Entrevue avec Neil Thomas
(Entrevue réalisée par Adrian Wallett et Anthony et extraite de Arcade Attack - janvier 2020)
Note : traduction par David Brunet.
Nous ne collaborons pas autant que nous le devrions avec les autres créateurs de contenu sur les jeux vidéo rétro.
Mais ce constat s'arrête maintenant ! Anthony et Adrian Wallet ont rencontré Neil Thomas, le maître YouTubeur
derrière la chaîne RetroManCave, pour
voir ce qui le motive. Avec près de 100 000 abonnés, il est facilement l'un des plus grands créateurs de
tous les temps de contenu sur les jeux rétro ! Voici donc une rapide session de questions-réponses entrecoupées
de quelques-unes de ses vidéos préférées. Bonne lecture !
Neil Thomas de RetroManCave
Neil, merci
de vous être arrêté ici ! Comment est né RetroManCave ?
J'ai enregistré le nom d'utilisateur RMC (RetroManCave) sur YouTube dès 2012. Ce nom provient de ma femme qui
avait baptisé le sous-sol où j'avais bricolé le kit rétro "The Man Cave", et ce nom était à l'époque encore disponible
sur YouTube. J'avais l'intention de partager certains de mes projets sur YouTube, mais la vie a pris quelques
tournants et je me suis retrouvé à devoir vendre ma collection rétro, et donc RMC a été utilisé comme une chaîne
pour montrer le déballage d'objets que je vendais sur eBay afin que les acheteurs puissent voir exactement ce
qui était à vendre. Inconsciemment, je pense que je le faisais aussi pour préserver la mémoire de certains
beaux matériels dont je ne voulais pas me séparer.
Ce n'est qu'en 2017, après plusieurs déménagements et un certain temps passé à travailler en France, que je
me suis finalement installé au Royaume-Uni et que j'ai diffusé ma première vidéo sur ma chaîne dans sa forme
actuelle. Il s'agissait d'un test d'un simulateur de vol rétro non planifié et non scénarisé qui fut créé
sans autre but que de partager ma passion et de toucher d'autres personnes comme moi pour voir si je pouvais
me faire de nouveaux amis avec des intérêts similaires. Rétrospectivement, cette vidéo est terrible à voir,
mais j'aime laisser les anciennes vidéos pour me remémorer le chemin parcouru et aussi pour encourager les
autres en leur montrant que le succès est rarement instantané sur YouTube. Il faut du temps et de l'expérimentation
pour trouver son style et évoluer de façon naturelle vers quelque chose que vous et votre public appréciez.
Par où commencer
pour réaliser une nouvelle vidéo, et d'où viennent les premières idées ? Pouvez-vous nous expliquer le processus
typique que vous suivez ?
Il est amusant de constater que les gens me demandent souvent comment je trouve des idées pour continuer à
faire du contenu et c'est honnêtement la partie la plus facile du travail. J'ai plus de 40 ans d'histoire de
l'informatique domestique à explorer et je ne fais que suivre ce que je ressens comme une curiosité ce jour-là.
Je travaille en me basant sur le fait que si c'est quelque chose que je trouve intéressant, alors j'espère
que mon public le trouvera aussi. Pour essayer de différencier ma chaîne, j'aime utiliser, autant que possible,
des images nouvelles et originales sur le sujet, donc une fois que j'ai une idée, j'essaie d'acquérir le matériel
s'il ne fait pas déjà partie de ma collection.
La planification d'une vidéo varie en fonction du format. Si c'est une vidéo pour "montrer et expliquer",
c'est comme si je préparais une entrevue, je veux en savoir suffisamment sur le sujet pour en parler, mais
pas au point que l'invité ne soit plus l'expert, il doit diriger la projection et la narration.
Si la vidéo a pour sujet une réparation, il y a un objectif final clair, alors j'ai tendance à laisser les
caméras tourner et à faire la réparation. De cette façon, vous avez plus de chances de détecter des problèmes inattendus,
des erreurs ou des condensateurs qui explosent. Et tout cela contribue à la narration et rend la vidéo plus intéressante.
Une vidéo de style documentaire est cependant très différente, elle nécessite beaucoup de recherche et le
scénario est écrit avant que je ne prenne la caméra. C'est un peu comme si j'écrivais un livre que je devais
ensuite illustrer d'une manière qui complète et améliore la narration.
Le format le plus imprévisible est celui des vidéos "Retro Road Trip" (équipée routière rétro), car je charge
ma voiture et je me rends à un endroit sans avoir la moindre idée de ce à quoi je vais être confronté.
