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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Reportage : Le château d'Ubi Soft
(Article écrit par Mathieu Brisou et extrait de Tilt - juillet 1988)
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Comment faire travailler une équipe de programmeurs dont l'apparente décontraction cache mal
une indéniable compétence ? La réponse d'Ubi Soft est simple : les réunir dans un endroit
calme afin de catalyser leurs talents. En l'espèce, ce lieu c'est le château Ubi Soft.
Équipe de développement
S'il existe un problème commun à tous les éditeurs de logiciels, c'est bien celui qui consiste
à créer une ambiance permettant aux programmeurs, graphistes et autres musiciens de donner
pleine mesure à leurs capacités respectives mais aussi communes. En effet, la notion d'équipe de
développement est désormais incontournable dans le domaine du logiciel.
Ubi Soft a résolu de façon originale et inattendue ce problème : cette société s'est offert un château, tout simplement...
Présentation du château
Situé en Bretagne, dans la région de Rennes, à quelques encablures de la légendaire forêt de Brocéliande
d'où est issu le mythe de Merlin l'enchanteur et du roi Arthur, ce château de style bien particulier
s'avère très impressionnant. Jugez-en par vous-même : le parc compte environ 273 hectares et le
mur d'enceinte un peu moins de dix kilomètres de long. Notez d'autre part que la superficie moyenne
d'une chambre du premier étage est de l'ordre de 80 mètres carrés et que la hauteur des plafonds
s'élève aux alentours des 5,60 mètres.
Relativement récent (il a été construit entre 1890 et 1905), ce château pose bien entendu un
certain nombre de problèmes inhérents à ce type de construction. Effectuer une tâche aussi
courante que le ménage relève ici des travaux d'Hercule. De même, mettre en place des équipes
de programmeurs nécessite certains aménagements car il est évident que l'architecte de l'époque ne
pouvait prévoir l'infrastructure nécessaire... Ainsi, un peu plus de 800 mètres de câbles électriques
ont été posés et cela ne suffit pas encore ! Il est donc normal que l'accord, qui fixe les règles
d'occupation du château par la société, définisse la répartition des tâches entre les actuels
propriétaires qui résident sur place et Ubi Soft.
Comme nous l'a indiqué Yves Guillemot, la société Ubi occupe une partie du château en échange de
quoi elle finance et effectue les travaux de restauration nécessaires, tout en respectant le
cadre et l'intégrité du mobilier qui, signalons-le, a été réalisé spécialement pour ce château.
A charge des propriétaires d'entretenir le parc et de préserver les plantations et arbres rudement
mis à l'épreuve par les tempêtes qui firent rage en Bretagne fin 1987 et rayèrent de la carte
environ un tiers de la forêt...
Partenariat avec Epyx
Le but avoué d'Ubi Soft est de faire de ce château un lieu privilégié où pourront se retrouver
des programmeurs mobilisés autour d'un développement en cours. Ainsi, à l'heure actuelle,
une quinzaine de programmeurs vivent et travaillent sur sept projets d'ores et déjà vendus
à Epyx.
Vendre et programmer ensuite ? Voilà une technique originale mais c'est bel et bien de
cette manière que les choses se sont passées, comme nous le confirment Christine Quémard
et Yves Guillemot. En fait, les premiers contacts entre éditeurs américains et Ubi Soft
ont eu lieu au CES de Las Vegas de janvier 1988 où les éditeurs américains majeurs sont
venus sur le stand Ubi afin de voir les produits présentés.
Yves et Gérard Guillemot, Christine Quémard
Dans un second temps, Yves Guillemot s'est rendu aux États-Unis pour y rencontrer à trois
reprises toutes les sociétés intéressées par cette gamme et finalement a signé avec Epyx.
