLR : tous les jeux ne font pas l'objet d'un tel traitement). Étape suivante : fournir les versions testables aux journaux pour permettre aux articles de sortir au moment où le jeu sera sur les étagères. "La presse spécialisée ne travaille pas comme la presse plus grand public ou la presse orientée informatique", remarque Catherine Jaymond. "Je dois tenir compte des dates de bouclage (dates auxquelles on ne peut plus rien ajouter ou retirer du journal qui part à l'imprimerie) pour fournir les informations. J'ai aussi des journalistes généralistes qui m'appellent spontanément, parce qu'ils font un sujet sur les jeux ou sur les joueurs...". ![]() Ecstatica dans Joystick Heure H, la mise en place Arrivés chez le fournisseur, les jeux sont immédiatement envoyés aux revendeurs. La PLV (publicité sur le lieu de vente) s'accompagne aussi de stands destinés à la vente du jeu. Tout est préparé des semaines auparavant, afin que le montage de l'ensemble soit d'une grande simplicité. Pour Gilles Mautret, c'est la fin du compte à rebours. Le début des premiers résultats "grandeur nature". Un tour dans les gros points de vente dès la première journée, des contacts téléphoniques avec les vendeurs ; comme pour un film : on prend le pouls de la vente. Bien sûr, la commercialisation n'est pas immédiate, foudroyante comme pour une cassette vidéo, mais les premiers indices ne trompent pas. Ce sont eux qui donneront la température. En aval, tout est prêt pour les commandes complémentaires, les demandes de réassort. "Nous gérons très finement les stocks du jeu", commente Gilles Mautret "Nous devons être immédiatement capables de répondre aux attentes des revendeurs. Bien sûr, il peut arriver que le succès nous bouscule et dépasse toutes nos prévisions. On aime bien cette idée, mais la réalité fait que nous sommes capables de répondre en quelques heures au marché". H+1, le service après-vente "Nous avons près d'un petit mois sans réel volume d'appel sur la téléassistance du jeu", remarque Gilles Mautret. "A priori, les clients essaient d'abord de s'en sortir tout seuls avant de nous contacter". Les questions sont les plus souvent techniques. Un jeu sur CD demande un minimum d'adaptation à l'univers informatique. "Nous essayons d'être compatibles avec la plupart des machines du marché, mais nous ne pouvons pas affirmer que nous sommes capables de gérer toutes les cartes vidéo, toutes les cartes son, etc". Une fois passé les premières questions techniques, il faudra subir l'assaut de tous ceux qui veulent aller plus loin. Astuces de jeu, mais aussi conseils sont alors prodigués par l'équipe de la téléassistance qui n'hésite pas à renvoyer au besoin les utilisateurs sur les revues spécialisées et leurs serveurs pour connaître les subtilités du jeu. Deux ans après, si le jeu est encore en rayon, il y aura toujours quelqu'un pour dépanner l'utilisateur. C'est la qualité du service après-vente qui fait la réputation d'un jeu et de son éditeur. L'opération commerciale est désormais engagée. C'est d'elle que dépend la réussite du produit. Il faut maintenant laisser du temps au produit pour séduire le public. De l'information à la promotion via les boîtes ou la documentation, chaque intervenant a fait de son mieux pour que cette mise en place soit un succès. Résultats des courses dans quelques semaines. Déjà un jeu chasse l'autre, et la saison est loin d'être finie.
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