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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Test de Conflict: Europe
(Article écrit par Clence Tum et extrait de Nes Pas - mars 2012)
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Conflict: Europe est un jeu de stratégie au tour par tour développé et publié par Personal Software Services (PSS)
pour Amiga et Atari ST.
Petit voyage dans le temps, direction la France de 1989. Ambiance second mandat de Tonton, crise économique et Mylène Farmer.
Il est presque une heure du matin, un soir pluvieux de novembre dans la banlieue parisienne. Vous avez passé la soirée à
essayer de finir Zelda 2, et par conséquent vous avez un petit peu la tête enfoncée au fond du cul.
Histoire de vous changer les idées avant d'aller au pieu, vous allumez la téloche. Boum, TF1, journal de la nuit.
Petit générique à l'orgue Bontempi (c'était avant qu'ils décident de mettre la musique des Dents De La Mer pour
faire peur aux bourgeois). La tête de Jean-Claude Narcy, un peu pâle, la mèche en bataille, l'air pas rassuré,
on dirait qu'il est prêt à se barrer de son siège dès que la caméra l'aura lâché.
"Madame, Monsieur, bonsoir. Réunion de crise à Bruxelles : les ministres de la défense des pays de l'OTAN et de
la France se rencontrent actuellement pour décider de la démarche à adopter suite aux mouvements des troupes soviétiques
signalés à la frontière entre les deux Allemagne. Ce que le Kremlin avait qualifié de "simple exercice d'entraînement"
a été dénoncé un peu plus tôt aujourd'hui comme "un véritable acte de guerre" par George Bush. Nous avons reçu il y a
quelques minutes la confirmation qu'une grande partie des armées polonaises et roumaines s'était mise en mouvement
vers l'Ouest.
De ce côté-ci du Rideau de Fer, l'ensemble du trafic aérien civil a été interrompu pour permettre le passage de
nombreux avions de transport américains vers Ramstein. En France, l'armée a rappelé la totalité de ses réservistes
et François Mitterrand a déclaré, dans un enregistrement vidéo adressé depuis un lieu inconnu, que "nous n'hésiterons
pas à faire usage de tous les moyens à notre disposition pour défendre le territoire français". Le mois avait pourtant
bien commencé avec l'ouverture de la frontière austro-hongroise, mais la situation s'est envenimée lorsque le
premier secrétaire est-allemand..."
Soudain, votre attention est détournée du poste par un bruit provenant de l'extérieur, qui se fait de plus en plus
fort et de plus en plus aigu. Vous allez ouvrir la fenêtre pour essayer de voir de quoi il s'agit. C'est marrant,
ça ressemble à la sirène du premier mercredi du mois... Mais on n'est pas mercredi... Tout d'un coup, vous
comprenez ; vous avez juste le temps de penser "Je ne jouerai jamais à la Game Boy..." Et puis, plus rien.
Oui, bon, je sais, en vrai ça ne s'est pas passé exactement comme ça. Mais c'est toujours plus drôle quand ça finit
mal. Qui ne regrette pas cette époque bénie où PPDA, qui avait encore ses vrais cheveux, nous faisait peur avec des
termes barbares, comme "SS-20" ou "Pershing II" ? Aujourd'hui, le pauvre est un peu à la peine, faut dire qu'il
a que des essais de bombes A à moitié foirés à se mettre sous la dent, ou des barbus qui font genre "moi aussi si je
veux j'ai une grosse bite" devant le conseil de sécurité de l'ONU. Et puis tenez, si l'Humanité avait décidé de
s'anéantir d'un commun accord en 1989, la Starac' et la Tecktonik n'auraient jamais vu le jour. Et ça, on oublie
trop souvent de le dire.
Mais pas de regrets, Conflict: Europe se propose de nous faire vivre la Troisième Guerre Mondiale, la vraie, celle de
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord contre Le Pacte de Varsovie, avec des divisions blindées, des bombardiers
stratégiques, des missiles intercontinentaux et des couilles poilues grosses comme ça. Ne le niez pas, vous avez tous rêvé
d'en être, un jour d'énervement notoire contre l'ensemble de vos contemporains.