Pourquoi cette société plutôt qu'une autre ? De nombreux éditeurs étaient intéressés par
quelques-uns des produits Ubi et non par l'ensemble de la gamme, comme Epyx... D'autre part,
signalons que la marque Ubi sera écrite en clair sur les logiciels distribués par Epyx aux
États-Unis. A terme, le but est donc d'implanter cette marque directement aux États-Unis
sans pour autant remettre en cause l'actuel accord avec Epyx.
D'après Gérard Guillemot, cela va même plus loin : c'est la production Ubi, caractérisée par
la recherche de performances graphiques et sonores mais aussi par l'originalité des scénarios,
qui intéresse Epyx. C'est pourquoi de véritables relations de partenariat s'instaurent entre
les deux sociétés qui n'hésitent pas à échanger leurs trucs de programmation.
La raison est évidente : l'orientation vers l'export nécessite des budgets de développement
plus lourds que ceux de productions purement nationales. L'échange de routines découvertes
par telle équipe permet à telle autre de chercher autre chose...
Notez que ce système d'échange
existe aussi entre les équipes qui développent ensemble dans le château et, comme nous l'explique
Yves Guillemot, se révèle obligatoire car Ubi n'hésite pas à travailler directement avec le
matériel des machines afin d'obtenir des programmes utilisant réellement les capacités propres
à chaque micro (c'est pourquoi certains logiciels seront fort différents sur Atari ST et Amiga par exemple).
Ainsi, la carte d'Iron Lord sur Amiga propose des moulins dont le ailes sont en mouvement et de
manière plus générale les produits à venir font directement appel au Blitter de la machine.
Autre exemple, la sonorisation des versions Apple II GS exploite ses impressionnantes ressources
en la matière. Enfin, comme le révèle Gérard Guillemot, Ubi Soft est certainement la seule société
à faire des versions EGA (pour ordinateurs PC et compatibles) en reprogrammant presque intégralement
le logiciel. Ce surcroît de travail est d'ailleurs largement justifié compte tenu des résultats obtenus :
d'un point de vue graphisme, cela s'avère très proche de ce que l'on obtient sur Atari et l'on comprend
que les sociétés américaines, qui ont eu l'occasion d'approcher ces produits, disent que c'est du
jamais vu.
Autre élément important : la volonté d'Ubi Soft de sortir des produits sur plusieurs machines simultanément,
même si telle ou telle version est prête à être commercialisée. Cela afin d'obtenir un impact maximum
et un effet de nouveauté sur l'ensemble des versions mais aussi afin de faciliter le lancement de ses
produits sur divers marchés. Ici encore on retrouve l'orientation export vers laquelle se tourne résolument
Ubi et on peut être étonné de la méthode de travail. Contrairement à ce que l'on peut observer chez
d'autres éditeurs, les programmeurs ne travaillent pas sur des gros systèmes et, comme l'explique Yves Guillemot,
le but n'est pas d'obtenir une base de données informatiques dans laquelle on prend des routines correspondant
à chaque machine.
Par opposition à une certaine industrie du logiciel, Ubi Soft est partisan d'un développement par certains
aspects artisanaux mais qui permet d'obtenir le meilleur de chaque machine. Franchement, compte tenu des
éléments que nous avons en notre possession, nous ne pouvons que nous prononcer en faveur de cette méthode
qui devrait trouver sa pleine justification à la rentrée, tant en France qu'à l'étranger.
Autre élément qui devrait assurer le succès de ces produits : la volonté d'Ubi Soft d'orienter la création.
A ne pas confondre avec diriger...
Châtelains programmeurs
Pour Yves Guillemot, la France est un berceau de créativité qu'il faut exploiter
tout en conservant les éléments originaux de chaque création. Ainsi, un produit proposé à Ubi par un auteur
extérieur pourra être pris en charge par le foyer de développement situé au sein du château dans lequel on
trouve toutes les compétences permettant d'en faire un produit réellement international.