C'est un véritable exercice de réflexion pour obtenir les images dont j'ai besoin et obtenir de l'hôte
une conversation intéressante afin que je puisse avoir une bonne vidéo à monter avec lui. Je repars généralement
avec une énorme quantité d'images à traiter.
Je vois vraiment RMC comme une chaîne proposant de nombreux formats suffisamment différents pour qu'elle reste
intéressante pour le spectateur mais aussi pour moi. Chacun de ces formats peut être aussi gratifiant et épuisant
que l'autre, donc en terminer un et passer à un nouveau format pour la prochaine vidéo permet de garder les
choses fraîches pour moi et les spectateurs.
Selon vous, pourquoi
RetroManCave a un nombre si important d'adeptes, et est en constante augmentation ?
Je suppose que c'est parce qu'il y a beaucoup plus d'amis à se faire qui ont le même intérêt que moi, que je n'en
rêvais lorsque j'ai fait cette première vidéo.
J'ai toujours eu une vision globale de ma chaîne, même si elle présente souvent une perspective très britannique
de la technologie, cela provient probablement d'une vie professionnelle très nomade dans l'informatique qui
m'a permis de profiter de nombreux pays et cultures. Cela se reflète dans le fait qu'environ 50 à 55% des
spectateurs se trouvent dans des pays où l'anglais est une langue maternelle. Il y a tout un monde à explorer,
et j'essaie donc de parler clairement, d'éviter les expressions familières ou l'humour qui peuvent être mal
interprétés et d'être compris par le plus grand nombre de personnes possible. Le meilleur moyen d'y parvenir
est parfois de ne pas parler et de laisser la vidéo parler d'elle-même.
Je pense que je suis également apparu à une époque où la "fausse colère" était un style de présentation très
populaire sur YouTube et où mon approche plus détendue séduisait le public qui s'intéressait à mes sujets.
J'avoue que j'ai parfois eu l'impression d'être trop détendu dans mon style, mais je pense avoir trouvé un
équilibre qui permet aux gens d'être tout aussi détendus et enthousiastes face à ce que je partage.
Parmi toutes
les vidéos que vous avez créées, quelle est votre favorite et pourquoi ?
C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. La série "Amiga 500 Trash To Treasure" est
spéciale parce que c'est celle qui m'a fait connaître et a vu un afflux de nouveaux abonnés tout en me
reconnectant à une machine qui était incroyablement importante pour moi.
Le documentaire sur le monde des clones soviétiques du ZX Spectrum est également un documentaire que j'ai beaucoup
aimé réaliser. Je n'avais pas d'expérience directe de ce monde, donc il fut très enrichissant d'apprendre tant de
choses lors de sa création.
Une chose que j'ai beaucoup appréciée dernièrement, ce sont les entrevues du lundi et les vidéos "Retro Tea Break".
Elles ne sont pas particulièrement appréciées par rapport à d'autres vidéos, mais ceux qui aiment ce format
sont très impliqués. Dans ces vidéos, j'ai discuté avec des personnes de l'industrie comme Oliver Twins, Al Lowe,
Rob Hubbard et Mike Dailly. Ce sont les héros de l'industrie des jeux vidéo et de l'informatique avec lesquels
je n'aurais jamais pu dialoguer auparavant, mais le succès de ma chaîne leur offre un bon exutoire pour raconter
leurs histoires et nous sommes tous gagnants. Préserver ces conversations avec les pionniers de l'industrie
pendant que nous le pouvons encore est bien plus important pour moi que de voir des chiffres, ce sont de petites
pépites de l'histoire.
Est-il facile
pour vous de deviner le succès de chaque vidéo avant sa sortie ? Avez-vous déjà eu des vidéos qui ont fait
mieux ou moins bien que prévu ?
C'est pratiquement impossible ! Lorsque je travaille sur une série, si le premier épisode se passe bien,
le public suit généralement la série, ce qui est un peu plus facile à prévoir. Mais on ne sait jamais vraiment
ce qui va captiver l'imagination. J'essaie d'éviter d'utiliser des titres et des vignettes "piège à clics"
parce que je pense qu'il est préférable d'élargir lentement un public de qualité qui s'intéresse à toute une
série de sujets plutôt que de s'abonner sur la base d'une seule vidéo et ne pas s'engager plus avant.
J'évite aussi largement les annonces et produits récents comme les nouvelles sorties de systèmes en version "mini"
parce que, comme je l'ai dit plus tôt, j'ai quarante ans de jeux vidéo rétro à couvrir, il n'y a donc pas de
précipitation.