Bref. Vous avez envie de tout faire péter, et ce jeu va vous en donner l'occasion. C'est parti. Tout commence par une
introduction sobre, en noir et blanc, où l'on voit les gros titres pessimistes d'un journal défiler à côté d'une mère
et de son gosse qui se demandent à quelle sauce ils vont être vitrifiés. Notez qu'on reconnaît bien là le jeu des
années 1980 : la mère en question a une choucroute infâme sur la tête, et le gosse une coupe au bol, la même
que sur vos photos de classe de maternelle.
Soit, ça ne donne que plus envie de transformer l'Europe en une immense banlieue de Saint-Étienne. On choisit son
camp entre l'Est ou l'Ouest (non la Suisse n'est pas jouable, n'insistez pas), et on lance un des sept scénarios
disponibles, qui vont de "Escarmouche frontalière" à "Dédé conduit son 15 Mégatonnes sur les autoroutes allemandes".
Le jeu commence. Nous voilà dans une grande salle sombre au fond d'un bunker, genre Docteur Folamour, bien planqué sous
les montagnes de l'Oural (ou des Rocheuses si vous êtes un sale impérialiste, 'ferez moins le malin quand vous vous
balancerez au bout d'une corde à un lampadaire de l'avenue Foch le jour du Grand Soir). Au mur, un écran géant projette
une carte de l'Europe, centrée sur l'Allemagne. Pour l'instant, les différentes armées, représentées par des petits
carrés bleus ou rouges, sont bien rangées sur la frontière séparant l'Ouest et l'Est, le capitalisme et le communisme,
la liberté de jouer à la NES et l'obligation de compter avec un boulier.
Et c'est à vous de jouer. Le but est de réduire à néant les troupes adverses, en faisant aussi vite que possible et en
limitant les pertes civiles (quoi ? On ne peut pas atomiser Zurich pour rigoler alors ?! Mais si, attendez
un peu). Pour ce faire, le jeu est divisé en plusieurs phases. En premier, le mouvement. A chaque tour, on peut
déplacer ses armées d'une case. Il y a certaines subtilités, comme les troupes aéroportées ou amphibies, mais ça ne
change pas des masses.
Vient ensuite l'assaut. On peut décider d'attaquer les armées ennemies qui se situent juste à côté des nôtres. C'est à ce moment-là
qu'il faut faire gaffe à quoi on touche, parce qu'il faudrait être complètement mad, ou con, ou les deux, pour envoyer l'armée
italienne seule contre les troupes de chocs russes, convenez-en. Et inversement, puisqu'il vaut mieux éviter tout contact entre
les divisions polonaises et le IIIe corps US.
De temps en temps, à la fin d'un tour, on a la bonne surprise de voir des renforts débarquer. C'est vrai qu'il ne faut
pas oublier que pendant que vous faites le gugusse à dévaster les villages bavarois, à l'arrière on ne se prive pas
pour faire les trois huit dans les usines d'armement et enrôler de force des jeunes gens qui préféreraient sans doute
être rouges plutôt que morts, mais qui s'en soucie. Bref, les renforts peuvent être attribués aux armées qui auraient
éventuellement souffert des attaques ennemis.
Mais, vous l'aurez vu venir, les forces en présence sont plus ou moins à égalité, et la situation à tendance à
s'enliser, chaque côté recevant régulièrement de la chaire fraiche. C'est alors que vous jetez un oeil vers ce
curieux bouton rouge, vous savez, le gros dans une boîte en verre, avec des gros autocollants jaune et noir autour, à
base de "warning", "no hands on", ou encore "touchez pas, bordel !". Pendant un instant, vous vous vous dites
que l'être humain vaut peut-être le coup, mais finalement merde, il fait super chaud dans cette salle même pas
climatisée, et cet uniforme ridicule me sert le bide, finissons-en.
On ouvre donc la console de lancement. Le feu nucléaire s'utilise de la façon suivante : il faut taper des codes, qui se trouvent
dans le manuel du jeu (oui, pas de chance si vous avez une copie pirate, ce qui était le cas d'à peu près la totalité des joueurs
Amiga de l'époque), et qui ont tous un effet différent : détruire une ville pour diminuer les renforts de l'ennemi, un aéroport
pour l'empêcher d'avoir la supériorité aérienne (qui détermine qui commence à jouer à chaque tour), un silo de missiles pour
l'empêcher de vous rendre la pareille, etc.