Et comme l'explique Christine Quémard, Ubi recherche des compétences mais aussi des individus capables de
s'intégrer dans une équipe de développement. Ce qui est parfaitement compréhensible car un intervenant au
niveau d'un développement peut être amené à venir au château. Or, la vie communautaire qui préside en ce
lieu n'est pas forcément à la portée de tout le monde les programmeurs, graphistes, musiciens et autres
ne sont pas obligatoirement aptes à venir travailler dans ce lieu d'autant plus que le nombre de places
est limité.
Ainsi, Gérard Guillemot, qui désormais réside sur place et joue à merveille son rôle de châtelain,
nous explique qu'il est souhaitable qu'en temps normal le nombre de personnes présentes ne dépasse
pas un certain seuil qu'il fixe à une vingtaine. Autre élément à prendre en compte : l'âge moyen de
l'équipe et le peu de contraintes correspondantes.
Nous le voyons, malgré l'exubérance de certains membres de l'équipe, le château Ubi n'est pas une
aventure mais une opération mûrement réfléchie qui, de l'aveu d'Yves Guillemot et de Christine Quémard,
coûte très cher, sans plus de détails... Il n'en reste pas moins que l'on peut saluer cette initiative
qui permet de sauvegarder un élément de notre patrimoine tout en créant des conditions plus que favorables
à la création et au développement de logiciels français de qualité aux plus grandes destinées.
C'est tout le mal que l'on puisse souhaiter à Ubi et à sa sympathique équipe que nous avons eue bien
du mal à quitter...
Allez, on se met tous au vert
La programmation se marie mal avec des horaires de travail traditionnels. L'inspiration créatrice
n'est pas toujours au rendez-vous et, lorsqu'elle est là, une interruption intempestive est susceptible
de lui couper les ailes. C'est cet aspect de liberté des horaires qui séduit le plus la bande à Ubi
Soft. Les programmeurs reconnaissent que, depuis leur arrivée au château, ils travaillent beaucoup
plus qu'auparavant, ne faisant aucune différence entre la semaine et le week-end.
En vrais passionnés, ils considèrent presque le travail comme un amusement et, oiseaux nocturnes,
ils se brûlent les yeux devant leurs écrans pendant la nuit. La vie quotidienne s'organise autour des
machines. Les temps de repos sont erratiques et les repas se prennent librement. Le plus dodu des
programmeurs avoue apprécier le four à micro-ondes qui lui permet de se réchauffer un plat quand
il a une petite faim.
Le cadre est grandiose, le château est vaste et le parc est immense, c'est vrai.
Mais une vingtaine de personnes seulement y vivent. Les étrangers sont rares. Une passion
commune et une jeunesse insouciante - l'âge moyen tourne autour de 19 ans -
font cependant que la cohabitation se passe pour l'instant sans problèmes.
Beaucoup se connaissaient déjà et des équipes étaient déjà formées. Si chacun dispose de
sa chambre individuelle (avec lit à baldaquin !), il est remarquable qu'ils se soient
rassemblés par groupes de deux ou trois pour les occuper. Ils y disposent d'ordinateurs,
comme dans la salle commune, et peuvent ainsi travailler par affinités.
Pour l'instant, après un mois, tout se passe à merveille. Mais qu'en sera-t-il lorsque
l'état de grâce de la découverte sera passé ? Les loisirs de ces jeunes gens, selon eux,
tournent surtout autour du parc : promenades dans les bois ou sur le lac, s'il leur arrive
de prendre la voiture pour se rendre à Rennes ou à Vannes, il semble que, là aussi et de
leur propre aveu, la balade sans but soit leur activité principale. Ils ne semblent même
pas s'être aperçus que, chez eux, les femmes sont rares.
Ils manifestent une grande réticence à parler d'argent. Presque tous sont des indépendants,
payés à la production. Ils refusent cependant de dévoiler leurs revenus, arguant une grande
différence selon les programmes et les machines. Est-ce qu'ils gagnent trop ou pas assez ?
En tout état de cause, chacun y trouve son compte. Les programmeurs, entièrement pris en
charge, vivent sans soucis et Ubi Soft profite d'une productivité exceptionnelle.
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