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Note : traduction par David Brunet. Comment tout a commencé... Je suis né en 1967, ce fut une année importante car c'est lors de cette période que la télévision allemande est passée du noir et blanc à la couleur. A cette époque, mon père était cadreur et ma mère directrice adjointe, tous les deux travaillant pour la télévision nationale suisse. L'influence du télémédia était omniprésente. Je n'ai jamais vraiment joué à fond à un jeu, et surtout pas aux plus difficiles. J'étais davantage fasciné par la technologie de ces machines, et je voulais savoir comment les jeux étaient réalisés. J'ai commencé avec le BASIC puis je suis passé à l'assembleur 6502. J'ai bidouillé avec les sprites et la puce audio SID du C64. Avec le recul, je pense que je faisais davantage de rétro-programmation que de développement sérieux. Quand l'ère des machines 16 bits est apparue, les gens du club informatique C64 se sont scindés en deux communautés, celle de l'Atari ST et celle du Commodore Amiga. J'ai choisi d'opter pour les 4096 couleurs de l'Amiga. Je pense que j'étais l'un des premiers de mon cercle d'amis à posséder un Amiga 1000 (terriblement cher à l'époque). C64 et Amiga 500 La musique fut mon premier amour En ce qui concerne mes compétences, j'ai eu la chance de pouvoir faire tout un tas de choses : programmer, dessiner, composer de la musique et assembler tout cela. Je préférais la programmation en assembleur 68000 plutôt qu'en C. Deluxe Paint fut un excellent logiciel de dessin et les logiciels de création musicale par piste, les "soundtrackers" ont permis à des personnes comme moi de pouvoir composer sans même savoir comment lire une feuille de musique. Ceci ouvrit la voie aux entreprises logicielles commerciales. Un de mes amis avait un studio musical chez lui, avec de nombreux synthétiseurs (je me souviens que ses matériels préférés étaient le Roland D-50 et le Yamaha DX-7). Nous avons passé beaucoup de temps à numériser des instruments et à les convertir en fichiers audio pour l'Amiga. Suite à cela, je me suis rapidement retrouvé fournisseur de sons sur la scène des développeurs suisses. Synthétiseur Roland D-50 En 1988, Chris Haller, qui était déjà une pointure en Amiga, avait presque terminé le développement d'un clone de Soundtracker baptisé SoundFX et commença à rechercher un éditeur. Chris entra en contact avec Linel, le seul éditeur officiel de jeux Amiga en Suisse, et conclut un accord. Linel avait donc entre les mains un chouette produit, mais pour démontrer ses qualités, cet éditeur avait besoin de quelques musiques de démonstration. J'avais déjà utilisé le logiciel de Chris Haller en tant que bêta-testeur et j'avais composé quelques musiques pour mon plaisir. Linel me contacta donc un matin et me demanda si j'accepterais de vendre l'une de mes compositions. J'étais flatté et j'ai accepté. Ce fut mon premier contrat. SoundFX Par conséquent, ils m'appelèrent un soir et m'ont demandé si je pouvais leur fournir une musique pour un jeu appelé Eliminator. Je leur ai répondu "Bien sûr, quand voulez-vous l'avoir ?". Ils m'ont répondu "Nous devons envoyer le jeu complet à Hewson demain matin, vous avez huit heures". J'aime le défi et cela me donna la motivation pour y passer la nuit. Le résultat fut sans surprise l'une de mes pires productions et, après cette expérience, j'ai juré que le temps ne devait plus passer avant la qualité. Starbyte : les premiers projets Aux alentours de 1989, l'éditeur allemand Starbyte Software est entré dans la danse. L'un de leurs premiers titres fut Leonardo, un simple jeu de réflexion créé par l'équipe suisse de Golden Gate Crew. Le jeu était presque terminé mais il lui manquait les effets sonores et la musique. Dans le même temps, j'avais multiplié le nombre de mes compositions avec SoundFX et, quand ils m'ont demandé si je pouvais les aider, j'ai pu rapidement leur fournir une de mes musiques. Une anecdote : pour l'un des effets sonores de cette musique, j'ai utilisé un petit sac de Cornflakes que j'ai écrasé devant le microphone. :-) Le logo de Starbyte Au cours des deux années suivantes, une relation plus étroite avec Starbyte Software fut établie et plusieurs jeux de cet éditeur allemand furent produits par l'équipe de développeurs suisses : Leonardo, Clown-O-Mania, Winzer (une conversion), Rings Of Medusa (une autre conversion), Rolling Ronny et Traps 'n' Treasures. Clown-O-Mania A la fin de l'année 1989, j'ai décidé de réaliser mon propre jeu. J'ai toujours aimé jouer à Action Aventures (Son Son 2 sur PC Engine était l'un de mes favoris) et je voulais créer un jeu auquel je voudrais jouer moi-même. Ruedi Hugentobler, un génie de la musique et un ami, partageait ma passion et, ensemble, nous eûment de nombreuses séances et des idées folles sur ce que nous voulions réaliser. En parallèle, j'avais développé LevelEd, un éditeur de niveaux capable de créer des terrains de jeu composés de 256 blocs de 32x32 pixels, et j'avais commencé à travailler sur la conception du personnage principal. Ce dernier fut dans un premier temps une fillette appelée Scooter, et se transforma au fil des ans un capitaine pirate du nom de Jeremy Flint. Alors que le choix du nom de notre personnage principal prit du temps, celui du jeu lui-même était évident. Ce fut Traps 'n' Treasures, nom facile à se rappeler et en lien avec le concept