Les codes sont très, euh, parlant : par exemple, "Dirty Harry" ou "July 14" pour l'OTAN, "Iron Curtain" et "Red Star" pour les
popovs. "Fumble Winter" et "Fire Storm" sont à utiliser uniquement si vous vous retrouvez coincé sur une montagne des Pyrénées
avec trois Italiens et deux Français comme seuls rescapés de l'armée alliée, puisqu'ils déclenchent une attaque globale, ce
qui a pour effet de chambouler quelque peu le haut de la liste des formes de vies les plus évoluées, et concrètement, de produire
un bel écran Game Over.
Mais c'est à partir de là que la bât blesse, malheureusement. Car non, tout n'est pas rose au pays de la guerre thermonucléaire
globale. En effet, on se rend vite compte, que la stratégie, la diplomatie, tout ça, l'ennemi n'en a rien à secouer. Les
développeurs, dans leur précipitation bien légitime à vouloir faire des jolies animations de champignons, ont oublié d'implanter
une intelligence artificielle.
Ce sont des choses qui arrivent, me direz-vous. On assiste donc à des situations sehr komisch, où, selon l'humeur de l'instant,
vous vous prenez l'ensemble des forces de frappe américaines, britanniques et françaises réunies dans la gueule, juste pour
avoir envoyé une petite bombinette tactique sur une armée neutre qui vous gênait pour passer ; la partie d'après, vous pourrez
oblitérer une par une les armées alliées, personne n'y trouvera à redire.
Et du coup, toutes les subtilités bien sympathiques du jeu ne servent plus à grand-chose. Bombardements chimiques, espionnage,
sabotage des voies ferrées, diplomatie, on s'en fout, de toute façon ceux d'en face réagiront toujours n'importe comment. Genre,
suite à une attaque, mes armées tirent la tronche, je n'ai pas de renforts avant plusieurs jours, plutôt que de me retirer pour
me refaire, je vais foncer en hurlant et en agitant les bras sur quinze divisions russes en pleine forme qui font écran. De plus,
les deux camps sont parfois déséquilibrés : les Rouges se retrouvent un peu trop facilement les yeux dans l'eau sur une plage
bretonne au bout de trois jours de conflit. Cela dit, l'affrontement dure 30 jours, et sera déclarer vainqueur
le camp qui aura réussi à détruire entièrement les unités au sol, ou à perforer de manière significative
les frontières adverses.
La partie technique n'est pas trop maltraitée, mais ça ne suffit pas pour rattraper cet état de fait. Les graphismes sont
stricts, mais ça convient bien à l'ambiance bidasse-caserne-bleu bite de la chose. On peut signaler tout de même quelques
animations rigolotes, comme les techniciens qui se baladent de temps en temps devant l'écran de contrôle par exemple.
Côté son, même topo : la musique est absente, mais il y a quelques effets de bon aloi, comme les battements de coeur qui se
font de plus en plus rapide au début du jeu, ou le télex qui débite les diverses informations que l'on reçoit du front avec
le bruit insupportable de l'impression sur ce papier de con, celui avec les trous sur les côtés. Très "oldies", mais ça ne le
fait pas tout.
En conclusion, Conflict: Europe est typiquement le genre de jeu qu'on découvre en se disant "Wouah on peut faire ça ! Trop cool !",
avant de se rendre compte, dix minutes plus tard que "Ah, mais, ça sue la haine en fait". A essayer une fois tout de même,
juste pour sentir sur sa nuque le souffle froid et sec de l'hiver nucléaire.
Nom : Conflict: Europe.
Développeurs : The Development Company.
Éditeur : PSS.
Genre : jeu de stratégie.
Date : 1989.
Configuration minimale : Amiga OCS, 68000, 512 ko de mémoire.
Licence : commercial.
Prix : environ 250 FF.
NOTE : 7,5/10.
Les points forts :
- Le nombre d'options est impressionnant.
- Simple à utiliser.
- Le réalisme.
Les points faibles :
- Sons limités.
- Déséquilibré, en faveur du Pacte de Varsovie.
- Certaines subtilités/options du jeu semblent servir à pas grand-chose.
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