Vous avez
parlé à de véritables légendes du jeu vidéo rétro. De quelle entrevue êtes-vous le plus fier ?
J'ai eu beaucoup de plaisir à discuter avec nombre d'entre eux grâce à ma chaîne et j'apprécie particulièrement
de discuter avec eux dans mon balado "Retro Island Diskettes" (qui a été récupéré
ici). C'est une émission longue durée
dans laquelle on entend l'histoire de leur vie et aussi sept morceaux de musique informatique de leur choix.
Parmi les invités figurent Jim Bagley, François Lionet (auteur de STOS/AMOS), Stoo Cambridge (Sensible Software),
Steve Hammond (DMA Design), ainsi que des personnes moins connues mais qui ont apporté une énorme contribution
à l'industrie. Parfois, ce sont les héros méconnus qui ont les histoires les plus intéressantes.
Quel invité
rêvez-vous de voir dans RetroManCave ?
Malheureusement, Jay Miner alias le père de l'Amiga n'est plus parmi nous, mais il serait un invité de rêve.
Tout comme Steve Wozniak, il donne un récit très intéressant de sa vie dans le livre iWoz mais j'aimerais
creuser un peu plus le sujet. Richard Garriot serait l'entrevue du développeur de jeux de mes rêves, car
il a écrit les jeux qui ont façonné une grande partie de ma vie de joueur avec la série Ultima, oh et il a
été dans l'espace !
Quelle est la
taille de votre collection personnelle d'objets rétro et lesquels sont les plus précieux ?
Étonnamment, elle n'est pas énorme malgré mon appétit. J'essaie de ne pas collectionner les doubles car je
ne veux pas priver les autres de la possibilité de profiter du kit rétro, et j'ai dû vendre ma collection
originale en 2012. Je n'ai recommencé à collectionner qu'en 2017.
Je possède quelques intéressantes technologies, comme un Sharp x68000 qui m'a ouvert les yeux, je
ne savais pas que cela existait à l'époque. C'est un véritable monstre de puissance avec des portages
incroyables issus de l'arcade. Le Pioneer Laser Active est également une machine intéressante, non
seulement en raison du fait qu'il fallait lui changer des centaines de condensateurs pour le faire
fonctionner, mais aussi en raison de la cérémonie que représente le chargement d'un jeu à partir d'un
énorme disque laser. C'est tout un événement.
Comme la plupart des gens, je pense que les machines avec lesquelles on a grandi gardent une grande place dans nos
coeurs, donc mes Amstrad CPC464 et Amiga 500 seront toujours prêts, dans un coin, à être allumés.
Ils me ramènent instantanément dans la chambre de mon enfance.
Quels sont vos
trois jeux favoris de tous les temps ? Pour quelles raisons ?
Mes choix ont tendance à changer tous les jours, mais ceux-ci seront toujours au sommet :
Ultima 7: The Black Gate sur PC. C'est un jeu avec une grande boîte remplie de cartes, de légendes
et de sensations qui vous plonge complètement dans un monde vivant, dangereux et mystique. C'était le dernier
des grands Ultima avant que la série ne prenne un tournant négatif, à l'exception des premières années d'Ultima
Online.
Robotron 2084 sur arcade. Se pencher sur un écran CRT avec deux manettes à la main sur un meuble Williams
original est le summum de l'immersion totale dans une salle d'arcade. Votre cerveau n'a plus d'espace pour
penser au monde extérieur. Le son, les graphismes, les réflexes... Robotron est tout ce que j'attends d'une
expérience d'arcade.
Goal de Dino Dini sur Amiga. Mieux que Sensible Soccer. Je ne veux pas entendre le contraire.
Quels
conseils donneriez-vous à toute personne souhaitant créer sa propre chaîne de jeux rétro sur YouTube ?
Il faut bien comprendre les bases et laisser tout se mettre en place de façon naturelle. Par bases,
j'entends s'assurer que l'on peut être entendu clairement, éviter l'effet "caméra et main tremblante",
utiliser un trépied et allumer les lumières. C'est incroyable de voir le nombre de personnes qui commencent
à filmer sans se demander si elles vont regarder le contenu elles-mêmes. Je pense que nous sommes tous
déçus par une caméra qui ne montre pas le sujet discuté et un micro qui fait de l'écho.
Cela ne devrait pas prendre plus de 5 minutes de réflexion. Alors, allez-y !
Si vous pouviez
boire un coup avec un personnage de jeux vidéo, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Ce serait Miner Willy. Il paraît qu'il organise les meilleures fêtes dans son manoir.