d'Action Aventure. La transformation du personnage de Traps 'n' Treasures au fil du temps Le 20 novembre 1990, les développeurs, les travailleurs indépendants et les partenaires commerciaux du monde entier furent invités à participer à la traditionnelle fête de Noël de Starbyte à Bochum, en Allemagne. J'y ai vu une opportunité et j'ai emmené avec moi une démo de mon jeu. Après le dîner, j'ai pu trouver un moment pour le montrer au directeur général et à son adjoint. Ils ont rapidement montré un intérêt pour ce produit semi-fini et le soir même, ils m'ont demandé de venir dans le bureau du directeur. Un contrat déjà préparé était posé sur le bureau. Le prix était ouvert à la négociation, mais après 30 minutes, nous étions dans une impasse à cause des montants espérés par chacune des parties. Je me basais sur ma vision de la version finale et j'espérais plus. Le directeur général en a finalement eu marre et sortit un dé d'un tiroir. Il me dit de choisir un chiffre pair ou impair. Si je gagnais, le prix augmenterait de 5000 DM, sinon, il baisserait de 5000 DM. J'étais assez choqué, mais me sentant épuisé par une longue journée de conduite, je voulais rapidement clore l'affaire. J'ai donc lancé le dé et... j'ai gagné ! J'étais complètement submergé par tant de chance et de commentaires positifs sur mon jeu, et j'ai signé un contrat m'octroyant 8 mois pour finaliser le jeu. Je pensais alors que ce serait de la tarte. Je n'avais pas d'expérience en matière d'activité logicielle professionnelle. Alors que le temps s'écoulait, je continuais d'ajouter plus de fonctionnalités et d'idées au jeu. Les refontes du jeu se succédaient, j'étais pris au piège de mes propres attentes en matière de qualité. Je voulais faire ça bien. Préversion de Traps 'n' Treasures En juillet 1991, je devais me rendre à l'évidence : j'étais très en retard et terminer le jeu dans les temps serait une illusion. J'avais déjà passé beaucoup trop de temps dans la conception des graphismes, et j'ai décidais donc d'externaliser cette tâche à une autre personne. Orlando Petermann, de loin l'un des meilleurs graphistes sur Amiga à l'époque, était libre et ne refusa pas de m'aider. Malheureusement, il connaissait la valeur de son talent et l'ampleur de la tâche à accomplir. J'ai dû sacrifier la moitié de mes émoluments pour son travail : la conception des panneaux du jeu, des images de l'animation du personnage, l'écran de titre, les images du tableau des meilleurs scores, la carte de la vue d'ensemble, les polices de caractères, les fonds d'écran et quelques autres éléments. Je pense cependant que vous conviendrez que ce fut de l'argent bien dépensé. Le fantastique écran de titre fut un chef-d'oeuvre et exprimait bien l'esprit du jeu. Ruedi Hugentobler, de son côté, travaillait sur la conception des niveaux et était content de créer les effets sonores. L'écran titre de Traps 'n' Treasures Traps 'n' Treasures Les ennemis dans Traps 'n' Treasures Starbyte : les avocats Pour empirer la situation, Starbyte Software GmbH devint insolvable et fit faillite. Inutile de dire qu'étant l'un de ses nombreux créanciers, j'avais peu d'espoir de récupérer de l'argent. En regardant du bon côté des choses, je me disais : "Finalement, je suis maintenant libre des obligations de mon contrat, je pourrai donc proposer mon jeu à une autre société pour encore plus d'argent !". Mais j'avais tort : les droits sur Traps 'n' Treasures étaient liés à la société et périrent avec le reste de l'entreprise. Quelque temps plus tard, il se murmura qu'une société avait racheté Starbyte. Cette société s'appelait également Starbyte mais était cette fois enregistrée sous le nom de la femme de l'ancien directeur général. De cette façon, ils ont pu récupérer les droits sur les jeux sans avoir à payer leurs dettes. Pendant un moment, j'étais sûr que j'avais perdu mon argent pour de bon. Mais je ne voulais pas laisser tomber l'affaire. J'ai organisé un rendez-vous avec un avocat suisse à Zurich, qui n'était ni familier avec les lois allemandes ni spécialiste des jeux vidéo. Mais à ma grande surprise, il put m'aider à récupérer une partie de mon dû à la nouvelle société, affirmant qu'il était illégal d'apporter des modifications à mes oeuvres sans demander ma permission. Malheureusement, le travail de cet avocat m'a aussi coûté de l'argent et, en fin de compte, j'ai perçu environ 4000 FS de moins que la somme prévue. Depuis le début, l'argent n'était pas une motivation pour moi mais c'était assez decevant de gagner aussi peu après trois ans d'investissement. La fin heureuse Au final, l'une des meilleures choses était de voir mon jeu sur les étalages des magasins. Et c'était également une joie supplémentaire de le voir en test dans les magazines. Je me souviens de la grande appréhension que j'avais lorsque j'entrais dans un kiosque pour espérer lire un test de mon jeu dans un magazine. Même si elle ne fut pas fructueuse financièrement, je fus ravi d'avoir vécu cette expérience. Au cours de ces années de développement, j'ai beaucoup appris sur moi, j'ai découvert mes forces et mes faiblesses et je me suis habitué à travailler sous pression. Le plus important, c'est que j'ai appris l'importance de l'amitié et de l'esprit d'équipe. Sans le soutien de mes amis, je suis sûr que je n'aurais terminé ce projet. La fin de la galère
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